Batwoman #1
Il est donc enfin là, ce premier numéro de Batwoman Rebirth (à ne pas confondre avec Batwoman : Rebirth #1 sorti le mois dernier et faisant surtout office de #0, un consensus de bon niveau entre les adeptes de longue date et les nouveaux convertis via la série Detective Comics), un opus qui se veut être un nouveau départ pour notre héroïne culte, mais qui comprend tout de même assez de fan service pour caresser dans le sens du poil les quelques vieux lecteurs que nous sommes ici.
Malgré (ou à cause) de ma dévotion sans borne pour cette héroïne (je vous invite à lire les 165 autres billets déjà écrits à son sujet), il n’est pas chose aisé de ne pas voir d’un œil suspect cette nouvelle série consacrée à Batwoman. Certes, on retrouve Marguerite Bennett, James Tynion IV et Steve Epting, des d’artistes qui ont fait leurs preuves et qui ont une réelle légitimité ici, quant aux vœux pieux de DC, ils sont également les bienvenus…
Mais la plaie reste encore tellement ouverte qu’il faudra je crois plus d’un premier numéro, aussi réussi soit-il (c’est effectivement le cas), pour faire oublier un passé parfois douloureux concernant notre Déesse de Gotham.
Ironie du sort, les nouvelles aventures de Batwoman ont elles aussi une connexion avec une période de sa vie parmi les plus sombres, intitulée The lost year et correspondant à sa mise en abîme (dans tous les sens du terme, d’ailleurs dans ce numéro on remarquera un splendide graphisme de la part de Steve Epting sur ces quelques flash-back) liée à son renvoi de West Point pour cause d’homosexualité.
Mais les premières pages de ce numéro sont bel et bien encrées dans le présent, d’un exotisme digne des meilleurs films de James Bond. Car outre le fait que la scène d’ouverture se déroule en plein cœur du Grand Bazar d’Istanbul (l’exotisme est donc au rendez-vous, et croyez-moi dans mes souvenirs ce site majestueux est d’une splendeur autant visuelle qu’olfactive et auditive), Kate Kane a également droit aux dernières ressources technologiques dignes des films où officient Miss Moneypenny et Q, tous deux incarnés ici en la seule personne de Julia Pennyworth.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il existe une certaine défiance entre les deux femmes qui vont devoir sans doute s’apprivoiser au fil des épisodes, nous sommes bien loin de la relation fusionnelle entre Bruce et Alfred.
Alors ça, c’est pour la nouveauté (ou du moins il n’y a pas eu un seul moment où j’ai regretté de la retrouver dans l’espace) : la nouvelle série Batwoman est un savant mélange d’aventure et d’espionnage où son héroïne continue mine de rien de s’émanciper de sa figure tutélaire.
Mais qu’en est-il du respect de sa mythologie et par la même occasion de celui de ses premiers fidèles ?
Tout comme dans le précédent numéro (rappelez-vous l’allusion à Alice au Pays des Merveilles), ici encore nous avons droit à des clins d’œil sympathiques mais qui je l’espère ne deviendront pas redondant. Car à force tout cela va devenir à mon sens un petit peu lourd…
Je veux parler entre autre de la phrase He’s gonna get my boot in his face, référence à peine voilée de la couverture du Batwoman #o version New 52, ainsi que le yacht servant de base opératoire dans cette nouvelle aventure et prénommé Séquoia, arbre mythique pour la dynastie des Kane qui n’aura pas survécu à l’assaut de l’Hydre…
Malgré tout ce fan service, l’une des questions qui me taraudaient l’esprit était de savoir si nous allions retrouver Bette Kane dans ces nouvelles aventures en plus d’un autre personnage diablement emblématique teasé dans l’opus précédent. Et bien il suffit de lire ce numéro pour en avoir la réponse ^^
Je ne vais donc absolument pas me plaindre, Batwoman est bel et bien de retour et rien ne peut me rendre plus heureuse actuellement en terme de parution mensuelle.
Mais soyons direct, les Anciens ne pourront que ressentir un manque. Pour les connaisseurs, l’erreur fondamentale serait de vouloir comparer cette nouvelle série avec les précédents travaux de Rucka, Williams III et Blakman. Actuellement, réjouissons-nous d’abord que les nouveaux artistes crédités se sentent aussi impliqués, mais restons vigilants, car il est des personnages qui ne sauraient sombrer dans la demi-mesure.
Mais ce n’est nullement le cas ici, pour le moment.
Batwoman : Rebirth #1
En décembre 2014, je faisais mes « adieux » à Kate Kane. La rage au ventre j’expliquais à quel point ma rencontre avec elle avait changé ma vie quatre ans auparavant, à quel point elle m’avait inspirée dans mes combats du quotidien. La rage au ventre j’expliquais à quel point j’en voulais à DC Comics de l’avoir sacrifiée via sa politique éditoriale, tout d’abord en refusant son mariage avec Maggie Sawyer prévu à l’époque par JH Williams III et W. Haden Blackman et de fil en aiguille de l’avoir laissée décrépir sous la plume de Marc Andreyko, un auteur que j’aime beaucoup malgré tout, soit-dit en passant.
J’étais toutefois persuadée que cette séparation forcée ne serait pas définitive. J’étais intimement convaincue que nous nous retrouverions tôt ou tard, Moi continuant à parcourir les pages dans lesquelles Elle se battrai pour l’honneur, la justice, et bien plus encore. Aujourd’hui, ce moment est enfin arrivé.
Kate Kane/Batwoman est une héroïne créée en 2006 à des fins bien particulières, pour ceux qui ne la connaissent pas encore je vous laisse explorer son histoire ici. Son existence est tellement importante auprès d’une certaine catégorie de lecteurs que sa disparition a suscité les plus grands émois, et ce à juste titre.
Son retour étant donc d’autant plus appréhendé et sujet à toutes les interrogations que DC Comics dans sa démarche éditoriale du Rebirth a su réfléchir sur le choix de ses auteurs, tout d’abord avec James Tynion IV, scénariste bi (on peut dire ce que l’on veut, mais oui ça reste important de le notifier) qui fera d’elle une pierre angulaire de l’équipe de vigilantes constituée par Batman dans la série Detective Comics.
Après plusieurs arcs où elle fut présente au sein de cette série mythique, et parce que notre Déesse de Gotham se suffit tout simplement à elle-même, il était grand temps que Batwoman évolue enfin à nouveau sur sa propre série régulière, DC mettant les petits plats dans les grands comme pour se faire pardonner des outrages passés grâce à deux numéros centrés sur elle dans Detective Comics #948 et 949 (les premières aventures solo de Batwoman étaient également apparues dans cette série, à partir du #854).
Cette première mise à plat faite, voici ce dont il s’agit concernant ce Batwoman : Rebirth #1 : Mise à part quelques détails à droite à gauche, il n’y a rien de nouveau scénaristiquement vis a vis de la vie personnelle de Kate Kate, mais le fait est que ce numéro n’est absolument pas là pour en faire état.
Dans ce premier opus du Rebirth de Batwoman, il s’agit bien de trouver un consensus entre les nouveaux lecteurs sensibilisés au personnage grâce à Detective Comics Rebirth, tout autant que ceux biberonnés au publications « historiques » de l’héroïne.
Comme je l’ai déjà expliqué des centaines de fois, Kate Kane est un personnage complexe… Dotée d’un passé, d’un passif, suivant une voie tout autant militaire qu’engagée, où chaque lectrice et lecteur aura su intégrer certains principes fédérateurs depuis toutes ces années.
Au même titre que Greg Rucka avec son Wonder Woman Rebirth, James Tynion IV et Marguerite Bennett vont tout faire pour limoger les directions farfelues et out of character prises à la fin de la série précédente. Les deux scénaristes vont en effet s’appliquer à ne retenir que le meilleur de l’héroïne, décrivant son passé et les moments forts qui ont bâti sa mythologie à travers différents flash-back, dont certains ont un air de déjà vu.
Le « vieux » lecteur aura effectivement parfois l’impression de regarder le même film sous un autre angle, l’hommage appuyé à Greg Rucka et JH Williams III peut paraître ainsi excessif (jusque dans le découpage de Steve Epting), mais il s’agit bel et bien d’un retour aux sources que les trois auteurs cherchent à retranscrire, comme pour écarter toute ambiguïté.
Autre certitude concernant cette nouvelle série consacrée à Batwoman, son appartenance à la communauté Queer sera au cœur de ses nouvelles aventures, et abordé de la même manière que son statut de justicière. On éprouve déjà un réel plaisir de retrouver Renee Montoya et Maggie Sawyer le temps de quelques cases, et de faire connaissance avec une nouvelle conquête provenant de son passé tumultueux.
Sans bien sûr faire oublier le génie de JH Williams III, Steve Epting arrive très bien à reprendre les codes graphiques de son prédécesseur notoire, tout en imposant sa patte personnelle, plus proche de Michael Lark sur Lazarus, Epting étant lui-même l’illustrateur de la série Velvet dont on retrouve aussi pas mal de similitudes.
Je serais par contre un petit peu plus critique vis à vis des couleurs du pourtant très talentueux Jeromy Cox, qui ne rendent parfois pas service au travail du dessinateur. J’aurais justement bien vu Elizabeth Breitweiser continuer sa collaboration avec lui, beaucoup plus proche de ce qu’a pu faire Dave Stewart sur la série initiale. C’est quand même un petit peu dommage…
Quoi qu’il en soit, ce nouveau trio créatif a largement su satisfaire mes attentes pour ce numéro baromètre dans ce que cette série envisage de nous apporter, jusqu’à ajouter des petits détails anodins mais précieux sur le retour de certains personnages emblématiques (un indice : jetez un œil sur le pont du yacth).
Il y a donc de quoi se réjouir et être confiant pour la suite des aventures de notre héroïne, il n’y a pas de doutes, celle-ci est entre de bonnes mains.
Detective Comics #948 et #949
La vérité c’est que, nom d’une chauve souris, la vie vous défile à la vitesse d’un cheval au galop.
J’ai en effet à peine eu le temps de digérer le fait que Batwoman ferait désormais partie intégrante du Rebirth de DC Comics, par le biais d’une présence constante et appuyée dans Detective Comics où le scénariste James Tynion IV nous avait promis une importance quasi binaire vis à vis de celle du Chevaler Noir, que nous sommes déjà aux prémices d’une nouvelle ère pour notre justicière et inspiratrice de ces lignes (oui, ok, de ce blog).
Le principal intérêt pour moi de lire ces quelques numéros de Detective Comics depuis le #934 a été de voir comment une équipe de vigilantes constituée, non pas par une, ni deux, mais bel et bien trois de mes chouchoutes (Kate, Steph, et Cass) allaient évoluer et interagir ensemble malgré l’omnipotence de Batman, commercialement inévitable sur ce titre, je le conçois bien évidemment.
Sur cette série on sera d’accord sur une chose, c’est à dire sur le fait qu’Orphan/Cassandra Cain soit mise en retrait par rapport aux autres personnages, constat à priori réparé avec le #950 illustré par l’excellent Marcio Takara, mais que je n’ai pas encore lu.
Kate Kane et Stephanie Brown ont quant à elles su exister dans cette série, James Tynion IV arrivant intelligemment à coïncider leurs backgrounds respectifs, leurs affects, leurs talons d’Achille.
Lorsque l’on connait Batwoman sur le bout des doigts et que j’on veut écrire à son sujet, plusieurs paramètres sont à prendre en compte, et de façon complètement, totalement, et définitivement égale (et c’est bien là ce qui nous pose problème ici).
Batwoman est un Soldat, elle est une Vigilante, elle est aussi Lesbienne. Ce qui est évident, c’est que Detective Comics n’a ni eu la place ni le devoir de développer tout cela auprès des lecteurs, pour les vieux baroudeurs dans notre genre, c’est n’est pas bien grave, mais qu’en est-il pour les autres ?
La série prend par contre beaucoup plus de libertés concernant la relation entre Kate et son père Jacob, une relation fondée sur le sens du devoir et de l’honneur, mais qui est également touchée par autant de drames que de mensonges et de parts d’ombre surtout provenant du Colonel, un homme qui n’a pas hésité à se salir les mains pour servir son pays.
C’est sur les fondements de cette nouvelle dynamique que va démarrer la série Rebirth de Batwoman dont les numéros 948 et 949 explorent via quelques flah-back les premières étapes d’observation de notre héroïne sur son mentor en mettant l’accent sur ses tâtonnements de vigilante débutante. Car malgré son entrainement physique et stratégique issu de l’armée, sans parler du matériel high tech mis à sa disposition, Kate Kane en est encore à se demander quelle place elle peut prendre afin de pouvoir servir Gotham.
Alors que Jacob pousse sa fille à s’émanciper de cette figure tutélaire et idéologique que constitue Batman, on comprend par la suite pourquoi il tentait de la faire prendre une autre voie, celle d’un soldat et non celle d’une justicière.
James Tynion IV secondé par Marguerite Bennett (qui vont conjointement écrire la série à venir) ont donc la lourde tache de redonner ses lettres de noblesse à une héroïne pour le moins maltraitée ces dernières années.
Revenir à l’excellence des premières aventures écrites par Greg Rucka, puis par JH Williams III et W. Haden Blackman n’est pas une mince affaire, mais comme je l’ai dit plus haut, certains paramètres sont à prendre en compte pour représenter ce personnage emblématique, ce que les deux scénaristes parviennent pour le moment très bien à opérer.
Les planches de Ben Oliver ne sont pas non plus sans rappeler parfois celles de JH Williams III, notamment dans le traitement graphique celon si notre héroïne porte ou nom le costume, même si celles-ci sont moins complexes et lyriques, elle rendent tout à fait honneur à Batwoman, autant que son alter ego civil.
Ce prélude des aventures de Batwoman met donc la barre très haut en annonçant immédiatement la couleur : « What can Batwoman do that Batman can’t ? » cette question posée par Jacob est avant tout une invitation à retrouver (du moins je l’espère) les plus belles heures de notre héroïne, une promesse que les deux scénaristes ont totalement les moyens de respecter.
Motor Girl #2
Le premier numéro de Motor Girl, la nouvelle série de Terry Moore, nous présentait un duo attachant et des plus singuliers, Samantha et son meilleur ami Mike le gorille, tout en nous embarquant dans un univers situé entre rêve et réalité, en concordance avec la psyché de cette héroïne au passé trouble et que l’on pouvait d’ors et déjà supposer de traumatique…
Mais c’était sans compter sur l’arrivée d’extra-terrestres sortis tout droit d’un strip de Charles Schulz, pile au moment où l’un mystérieux homme d’affaires souhaitait faire main basse sur cette décharge automobile perdue au milieu de nulle part.
Pour Samantha nul doute possible, la rencontre du troisième type de la veille était un rêve stupide, parmi ceux nombreux qui hantent ses nuits depuis longtemps, tel celui de son père, soldat tout comme elle (décidément, l’armée c’est une tradition de père en fille dans les comics) et parti faire son devoir en mission sans jamais revenir alors qu’elle n’avait que 12 ans…
A ce stade de l’histoire, on sent que Terry Moore est encore une fois en train de nous dépeindre un de ces personnages dont il a le secret, celui-ci semble être un funambule, à deux doigts de sombrer dans la folie, à moins qu’elle y ait déjà trouvé refuge.
D’un autre côté Samantha s’avère être pleine de ressources, défendant les intérêts de Libby avec fermeté, laissant présager un bras de fer des plus musclés entre les deux femmes et ceux qui souhaitent s’emparer de ce no man’s land.
Et comme à chaque fois avec une série écrite et dessinée par Terry, la ligne qui sépare la comédie du drame est si fine, que pour le coup ce sont nous lecteurs qui marchons d’un pas prudent pour que l’équilibre perdure.
Motor Girl s’avère être un véritable OVNI dans le panorama des publications actuelles, sa niaiserie apparente pourrait d’ailleurs en dérouter plus d’un, mais ce genre de lecteurs ne méritent certainement pas de rentrer dans la famille des adorateurs du Grand Homme.
Les habitués ne sont d’ailleurs pas dupes, Motor Girl renferme déjà tout ce que les fans de l’auteur de SIP, Echo et Rachel Rising ont pour habitude de lire : au delà de personnages principaux forts et complexes, ce sont de véritables ressources historiques, scientifiques ou technologiques que le lecteur doit appréhender (en l’occurrence ici l’aviation), car dans une série de Terry Moore, on ne se contente pas de lire une bonne histoire on apprend également beaucoup de choses, et la documentation est l’un des points forts de cet auteur, comme tout bon scénariste qui se respecte.
Autre moment fort de ce numéro, la complicité entre Sam et Libby, alors que le plot semble être centré principalement sur la relation intime (oui bon, on se comprend) entre notre héroïne et son gorille, cette chère Tante Libby semble être également un personnage crucial, qui sera loin de faire de la figuration comme je le supposais au départ, je m’étais effectivement dit qu’elle n’était là que pour apparaître en cameo et faire une connexion à ce que l’on appelle désormais le Terryverse, ce n’est nullement le cas.
Ce second numéro de Motor Girl est donc évidemment une réussite dans la parfaite continuité de son prédécesseur, de nombreux détails nous dévoilent encore un peu plus sur l’authenticité du personnage de Samatha que l’on imagine brisé dans tous les sens du terme et qui a trouvé refuge dans un désert de sable et de ferraille (le terme « Home » bien souvent employé dans SIP revient ici à trois reprises, et ce n’est surement pas un hasard).
De quoi être déjà accro à cette série encore pleine de mystères, il ne reste plus qu’à attendre la suite des festivités.
Love is Love
« Superman and I have spent our lives trying to better our adopted world… Helping those who need it… Trying to inspire hope in those who don’t have any.
But sometimes… sometimes…
…sometimes we’re too late.
Sometimes our friends and families and neighbours suffer… and my heart breaks.
I wish I could fix this… I wish I could spin the world backwards and make this all go away… I wish I could save everyone.
This world is so, so beautiful…
… Why would anyone want to hurt it ?
Why ? »Extrait de WHY, page consacrée à Supergirl, écrite par Sterling Gates et dessinée par Matt Clark.
Beaucoup d’entre nous se souviendront toujours où nous étions et ce que nous faisions le 12 juin 2016, lorsque nous avons appris pour le Pulse.
Moi j’accompagnais mon Sidekick dans notre cinéma de quartier (celui où j’ai été bénévole pendant des années) voir TMNT 2. Il était à peu près 18h et en attendant que la séance démarre, je flânais sur Facebook, puis j’ai su. J’ai ressenti immédiatement une immense colère, à tel point que le Sidekick m’a demandé ce qui n’allait pas. Je lui ai alors montré l’article que j’avais sous la main, et après l’avoir lu il m’a posé cette question si juste : Mais comment on peut tuer des gens pour ça ?
De la colère d’un côté, de l’incrédulité de l’autre, rajouté à cela un gouffre sans fond de tristesse, de désespoir, de renoncement. La tuerie du Pulse a dévasté bien plus que 49 vies, leurs familles, leurs amis. Toutes ces balles ont ricoché d’une certaine manière sur nos vies à nous. Moi même, je n’ai pas eu le courage d’écrire pendant un moment.
Puis vient le temps de se redresser. Parce que même si cette tragédie est la plus violente et la plus radicale que l’on ai pu voir ces dernières années, elle est loin d’être la première. Elle ne sera pas la dernière non plus. Et c’est bien d’ailleurs pour cela que nous manifestons chaque année au mois de juin justement. Parce que même si l’on nous frappe, même si l’on nous tue, nous sommes et resterons fiers d’être ce que nous sommes, pour toujours.
La couverture de Love is Love dessinée par Elsa Charretier exprime bien cette idée. On peut y voir le début de cortège d’une Gay Pride, où Thémis, déesse de la Justice brandit le drapeau gay d’une main et accompagne la future génération de l’autre. Derrière elle, c’est toute la diversité des LGBT qui est représentée : Queer, Bear, Trans, Camp, Butch, des jeunes, des moins jeunes, et des couleurs de peau aussi diverses que l’arc en ciel qui nous symbolise.
Love is Love, c’est l’hommage et le message d’amour que le scénariste Marc Andreyko a voulu offrir non seulement aux victimes du Pulse mais également à toute une communauté. Réunissant d’innombrables artistes et scénaristes de l’industrie (311 au total), cette anthologie recèle de véritables trésors graphiques qui pour la plupart ne font qu’une ou deux pages.
Les éditeurs partenaires étant IDW, DC Comics et Archie Comics (on regrette évidemment l’absence de Marvel, mais des auteurs phares de l’éditeur y sont tout de même présents), on retrouve bien évidemment les grandes figures de ces trois maisons, quelles soient LGBT ou non. D’un autre côté, on trouve également des histoires où les super héros sont absents, l’émotion est alors à son comble la plupart du temps.
Car pour lire cet ouvrage dans sont intégralité, il m’aura fallu le faire en plusieurs séances tant son contenu est chargé et puissant émotionnellement à bien des égards. On ne peut effectivement sortir indemne d’une telle lecture, et ce, que l’on fasse partie de la communauté LGBT ou non, car tout le monde peut se reconnaître dans cette tragédie.
La préface de Patty Jenkins (réalisatrice de Monster et Wonder Woman) résume parfaitement bien le contenu de Love is Love : sans amour et sans compassion, notre société n’engendrera que des victimes. Mais grâce à des personnes de bonne volonté, des bénévoles dans des centres d’accueil, des artistes qui répondent à l’appel, la violence et la haine s’éteindront un jour, peut être…
Le contenu de cette anthologie n’est ensuite pour moi ni plus ni moins qu’une succession de merveilles, dont certaines ont été façonnées par des artistes que j’ai eu la chance inouïe de rencontrer lors des nombreux festivals que j’ai pu écumer toutes ces années. Ici et maintenant je peux le dire, ces artistes là, ce sont eux mes super héros et je ne les remercierai jamais assez d’avoir participé à ce livre.
Car Love is Love fait en effet désormais partie de ces grandes œuvres qui ont réuni parmi les plus grands artistes dans un projet caritatif, comme AARGH et 9-11 à leur époque.
Dans Love is Love on pleure beaucoup, on rit parfois, mais surtout on danse. On danse comme tous ceux qui étaient au Pulse ce soir là, parce danser c’est vivre, s’amuser et aimer qui l’on veut, c’est rentrer chez soi safe et remettre ça le week-end suivant. 49 personnes ne sont pas rentrées chez elles ce soir là, mais nous on continuera de danser pour eux.
Les bénéfices de Love is Love sont intégralement redistribués à l’organisation Equality Florida et son fond d’aide aux victimes de la fusillade du Pulse, ainsi que leurs familles.
Gunnm Mars Chronicles : la review de Julien Lordinator
Je lis beaucoup de bandes dessinées, de tous les genres, même des mangas.
Mais en ce qui concerne les mangas, j’avoue ne pas en lire beaucoup et ce, pour pas mal de raisons.
Déjà, parce que tout ce qui est style bagarre d’arts martiaux à super pouvoirs avec un héros rigolo, les shonens (1) donc, j’ai du mal, que ce soit dans le style de dessins ou les histoires.
Pour ce qui est des shojos (2), je ne suis pas une fille donc c’est mort, reste les autres genres, à savoir le seinen (3) et le josei (3) et le hentai (4), mais ça c’est autre chose), et c’est dans cette catégorie, le seinen, que rentre Gunnm.
Je suis cette série depuis le premier tome paru en France en 1995 et j’y suis particulièrement attaché, cette série m’ayant suivi durant plus de la moitié de ma vie et je suis très heureux de pouvoir en parler aujourd’hui au travers du premier tome de la troisième série (après Gunnm et Last Order) consacrée à la cyborg combattante Gally !
Mars Chronicles s’attelle donc à la lourde tâche de nous raconter l’enfance de Gally (qui s’appelle encore Yoko à cette époque) sur la planète Mars en nous relatant les fameuses et terribles guerres martiennes dont on entend parler depuis quasiment le début de la série. Mais au fait Gunnm, c’est quoi comme genre et ça parle de quoi ? A vous jeunes et / ou vieux incultes et / ou néophytes en mangas, je vais vous présenter succinctement l’univers de Gunnm.
Gunnm (Ganmu en japonais, soit Rêve d’une Arme en français) est un manga créé, scénarisé et dessiné par le japonais Yukito Kishiro et publié pour la première fois en 1990 au Japon et pour la première fois en 1995 en France. Il s’agit d’un manga de science fiction relatant l’histoire de Gally, une jeune femme cyborg.
Au début de l’histoire, Ido, un médecin / réparateur de robots vivant à Kuzutetsu (La décharge) retrouve dans un amas d’ordures le torse d’une femme cyborg. A sa grande surprise, le torse contient encore des traces de vie et Ido décide de la réparer en lui donnant un corps. Amnésique, la jeune femme va très vite se découvrir des aptitudes pour le combat et devenir une des chasseuses de primes les plus douées et redoutées de Kuzutetsu.
Le monde de Gunnm et un univers futuriste post apocalyptique : Il y a des siècles, une météorite est entrée en collision avec la Terre provoquant une catastrophe écologique transformant la Terre en désert et mettant l’humanité au bord de l’extinction. Les humains survivants ont créé alors Zalem, une cité suspendue au dessus de la Terre destinée à accueillir l’élite des humains. Les autres humains sont alors réduits à vivre à Kuzutetsu, la décharge, qui est en fait l’endroit sous Zalem où la cité déverse ses ordures…
Une mystérieuse troisième cité, Jéru, située au dessus de Zalem est totalement inaccessible, même aux habitants de Zalem, c’est là-bas que se trouve l’ordinateur central contrôlant la vie sur Zalem.
Alors que la vie sur Zalem (semble) idyllique, la vie à Kuzutetsu est particulièrement violente et la cité est le repère de criminels et de chasseurs de prime.
Le consortium (un organisme appartenant à Zalem et régissant la vie sur la surface de la Terre) paye même grassement les chasseurs de prime afin qu’ils traquent les criminels. Chasseurs de prime ou criminels sont d’ailleurs les moyens les plus faciles de gagner sa vie à Kuzutetsu.
D’autres cités existent sur Terre, dispatchées un peu partout de façon complètement anarchique. Le sport le plus populaire est le Motor Ball, une sorte de Roller Derby ultra-violent entre êtres améliorés.
Il s’agit là d’une présentation vraiment très succincte de l’univers de Gunnm, qui est beaucoup plus complexe et fouillée que la rapide présentation que je viens de vous faire. Néanmoins, nul besoin d’avoir lu les deux séries précédentes pour apprécier Mars Chronicles, cette nouvelle série étant un prequel à la série originale, aucune référence n’est faite aux deux séries publiées précédemment.
Au début de Mars Chronicles, ont fait la connaissance de Yoko et Erika, deux orphelines victimes des guerres martiennes : Gally fut la plus malmenée par la guerre car elle est quasiment une cyborg, seul son cerveau étant encore humain, tandis qu’Erika n’a perdu « qu’un » œil.
Les deux fillettes se lient d’amitié et se retrouvent dans un orphelinat austère, dont les orphelines sont tyrannisées par Ninon, l’une des pensionnaires.
Alors que Gally est très naïve et manipulable, Erika est une forte tête, les deux fillettes vont alors se serrer les coudes, mais très vite la réalité de la guerre va les rattraper…
Mars Chronicles est à l’opposé de la précédente série Gunnm : Alors que Last Order était un déchaînement de bagarres et de destruction, Mars Chronicles est plus centré sur les personnages et se veut plus intimiste.
Ainsi on se prend très vite d’affection pour les deux héroïnes et leur regard naïf sur les événements se déroulant sur Mars et les guerres y ayant lieu. C’est d’ailleurs un point très déstabilisant, alors que l’on se retrouve à suivre deux enfants, les horreurs de la guerre y sont montrées sans fioritures et dans toutes leur barbarie, créant un décalage entre les événements et la façon dont ils sont perçu par les héroïnes.
La violence y est extrême et même si c’est un des aspects de Gunnm depuis le début, elle est ici plus choquante de par son contexte.
Visuellement on retrouve le style dynamique, expressif et détaillé de Yukito Kishiro, style qui fait l’une des forces de la série depuis sa création : Ses personnages sont magnifiques, ses environnements réalistes et austères, même après plus de vingt cinq ans à dessiner ses personnages, Kishiro n’a rien perdu de son trait et ça fait réellement très plaisir de constater qu’il est toujours aussi doué et pointilleux.
Néanmoins, le style de Mars Chronicles est, volontairement je pense, plus épuré et légèrement moins détaillé que la série originale ou Last Order, lui donnant une clarté plus représentative de l’esprit du récit, qui se veux, au premier abord, moins sombre que les séries précédentes.
En résumé, visuellement, c’est un régal, le style inimitable de Yukito Kishiro faisant encore mouche.
Un dernier mot (et pas des moindres) sur l’édition française : Autant être honnête, j’ai été absolument scandalisé par l’édition française des derniers tomes de la série Gunnm Last Order, Glénat ayant fait pour cette série, et je n’ai pas peur de le dire, un travail absolument exécrable.
Pêle-mêle on avait eu droit à toute les choses impensables pour ce genre de livre : Changement de maquette au milieu de la publication de la série, changement de traducteur sans que le nouveau n’ai pris connaissance du travail du précédent (ayant pour résultat des choses aberrantes, comme le changement de l’orthographe des noms de certains personnages) ou encore le sacrilège ultime pour un manga, l’inversion des planches pour coller au style de lecture occidental !
Je suis très content de constater que pour Mars Chronicles, Glénat est revenu à la raison et propose le livre dans une très belle édition : Le format est un poil plus large que les mangas réguliers, le sens de lecture original a été conservé et la traduction est impeccable, jusque dans les petits appendices explicatifs chers à cette série. Fini l’infâme papier brillant pour la jaquette comme c’était le cas pour Last Order pour un papier mate beaucoup plus agréable, et la couverture (comprenez sous la jaquette) et très jolie, reprenant les plus belles planches de l’ouvrage. Par contre on regrettera que certaines planches en couleur n’aient pas été conservées et converties en noir et blanc…
Carton (presque) plein pour Glénat qui remonte la barre après le fiasco de l’édition des derniers tomes de Last Order.
Mars Chronicles est en soit une grande réussite: Là où l’on pouvait reprocher à Last Order une overdose de combats spectaculaires et décérébrés, Mars Chronicles revient à l’esprit original de Gunnm en se basant sur la psychologie de son héroïne, ses doutes et sa façon d’appréhender les événements qui lui arrivent.
L’histoire n’en étant qu’à ses balbutiements, point dans ce premier tome de combats dantesques comme la série nous y a habitué, mais je ne doute pas que la suite nous donnera notre dose de bagarres mécaniques !
Gunnm, Mars Chronicles Tome 1, de Yukito Kisihro, disponible depuis le 19 octobre 2016 chez Glénat dans leur collection Seinen Manga.
A noter que Glénat profite de la sortie de Mars Chronicles pour (enfin) rééditer la série Gunnm originale dans un nouveau format, pas besoin de vous dire que je vous sur-conseille de l’acheter, cette série étant un véritable incontournable de la science fiction en manga à lire de toute urgence.
1 : Shonen, mangas pour jeunes garçons. Souvent des mangas sur les arts martiaux et les combats (Type Dragon Ball Z ou Naruto) ou le sport.
2 : Shojo, mangas pour jeunes filles. Souvent des mangas sur des histoires sentimentales ou de magical girls, type Sailor Moon.
3 : Seinen / Josei, mangas pour adultes. Souvent des histoires de science fiction, d’horreur ou sur des thèmes de société. Le seinen désigne plus généralement les mangas pour hommes et josei pour femmes, mais la ligne entre les deux est souvent floue et dépend plus de la sensibilité des lecteurs. Ghost in the Shell et Gunnm par exemple sont des seinen / josei.
4 : Hentai : Mangas à caractère érotique ou pornographique.
Evil Empire : La review de Julien Lordinator
La politique aux États Unis est un thème rarement abordé de front dans les comics. Quand ça l’est, c’est rarement pour en faire une critique et la plupart du temps dans le mainstream les politiciens sont soit véreux, soit au dessus de tout soupçon mais rarement dépeints avec des nuances plus ou moins appuyées.
Quid du mainstream, dans les comics indépendants, la politique est également un thème qui ne passionne guère, les héros des comics indépendants étant souvent des rebelles insoumis ou des partisans de l’autorité œuvrant pour ces mêmes politiques (avec en général un retournement de veste salvateur).
Evil Empire prend le contre-pied de tout ça et s’intéresse directement aux arcanes de la politique, ses rouages et ses manigances. Un parti pris osé et risqué, mais est-ce qu’il est réussi ? Réponse de suite.
Come on!
Yes I know my enemies
They’re the teachers who taught me to fight me
Compromise, conformity, assimilation, submission
Ignorance, hypocrisy, brutality, the elite
All of which are American dreamsRage Against The Machine – Know Your Enemy (Rage Against The Machine, 1992) (1) (2)
Evil Empire à pour héroïne Reese, jeune chanteuse américaine rebelle et reconnue pour ses textes violents et engagés, qui va en pleine période électorale se faire approcher par Sam Duggins, le candidat (supposé) démocrate (son affiliation politique n’étant pas vraiment révélée durant le récit). Au début réticente à frayer avec une catégorie de personne qu’elle méprise, Reese va peu à peu se laisser séduire par ce jeune homme charismatique et ambitieux. Dans le même temps, son adversaire, le conservateur Kenneth Laramy (supposé républicain) qui jusque là prônait les bonnes valeurs américaines, va dans un accès vengeur assassiner sa femme qu’il accuse d’avoir battue sa fille pendant des années alors que lui était trop occupé avec sa carrière politique, il commet de plus son meurtre en s’inspirant des textes d’une des chansons de Reese…
Laramy devient alors le symbole d’une partie du peuple américain et de leader conservateur va devenir une icône rebelle prônant la rébellion et la justice expéditive. Mine de rien cela laisse une occasion inespérée à Sam Duggins de briguer plus facilement la place de président, n’ayant plus d’adversaire notable en face de lui.
Mais très vite, les doutes vont assaillir Reese et les indices collecter à droite à gauche la mener à découvrir des machinations bien plus complexes dont elle est en fait, une actrice active contre son gré.
Dans le tome 2, la situation devient explosive et Reese devient malgré elle la meneuse d’un mouvement visant à rétablir l’ordre dans son pays : Trop d’anarchie tue l’anarchie et celle qui auparavant prônait la rébellion cherche maintenant à rétablir un semblant d’égalité dans un pays à feu et à sang…
De base le concept de Evil Empire est couillu : Parler de politique dans un comic, c’est risqué, la plupart des lecteurs, moi le premier, ne s’intéressant pas vraiment à ce sujet. Et bien dans le cas d’Evil Empire, c’est plutôt réussi car cela reste intéressant sans devenir pompeux, notamment grâce aux personnages bien écrits de Max Bemis, Reese en tête qui est sans conteste un des personnages féminins les plus intéressants que j’ai lu ces derniers temps : A la fois rebelle, touchante et forte, c’est un personnage que l’on prend vite en sympathie. Même chose pour les autres personnages, du détestable Kenneth Laramy au séduisant Sam Duggins en passant par la fille de Laramy, les personnages sont subtilement écrits et tous très bien caractérisés, leur donnant une vraie constance.
Le récit est logiquement très proche de Reese que l’on suit dans le premier tome dans des dédales de machinations plus ou moins élaborées, le lecteur découvrant comme elle un milieu pas vraiment enviable…
Finement écrit, je reprocherais juste au récit une certaine grossièreté dans la représentation de ce milieu dans la seconde partie du premier tome, où une histoire jusque là maîtrisée se conclut de façon beaucoup trop classique et prévisible, néanmoins, c’est un sentiment que j’ai eu en fin de lecture et je pense, sera probablement différent d’un lecteur à l’autre.
Dans le second tome, l’aspect politique est quelques peu laissé de côté au détriment d’une ambiance d’anarchie incontrôlable, présentant d’un côté les plans du nouveau président des États Unis pour faire sombrer son pays de plus en plus dans le chaos et de l’autre les tentatives de Reese pour déstabiliser le pouvoir en place.
Ce second tome s’ouvre sur une petite histoire indépendante présentant un tueur en série très gêné par le désordre se déroulant à l’extérieur, ce sinistre personnage va du coup prendre une décision aussi radicale que surprenante…
Niveau dessin, les trois premiers épisodes du premier tome sont signés Ransom Getty et je dois dire que l’artiste signe ici une prestation de toute beauté : Ses personnages sont superbes et très expressifs et ses planches sombres et détaillées frôlent parfois le génie, de toute évidence un artiste à suivre de très prés.
Quant aux deux derniers épisodes et la quasi totalité du tome deux, ils sont dessinés par Andrea Mutti, artiste italien (dont j’avais déjà parlé dans mon Jeudi de l’Angoisse (Des Comics) consacré à Highway To Hell), prend la relève avec plus ou moins d’efficacité, son style tranchant singulièrement avec celui de Getty, le passage d’un dessinateur à l’autre étant assez brusque. Même si le dessinateur se débrouille bien, il fait un peu pâle figure derrière le sans faute de son prédécesseur.
L’histoire d’ouverture du second tome est quant à elle dessinée par Joe Eisma (dessinateur de l’excellent Morning Glory Academy), qui est très franchement très bien fichue : Le trait est plus clair que celui de Mutti et se prête assez bien à l’histoire, se déroulant avant le début de l’anarchie.
Bilan en demi-teinte donc sur le coté esthétique, si Ransom Getty avait tenu la barre du début à la fin, Evil Empire aurait sans conteste sa partie graphique comme avantage notable.
Au final, Evil Empire est-il aussi efficace et subversif que ses couvertures (qui égayent cette review) le laisse entendre ?
Après une courte réflexion, je dirais que oui : Prendre le parti de parler politique était un pari risqué et même si cela est fait de manière ludique et accessible, cela reste néanmoins une entreprise louable et du coup, malgré quelques lieux communs sur la fin du premier tome, maîtrisé dans son ensemble.
Ajouté à cela des personnages bien écrits et une partie graphique certes inégale mais plutôt exemplaire, vous comprendrez que je ne peux que vous conseiller la lecture de ces deux premiers tomes d’Evil Empire.
Evil Empire Tomes 1 et 2, disponible en France depuis le 3 février 2016 et le 6 juillet 2016 chez Glénat Comics.
1 :
2 : Evil Empire est également le titre du second album de Rage Against The Machine
Motor Girl #1
Peu de temps après avoir clos sa précédente série Rachel Rising (disponible en Français chez Delcourt Comics, et dont Julien critique régulièrement chaque nouveau tome), l’inestimable Terry Moore n’a pas perdu le sien pour donner suite à sa carrière d’auteur culte avec sa quatrième grande aventure en creator-owned. Celle-ci porte le nom de Motor Girl, et nous lui souhaitons évidemment ici le même succès que ses sœurs, il semblerait d’ailleurs que cela soit bien parti, ce #1 étant déjà sold-out et en cours de second tirage.
Et comment pouvait-il en être autrement ? Terry Moore a beau rester un auteur confidentiel auprès de bon nombre de lecteurs, ses fans sont légion à travers le monde, tous conquis par son imparable sens de la narration et la richesse de ses personnages. Motor Girl s’inscrit d’ailleurs une fois de plus dans ces paramètres, une évidence pour ses adeptes qui se seront rués sur ce premier numéro.
Selon les dires de notre ami Terry, celui-ci avait prévu à l’origine de mettre en oeuvre Motor Girl juste après Strangers in Paradise, mais l’univers lui imposa d’abord de réaliser Echo, puis des voix lugubres dans une forêt d’offrir à ses lecteurs Rachel Rising. Ce nouveau titre longtemps repoussé par les lois du cosmos et du surnaturel est donc enfin parmi nous, voyons si il est à la hauteur de ses prédécesseurs.
Pour celles et ceux qui connaissent bien l’oeuvre du père de Katchoo et Francine, il y a bien une constante dans sa manière d’aborder ses histoires qui est celle de ne pas prendre ses lecteurs pour des andouilles. Le pitch de base semblait en effet employer un ton résolument léger, totalement à l’encontre de Rachel Rising, il n’en est (presque) rien, Motor Girl s’avère être tout aussi complexe et exigeant en matière de scénario et cela est perceptible dès ce premier numéro.
Samantha et Mike forment un tandem des plus atypiques qui refait le monde dans une casse automobile perdue au fin fond d’un endroit désertique et aride des Etats-Unis. Le terrain appartient à une petite vieille dame nommée Libby que les lecteurs de SIP connaissent plutôt bien puisqu’il s’agit de la tante de Francine (il existe donc bien un Terryverse !). Alors que Libby se voit proposer par un homme mystérieux une somme faramineuse pour la vente de son terrain qui n’a vraisemblablement que peu de valeur, notre héroïne et son gorille expérimentent une rencontre du troisième type des plus cocasses en pleine nuit, parmi les tôles gondolées et les moteurs désossés.
Il est fort à parier qu’après cet événement, Sam ne veuille pas que Libby vende son terrain…
Vous en dévoiler d’avantage à ce stade serait vraiment dommage vis à vis de l’intrigue, de l’état psychologique de Samantha, une de ces héroïnes au passé trouble que Terry Moore affectionne tant, et de la présence de Mike, le gorille caustique au grand cœur.
Mais ce que je peux vous dire, c’est que Motor Girl reprend les mêmes codes que Strangers in Paradise à ses débuts avec son ton pour le moins décalé, tout en laissant déjà entrevoir des zones beaucoup plus obscures.
Terry Moore nous offre encore une fois ce jeu subtil de nuances narratives qui fait son succès depuis tant d’années, et nous prouve en un seul numéro que cette nouvelle aventure promet d’être jouissive.
Tokyo Ghost : La review de Julien Lordinator
Rick Remender c’est un peu beaucoup le scénariste qui a le vent en poupe en ce moment : Ses prestations remarquées chez Marvel l’ont introduit et désormais, il est l’un des auteurs les plus adulés, notamment grâce à des creator-owned ayant un succès à la fois critique et financier, ce qui a pour effet que même chez nous, la plupart de ses créations sont publiées, parmi lesquelles Tokyo Ghost, publié il y a quelques mois dans notre beau pays par Urban Comics. Est-ce que ce fantôme tokyoïte vaut le détour ? Réponse maintenant.
My fall will be for you
My love will be in you
If you be the one to cut me
I’ll bleed foreverNightwish – Ghost Love Score (Once – 2004)
Le futur dans Tokyo Ghost n’a rien de réjouissant : Rongés par la crise, les humains se sont réfugiés dans des univers virtuels et l’humanité est devenue accro aux vidéos virales (de chats), la pornographie, les séries télévisées et faire le buzz est maintenant la seule et unique motivation de millions de personnes. Tout est dirigé et contrôlé par un consortium appelé Flak Corp qui dirige d’une main de fer le flux des informations maintenant directement envoyé dans la tête de leurs consommateurs au travers d’appareillages de plus en plus perfectionnés.
Led et Debbie sont les policiers de Flak Corp, chargés de traquer les cybercriminels pour le compte de la multinationale. Mais Led et Debbie sont également un couple dans la vie que tout sépare : Led est accro à la technologie au point d’être devenu un véritable zombie à peine conscient du monde qui l’entoure tandis que Debbie est une no-tech, vierge de toute technologie, c’est encore une humaine à part entière. Mais Debbie est toujours follement amoureuse de Led, s’accrochant au souvenir de celui-ci avant qu’il ne devienne accro à toute la technologie de Flak Corp.
Durant une de leurs enquêtes, le couple est forcé de se rendre à Tokyo, bastion imprenable et inconnu, réputé comme étant le dernier endroit au monde encore vierge de toute technologie.
Ce lieu va à jamais changer la vie de Led et Debbie, dans tout les sens du terme…
Tokyo Ghost c’est donc le dernier comic écrit par Rick Remender et honnêtement, si vous ne l’avez pas encore lu, faites-le ! Finement écrit, Remender commence par nous présenter un monde qui se révèle être un triste reflet exacerbé de ce que notre société est au fur et à mesure en train de devenir, esclave de la technologie, drogué aux réseaux sociaux et à l’internet en général.
Effrayante mais lucide, cette vision de Remender est assez impressionnante et amère… Les deux héros quant à eux sont très attachants et attirent d’emblée une certaine pitié, presque de la compassion : Entre Led, géant à peine vivant, réfugié dans un monde imaginaire et Debbie, amoureuse transie nostalgique réfugiée dans un autre monde imaginaire, celui de ses souvenirs, impossible de ne pas se reconnaître dans un ou deux de ces personnages, assurément touchants, aux sentiments et émotions qui nous touchent forcément. Un véritable travail d’écriture particulièrement réussi de la part de Remender qui s’impose une fois de plus comme un des scénaristes les plus doués du moment.
Aux dessins, Sean Murphy prouve lui aussi une fois de plus (si il en était encore besoin) sa maîtrise des environnements complexes, le tout renforcé par son trait caractéristique si dynamique. Chaque planche est une explosion de détails, de couleurs (chapeau bas au coloriste Matt Hollingsworth d’ailleurs), ses personnages sont très caractérisés sans être caricaturaux et à chaque fois impressionnants : La première apparition de Kazumi, la dirigeante de Tokyo est par exemple une planche sublime, presque un poster. Un travail remarquable de la part de l’artiste, qui force le respect.
Pour ce qui est de l’édition française, Urban ne s’en sort pas mal avec une bonne traduction et en bonus de l’album toutes les couvertures originales ainsi que quelques croquis de recherche de Sean Murphy. L’éditeur a également eu la bonne idée de proposer l’album en deux versions différentes : Une en couleurs et une autre en noir et blanc, permettant ainsi de profiter du travail du dessinateur de façon plus brute. Une bien bonne initiative.
Ce premier tome de Tokyo Ghost est donc une vraie bonne surprise : Intelligent, touchant, plein d’action débridée et supporté par des dessins sublimes, c’est une lecture plus que recommandable, voir quasiment obligatoire, pour tout fan de comics et même de bande dessinée qui se respecte.
Un nouvel incontournable, dont j’attends avec beaucoup d’impatience la suite.
Tokyo Ghost Tome 1, Éden Atomique de Rick Remender, Sean Murphy et Matt Hollingsworth disponible en France depuis le 27 mai 2016 chez Urban Comics dans la collection Urban Indies.
Sex and Violence : la review de Julien Lordinator #2
Note de l’auteur : Il y a quelques temps, j’avais chroniqué le premier volume de l’anthologie Sex & Violence, une série de récits scénarisés par Jimmy Palmiotti et Justin Gray ayant (supposément) pour thème le sexe te la violence. Un deuxième volume de trois histoires a ensuite été publié, de même que deux volumes en France chez Glénat Comics.
Cette review est donc une version augmentée de ma précédente chronique, prenant en compte la version publiée en France par Glénat et comportant les deux volumes, soit 5 récits au total.
Que de belles promesses que le titre de ce creator owned ! Annoncé en grandes pompes via Kickstarter, Sex & Violence est en fait le fruit de deux scénaristes : Justin Gray et Jimmy Palmiotti, qui fournissent chacun une histoire avec pour thème central, le sexe et la violence bien sûr.
Les cinq histoires sont radicalement différentes, chacune tablant sur des ambiances particulières : Le milieu du porno underground pour la première, le voyeurisme pour la seconde, une histoire plus intime pour la troisième, un récit de guerre pour la quatrième et enfin une histoire très glauque pour la dernière. Les histoires étant indépendantes les unes des autres, je vais y aller dans l’ordre.
La première histoire, signée Justin Gray s’intitule Pornland, Oregon, et prend pour base la ville de Portland apparemment renommée pour son milieu porno. On y découvre un homme, enquêtant sur la mort de sa petite-fille dont la dernière trace est une vidéo porno dite « gonzo » (du porno amateur assez violent, souvent dédié à internet). Son enquête le mènera à s’intéresser à ce milieu et à découvrir qu’il à peut être eu un rôle dans la mort de sa petite-fille.
Le pitch de départ semble intéressant, tout du moins au début car le récit, malgré une bonne base, se révèle en fait être somme toute assez classique, jusque un dénouement qui laisse une désagréable impression de déjà-vue. De plus, même si le fait de placer l’action dans le milieu du porno est assez original, on se rend vite compte que c’est assez secondaire et on s’éloigne rapidement du sujet.
Pour ce qui est de la partie graphique, là c’est un carton plein : Jimmy Broxton met ce récit en image de main de maître avec des ambiances sombres, soulevées par des teintes de rouge étouffantes correspondant parfaitement au thème du récit. De ce coté, c’est donc une franche réussite, dommage que le scénario ne tienne pas toutes ces promesses…
En résumé, Pornland, Oregon est un récit qui aurait pu être plus incisif aux vues de son sujet particulièrement controversé et sulfureux, malheureusement il n’en est rien, Justin Gray ne prenant pas trop de risques avec son récit en se contentant de raconter une histoire un peu trop classique et au final assez éloignée de ce que semblait promettre l’auteur au départ. L’histoire aurait sûrement mérité d’être un peu plus extrême et de plus, collée à son sujet de départ pour complètement convaincre.
Voyons la deuxième partie, intitulée A Girl in a Storm et signée Jimmy Palmiotti au scénario et Juan Santacruz aux dessins.
Cette histoire a pour personnage principal une jeune femme flic dont on devine l’homosexualité de façon un peu suggérée, au fur et à mesure du récit. Cette jeune femme solitaire, stressée par son travail et seule dans la vie, va se transformer en véritable voyeuse quand un couple de deux jeunes et jolies femmes vont s’installer dans l’appartement en face de chez elle. Dés lors, la vie du couple va devenir le seul intérêt de notre héroïne, rythmant sa vie, jusqu’au jour où des événements vont finir par briser le quotidien de notre voyeuse amateur.
On passe donc vers une ambiance radicalement différente et contrairement à la première histoire, l’accent est mis ici sur les personnages et l’évolution de notre héroïne qui, au travers du quotidien de ses voisines, va apprendre à s’accepter et s’interroger sur elle-même. Certaines scènes sont assez intéressantes, notamment la discussion sur la plage, que je vous laisse le soin de découvrir.
Même si l’histoire est assez intéressante et ponctuée de passages plutôt réussis, il faut quand même reconnaître que dans l’ensemble, comme la première histoire, c’est tout de même assez classique et le dénouement assez prévisible fleure bon le happy-end un peu poussif.
Pour ce qui est de la partie visuelle, Juan Santacruz fait du très bon travail avec notamment une gestion des ombrages et des courbes (pour une histoire montrant pas mal de nudité, c’est plutôt une bonne chose), renforcée par l’excellent boulot de colorisation du studio Challenging.
Visuellement et comme pour la première histoire, on a donc du très haut niveau et chaque planche est un régal.
Pour en finir sur ce second chapitre, même si dans l’ensemble cette histoire réussi à passionner plus que la première, une fois la lecture finie on a encore cette sensation d’avoir déjà vu ou lu ça ailleurs. Néanmoins, j’ai personnellement plus apprécié cette seconde histoire à la première, cela vient surtout du fait que le personnage principal est attachant et les quelques rebondissements tiennent en haleine jusqu’au dénouement, même si celui-ci est assez prévisible.
Un bon moment de lecture, sans plus.
Troisième récit, et c’est pour ma part celui que j’ai le plus apprécié, intitulé Daddy Issues. Un homme a une chance inouïe : Après avoir fait la connaissance d’une femme sexy qui l’invite chez elle et lui fait passer une nuit torride, le lendemain matin l’heureux homme se retrouve à partager le quotidien de la fille de celle-ci qui, une jambe dans le plâtre, lui demande de l’aider dans son quotidien d’handicapée momentané pour, notamment, prendre sa douche et d’autres choses qui mette invariablement sa plastique en valeur. S’en est trop pour l’homme, qui fini par craquer et se jette sur elle, visiblement satisfaite du résultat. Cerise sur le gâteau, il cède également à une demande aussi étonnante qu’excitante de la jeune allumeuse. Laquelle ? Il faudra lire pour le savoir mes coquins amis !
Des 5 récits, Daddy Issues et le récit qui reste le plus suggestif sexuellement parlant : Les différentes situations dans lesquelles se retrouvent notre (mal)heureux héros aux mains de l’adolescente perverse sont vraiment scabreuses et correspondent bien à l’appellation subversive de l’album.
L’histoire est en soit assez simple mais son coté gentiment sexy rend celle-ci agréable à lire. Très inspirée par les histoires de ce genre publié dans les années 50, c’est une histoire courte dans laquelle le plus important est la chute, que je vous laisse le soin de découvrir.
Dessinée par Romina Moranelli, visuellement l’histoire est très réussie et est très honnêtement la plus jolie de l’album.
Malheureusement, encore là, il s’en dégage une très grande impression de déjà vu que la chute finale, assez prévisible, ne parvient pas à atténuer…
Quatrième récit, Red Dog Army, nous raconte l’histoire d’un aimable éleveur de chiens russe, forcé durant la seconde guerre mondiale à dresser des chiens kamikaze pour contrer les chars allemands durant la campagne de Russie. Extrêmement violente et cruelle, cette histoire est en soit assez réussie, dépeignant une face assez méconnue de la guerre et l’un des stratagèmes les plus absurdes et cruels concernant l’utilisation des animaux durant la seconde guerre mondiale.
Histoire particulièrement réussie avec son héros touchant et son aspect brute de décoffrage, Red Dog Army est également servi esthétiquement par un dessin sale et sombre signé Rafa Garres, servant à merveille l’aspect glauque et violent de l’histoire.
Mais (car il y a un mais…) aussi réussie que soit cette histoire, on se demande très sincèrement ce qu’elle vient faire dans cette compilation car de sexe il n’est ici nullement question et cette histoire, aussi violente soit-elle, aurait plus eu sa place dans une compilation d’histoires sur la guerre…
Dernière histoire, Filler, suit la vie d’un tueur en série, de ses premiers meurtres encore adolescent à sa vie d’adulte. Glauque, violente et immorale, la vie de ce sinistre personnage est ponctuée de frustrations sexuelles, de meurtres sadiques, le tout dans une impunité quasi-totale car l’intelligence de cette ordure finie lui permet toujours de s’en sortir sans une égratignure.
Encore une fois la chute vaut le détour, finissant de brosser le portrait de ce personnage amer et violent, satisfait et se complaisant de sa condition d’être violent.
Filler s’inspire de beaucoup de récits et de tueur en série réels : On voit ainsi des références évidentes au film American Psycho, lui même déjà très inspiré de la vie du tristement célèbre Ted Bundy dont le « héros » de Filler est une sorte d’itération sur le même moule.
Filler est une histoire réussie avec son côté immoral et son protagoniste principal absolument détestable, le tout illustré par des dessins sombres et détaillés signés Vanesa R Del Rey.
Histoire réussie certes, mais là encore, si celle-ci aurait eu parfaitement sa place dans un recueil d’histoires horrifiques car si elle donne tout ce qu’il faut niveau violence, niveau sexe on est encore loin du compte et ce n’est pas la base de frustration sexuelle du personnage principal et les quelques scènes suggestives qui méritent pleinement la dénomination d’histoire de « sexe »…
Un petit mot avant de conclure sur l’édition française, qui comme à chaque fois avec Glénat est irréprochable : Hardcover, papier glacé et reliure de qualité, l’album se conclut par une galerie de couvertures aussi sexy que joliment signées en majeure partie par Amanda Conner, une bien belle édition, qui fait honneur à l’éditeur.
En conclusion, est-ce que ce Sex & Violence tient ses promesses avec son titre, soyons franc, un peu racoleur ? Clairement, non… De la violence, il y en a, beaucoup dans la plupart de certaines histoires, peu dans d’autres, mais franchement pas de quoi s’offusquer. Du sexe ? Franchement, j’ai lu des comics bien plus suggestifs que ça, ici on a beau montrer de la nudité et des scènes érotiques (ma foi assez légères), la dénomination « sex » du titre est franchement un peu exagérée et je le répète, j’ai lu bien plus démonstratif que ça.
Donc Sex & Violence porte un titre qui dans le fond ne lui sied pas forcément et malgré les pitchs assez enthousiasmants, je suis ressorti assez déçu de la lecture de ces histoires, je m’attendais à quelque chose de plus extrême et de plus audacieux. J’ai eu l’impression que les deux auteurs ne faisaient qu’effleurer les deux thèmes du titre de leur BD et n’ont pas oser prendre des risques et surtout sans jamais vraiment trouver un véritable équilibre entre les deux.
Après, si l’initiative des deux amis peut motiver d’autres auteurs à se lancer aussi dans la publication de titres un peu plus mature, alors j’espère que cette BD sera la première d’une longue liste.
La réflexion que l’on pourrait également faire c’est est-ce que au final, avec un titre pareil, les deux auteurs n’ont ils pas voulu faire un effet de buzz autour de leurs deux récits ? Honnêtement, je me pose la question, malgré l’admiration que j’ai pour les deux scénaristes…
Sex & Violence, de Justin Gray et Jimmy Palmiotti disponible depuis le 18 novembre 2015 en France chez Glénat Comics
Hasard ou Destinée : la review de Julien Lordinator
Becky Cloonan, je l’ai connu grâce à son run remarqué et remarquable sur la mini-série Conan, La Reine de la Côte Noire, une relecture des aventures du barbare Cimmérien avec la pirate Belith. J’avais ensuite pu profiter du trait à la fois élégant et acéré de l’artiste américaine dans les pages de Northlanders, une autre série mettant en scène des univers médiévaux et violents. Autant dire que vu mon attirance pour ce genre d’univers, Becky Cloonan est vite devenue pour moi une artiste que j’allais surveiller de près, guettant chacun de ses travaux avec impatience en espérant que ça soit de nouveau une histoire incluant des armures et des épées, ce qui fut le cas avec ce Hasard ou Destinée, sorti en juin chez un petit éditeur dans notre beau pays, alors bonne ou mauvaise surprise ? Comme souvent avec cette dessinatrice, je ne fus pas déçue de cette nouvelle incursion moyenâgeuse !
In This Heart of Mine
It’s You I find
Take My hand
I’ll Take You To The Promised Land
You’re The OneWithin Temptation – The Dance, extrait de l’EP The Dance (1998) (1)
Hasard ou Destinée, c’est en fait une compilation de trois histoires courtes écrites et scénarisées par Becky Cloonan, toutes dans un univers médiéval teinté d’un peu de surnaturel, ces histoires sont toutes les trois différentes et indépendantes.
Dans la première histoire on suit la traque d’un chasseur parti tuer un loup (dont ont se rend vite compte qu’il s’agit en fait d’un loup-garou) le temps d’une nuit, dans une sombre forêt.
Dans la seconde, intitulée Le Marais, c’est le destin d’un jeune écuyer, forcé par son maître à traverser un marais hanté afin de remettre une lettre à un château voisin qui nous est décrit. Mais il semble bien vite que cette mission ait un tout autre but… Soulignons au passage que cette histoire a reçu l’Eisner Award de la meilleure histoire en un numéro en 2012.
Enfin dans la dernière histoire, Déméter, on suit le destin d’un jeune couple vivant au bord de la mer. Le couple s’est formé alors que le garçon fut découvert sur la plage à demi-mort par la jeune femme : Mais était-ce vraiment un hasard ? N’y avait il pas de plus sombres desseins en jeu dans cette rencontre providentielle ?
La première chose que l’on constate à la lecture de Hasard ou Destinée, c’est la profondeur des histoires : Oniriques, mélancoliques, mystérieuses, cruelles et ou touchantes, Becky Cloonan prend soin de ne pas trop en révéler, laissant ainsi le soin au lecteur de se faire sa propre interprétation de ce qu’il vient de lire.Est-ce vraiment une histoire surnaturelle que l’on vient de lire ou le fantasme d’un des personnages ? Est-ce que tout cela n’était peut-être en fait qu’une métaphore pour une histoire plus terre à terre ? Ou peut-être s’agissait-il d’une simple histoire de monstre ou de fantôme ? Comme je le dis plus haut, libre au lecteur d’en faire sa propre interprétation. Certains ne creuseront pas, se contentant de lire de simples histoires médiévales-fantastiques, d’autre scruteront chaque détail de chaque planche afin d’en déceler une signification cachée. Hasard ou Destinée, c’est le genre de livre dont l’interprétation changera d’un lecteur à l’autre.
Visuellement, qu’est ce que l’on pourrait ajouter sur le talent maintenant connu et reconnu de Becky Cloonan ? Pas grand chose, juste que dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, elle nous livre des planches en noir et blanc d’une beauté ahurissante, son trait à mi-chemin entre comics et manga agrémenté de racines franco-belge est un véritable enchantement à chaque planche. Les environnements sont détaillés, les personnages expressifs et l’aspect onirique qui se dégage de l’ensemble est tout a fait bluffant. Becky Cloonan ne déroge pas à sa réputation et son talent inspire le respect, chapeau bas à l’artiste qui confirme, si il en est encore besoin, qu’elle est un des talents les plus impressionnants à l’heure actuelle à œuvrer dans le monde des comics.
Un dernier point à souligner obligatoirement, l’édition française absolument somptueuse des éditions Lounak, qui ont fait un travail admirable en nous livrant un véritable objet avec cet ouvrage : Le livre en lui même se présente avec une jaquette reprenant une des illustrations de la première histoire, mais sous cette jaquette, on a droit à une couverture imitation tissu, agrémentée devant et derrière d’une illustration dorée, donnant au livre un véritable aspect de livre ancien. Cerise sur le gâteau, le livre se fini par une belle collection de croquis. Un travail absolument sensationnel de la part de ce petit éditeur qui force le respect.
Hasard ou Destinée c’est donc un livre hors norme : Écrit intelligemment, visuellement irréprochable et servi dans une édition de toute beauté, c’est une véritable œuvre qui tranche singulièrement avec la production mainstream et mérite une attention toute particulière. Le genre de chose que l’on aimerait voir arriver sous nos latitudes beaucoup souvent.
Hasard ou Destinée de Becky Cloonan disponible depuis le 9 juin 2016 en France aux éditions Lounak
1 :
Lady Mechanika Tome 1 : la review de Julien Lordinator
Lady Mechanika c’est un peu la série dont on parle beaucoup et qu’on encense sans que personne ne l’ai vraiment lu… C’est une série qui a réussi à faire le buzz à grand renfort de couvertures alternatives, de mini sketchbooks et de visuels percutants et surtout par sa rareté, chaque numéro étant tellement attendu et espacé dans le temps que leurs sorties sont une sorte de mini événement dans le microcosme des fans de comics. Mais bien loin de son buzz, qu’est-ce qu’elle vaut vraiment cette série ? A l’occasion de sa publication il y a quelques mois chez Glénat Comics, j’ai eu l’occasion de me faire mon avis, que je vais vous soumettre de suite.
Lady Mechanika, c’est le bébé de Joe Benitez, dessinateur surdoué issue des studios Top Cow. Il livre d’ailleurs ses premiers travaux chez cet éditeur : Tout d’abord avec sa propre série, Weapon Zero (une série à héros cybernétiques typique des années 90) puis sur les séries The Darkness, Magdalena, Wraithborn et plusieurs crossovers, toujours chez Top Cow. Le style de dessin de Benitez est vif et détaillé, le dessinateur ayant d’ailleurs la réputation d’être un artiste assez lent pour livrer ses planches mais en général et en tant qu’admirateur de l’artiste, je peux vous assurer que l’attente en vaut généralement le coup.
Lady Mechanika ne déroge pas à la règle, le premier numéro fut publié en août 2010 et le dernier en mars 2015… 5 ans pour 5 numéros (plus un numéro 0 servant de prologue), autant dire que si on est fan de cette série, il vaut mieux ne pas être pressé…
Glénat nous propose donc en un volume le numéro 0 ainsi que les trois premiers numéros de la série principale, avec en bonus une galerie de couvertures alternatives.
In this mechanical world made of mechanical feelings
Where mechanical brains are living mechanical lives
Are your hearts beating in this dirty paradise ?Markize – Mechanical Hearts (Extrait de l’album A Perfect Lie, 2012) (1)
Le prologue nous montre la chasse d’une créature dans les rues d’une ville d’aspect victorien en version Steampunk. Chassée à la fois par des excités de la gâchette et par notre héroïne, la pauvre créature va finalement tomber sur Mechanika, est-ce un bien ou un mal ? A vous de le constater en lisant le bouquin.
L’histoire commence vraiment dans le chapitre suivant, après un court prologue montrant (encore) la traque d’une fillette aux mains mécaniques, on découvre Lady Mechanika, une jeune femme aux bras mécaniques, protectrice de la ville de… Mechanika.
Amnésique, la jeune femme est à la recherche de son passé et il semble que la compagnie d’armement Blackpool, qui a la main basse sur l’économie de la ville, y soit inévitablement liée. Commence pour notre héroïne une enquête pleine d’action et de rebondissements.
Autant venir directement au fait, Lady Mechanika, visuellement, c’est une véritable claque : Chaque planche est prompte à vous décoller la rétine par sa beauté. Détaillés sans être trop chargés, les dessins de Benitez sont d’une beauté à couper le souffle. C’est même très certainement ce que j’ai vu de plus beau en comics depuis un sacré moment. On retrouve avec plaisir l’esprit visuel de la grande époque des comics Top Cow des années 90 et ses pages somptueuses.
Rien à redire donc niveau dessin, c’est un boulot admirable de la part de Benitez et l’attente en valait véritablement la peine.
Par contre niveau scénario, là, je suis plus réservé… Je peux en gros reprocher à Lady Mechanika ce que je reprochais au relaunch de Ghost, également publié chez Glénat Comics : Un scénario basé sur des grosses ficelles, déjà usées sur des dizaines d’autres récits. Dans Lady Mechanika, on a encore une fois la présence de l’héroïne amnésique à la recherche de son passé, de l’assistant qui sert de comique relief, du chef d’entreprise machiavélique, de la tueuse sadique au service du méchant et du personnage secondaire amoureux de l’héroïne qui va malgré lui se retrouver embringué dans l’histoire… Très franchement, en tant que fan de la période Bad Girls, des récits reposant sur ces bases, j’en ai lu des dizaines et j’ai du mal à croire que les scénaristes aient si peu d’imagination pour se renouveler.
Après, ceux qui n’ont pas connu la période des Bad Girls, dans le fond ça ne les dérangera peut être pas, mais moi je ne peux pas faire comme si je n’avais jamais lu ce genre de récit.
Avant de conclure, un mot sur l’édition française et encore une fois Glénat Comics nous livre un travail exemplaire, que se soit au niveau de l’édition (un hardcover irréprochable agrémenté de bonus) que de la traduction, parfaitement maîtrisée, d’un langage du début du siècle dernier très adapté au ton du récit. Comme à l’habitude, le travail de cet éditeur force le respect.
Donc pour finir, Lady Mechanika, est-ce que ça vaut le coup ? Malgré quelques réserves, je dirais quand même oui, principalement pour son coté visuel qui, et c’est un peu dommage de le dire, représente le plus grand intérêt de cette série. Néanmoins, je garde une réserve, on a là que les trois premiers numéros de la série et j’espère être surpris par la suite.
1 :
Wonder Woman #2 : Year One
Il est des séries dont on sait qu’elles ont été faites pour vous. Non pas pour vous flatter ou caresser votre ego de férue d’Amazone dans le sens du poil, mais pour au contraire vous permettre de renouer intimement avec le cœur et l’âme d’un univers ô combien familier, comme pour vous remercier d’avoir été patient, d’avoir attendu toutes ces années.
Dans ce Rebirth de Wonder Woman, il est totalement question de cela, de revenir aux fondamentaux, c’est du moins la tache dont s’acquitte désormais Greg Rucka depuis peu, à raison d’un nouveau numéro chaque quinzaine, permutant son intrigue entre le présent (dessiné par Liam Sharp) et le passé (grâce aux traits de Nicola Scott), période qui nous intéresse ici dans ce Wonder Woman #2, premier épisode d’un arc intitulé Year One, un titre qui évoque la revanche d’un auteur sur le destin d’une héroïne.
Tout d’abord, il est peut-être intéressant de rappeler à quel point justement les styles des artistes œuvrant sur cette série sont en parfaite adéquation avec les périodes de la vie de Diana qui leur ont été attribuées : Le dessin de Sharp, à la fois très détaillé et incisif souligne parfaitement bien la maturité et la contenance parfois violente et brute de notre amazone. Scott quant à elle nous emmène vers des rives bien plus intimistes, où la jeunesse et l’impétuosité se joignent à des instants de douceur et de complicité, et ce quelles que soient les personnages.
J’ai suivi pendant des mois les petits galets que l’artiste osait de temps en temps disséminer sur son compte Instagram, et je me suis au fil du temps confortée dans l’idée que cette période Year One allait devenir une référence concernant les origines de Wonder Woman pour les années à venir.
Il est vrai que ces derniers mois, nous avons eu droit, la chance même, de pouvoir lire plusieurs réinterprétations de la genèse de Wondie, plus ou moins respectueuses des préceptes de William Moulton Marston ou Robert Kanigher, mais peu importe, grâce à The Legend of Wonder Woman de Renae De Liz et Ray Dillon, puis Wonder Woman Earth One de Grant Morrison et Yanick Paquette, de nouveaux récits ont émergé et donné un souffle nouveau au mythe. Autant de visions personnelles, mais avant tout, autant de messages à transmettre pour les lecteurs en devenir.
En ce qui me concerne, je me délecte sans cesse de lire et de voir une nouvelle fois quelles peuvent être les origines et les premières années de Wonder Woman. J’imagine que pour un fan de Superman ou Batman, c’est exactement la même chose : Apprécier le fait que quelques libertés soient prises pour le bien commun, tout en restant vigilant sur l’essence même du mythe.
Wonder Woman #2 réussi, comme je m’y attendais, cette épreuve. Il est ici question dans ce numéro de cerner rapidement l’attachement de Diana envers sa communauté, en la personne de sa mère, mais également de ses sœurs et non moins amantes, un concept véhiculé depuis le début par Marston, et amené avec plus ou moins de délicatesse (dont le haut du panier figure justement dans les deux œuvres précédemment citées).
En parallèle, on suit également le parcours de Steve Trevor en tant que jeune soldat, il est représenté ici comme un ami loyal et fidèle mais qui semble rester en retrait pour ce qui est de vivre sa propre existence. A noter d’ailleurs que ce numéro commence avec lui, comme pour donner une véritable envergure à ce personnage loin d’être toujours bien exploité depuis ses débuts.
Dans ce numéro, Nicola Scott arrive également à nous faire rêver avec sa projection de Themyscira, une île parfaite et harmonieuse sujette à tous les fantasmes, où la nature et la civilisation auraient enfin trouvé un terrain d’entente. Même si Diana aspire à quitter ses rivages, Paradise Island reste un passage obligé quand il s’agit de nous raconter ses origines, et bâcler son aspect serait une grave erreur, c’est nullement le cas ici.
Wonder Woman #2 est donc pour moi un numéro parfait. Greg Rucka réussit encore une fois à nous toucher en plein cœur avec une histoire mainte fois revisitée, sans chercher des subterfuges inutiles ou hors continuité, on reste dans le classique, d’une simplicité si évidente qu’elle en est monstrueusement efficace. Sublimé par les illustrations de Nicola Scott d’une finesse attendrissante, ce nouveau voyage dans les origines de notre Amazone se présente déjà comme un récit incontournable.
Wonder Woman Rebirth
Nous l’avons tous bien compris, la nouvelle politique éditoriale de DC Comics intitulée Rebirth et censée revenir aux fondamentaux vis à vis de son lectorat de longue date tout autant que ses personnages emblématiques, est une réponse sans équivoque suite au ratage économique (parfois artistique et même idéologique) au sens large que constituent les New 52, et malheureusement plus récemment avec DC You (oui je sais, je suis pas très sympa, l’idéal aurait été que DC You arrive d’emblée à la place des N52 en 2011 et que quelques réajustements se fassent petit à petit, mais d’ailleurs n’existerait-il pas une Terre où l’on pourrait voir ça ?).
Nous avons effectivement pu nous rendre compte ces 6 dernières années à travers ce blog, que bon nombre d’héroïnes DC se sont retrouvées plus ou moins malmenées dans leurs diverses représentations, et ce dès le départ avec Catwoman et Starfire (hypersexualisées à outrance) en passant par Raven, Cassie Sandsmark, Donna Troy, Batgirl (toutes out of character), certaines d’entre elles ont su heureusement retrouver un second souffle grâce à des équipes créatives plus inspirées que leurs prédécesseurs, alors que d’autres déjà iconiques (Harley Quinn, Power Girl, Poison Ivy) auront eu l’opportunité de regagner en popularité, ce qui est une très bonne chose, sans oublier qu’il aura fallu attendre pratiquement la fin de cet énorme trafic éditorial pour revoir des personnages hyper populaires (Stephanie Brown, Cassandra Cain) refaire surface.
Mais comme je l’ai dit précédemment, je ne suis pas forcément super sympa car si les New 52 ont quand même su nous offrir un personnage charismatique inespéré, c’est il faut bien le reconnaître, Harper Row.
Mais qu’en est-il de la Reine Mère de toutes les super héroïnes ? Quel fut le sort de Wonder Woman depuis ce fameux mois de novembre 2011 où le prometteur Wonder Woman #1 version Brian Azzarello et Cliff Chiang fut publié ?
Le scénariste de 100 Bullets, dans la plus grande lignée de son style, nous a livré une héroïne digne de ses précédentes aspirations à travers une mythologie qui lui est totalement personnelle -et tout autant dark que badass- mais où les Dieux de l’Olympe essentiellement masculins n’ont cessé d’écraser notre héroïne de leur aura, alors que les Amazones ont été elles-même réduites à être considérées comme des Mantes religieuses esclavagistes et fondamentalistes, concepts dans lesquels vont s’engouffrer le couple de dessinateur/scénariste Finch en manque d’inspiration, et dont votre blogueuse préférée ne s’en sera toujours pas remise jusqu’à en arrêter son abonnement.
Mais à l’annonce de ce Rebirth l’espoir a osé renaître, non seulement par le biais d’une nouvelle perspective façonnée (dans la glaise ?) par un scénariste qui non seulement n’a cessé d’œuvrer pour l’épanouissement et la mise en valeur des personnages féminins dont il a eu la responsabilité quelque soient leur medium (romans, comics) et le genre dont elles sont issues (du polar à la SF en passant par les super héros), mais qui a surtout toujours affectionné particulièrement notre sémillante Amazone depuis son plus jeune âge.
Entre Greg Rucka et Wonder Woman il s’agit bel et bien d’une histoire d’amour entre un scénariste et sa muse depuis Wonder Woman: The Hiketeia puis à partir de Wonder Woman #195 et ce sur 31 numéros, à tel point qu’il préféra claquer la porte de l’éditeur lorsque celui-ci lui refusa un projet intitulé à l’époque Wonder Woman Year One au bénéfice d’un certain trublion chauve britannique…
Mais alors que Grant Morrison était sur le point de livrer sa version (forcément sujette à polémiques) de l’Amazone, Rucka quant à lui nous offrait deux numéros consacrés à Renee Montoya / The question, Batwoman et Huntress lors de l’event Convergence il y a de cela à peine un an. Le magnifique Convergence : The Question se voulait en effet être un signe d’ouverture, galvanisant les fans de ces héroïnes, et préméditant qu’un retour aux sources pouvait être bel et bien possible…
Et pourtant, le grand retour de Greg Rucka sur Wonder Woman a toutefois fait l’effet d’une bombe, je n’ai moi-même pas pu m’empêcher de réagir via les réseaux sociaux pour exprimer ma grande satisfaction. L’homme qui était parvenu à transformer Batwoman en une icône LGBT était bien l’un des seuls écrivains à pouvoir sauver Diana de Themyscira de l’effroyable pétrin dans lequel on l’avait fourré dans sa série régulière (et dérivées), pour ma part je m’étais rabattue sur Sensation Comics, Bombshells, The Legend of Wonder Woman et Wonder Woman ’77.
En grand conteur d’histoires qu’il est, le co-créateur de Lazarus ne pouvait pas via ce numéro purgatoire enchaîner directement sur une nouvelle intrigue comme si de rien n’était. Il fallait, peut-être pas forcément faire table rase du passé mais du moins mettre certaines cartes sur table pour pouvoir aller de l’avant bien plus sereinement.
Ce numéro Renaissance se veut donc comme un moment d’introspection de la part de notre héroïne, comme si elle prenait enfin le temps dans se rendre compte qu’il y avait quelque chose de pourri dans le royaume de Themyscira.
De nos jours, à l’ère des internets, on appelle ça un bon gros troll des familles, et il est sacrément le bienvenu.
Dans une première partie illustrée par Matthew Clark (dont le style à la Greg Land est VRAIMENT très loin de m’accommoder, surtout sur un numéro aussi important que celui-ci), Wonder Woman se veut toujours présente pour défendre le sort de la femme oppressée par le système phallocrate qui règne sur notre monde. Mais lorsque qu’elle rentre chez elle, elle en est à se demander « Qui suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ? ».
Greg Rucka n’y va pas par 4 chemins, il broie au sens propre comme au sens figuré le statut problématique et sans issue de notre messagère de paix en tant que God of War instauré par Azzarello. Toutes ces dernières années vécues par Wonder Woman n’étaient que pur mensonge et même elle, en tant que gardienne de la vérité, ne l’a pas vu venir.
Bien sûr, le scénariste va une nouvelle fois évoquer ses origines et son passé plus ou moins proche pour ne pas dérouter un nouveau lecteur qui passerait par là et trouverait déjà que son histoire est un bordel sans nom. Mais ce numéro est surtout marqué par la prise de conscience de notre héroïne sur son propre statut : non, Wondie ne léchera plus de glaces de sitôt les enfants.
Mais ce numéro reste malheureusement assez frustrant compte tenu du peu de nombre de pages dessinées par Liam Sharp (6 au total), celles-ci ayant d’ailleurs été visibles depuis un certain nombre de semaines en preview et sous toutes les coutures (crayonnées, encrées, puis colorisées par Laura Martin). Mais la présence de deux dessinateurs au style si différent permet justement de d’accentuer cette transition entre la « fausse » et la « vraie » Wonder Woman, ce numéro se voulant surtout et au même titre que DC Universe Rebirth être un épisode intermédiaire et de remise à niveau avant que les choses commencent sérieusement. En gros, il fallait bien en passer par là avant de passer aux choses sérieuses et Greg Rucka s’en est naturellement sorti avec brio.
La suite étant prévue pour dans une dizaine de jours maintenant, où le présent et le passé vont s’alterner toutes les 2 semaines entre les illustrations de Liam Sharp (avec Wonder Woman #1 : The lies) et Nicola Scott (avec Wonder Woman #2 : Year One, et le peu que j’ai pu voir de ce qu’elle a fait sur le titre est littéralement à tomber), le vrai retour de Wonder Woman pourra alors commencer vraiment, enfin, oui c’est promis.
Rachel Rising Tome 5 : La review de Julien Lordinator
L’excellente série d’horreur de Terry Moore continue son petit bonhomme de chemin en France avec son cinquième tome. Cette série continue-t-elle de tenir en haleine comme elle le fait si bien depuis son tout premier volume ? Réponse dans les lignes qui suivent.
La vie continue dans la petite ville de Manson, après avoir fait face à une vague de meurtres puis une invasion de rats, les habitants hétéroclites de cette petite ville semblent penser que le calme est revenu et notre bande de héros profitent de cette relative accalmie, certaines pratiquent la magie noire tandis que la petite Zoé fait exploser des rats avec des pétards (Sigh…) mais pour nos sorcières réincarnées, le repos sera de courte durée car de nouvelles menaces se font de plus en plus pressentes : Zoé découvre durant son enquête que des menaces que l’on croyait éliminées semblent en fait plus présentes que jamais, et le « voleur de corps » réussi tant bien que mal à se frayer un chemin vers nos héroïnes. Enfin, il semblerait que l’incident du dîner durant lequel Carol, la petite amie de Johnny, avait tenté d’éliminer tout ce beau monde et qui lui avait coûté la vie, semble en fait bien plus compliqué qu’il n’y paraît…
Cinquième tome donc de Rachel Rising, et je dois avouer que je commence sincèrement à manquer d’arguments pour étaler les louanges de cette série : C’est toujours aussi bon, les personnages sont toujours aussi bien écrits, les dessins toujours aussi beaux et le rythme toujours aussi bien maîtrisé… Terry Moore réussi à tenir en haleine le lecteur de façon toujours aussi efficace après cinq tomes avec une histoire toujours aussi dense, intéressante et surprenante, une véritable prestation jusqu’à maintenant quasiment sans faute de la part de cet auteur, du rarement vu et lu en ce qui me concerne.
Je dois avouer que l’arrivée de chaque tome est attendu par votre serviteur, c’est peut-être même, et très honnêtement, la série dont j’attends avec le plus d’impatience la sortie de chaque nouveau tome ces dernières années, rien que ça.
Je ne vois pas ce que je peux ajouter de plus… Ça fait en tout et pour tout cinq fois que j’étale sur ce blog que cette série c’est LA série d’horreur de ces dernières années et qu’il faut la lire.
Essayer Rachel Rising, c’est immédiatement l’adopter et y devenir accroc, foi de Lordinator.
Rachel Rising Tome 5, Quand Vient La Nuit… Disponible en France aux éditions Delcourt dans la collection Contrebande depuis le 17 février 2016
Wonder Woman: Earth One Volume 1
Hercules has taught me life is a privilege
Ouvrage attendu de (très) longue date par votre blogueuse de choc, le Wonder Woman: Earth One de Grant Morrison et Yanick Paquette, sorti depuis peu, n’aura aucun mal à instaurer une sorte de nouvelle Guerre Civile auprès de ses différents lecteurs, qu’ils soient des inconditionnels de la Wonder Woman du Golden Age et du message que véhiculait William Moulton Marston à cette époque, du lectorat féministe ulcéré par la représentation parfois un peu trop coquine des Amazones par notre adorable dessinateur Québécois, et des amateurs de la bibliographie d’un scénariste hors norme qui a osé ici s’attaquer à une telle icône avec tout le talent qu’on lui connait pour la valoriser, mais aussi toute la critique et la contradiction qui émane d’un peuple vivant dans une telle autarcie, tout cela malgré son relatif court récit (144 pages, il en aurait mérité à mon avis bien une dizaine de plus).
Je suis moi même très partagée vis à vis de toutes ces conjonctures, mais je vais m’efforcer de vous les amener avec tout le recul possible tant ce premier volume (sur 3) restera je pense comme un indispensable, autrement dit comme on lance parfois plus haut, en avant Guingamp.
Wonder Woman: Earth One était donc cette espèce d’arlésienne que l’on attendait plus, entre changement de titre, de scénariste (Greg Rucka était à l’origine sur le projet), et de report de date de publication, DC Comics a su nous faire patienter de nombreuses années (5 au total) avant de nous livrer sa nouvelle version de l’héroïne en date, sans être ultime et définitive, mais réunissant près de 75 ans d’éléments propres à sa mythologie.
Mais avant de décortiquer soigneusement cet ouvrage, il est important je pense de revenir encore une fois sur le contexte particulier de la création de ce personnage tant il est vaste, et tant j’ai toujours autant de mal à lire certains avis de personnes totalement à côté de la plaque sur le sujet. Wonder Woman est l’un des personnages les plus intéressants qui puisse exister dans ce médium, et en bonne Amazone elle ne s’offrira jamais à vous sans que fassiez le vrai effort de vous soumettre à sa longue histoire.
En 1932, soit 9 ans avant les premières aventures de Diana de Themyscira, William Moulton Marston publie une nouvelle intitulée Venus with Us, A Tale Of The Caesar chez Sears Publishing Company, imaginant les expériences sentimentales et sexuelles de Jules César, dont le titre en latin Venus nobiscum est intimement lié à son intérêt pour le bondage et comme l’explique très bien son résumé : « était le cri de guerre et la devise de Jules César, maintenant toute sa vie que les femmes contrôlaient le monde, que les hommes vivaient, combattaient et régnaient, que les nations prospéraient; changeaient et disparaissaient sous l’impulsion des femmes. Ainsi chaque étape de sa carrière, dans son jugement, a été influencée par une femme » .
Ainsi d’après l’inventeur du polygraphe, Jules César n’était pas venu en Egypte vaincre Pompée et devenir le seul dirigeant de Rome autrement que pour sauver sa petite fille Gaia, et son amante esclave Ursula, tout en ayant la chance de rencontrer dans son périple Cléopatre…
Venus with Us décrit également des scènes de bondage entre les différents protagonistes, dans lesquelles le héros se soumettra sans complexe aux décisions des femmes sujettes à ses faveurs, dont Florentia, son tout premier amour : « Elle lui fit se vanter d’être son esclave, pleurant, suppliant, implorant. Elle lui fit sienne si entièrement que même elle ne pourrait jamais lui accorder la liberté. Elle l’enveloppa dans des obligations d’elle-même, dont la douceur était incassable. »
Pour Marston, le bondage exercé par les femmes sur les hommes n’était pas une pratique mais bel et bien un art de vivre, une philosophie qu’il nommait lui-même loving authority, un terme que ne va pas manquer de reprendre Grant Morrison dans les pages de Wonder Woman: Earth One pour décrire le matriarcat instauré sur Paradise Island pendant des millénaires.
De Venus à Diana il n’y avait donc qu’un pas, l’autorité et la présence de la déesse Aphrodite étant effectivement perceptible dans les moindres recoins d’Earth One, et ce, dès la couverture avec sa référence à peine déguisée de la fresque de Botticelli.
Hippolyta ne devra également son salut des mains viriles d’Hercules (ce qui est bien avec Morrison, c’est que dans ce récit, les hommes prennent aussi chers que les femmes) que par son intervention divine, la légendaire ceinture de la reine des Amazones semble être aussi constituée des plumes du cygne/animal fétiche de la déesse, Yanick Paquette contribuant en parfait zoologiste qu’il est, à rappeler dès qu’il le peut l’iconographie des plumes autant sur les vêtements des amazones que dans l’architecture de Themyscira, de même que pour la forme du coquillage reprise tout le long de l’ouvrage, sans parler du fameux avion invisible en forme de vagin, Venus étant (il est temps de le rappeler) la déesse de l’amour et de la sexualité.
Qui plus est selon la mythologie, Venus serait née d’une goutte de sang d’Ouranos après que celui-ci se soit fait émasculer par son fils Cronos (diantre, ce sont des choses qui arrivent). Elle naît ainsi à la suite de la chute dans la mer des organes génitaux de son père. Tout un symbole.
Dans ce Wonder Woman: Earth One, il faut également saluer l’impressionnant travail de Paquette pour nous donner une Ile du Paradis à la fois monumentale et démesurée, où chaque édifice semble faire partie de son environnement naturel, comme si Déméter elle-même les avait fait jaillir de la roche. Le site exceptionnel des calanques de Cassis où les pins d’Alep poussent à flanc de falaises est l’endroit où l’artiste a puisé son inspiration pour nous donner sa version de Themyscira. Entre rochers vertigineux et végétation luxuriante, les temples et arènes à la gloire de la féminité dont l’architecture autant classique et épurée qu’organique et complexe, nous donnent toute la mesure du temps que l’artiste aura mis (deux ans) à illustrer cet album.
En décidant de traiter un personnage aussi emblématique que celui de Wonder Woman (de par sa teneur culturelle et sociologique comme étant l’un des plus grands symboles du féminisme de l’ère moderne), Grant Morrison devait sans doute s’attendre à des réactions plus ou moins enthousiastes, mais qui finalement ne sont pas s’en rappeler celles qui avaient été entendues par William Moulton Marston en 1941 lorsqu’elle apparu dans les pages d’All Star Comics #8.
Wonder Woman a depuis toujours fait l’objet de fantasmes de la part de ses lecteurs masculins, tout en véhiculant des préceptes féministes pour ses lectrices, ne retenir qu’une facette de son identité est une erreur et Grant Morrison a quant à lui bien décidé de n’omettre aucune de ces deux perspectives. Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point le scénariste britannique s’amuse à suivre les traces du psychologue, dans sa démarche à la fois utopique, anachronique, fantasmée/érotisée d’une société totalement régit par des femmes, ou le lesbianisme, le bondage et le protectionnisme par le matriarcat en sont les piliers.
Morrison arrive également à faire passer le message de Marston qui montrait Wonder Woman comme une réponse aux comics des années 40 qui prônaient une masculinité toute guerrière, ici Diana ne cherche qu’à vouloir soigner et guérir, et elle s’oppose aux soldats sans se battre. A vrai dire, les premières pages de Wonder Woman: Earth One ne sont ni plus ni moins qu’un remake moderne de Wonder Woman #1, même si Morrison a pris certaines libertés, on retrouve tout à fait la caractérisation propre au Golden Age des Amazones et de leur univers.
En parlant de libertés prises il y en a une qui est de taille en la personne de Steve Trevor, dont Diana ne va pas tomber amoureuse mais qui va plus lui servir d’excuse pour quitter l’Ile du Paradis. En modifiant l’ethnie du pilote naufragé, Grant Morrison enrichit grandement ce personnage rappelant que ses ancêtres étaient eux aussi des esclaves et ramenant ainsi la condition des Amazones beaucoup plus compréhensible pour le lecteur.
La présence d’Etta Candy, ou plutôt Beth Candy et de ses Holidays Girls, est également une très belle affaire, et il est d’ailleurs assez drôle de pouvoir comparer cette version d’Etta avec celle de The Legend of Wonder Woman de Renae De Liz. Toutes les deux sont sublimes et me font penser que l’on ne voit que trop rarement ce genre de personnages dans un comic-book, même si les choses commencent peu à peu à changer notamment avec l’arrivée de Faith chez Valiant. Choisir Beth Ditto (véritable ouragan, icône queer et féministe moderne) comme référence pour Etta Candy légitimise à lui seul le caractère féministe de l’oeuvre de Morrison et Paquette, malgré les défauts que pourront trouver certains lecteurs ou lectrices, à juste titre d’ailleurs.
Grant Morrison a été élevé dans un environnement féminin auprès de sa mère et de sa sœur qui se retrouvaient souvent en conflit l’une envers l’autre. Wonder Woman: Earth One en plus d’avoir le mérite de donner les clés au lecteur lambda sur une héroïne dont on a encore du mal à cerner les vraies origines au bout de 75 ans, traite également d’une histoire de famille et du rapport de force qu’une mère peut avoir avec sa propre fille. Il est clair que les deux auteurs ont mis beaucoup d’eux-même dans cette oeuvre, et je peux comprendre leur frustration au regard des critiques.
Mais la faiblesse de Wonder Woman: Earth One réside encore une fois sur le traitement des Amazones, comme cela a été dernièrement le cas avec Brian Azzarello et Meredith Finch, on se retrouve ici à devoir faire face à une bande de lesbiennes sectaires, hautaines, élitistes et rejetant la diversité physique des femmes de la Terre des hommes, des fondamentalistes du beau sexe qui se confortent dans leur idéologie via des images violentes et révoltantes du monde extérieur. C’est du moins le cas d’Hippolyta, qui aurait pu, au bout de 3000 ans, changer un peu son fusil d’épaule vis à vis des hommes, mais préfère continuer à se comporter telle une Ben Laden du féminisme (la présence des Twin Towers dans le miroir n’est sans doute pas fortuite), les attentats en moins, quoique, il n’est pas dit qu’elle aurait pu se servir de Diana à des fins plus dramatiques (« Mother ! I’ve been training my entire life for… what ? You named me for the divine mistress of the hunt ! »).
Il est dommage de devoir encore une fois buter sur un tel raccourci comme quoi des femmes vivant en autarcie ne peuvent vivre que dans la haine des hommes et l’intolérance primaire face à ce qu’elles appellent le « masculinisme ».
Du coup comment un peuple détenant une culture et une technologie aussi avancée peut-il continuer d’évoluer ? Alors oui, je sais que le principe de Themyscira est d’être une île totalement isolée et protégée de la violence des hommes mais de là à cacher la (ou plutôt les) vérité(s) dans le but de contrôler ses ouailles est une erreur. Ou plutôt véhiculer cette idée en est une. Elle ne fait qu’affaiblir encore une fois la valeur des Amazones dans le DCU, et il se trouve que Wonder Woman en est une. Et même si Wonder Woman: Earth One n’est au final qu’un Elseworld, les préceptes sont lâchés, et les lecteurs sont encore bien loin de pouvoir faire la différence contrairement aux versions Earth One de Batman et Superman.
Voilà, j’ai été plutôt sage vu que j’ai laissé mon coup de gueule pour la fin, et j’ai oublié de vous parler de plein de choses comme les ajouts bien sentis de la mythologie grecque comme les Parques et la gorgone Medusa, mais du coup il n’y aurait finalement plus de surprises.
Ce premier volume de Wonder Woman: Earth One est donc comme je l’ai dit plus haut un livre qui arrive à faire le pont entre les idées (les idéaux ?) de William Moulton Marston appartenant à la fameuse époque du Golden Age pour notre héroïne, et sa version plus moderne, malheureusement parfois stéréotypée aussi, mais qui finalement contribue pleinement à résumer un peu ces 75 ans d’histoire pour le lecteur novice.
En quelques 144 pages et des années de travail, l’attente en valait la peine, c’est sûr.
Porcelaine Tome 2 : la review de Julien Lordinator
Nous avions laissé notre chère héroïne de Porcelaine dans une bien triste situation, seule et visiblement abandonnée, héritière du secret de son père adoptif. Dix ans plus tard, qu’est-il advenu de notre gamine des rues devenue depuis une femme ? Réponse dans le tome deux de Porcelaine dont je vais vous parler de suite !
Dix ans ont passé depuis les événements de Gamine et nous retrouvons donc notre héroïne solitaire aux prises avec des militaires, très intéressés par ces créatures de porcelaine pour mener le combat sur un front qu’on ne prend intelligemment pas la peine de nommer dans le récit. Malgré cette ambiance un peu lourde et mélancolique, l’amour n’est pas très loin et notre héroïne va se laisser charmer par un gentil soldat et ce malgré la supérieure dudit soldat, une femme forte et cruelle obsédée par la guerre. Mais les choses sont rarement ce qu’elles semblent être, entre mensonges, trahisons et cruauté, la réalité va très vite rattraper notre ancienne gamine des rues et lui montrer que le monde des adultes et par extension le monde extérieur, c’est pas vraiment la joie…
Deuxième tome donc de Porcelaine avec toujours la même équipe créative aux commandes à savoir Benjamin Read au scénario et Chris Wildgoose aux dessins.
Niveau dessins, pas de changement notable puisque Chris Wildgoose reste fidèle à lui même et au travail qu’il avait fourni sur le premier tome, à savoir une esthétique remarquable, mélange entre gothique, époque victorienne et steampunk léger.
Un brassage de style très réussi qui au final forme un ensemble crédible et ma foi très spectaculaire sur certaines planches. Idem pour les personnages, simples sans être caricaturaux, dans un style à mi chemin entre Tim Burton et le comics classique. Au final, on est pas vraiment dépaysé par rapport au premier tome et… C’est un peu tant mieux car c’est vraiment très beau et très plaisant à lire.
Niveau scénario, on passe d’une ambiance un peu plus sombre (mais enfantine et féerique) à une ambiance un peu plus pesante et mature. C’est d’ailleurs une des plus grosses différences avec le tome précédent : Même si l’ambiance reste résolument gothique et victorienne, le coté un peu hors du temps et féerique du premier tome laisse la place à une atmosphère un peu plus réaliste, voir très dure à certains moments.
Néanmoins, l’auteur a quand même voulu garder cet aspect hors du temps en restant volontairement vague sur une époque ou période précise, donnant ainsi au récit un style un peu intemporel. Niveau mentalité et personnalité de l’héroïne, le point fort du premier tome, même si son caractère s’est affermi et affirmé, son côté rebelle et grande gueule est toujours présent, cet aspect étant en grande partie la raison de l’affection que le lecteur éprouvait pour elle dans le premier tome, le scénariste a eu l’intelligence de le garder tout en la faisant évoluer : On a donc une héroïne sûre d’elle, forte en gueule, plus mature et posée mais toujours avec ce petit grain de fraîcheur et de spontanéité qui faisait son charme dans Gamine.
Donc notre héroïne évolue, sans perdre son charme et c’est réussi, point.
Porcelaine tome deux est donc en résumé une véritable évolution, que ce soit le caractère de notre héroïne et l’ambiance générale du récit, on sent une véritable intention de l’auteur de faire évoluer son personnage et son univers, ladite évolution étant manifeste lors d’une scène finale dantesque et cruelle, confirmée par un épilogue noir et pessimiste. J’attends donc avec impatience le troisième tome pour voir où les auteurs vont amener nos personnages et j’espère secrètement que se sera vers de meilleures auspices parce que mine de rien, je m’y suis attaché à cette gamine devenue femme… Et bientôt mère.
Porcelaine Tome 2, Femme disponible depuis le 24 février 2016 chez Delcourt dans la collection Contrebande.
Bitch Planet Tome 1, Extraordinary Machine : la review de Julien Lordinator
Les films de femmes en prison furent pendant longtemps une incroyable machine à fantasme pour des millions de spectateurs (masculins) à travers le monde. Ces films, emblèmes de la sexploitation, connurent leurs heures de gloire dans les années 70 et certains films sont depuis des films cultes : The Big Doll House (1971), la saga des Ilsa La Louve, le fameux Des Femmes Pour le Bloc 9 de Jess Franco (1977) et j’en oublie sûrement beaucoup.
Ces films étaient présentés souvent comme des films érotiques assez hardcore et très souvent aux relents sadomasochistes et misogynes. Personnellement je n’ai jamais été très fan de ce style, malgré mon amour indéfectible pour le cinéma bis, enfin bref…
Aussi quand Kelly Sue DeConnick sort une BD aux premiers abords inspirée de ce style cinématographique, connaissant la scénariste, on est en droit de lever un sourcil dubitatif… Et pourtant, c’est mal la connaître !
Le talent d’un bon scénariste, c’est de pouvoir parler intelligemment et rendre intéressant n’importe quel sujet et donc quand DeConnick décide d’écrire une bande dessinée sur une prison pour femmes volontairement titrée « trash » comme Bitch Planet (littéralement « La Planète des Salopes » quand même…) on peut certes s’interroger sur le fait de voir le nom de cette scénariste réputée comme profondément féministe sur un tel projet. Mais comme je le dis plus haut c’est mal la connaître, et la scénariste a plusieurs cordes à son arc.Bitch Planet commence donc avec l’arrivée sur la fameuse planète de chair fraîche, à savoir une fournée de nouvelles prisonnières. Dès les premières pages le ton est donné : La planète existe surtout pour mâter les rebelles d’une société patriarcale carrément machiste dans laquelle les femmes doivent être soumises et stéréotypées pour exister aux yeux des hommes (l’utilisation du vers solitaire est même médicalement conseillé afin de garder la ligne !).
Cette société ne tolère aucun écart de la part de ces représentes féminines, qu’elles soient d’ordre physique ou idéologique. Ces « écarts » sont punis par un séjour sur la Bitch Planet et on y trouve du coût un peu de tout : Sportives rebelles, érudites, lesbiennes et obèses côtoient criminelles endurcies, meurtrières et femmes infidèles. La nudité est très présente, mais plutôt que de jouer sur la corde du voyeurisme, elle est justifiée par le caractère sans fioriture du récit : Les physiques sont hors normes, présentés dans des poses réalistes et asexuées, nos héroïnes n’ont donc au final rien à nous cacher, les rendant d’autant plus attachantes.
Dès leur arrivée, un petit groupe de femmes mené par la sportive Kamau Kogo se forme et la directrice voit dans ce groupe de fortes têtes une occasion inespérée de monter une équipe de Megaton, un sport ultra-violent et jusque là réservé aux hommes. Mais visiblement, que se soit l’équipe ou la directrice, les deux entités semblent avoir des idées bien précises de l’utilité de participer à cette compétition.
Le premier match a lieu face aux gardiens de la Bitch Planet et tout ne se passe pas comme prévu…
Très inspiré par des codes graphiques et visuels volontairement typé années 70, Bitch Planet est une lecture qui sort résolument des sentiers battus d’une part par son ton rebelle et engagé quasiment caricatural mais salvateur : Les hommes y sont sans exception des êtres méprisables, pervers et manipulateurs alors que les femmes sont dépeintes comme de véritables victimes d’une société et doivent se soumettre pour avoir un semblant d’importance somme toute assez relatif. Du coup, on prend fait et cause pour ce groupe de femmes opprimées, à la fois rebelles, touchantes et au final plus humaines que les personnages « libres ». Un chapitre entier est d’ailleurs consacré à Pénélope, une gigantesque obèse (un sujet que je connais bien…) très portée par le coup de boule et la mandale (sorte de Bud Spencer au féminin) dont le destin à la fois tragique et pathétique se révèle en fait être une véritable leçon de courage.
On ressort de la lecture de Bitch Planet galvanisé et énervé, galvanisé par les leçons de courage que nous donne Kelly Sue DeConnick avec ses personnages, et énervé par l’oppression dont sont victimes ces femmes au final proches de nous par leur caractère bien trempé, éveillant un coté rebelle plus ou moins dissimulé dans notre subconscient.
Visuellement là encore le côté années 70 est revendiqué avec des couleurs claires et aplaties, une colorisation pigmentée et des ombres très présentes, Valentine DeLandro fournissant un travail certes classique mais efficace, très brut et au final assez représentatif de l’esprit de la bande dessinée. Seule le chapitre consacré à Pénélope est dessiné par un autre artiste, à savoir, Robert Wilson IV dont le trait tout en rondeur rend bien honneur à l’héroïne.
Chaque chapitre est entrecoupé par une page de publicité rétro vendant des produits tous plus fantasques et aberrants les uns que les autres (le fameux vers solitaire…) qui font gentiment rire jaune.
Bitch Planet c’est en fait une caricature de notre société moderne, exagérée dans ces moindres détails qui, malgré son ton brut de décoffrage et son second degré assumé, est en fait résolument actuelle et nous met face aux propres déviances misogynes de notre société en les exacerbant : Une leçon de mentalité au travers d’un récit de science fiction grand guignolesque ? Tel est le talent de Kelly Sue DeConnick avec Bitch Planet, une lecture plus que recommandable par les temps qui courent et c’est un mec qui vous le dit !
Bitch Planet book One : Extraordinary Machine, disponible en VO depuis le 20 octobre 2015 chez Image Comics.
Faith #1
Les aventures solo de l’héroïne Faith Herbert sont enfin disponibles chez Valiant Comics depuis peu (ce premier numéro est sorti le 27 janvier). Le rendez-vous était pris depuis quelques mois déjà, et j’étais d’autant plus impatiente de découvrir un univers dont j’étais totalement inculte, mais depuis mon précédent billet sur le sujet, nous avons appris qu’un nouvel éditeur français (Bliss Comics) allait s’emparer du catalogue Valiant à partir du mois d’avril dans sa version papier (une version numérique sera également dispo via ComiXology). De quoi espérer donc d’en savoir un peu plus sur elle dans la langue de Molière, après l’avoir découverte chez Panini Comics en 2013.
Faith est donc une mini-série de 4 numéros centrée sur un personnage devenu très populaire au fil des publications du titre dont elle est issue, Harbinger. Dotée de super pouvoirs mais surtout d’un cœur gros comme ça, notre héroïne se la joue désormais justicière (et non vigilante) avec tout ce que cela implique : double vie à gérer, nouvelle place à se trouver quand on ne fait plus partie d’une équipe, et menaces à faire face…
Autant annoncer la couleur de suite, j’ai vraiment apprécié ce premier numéro car il n’y a aucune allusion faite de quelque manière que ce soit à son physique, le trait de Francis Portela y est d’ailleurs pour beaucoup. Oui, Faith a un physique, un vrai, et c’est une véritable bénédiction de la voir évoluer de la sorte, mais la magie de ce titre réside véritablement en quelques cases : les dogmes-les tropes-du super héros sont ici pulvérisés pour laisser place à une jeune femme bien dans sa peau et qui ne demande qu’à faire le job.
Comment en effet ne pas être touchée par ce personnage positif, qui vient vraisemblablement de loin mais qui a décidé d’aider son prochain vaille que vaille, assumant surtout son statut de super héroïne sans le moindre doute.
En geekette accomplie, Faith affectionne autant la culture populaire qu’elle l’incarne (on trouvera d’ailleurs ici pas mal de similitudes avec le personnage de Kamala Khan, sans pour autant la copier) et les références à d’autres super héros bien connus et issus des Big Two sont les bienvenues sans être lourdingues.
Le capital sympathie de ce titre est renforcé par la présence de l’artiste Marguerite Sauvage qui officie sur l’aspect le plus romancé de l’intrigue, rajoutant une certaine légèreté à l’ensemble. Je ne sais pas du reste si ce numéro est le meilleur moyen de rentrer ou de s’initier à l’univers Valiant, des allusions à différents personnages sont effectivement amenées à plusieurs reprises et semblent avoir beaucoup d’importance pour notre héroïne, mais il est clair qu’il donne envie d’en savoir plus.
Ce que je retiens en tout cas de ce premier numéro, c’est qu’il apporte une nouvelle pierre à un édifice qui s’érige en faveur de la diversité et qu’en cela cette mini-série mérite qu’on y jette un sérieux coup d’œil.
InSEXts #2
Intrigantes, envoûtantes, charnelles et vengeresses, les héroïnes d’InSEXts la prometteuse série du nouvel éditeur Aftershock Comics, avaient su séduire l’imperturbable Julien, qui pour honorer leurs premiers battements d’ailes le mois dernier, nous avait offert une review tout en style et lyrisme.
Ce premier numéro fut également pour moi un véritable enchantement, liant avec parcimonie, une certaine audace, et surtout une grande élégance des préceptes me rappelant avec délectation mon affect pour le cinéma de Jean Rollin des années 70 ainsi que le court-métrage Sick Girl de Lucky McKee diffusé dans la série Les Maîtres de l’horreur il y a une dizaine d’années.
Érotisme, fantastique et romantisme d’une autre époque, InSEXts avait décidément tout pour me plaire, et ce premier opus aurait d’ailleurs très bien pu se clore sans que l’on en exige une suite, tout en rejoignant pourquoi pas un recueil de récits publiés du style Eerie ou Creepy. Il n’en est rien, InSEXts est une série à part entière et ce second volet nous montre très bien qu’elle est prête à nous réserver de nombreuses surprises et nous emmener très loin (du moins, on l’espère).
Le mari de Lady Bertram ayant « disparu » depuis six mois, celle-ci file désormais le parfait amour avec Mariah (et leur fils engendré de manière assez particulière dans le numéro précédent, c’est vrai que c’est plutôt efficace, je n’y avais pas pensé à l’époque…), avec le soutien et la discrétion de ses domestiques, tout en essayant de se défaire de quelques prétendants hypnotisés par sa beauté et son aura surnaturelles, tels des insectes attirés par la lumière.
L’aristocrate a du reste encore du mal à contrôler ses pouvoirs légués par sa compagne, et laisse parfois exprimer sa bestialité non sans violence et monstruosité. Mais Mariah n’est jamais très loin, protégeant son amante telle une chrysalide dans son état transitoire.
C’est pourtant une menace bien plus insidieuse que les deux femmes vont devoir faire face, alors qu’arrivent en ville le frère du défunt mari et son épouse, pleinement déterminés à récupérer l’immense fortune laissée aux mains des deux lady, sans oublier l’intrusion d’une créature bien connue du folklore et de la littérature fantastique dont on ignore encore tout. Dans cette série, le Mal a donc de nombreux visages, qu’il soit incarné par nos deux héroïnes, le milieu dans lequel elles évoluent, ou les périls qu’elles vont devoir affronter.
Ce second volet d’InSEXts réussit donc encore à nous séduire sans aucun problème grâce à une atmosphère à la fois sensuelle, violente et vaporeuse. Ariela Kristantina (qui laisse exprimer tout ton talent sur ses couvertures extraordinaires) et Marguerite Bennett (que l’on sent totalement libre et sans compromis dans son approche de la sensualité et de l’horreur), nous offrent ici une très belle série qui démarre de manière totalement jouissive, pour peu qu’on aime ce mélange des genres, digne de la série Penny Dreadful.
La note de Katchoo : 4/5
Spider-Gwen Tome 1 : la review de Julien Lordinator
Spider-Gwen c’est un peu la série qui a fait le buzz avant même la sortie de son premier numéro et c’est surtout une grosse réussite niveau communication de la part de Marvel : A la base juste un épisode spécial (publié en France dans le magazine Spider-Man Universe numéro 14), Spider-Gwen a réussi à se tailler un énorme capital sympathie auprès des lecteurs et visiblement des cosplayeuses (je n’invente rien, c’est écrit dans la préface de cette édition reliée) faisant de ce personnage un phénomène à partir d’un simple one-shot. Conscient de l’aubaine, Marvel annonça vite une série régulière basée sur le personnage et c’est donc de celle-ci dont je vais vous parler (rapidement) aujourd’hui, à l’occasion de sa publication en français chez Panini.
Un personnage qui doit sa renommée à une avalanche de cosplays ? Connaissant mon aversion pour les costumes en lycra, carton et papier crépon bariolés de peinture à l’eau, très honnêtement, ça commence mal pour cette pauvre Gwen… Mais je sais être objectif quand même.
« Yeah, I knew I hit the edge when I saw the Spider !
Blaze they gaze, Amaze at the razorStranlehold L-O-V-E laze or Power Breakdown
Get on it !!! Stateside crazy Get wit’ it !!Sista told ya, you ain’t nothin’
Yeah – Yeah – Yeah (Yeah) »
White Zombie – Spiderbaby (Yeah-Yeah-Yeah) – La Sexorcisto- 1992
Spider-Gwen c’est donc à la base un simple one-shot issu de l’event Spider-Verse. Spider-Verse c’est quoi ? C’est un arc de la série Spider-Man durant lequel toutes les versions de tous les Spider-Men (comics, mais aussi dessin animé etc.) se rencontraient. C’est en résumé un peu une sorte de Crisis on Infinite Earths, mais uniquement centré sur Spider-Man quoi… Et donc parmi toutes ces versions de Spider-Man venues de dimensions parallèles, il y a Spider-Gwen (enfin Spider-Woman dans son univers) dont l’histoire alternative est simple : Et si en lieu et place de Peter Parker, c’était Gwen Stacy qui avait été mordue par la fameuse araignée radioactive ?
Le one-shot établissait les bases : La mort de Peter Parker [SPOILER] qui se transforme en lézard en tentant de renouveler l’expérience de l’araignée [FIN DU SPOILER], la nouvelle dynamique du personnage de Gwen, qui de petite amie passe à celui de super héroïne solitaire, mais aussi son entourage : Les époux Parker, le capitaine Stacy, J. Jonah Jameson (qui est resté lui-même…) etc.
D’autres personnages sont également de la partie, Mary Jane Watson, le Caïd, fidèle à lui-même ou encore un Franck Castle… Lui aussi pas tellement différent en fait. Certes Gwen est donc Spider-Woman, mais dans le fond l’esprit des séries Spider-Man habituelles est bien là… Et c’est là pour moi le plus gros problème.
En effet Gwen Stacy a beau être Spider-Woman, on se retrouve avec une énième version alternative de Spider-Man sans grande originalité : La dynamique du personnage et ses problèmes sont les mêmes que son homologue masculin et malgré quelques menues différences, on est manifestement en terrain connu et les similitudes deviennent rapidement (trop ?) évidentes pour donner assez de fraîcheur à un titre qui pourtant semblait être taillé pour en proposer.
De plus, on sent bien le poids du one-shot publié précédemment qui ne laisse pas grand chose au scénariste Jason Latour pour correctement élaborer une base suffisante pour rendre la série de prime abord intéressante : Par exemple, une dynamique Peter/Gwen aurait put être une base intéressante mais privée de ça (et de beaucoup d’autres choses), la série se retrouve handicapée et on sent bien une difficulté pour le scénariste d’élaborer un contexte intéressant avec des personnages que l’on est plus habitué à voir comme secondaires. Le plus gros défaut est sans conteste la présence d’une Némésis pas vraiment convaincante pour notre héroïne.
Néanmoins, quand on y regarde de plus près, tout ça reste un avantage pour Latour : A la base juste des personnages secondaires, il lui reste donc tout le loisir et l’occasion de broder autour d’eux un univers vraiment original, wait & see comme disent nos amis d’outre atlantique…
Niveau dessin c’est par contre une belle réussite de la part de Robbi Rodriguez car si niveau scénario Spider-Gwen peine un peu, la fraîcheur et le dynamisme du trait de l’artiste texan rend justice au personnage et j’avoue avoir été assez admiratif de certaines planches, à la mise en page très inspirée par le style manga qui du coup dessert bien le personnage, son esprit et son univers jeune et « cool ». Je ne connaissais pas cet artiste et j’avoue avoir été agréablement surpris.
Donc pour finir, Spider-Gwen a peiné à me convaincre : L’histoire manque cruellement d’originalité, les personnages secondaires de consistance, et on sent bien que le scénariste a un peu de mal à établir un univers cohérent et dynamique autour de son personnage. Néanmoins je reste curieux et j’attends de voir la suite pour vraiment me faire une idée sur cette série.
Spider-Gwen tome 1, disponible depuis le 6 janvier 2016 en France chez Panini Comics.
InSEXts #1 : la review de Julien Lordinator
C’est par le biais du blog sur lequel vous êtes en train de lire cette modeste critique que j’ai entendu parler de ce comics. Car oui, j’ai beau officier ici en tant que grouillot, je lis scrupuleusement et avec célérité tout ce que ma patronne y publie avec brio (en fait elle m’y oblige…). InSEXts c’est donc une histoire d’un couple lesbien et d’insectes mutants, le tout dans le Londres de l’ancien temps. Le pitch est alléchant, mais le comics l’est-il tout autant ? Je m’en vais répondre à ces questionnements prestement !
InSEXts, c’est donc le récit de Lady Bertram et de Mariah, sa dame de compagnie. Pas vraiment heureuse en ménage, la dame de la haute se jette à corps perdu dans le libertinage dans une ode à Lesbos (notamment sur une splendide double page présentant les ébats des deux amantes), Lady Bertram en compagnie de ladite servante, faisant jouer leurs corps dans un ballet passionné. L’amour toujours et c’est par un échange aussi peu ragoutant que déroutant d’un œuf gluant entre les deux amantes, que se profile un futur enfant. Encombré par un mari pas vraiment aimant, c’est lui qui est choisi par les deux harpies pour être le père de l’enfant. Un homme enceint, que voilà une idée saugrenue mais ma fois plutôt bienvenue.
Mais n’était il pas également question de mutations ? C’est au moyen d’un mystérieux stratagème, que le visage blême, le mari impuissant se retrouve victime d’un enfantement aussi violent que sanglant. Faisant d’une pierre deux coups, se débarrasser du fiancé et gagner leur liberté, les deux femmes nouvellement mamans d’un enfant mutant commence leur épopée qui j’en suis sûr ne manquera pas de nous étonner !
Hormis son histoire bigarrée, InSEXts n’est point dénué d’autres qualités, la première est sa plastique, aussi bien esthétique que somme toute assez classique. Cependant, il est bien là l’attrait de cette bande dessinée, l’art qui y est exprimé, au moyen de ces lignes léchées et parfaitement maîtrisées. Les comics sont un média américain et qui dit américain dit souvent puritain, hors ici il n’en est rien, point de suggestions ou de connotations, c’est sans détour que ces dames nous dévoilent leurs plus beaux atours. La violence n’est pas en reste, sans toutefois en devenir indigeste. Il en est de même pour les environnements d’époque, tout aussi simple et reluisant sans que cela ne choque.
Visuellement c’est donc un carton plein auquel j’applaudis des deux mains.
Les deux héroïnes sont attachantes tout en étant ma foi méchantes, il est rare de voir des femmes sans foi ni loi dans une bande dessinée de surcroît de cette qualité. Libérées ou simplement dégénérées, je ne peux pour le moment les définir sans les desservir, cette courte introduction qu’est ce numéro, ne faisant qu’effleurer leur position, non sans un certain brio.
Une expérience différente sans être toutefois gênante, c’est que propose InSEXts : Loin des lieux communs et des préceptes des comics classiques, c’est un œuvre originale qui dans un premier temps vous laissera surpris par la morale de ce couple maudit. Personnellement, je fus enthousiaste, étant de nature peu chaste, durant la lecture de cette avalanche de violence et de luxure, charmé que j’étais tout autant par son visuel étonnant, ces héroïnes fatales, que leur comportement immoral et contraire au vent créatif des œuvres de même genre, souvent plus simpliste.
Des femmes méchantes et libres, c’est assez rare pour le dire surtout dans ce marché qu’est la bande dessinée venus de cette lointaine contrée.
InSEXts de Marguerite Bennett et Ariela Kristantina, numéro 1 disponible aux Etats Unis chez l’éditeur Aftershock depuis le 9 décembre 2015
The Shaolin Cowboy : La review de Julien Lordinator
Retour en France de la création de Geof Darrow ! Après un passage en trois tomes chez Panini, c’est chez le Glénat Comics nouvelle formule que le héros expert en arts martiaux revient faire jouer son kung fu dans une nouvelle aventure délirante. Est-ce que le Shaolin Cowboy est toujours aussi efficace pour distribuer autant de pains à la fois (1) ? Après avoir dévoré en huit minutes chronomètre en main l’intégralité de ce bouquin, je peux vous assurer que oui !
Souvent quand je fais une review, je parle du scénario et des dessins et je finis par mon avis personnel. Là, pas de soucis, je vais pouvoir sauter le premier point sans souci car de scénario, ce livre en est dépourvu. Et oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce nouveau chapitre des aventures du cowboy n’a pas d’histoire, tout juste une légère trame servant de prétexte à un étonnant jeu de massacre sur une multitude de zombies à l’aide d’une perche tronçonneuse que les fans du jeu vidéo Dead Rising connaissent bien (2).
Après une longue introduction résumant brièvement les cocasses et surréalistes précédentes aventures du Cowboy, on retrouve notre héros six ans plus tard, émergeant des sables du désert. A peine le temps de se remettre de ce sommeil qu’il est immédiatement attaqué par une horde de zombies décharnés, mais notre courageux combattant n’est pas homme à s’en laisser compter : Plutôt que de fuir, il affronte vaillamment cette horde !
Geof Darrow, on le connait pour ses collaborations avec Frank Miller, notamment sur Big Guy and Rusty the Boy Robot (hommage à peine dissimulé à l’Astro Boy de Osamu Tezuka ainsi qu’au film de monstres japonais) et la mini-série Hard Boiled. Son style réaliste et hyper-détaillé fait de splash pages monumentales est sans conteste sa marque de fabrique immédiatement reconnaissable.
Comme dit plus haut, cette nouvelle aventure du Cowboy est totalement dénuée de trame scénaristique : Pendant à peu près cent cinquante pages (!?) vous allez pouvoir ainsi admirer le travail minutieux de l’ami Darrow sur la destruction gore de zombies. C’est simple, toute les façons imaginables de démolir du mort-vivant à mains nues vont y passer et si le gore crade vous choque, vous allez vite avoir des haut-le-cœur : Les membres tranchés volent dans tous les sens, les cranes et les ventres explosent sous les poings d’acier de notre artiste martial. Geof Darrow s’est visiblement éclaté comme un petit fou à dessiner tout ça car il faut vraiment beaucoup de volonté et d’enthousiasme pour dessiner un massacre ininterrompu de cadavres ambulants en décomposition durant cent cinquante pages sans se lasser et rester original, chose que le dessinateur réussi parfaitement et avec brio ! Et en plus, c’est juste foutrement beau.
Je pourrais continuer en disant que par cette surenchère de violence décomplexée, Geof Darrow se moque allègrement de la société des médias qui banalise la violence jusqu’à l’écœurement en la glorifiant pour des consommateurs passifs et bêtifiés (avec par exemple les deux très courts intermèdes) mais bon, ce serait vous gâcher le plaisir de la découverte ;).
Avant de conclure, un petit mot sur l’édition française : Glénat Comics nous gratifie d’une édition irréprochable blindée de bonus. Grand format, le livre s’ouvre donc sur une rétrospective des aventures du Cowboy (et accrochez-vous parce que c’est long et gratiné) et se conclu par une longue et passionnante interview de Geof Darrow où il revient sur sa carrière et notamment sa relation avec le français Jean Giraud / Moebius. Cerise sur le gâteau, un portfolio conclu ce livre de la plus belle des manières.
Personnellement, je suis un grand fan de Geof Darrow et chacun de ses livres est pour moi un véritable enchantement rétinal, ce nouveau Shaolin Cowboy ne faisant pas exception à la règle. Alors oui, j’avoue, voir des zombies se faire démolir pendant plus de cent cinquante pages, c’est un peu extrême et certains ne serons pas capable de claquer vingt euros juste pour ça, pour les fans de Geof Darrow, la question en se pose pas puisque le livre est sûrement déjà sur leur étagère.
C’est une lecture décomplexée, juste un bon moment à passé, comme un intermède entre deux lectures sophistiquée et surtout putain, qu’est ce que c’est beau !
The Shaolin Cowboy de Geof Darrow, disponible depuis le 21 octobre 2015 chez Glénat Comics
1 : Référence humoristique que les trentenaires reconnaîtront.
2 : Le héros de Dead Rising 2 l’arborait même sur la jaquette dudit deuxième opus de cette série de jeux vidéo.
Rachel Rising Tome 4 : La review de Julien Lordinator
Déjà quatre tomes pour cette excellente série dont la qualité ne se dément pas. Après un tome 3 qui nous laissait dans un suspens insoutenable, quelle est la suite des péripéties de notre morte-vivante préférée ? La réponse maintenant !
Ce nouveau tome s’ouvre sur un nouveau flashback, nous présentant les origines des précédentes incarnations de Rachel et Jet. Je dois avouer que j’ai trouvé ça un peu capillotracté, mais heureusement, et comme souvent avec Terry Moore, tout n’est pas vraiment ce que l’on croit et une nouvelle explication arrive par la suite donnant à ce flashback une explication un peu plus plausible.
S’ensuit une balade dans la petite ville de Manson enneigée en compagnie de Rachel et Jet, bien vite rejointes par la petite Zoé. Cette balade a pour but de trouver un moyen de soigner Johnny, la tante de Rachel, de son empoisonnement.
[SPOILER] En effet, à la fin du tome trois, Carol la fiancée de Johnny empoisonnait les convives durant un dîner suite à une crise de démence religieuse passive, si le statut « mort-vivant » de Rachel et Jet leur sauve la mise, ce n’est pas le cas de Johnny, très mal en point [FIN DU SPOILER].
Ce tome est à l’image du tome 2, celui de la transition, plus posé que le précédent dans lequel les personnages prennent le temps de discuter un peu malgré l’urgence de la situation. Celui qui en sort indubitablement grandi est la petite Zoé, dont le caractère s’affirme et le destin plutôt disons, « funeste », semble être de plus en plus compromis par le solide tempérament de la fillette. Zoé est sans conteste un des personnages les plus intéressants de la série, à la fois tragique, cruelle et détendue, je dois avouer beaucoup apprécier le personnage qui devient enfin plus présent dans ce tome.
Beaucoup de révélations également dans ce tome 4, mais visiblement c’est une constante de la série et malgré cela, Terry Moore réussi quand même à se garder des cartouches sous le coude pour nous tenir en haleine, du bon boulot de scénariste comme le maître nous l’a souvent prouvé.
Pour ce qui est des dessins, là encore c’est du grand Terry Moore et vous pouvez en gros reprendre ce que j’ai dit dans mes reviews des précédents tomes et les appliquer ici : C’est beau, détaillé, le tout dans un noir et blanc épuré absolument impeccable. Rien à ajouter, c’est du bonbon pour les yeux, tout simplement.
Pas grand chose à conclure de ce tome finalement, si ce n’est que Rachel Rising reste, et je vais encore le répéter au risque de devenir vraiment lourd, LA série d’horreur en comics inévitable et immanquable du moment : C’est bien écrit, bien dessiné et passionnant. Lisez-la !
Mad Max Fury Road : La review de Julien Lordinator
Le dernier Mad Max, sur The Lesbian Geek, on a beaucoup aimé comme le prouve la double review faite avec nos petites mains frêles (enfin ça, c’est ce qu’on veut que vous croyez, parce que dans les faits… Enfin bref !) que vous pouvez lire ici.
Comme tout les gros succès du box office, le film fut accompagné d’une cohorte de choses plus ou moins intéressantes, l’inévitable artbook du film, The Art of Mad Max Fury Road (que j’ai), dans lequel de nombreux artistes de comics rendaient hommage à la saga de George Miller, Mad Max Inspired Artists (que j’ai aussi), un jeu vidéo (que j’ai évidemment) et enfin la non moins inévitable mini-série de comics, nommée tout simplement… Mad Max Fury Road (que j’ai aussi… Lordinator, la vache à lait de Warner Bros ? Pensez-vous…). C’est à ce dernier que nous allons nous intéresser aujourd’hui, parce que franchement faire une review des artbooks, ça n’a rien de palpitant et ça tient en une ligne : « c’est tout plein de belles images et si vous avez aimé le film, vous pouvez les prendre ! ».
Les comics Mad Max Fury Road sont en fait décomposés en plusieurs numéros, chaque numéro s’intéressant à un des principaux protagonistes du film, il y a eu 4 numéros plus un récit inédit disponible uniquement dans la version reliée, c’est de cette version reliée que je vais parler de suite.
Donc le trade paperback (version reliée) est sorti le 17 septembre 2015 chez DC Vertigo aux États-Unis et ça n’a, pour le moment, pas été traduit chez nous.
Au scénario on retrouve George Miller lui-même, assisté de Nico Lathouris (co-scénariste du film) et Mark Sexton (storyboardeur du film). Le fait que Miller et Lathouris soient crédités en tant que scénaristes peut paraître étonnant mais durant la lecture ont se rend vite compte que ce n’est pas anodin puisque la plupart des histoires ressemblent fortement à des « scènes coupées » et s’intègrent parfaitement dans la continuité du film. Étant donné que le film a mis plusieurs années à aboutir, je pense qu’ils ‘agit là de récits pensés d’abord pour le film n’ayant pas pu y être pour divers raisons, en tout cas c’est l’effet que ça m’a fait.
Les comics sont contés par les Historiens, un groupe de conteurs vivants dans l’univers de Mad Max, plusieurs années après les événements de Fury Road.
Le premier récit s’intéresse à Nux et Immortan Joe. On y assiste au premier acte de ténacité du futur jeune pilote, c’est un récit assez court qui montre que même enfant, Nux était déjà très obstiné.
La seconde partie, plus longue, décrit l’ascension d’Immortan Joe et de quelle façon il s’est approprié la citadelle et a créé sa légende et son personnage.
Aux dessins on a Riccardo Burchielli (dont j’avais déjà parlé dans mon Jeudi de l’Angoisse consacré à Highway To Hell, lisible ici), ainsi que Leandro Fernandez (qui à bossé chez Marvel, notamment sur Hulk) et Andrea Mutti (qui lui est surtout connu pour son boulot sur différentes séries Star Wars). Le style de dessin est sale, sombre et du coup ne dépayse pas avec l’ambiance du film, que l’on retrouve assez facilement.
La seconde partie est consacrée à Furiosa et on découvre comment cette femme froide et stoïque se prendra d’affection pour les « épouses » d’Immortan Joe et en arrivera à vouloir les aider à s’enfuir. C’est un récit très intéressant, approfondissant bien le personnage de Furiosa et le calvaire que vivait les « épouses ». C’est selon moi, l’un des récits les plus intéressants du livre.
Aux dessins on a le trop rare Tristan Jones (surtout reconnu pour son travail sur les séries Ghostbusters et Tortues Ninja) ainsi que Szymon Kudranski. Le style est très voisin de celui du récit précédent, c’est sombre, sale mais plus détaillé. Les personnages du film sont aisément reconnaissables.
La troisième et quatrième partie sont consacrés à Max et à ce qui lui est arrivé avant le film. Ce récit est intéressant sur plus d’un point et éclairci et étoffe considérablement l’histoire du « héros » du film. On y apprend notamment que la femme et la petite fille que Max voit dans ses délires durant le film ne sont en fait pas sa femme et sa fille comme ont pourrait le croire au premier abord (ce qui explique d’ailleurs pourquoi la petite fille l’appelle « Max » et pas « Papa »). De plus, cette histoire en deux parties réintègre Fury Road dans la chronologie des films précédents : Des allusions et des références sont faites aux trois premiers films et au début de l’histoire, Max refait même un détour par la terrible arène de combat du troisième film, le Thunderdome.
L’univers étendu y est également beaucoup développé, présentant de nombreuses tribus des Wastelands et la façon dont fonctionne cet univers. Ces détails, ma foi assez intéressants, seront développés plus longuement dans le jeu vidéo (1).
Les dessins sont signés Mark Sexton (qui a donc storyboardé le film mais aussi supervisé l’ensemble des récits des comics Fury Road) et sont assez réussis, plus clairs que dans les récits précédents, néanmoins certains visages et expressions faciales laissent un peu à désirer.
Enfin, le dernier récit du livre (exclusif à la version reliée) nous présente non pas un personnage, mais un véhicule, le monumental War Rig de Furiosa et les origines de tout les éléments qui le constituent et leurs précédents propriétaires. Les histoires se passent avant le film et présentent des personnages très variés, voir parfois très surprenants (mention spéciale aux têtes de poupées et à la carcasse de coccinelle).
C’est un récit assez court mais intéressant, donnant une vision plus intimiste de la catastrophe nucléaire ayant ravagé le monde de Mad Max.
Niveau dessin on a un artiste du nom de Peter Pound dont j’avoue que je ne connaissais pas et qui visiblement est aussi un artiste spécialisé dans les storyboards. En tout cas son trait sur cette BD est assez grossier et simpliste, tranchant avec le style des autres récits. Ça reste lisible, mais c’est assez décevant.
Je signale pour finir que toutes les (magnifiques) couvertures sont dessinées par l’artiste Tommy Lee Edwards.
En résumé, les comics Fury Road, c’est un peu le compagnon idéal pour ceux qui ont aimé le film et veulent approfondir et en savoir plus sur cet univers : Ils éclairent de nombreux points du film et apportent un nouveau regard sur les personnages. Un complément qui même si il n’est pas indispensable (comme la plupart des comics dérivés de films), se révèlent une lecture intéressante et montre à quel point George Miller a pensé son univers dans les moindres détails.
Un must have pour les fans, une lecture résolument intéressante et un bon moment de lecture pour les autres.
1 : Disponible sur PC, Xbox One et PS4, le jeu vidéo est en fait une suite de Fury Road, on y incarne Max est l’histoire débute juste après le film.
Bande annonce du jeu vidéo
The Infinite Loop, Tome 2
Je n’ai actuellement pas de mots assez forts, assez pertinents pour décrire toute la tristesse et l’effroi qui me lacèrent le cœur depuis les événements du vendredi 13 novembre. Alors au lieu d’essayer d’exprimer maladroitement ce que d’autres sont parvenus à faire depuis, avec la justesse et le recul nécessaire, j’ai décidé de dédier tout simplement ce prochain billet à toutes celles et ceux qui ont été touchés de près ou de loin par cette ignominie (oui je sais, il s’agit d’à peu près tout le monde…), et à deux personnes en particulier qui n’auront pas de mal à se reconnaître.
Sachez tous les deux que je suis extrêmement fière d’être votre amie. Je vous aime. We soldier on.
Soyons unis pour être forts, et soyons unis pour être heureux !
Victor Hugo
Dans le premier volume de The Infinite Loop, nous faisions la connaissance de Teddy, qui parcourait les époques traquant les anomalies temporelles jusqu’à ce qu’elle tombe sur la plus craquante d’entre elles. Ano allait en effet bouleverser sa vie et ses principes, formatés par le conformisme et l’éradication totale de tout sentiment amoureux. La fin du tome 1 nous présageait alors une mise à l’épreuve et un combat dantesque pour notre héroïne, et force est de constater que la suite de cette mini-série comprenant au total 6 numéros chez IDW et publiée chez nous par Glénat Comics, n’a absolument pas mis à l’écart son aspect revendicatif, bien au contraire.
A vrai dire, il est certain que l’on pourrait me reprocher de faire l’éloge gratuitement d’un titre auquel j’ai grandement participé, non seulement dans son financement et sa promotion, mais également lors de ma contribution en terme d’écrit concernant le premier volume. Evidemment, je considère Pierrick et Elsa comme de très bons amis. J’éprouve même envers Pierrick une affection toute particulière. Moi la (pseudo) vieille goudou retranchée dans son appartement avec ses chats et vivant en face d’un cimetière, et lui, le jeune freluquet à la gueule d’amour et à la langue bien pendue, nous passons beaucoup de temps ensemble à discuter, échanger, et en plus comme de vrais cochons, on aime faire ça. Nous avons des vies et des parcours très différents, et cela ne nous empêche pas pour autant d’apprendre constamment l’un de l’autre.
The Infinite Loop parle exactement de ça, du fait que tous ensemble malgré nos différences nous sommes plus forts face à un but commun, celui de la tolérance (ce terme qui de nos jours ne veut pratiquement plus rien dire, n’est-ce pas ?), de l’amour, du respect des façons de vivre de chacun.
Autant le premier tome introduisait vraiment une ambiance particulière, une atmosphère un peu désuète qui pouvait légitiment en dérouter plus d’un, autant celui-ci ne laisse plus aucune ambiguïté, il s’agit bel et bien de la narration d’un combat et métaphoriquement des difficultés de parvenir à se définir et être heureux, en tant qu’être humain hors norme dans un système technocratique qui au final ne souhaite que vous éradiquer.
Personnellement je comprend très bien ces choses là, je n’ai même pas besoin de métaphores ni de futurs alternatifs. The Infinite Loop traduit parfaitement au final mon histoire au quotidien, j’y trouve en tout cas très facilement des passerelles sans aller y chercher très loin, et c’est pour cette raison que j’adhère tant à cette oeuvre.
Mais évidemment il ne s’agit pas que de moi, ni de toutes les personnes qui ont eu la gentillesse et surement le courage de laisser leur témoignage poignant publié à la fin de ce second ouvrage. TIL se permet aussi de toucher toutes les minorités qui ont subi une quelconque injustice, et tout ceux qui sont solidaires de nos différences.
Le propos peut paraître maladroit, redondant, outrancier, il est surtout le fruit de l’imagination d’un jeune homme plein fougue et de malice, totalement concerné par son sujet, ce qui est loin j’en suis sure d’être le cas de certains scénaristes. The Infinite Loop rappelons-le n’est pas une oeuvre de commande de la part d’un éditeur quelconque, il s’agit d’une oeuvre personnelle qui se veut être à la fois vivante et réfléchie, elle a le dynamisme et la jeunesse de ses auteurs, elle a également (et surtout) la maturité de vouloir englober dans son dessein la lutte contre TOUTES les inégalités en faisant notamment référence à des figures emblématiques qui ont marqué l’histoire en ce domaine : Malcom X, Harvey Milk, Jean Jaures, Susan B. Anthony pour ne citer qu’eux.
Ainsi, comment ne pas tomber amoureuse de Teddy et Ano ?
Ce second volume nous permet aussi de voir à quel point Elsa Charretier a progressé de manière fulgurante dans son art, certaines de ses planches sont extrêmement travaillées, tout en gardant la vision épurée qui fait son style, et on sent bien que l’artiste prend son pied à vouloir faire virevolter son héroïne principale dans tous les sens (c’est à dire dans l’espace, mais aussi dans le temps).
The Infinite Loop est donc une oeuvre beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Elle est tout d’abord le fruit du travail collectif d’un binôme d’auteurs très inspirés (et très inspirants), mais c’est également une oeuvre à la fois très actuelle (je me suis mise à glousser plusieurs fois devant les gimmicks et autres vannes qui ne perdront pas une ride dans quelques années tant elles sont bien senties), tout en rendant hommage à ceux qui luttent contre les inégalités depuis des siècles. Et cela fait un bien fou de voir que de nos jours le combat continue, comme si il s’agissait juste de concevoir notre humanité et notre capacité de trouver l’espoir dans celle-ci, malgré tout.
La note de Katchoo : 4/5
The Legend of Wonder Woman #1
In the begenning there was only chaos. Then out of the void came the unknowable place where death dwells, and night.
Then somehow love was born, bringing the start of order and light.
And from this, on one planet, She came.
Depuis que je l’ai découverte grâce à Womanthology, je n’ai jamais été avare d’éloges concernant le talent de l’artiste Renae De Liz sur ce blog et rassurez-vous, ce n’est pas dans ce billet que je vais changer mon fusil d’épaule, bien au contraire.
Inaugurant en quelque sorte l’année Wonder Woman et présageant je l’espère de très belles ondes pour notre Amazone préférée en 2016, le premier numéro de la mini-série numérique The Legend of Wonder Woman (composée de 9 épisodes) remplace en effet au pied levé l’excellent Sensation Comics Featuring Wonder Woman, une série qui véhiculait parfaitement l’esprit et la grandeur de Diana de Themyscira, et malheureusement achevée au bout de 51 numéros (ce qui est déjà pas mal, je vous le concède).
Bénéficiant d’une totale liberté de la part de son éditeur et épaulée comme à son habitude par son coloriste de mari Ray Dillon, la dessinatrice a décidé pour notre plus grand bonheur de réinstaurer une certaine harmonie dans la mythologie (sans mauvais jeu de mots) de l’héroïne, valdinguant d’un coup de lasso de vérité ce que DC nous inflige depuis 2011 à savoir dans les grandes lignes qu’elle est la fille de Zeus et que les Amazones sont des harpies/mantes religieuses sans aucune pitié envers la gent masculine.
Qui plus est et hasard du calendrier, il y a beaucoup de points en commun entre ce premier numéro et celui de Superman: American Alien dont je vous parlais pas plus tard qu’hier, ne serait-ce que par la direction prise par ces deux séries, à savoir la genèse et la jeunesse de ces deux icônes de la pop culture, tout en s’attardant longuement sur le concept de la parentalité, c’est à dire de la place et du statut du père pour Superman, celui de la mère pour Wonder Woman.
Le résultat en est tout simplement fabuleux. S’attardant longuement (c’est à dire quasiment tout le long de ce numéro) sur le destin et le cœur d’Hippolyta, Reine des Amazones, Immortelle, mais non moins femme dans toute sa solitude, De Liz nous narre, illustre, et actualise surtout pour les générations futures ce dont il est question depuis toujours, à savoir que Diana est à la fois un cadeau et un miracle tout autant pour sa mère que pour nous, lecteurs déjà bien acquis à sa cause.
Les lignes de l’illustratrice, dont on se demande comment elles peuvent être autant sous exploitées tout comme son appréhension du personnage, sont tellement parfaites que l’on ignore encore tout simplement pourquoi ce n’est pas elle qui officie sur la série régulière. En une phrase c’est bien simple, Renae De Liz est née pour dessiner Wonder Woman.
The Legend of Wonder Woman se dirige donc parfaitement comme je m’y attendais, du moins pour ce premier numéro d’excellente facture, son auteure ayant décidé de recentrer les bases de ce que l’on doit savoir sur les origines de la Princesse Diana, tout en s’attardant sur la problématique de la relation entre Hippolyta et sa fille faite d’argile.
Voilà en gros tout ce que j’avais à dire sur ce premier numéro de The Legend of Wonder Woman sans trop vous spoiler. Mais si par un hasard quelconque, je devais laisser sur le carreau 1 ou 2 loulous complètement dubitatifs, voilà ce qui nous attend pour la suite, maintenant vous ne pourrez pas dire que je ne vous avais pas prévenus…
Comme dirait l’autre, KAPOW !!!
La note de Katchoo : 4/5
Superman: American Alien #1
Au commencement, il y a cette image que je pensais être une cover tellement elle m’a prise aux tripes :
Je l’avoue bien volontiers, je fais partie de ces gens qui sont capables de plonger dans une série à partir d’une seule image (croyez-le ou non, ce fut déjà le cas avec Strangers in Paradise, et pour le coup, il me semble que je ne me sois pas vraiment trompée), il ne m’a donc pas fallu longtemps pour m’intéresser à Superman: American Alien, cette mini-série écrite par Max Landis (fils du génial John Landis, et à qui l’on doit le scénario du fameux Chronicle au cinéma) dont le premier numéro (sur 7) est sorti ce mercredi.
La genèse de Superman (ou plutôt celle de son alter ego Clark Kent) ayant été exposée à moult reprises au point d’être devenue complètement acquise pour le commun des mortels, la question était de savoir si il était vraiment nécessaire d’en remettre une couche sur le sujet, même sous un angle différent.
Max Landis étant connu pour être un fan absolu du Grand Bleu, la pression était d’autant plus forte surtout si (comme moi) on a moyennement aimé Chronicle, ou que l’on reste dubitatif devant sa parodie All Star de The Death and Return of Superman. Mais Landis s’est également fait remarquer sur le sujet avec une réinterprétation de la première rencontre entre Superman et Le Joker dans Adventures of Superman (dans un numéro intitulé The Sound of One Hand Clapping), ainsi que celle de Death And Return Of Superman (oui, encore) où il se met en scène pendant presque 45 minutes…
Bref, nous l’avons tous bien compris, entre Max Landis et Superman, c’est une grande histoire d’amour (et qui suis-je pour lui jeter la pierre). Cette mini-série (donc chaque numéro va être illustré par un dessinateur différent tel que Jock, Francis Manapul ou encore Jae Lee) était donc à priori faite pour lui.
Sans vouloir m’avancer sur la qualité de cette série dans son intégralité, je dois dire que j’ai été bluffée par ce premier numéro, non seulement par l’approche de Landis concernant la relation du couple Kent vis à vis de cet enfant venu du ciel, ainsi que de leur statut de parents, abordé avec une extrême finesse de la part du scénariste sans aucune exagération ni concept larmoyant comme on pourrait s’y attendre. En effet, rarement il nous aura été donné de voir Jonathan et Martha traités avec autant de justesse, dans une histoire où la limite entre le burlesque et le bouleversant se joue constamment sur le fil du rasoir.
Ce qui est clair, c’est que nous n’apprendrons rien de ce que nous savions déjà dans cette nouvelle version de la jeunesse de Clark Kent, mais là n’est pas le propos. Max Landis impose au contraire une vision à la fois moderne et emprunte de références provenant de la culture des années 80 dont il est lui-même issu (et dont l’oeuvre de son propre père aura marqué toute une génération de cinéphiles). Il s’appuie également et longuement sur l’importance de la relation père-fils qui va cimenter l’existence même de Clark dans ses futurs choix, et qui le poussera sans doute à devenir plus tard L’Homme d’Acier, sans parler de la perception de cet enfant face à sa propre différence et son anormalité, un aspect parfaitement rendu non sans malice par le dessinateur de ce premier opus.
Nick Dragotta apporte en effet un excellent travail, amenant une légèreté (c’est le cas de le dire) dans les scènes les plus « Supermanesque » de l’épisode, tout en nous offrant des cases qui vont à l’essentiel, et faisant de ce premier numéro un vrai petit bijou qui je l’espère va continuer dans cette voie.
Ce numéro 1 de Superman: American Alien est donc pour moi une excellente lecture, car elle permet aux néophytes qui auront tendance à se pencher du côté des itérations audiovisuelles de mettre facilement un pied dans l’univers de Superman sans se tarter 10 saisons de Smallville au préalable (je vous ai déjà dit que je n’avais jamais vu un seul épisode en entier ?), tout en apportant un côté rafraîchissant aux habitués du personnage et de son Histoire (oui, celle avec un grand H).
Alors certes, même si la grande mode est actuellement de réécrire une nouvelle fois les origines de nos personnages favoris provenant de la Distinguée Concurrence, ne boudons pas cette initiative de la part d’un scénariste qui selon moi me semble beaucoup plus à l’aise et plus convaincant dès lors qu’il s’agit d’écrire un scénario de comics que celui d’un film…
La note de Katchoo : 4/5
Monika : la review de Julien Lordinator
Guillem March, c’est un peu un auteur persona non grata sur le blog dont vous êtes en train de lire cette modeste critique. Les raisons sont multiples, mais on retiendra surtout ses personnages féminins à la morphologie un peu « déséquilibrée » comme sur cette couverture de Catwoman, dont j’entends encore Katchoo hurler de sa voix de soprano et ça donnait un truc du genre : « Gloooarrrsékoiss’tecouv’gleuuuroooaaar!!!??? ».
Moi, les avis des uns des autres, ça me passe un peu au dessus, et en général, entendre du négatif à tout les étages, ça a même un peu tendance à exciter ma curiosité. Donc quand j’ai eu vent du nouveau projet de ce cher monsieur March (Guillem pour ceux qui suivent, celui là il a pas quatre fille et il est pas docteur…) et vu certaines planches sur le blog de l’artiste, planches sur lesquelles de charmantes madames nues se prélassaient, ni une ni deux j’ai mis une précommande sur l’objet et c’est les mains moites d’excitation que je commençais la lecture de l’objet du délit.
You watch me come undone
(It makes me want you more)
I’m crawling into the unknown
(I’ll follow you to the core)
I feel like I’m dying
(I’m right beside you)
You whisper « we’re flying »
(There’s no denying)
We both converge as oneIn This Moment feat. Brennt Smith – Sexual Hallucination (Black Widow, 2014)
Donc Monika, de Guillem March et Thilde Barboni, c’est publié en deux tomes chez Dupuis et le dernier tome est sorti en septembre de cette année. Pas d’ambiguïté : Que se soit dans le style et le format, c’est du franco-belge, avec tout ce que ça implique, notamment le rapport pagination/tarif… Pour ce qui est du genre, même si les couvertures peuvent laisser croire à de l’érotisme, ce n’est pas le cas puisque le contenu est finalement assez soft.
Enfin bref, parlons du bouquin.
Monika, c’est l’histoire de Monika (sans blagues…) une jeune artiste vivant dans un futur dystopique dans lequel une sorte de pseudo-dictature voit des terroristes partout, notamment chez les artistes. A la recherche de sa sœur, elle va avec l’aide de son meilleur ami, infiltrer des milieux plus ou moins recommandables et faire des rencontres qui ne le sont pas moins. De fil en aiguille, les recherches concernant sa sœur vont la mener à s’amouracher d’un policier bellâtre, s’attirer des ennuis avec un groupuscule extrémiste et anarchiste, croupir en prison quelques temps, devenir danseuse pour un groupe de rock et la belle va même… Tomber amoureuse d’un robot ! Et tout ça en 128 pages, ça vous parait beaucoup ? Assurément, mais revenons-y plus tard et intéressons nous surtout au principal attrait de ces deux tomes, à savoir Guillem March.
Si vous croyez connaître l’artiste espagnol à travers ses comics réalisés au pays de l’oncle Sam, avec Monika, vous risquez d’être surpris : Rien à voir ici et on retrouve (ou découvre pour la plupart d’entre vous j’imagine) avec plaisir le March qui faisait la joie des lecteurs de la version espagnole de Playboy avec ses magnifiques pinups dénudées. C’est ce qui frappe lors des premières planches de Monika, le style y est résolument plus réaliste, que se soit au niveau des décors, des lieux et des personnages, on appréciera notamment les plastiques des femmes, sensuelles sans jamais être vulgaires. Le tout tranche singulièrement avec le March des comics, donnant une autre facette de l’artiste. Idem pour le coté plastique : Les couleurs sont très pastel et claires, presque évanescentes et donnent au récit un aspect très onirique particulièrement troublant.
Visuellement, Monika est donc un ravissement à chaque page, donnant une toute autre dimension au talent de Guillem March.
Si au niveau visuel Monika est une indéniable réussite, du point de vue de l’histoire c’est une toute autre paire de manches… Le scénario est signé par la scénariste et romancière italienne Thilde Barboni. Autant être franc, je ne la connaissais pas avant cette bande dessinée et je dois dire que son scénario pour Monika m’a un peu laissé dans l’expectative.
La première impression que j’en ai eu est de m’être retrouvé devant un trop plein d’idées : Le récit a tendance à partir un peu dans tout les sens et lorsqu’un événement a lieu, il est à peine expliqué ou exploité que l’on passe rapidement à la suite. Le récit passe donc d’un thème à l’autre, parfois avec une ellipse assez brutale et c’est franchement un peu déstabilisant. Néanmoins, cette variété d’ambiance et de situations a le mérite de servir Guillem March et lui permet ainsi de s’adonner à la réalisation de plusieurs scénettes aux ambiances variées et différentes, rendant le récit du coup assez varié dans ses environnements et ses univers visuels, ce qui est plutôt une bonne chose au final mais autant être franc, le tout manque d’homogénéité et je pense que cela vient surtout du fait que Thilde Barboni est avant tout une romancière et qu’elle est certainement habituée à plus développer ses personnages et situations.
Pour conclure, Monika est finalement une lecture agréable : Visuellement on découvre un dessinateur aux antipodes de ce que l’on connait de lui dans les comics, se révélant plus à l’aise dans les récits réalistes que dans les récits de super-héros. Je vais me répéter, mais Monika est visuellement à tomber à la renverse et je me suis souvent surpris à rester quelques secondes après la lecture de chaque planche pour en admirer chaque détail.
Si l’histoire se révèle assez inégale, elle n’en reste pas moins lisible et dessert surtout le coté visuel, permettant à Guillem March de nous éblouir en brassant assez large niveau ambiances et univers : On passe de la science fiction au gothique, parfois en quelques planches.
Monika c’est donc une lecture que je conseille et qui je suis sûr, réhabilitera Guillem March comme véritable artiste, doué dans d’autres domaines que le super-héros, parce que oui, il n’y a pas que le super-héros dans la vie.
Monika Tome 1 : Les Bals Masqués et Monika Tome 2 : Vanilla Dolls, de Thilde Barboni et Guillem March, disponibles chez Dupuis.
Sex Criminals, Tome 2
Publié en Avril dernier par Glénat Comics, le tome #1 de Sex Criminals, la série jouissive et truculente de Matt Fraction et Chip Zdarsky (de son vrai nom Steve Murray, c’est du moins ce que l’on append ici dans l’un des nombreux bonus situés à la fin de ce nouvel album) m’avait fait beaucoup de bien à l’époque (mais non, c’est pas ce que vous croyez…), grâce à son style à la fois totalement décomplexé mais surtout doté d’une grande finesse et d’une sensibilité plus que bienvenue pour un sujet aussi scabreux que celui qu’il développe.
On devait cette alchimie parfaite grâce au couple formé par Jon et Suzie, deux êtres très attachants (et dont on peut facilement se reconnaître, quelque soit son orientation sexuelle, c’était pourtant pas gagné d’avance) en marge dans leur sexualité depuis l’adolescence à cause de leur don particulier, qui est celui de pouvoir arrêter le temps lorsqu’ils ont un orgasme.
Le premier tome nous laissait à peine respirer, entre la présentation de ces personnages hauts en couleur, leur rencontre puis leurs déboires avec la fameuse Police du sexe, tout en ayant la présence d’esprit de se poser sur quelques détails savoureux qui ne pouvaient pas rester sans suite. La question était de savoir comment allait se gérer ce second tome, et bien absolument pas comme je me le serais imaginé, et c’est tant mieux, ma foi.
Rien ne va plus pour Jon et Suzie. Alors que l’on pouvait s’imaginer que ce couple si particulier serait totalement indestructible face à l’adversité suite aux événements précédents, il n’en est pourtant rien, car comme c’est en effet souvent le cas pour tout un chacun, un mal beaucoup plus féroce que la Police du sexe va dangereusement mettre à mal nos deux tourtereaux, il s’agit ni plus ni moins de la Routine, celle qui fini inexorablement par s’installer après les premiers émois aussi fantastiques soient ils pour ce qui nous concerne.
Qui plus est, Jon se sent de plus en plus mal à travailler dans la banque qui menace la bibliothèque chère à Suzie, sans parler du fait que l’étau se resserre sur lui via Face-de-Périnée/Myrtie Spurge. Notre héros, d’un naturel angoissé ne manquera pas dès lors d’être hypocondriaque, s’imaginant les plus grands maux, un stade du récit où nous ne manquerons pas d’apprendre plein de termes médicaux et leurs significations, intermède qui sera repris plus tard dans l’album avec la visite de Suzie chez le gynéco, mais j’en reparlerai tout à l’heure.
Matt Fraction et Chip Zdarsky ont donc décidé dans ce deuxième tome de nous la prendre – pour ainsi dire – à l’envers, tout en continuant de se focaliser sur les petites histoires vécues par le passé de ses protagonistes principaux. Mais le récit s’attarde également sur quelques personnages secondaires de façon très réjouissante, à commencer non pas chronologiquement dans le récit mais dans mon cœur, avec Jazmine St Cocaine, la fameuse star du porno chère à Jon dans le volume précédent. Le clin d’oeil à la série The Wicked + The Divine de Kieron Gillen et Jamie McKelvie où on la retrouve grimée en Amaterasu face à une Luci des plus « membrées », et qui vaut bien pour moi le trip concernant le morceau du groupe Queen, Fat Bottomed Girl, si sympathiquement exploré dans le premier opus.
On relèvera également une scène très drôle entre Suzie et sa meilleure amie Rachel, qui se veut être une sorte de coming-out qui tombera complètement à plat, tout comme le moment où elle se retrouve en consultation chez son gynéco qui va lui déclarer que son col de l’utérus est absolument parfait, jusqu’à l’inciter à permettre à une vingtaine d’étudiants en médecine d’y jeter un œil pour la mise en place de son diaphragme (cet épisode comme bon nombre d’autres, ne peut que sentir le vécu). Un peu plus tôt, nous aurons droit à un véritable cours sur les différents modes de contraception digne du planning familial, une note de la part de l’éditeur nous incite à consulter le site http://www.choisirsacontraception.fr/ et j’ai envie de dire, putain mais merci !
Je crois que c’est la première fois où je vois un éditeur de comics prendre une telle initiative, quand on sait que certains, dans un tout autre registre à savoir le milieu de l’édition jeunesse, sont capables de faire totalement l’inverse tel Le Dico des Filles des Editions Fleurus (je me suis mise à boycotter cet éditeur suite à ça, parce qu’à un moment donné, il faut arrêter les conneries à se contenter d’être des consommateurs dans cervelle).
Le second tome de Sex Criminals bien qu’étant quelque peu déroutant dans ses premières pages, reprend son rythme rempli d’humour et de surprises, donnant une nouvelle dimension au récit tout en s’alignant au final à la trame principale grâce à ses personnages principaux et secondaires vraiment sympathiques. On attend du coup avec beaucoup d’impatience la suite des événements, le danger auquel est confronté notre couple se faisant de plus en plus menaçant.
La note de Katchoo : 3/5
Rachel Rising Tome 3 : la review de Julien Lordinator
Rachel Rising continue son petit bonhomme de chemin en français avec la publication de ce tome 3 en mai dernier (Lordinator, le gars toujours à la pointe de l’actualité…), qui reprend les numéros 13 à 18 de la série originale. Est-ce que c’est toujours aussi bien et quelles sont les nouvelles (més)aventures de notre héroïne ? La suite de suite avec cette petite review éclair et éclairée.
Résumons vite fait ce qu’est Rachel Rising, c’est la dernière série en date de Terry Moore (Echo et plein d’autres trucs dont la taulière de ce blog aime beaucoup parler, tellement qu’elle s’appelle comme l’héroïne d’une des séries de cet auteur, l’excellent Strangers in Paradise) ça raconte l’histoire de Rachel, une jeune femme qui se réveille nue et amnésique dans la boue et découvre qu’elle est supposée être morte… [SPOILER] Dans le précédent tome, Rachel découvrait qu’elle était la réincarnation d’une sorcière, qu’elle n’était pas la seule dans ce cas et qu’elle était un pion dans une sombre machination bien plus élaborée qu’il n’y paraît [FIN DU SPOILER]
Loving you
Was like loving the dead.Type O Negative – Black N°1 (Little Miss Scare-All), Bloody Kisses, 1993
Après la lecture du tome 2 que j’avais trouvé un peu expédié au niveau du scénario (pour plus d’informations, cliquez ici et tant que vous y êtes lisez aussi la review du tome 1 ici) comme je m’y attendais, ce tome retrouve un rythme un peu plus posé et reprend le temps de placer ses personnages et les faire évoluer de façon efficace et passionnante : On retrouve donc le style typique de Terry Moore, à savoir une parfaite gestion de la mise en page, une utilisation judicieuse des silences et des expressions faciales, le tout renforcé par de l’émotion et un storytelling aux petits oignons.
De plus, de nouveaux personnages sont introduits et d’autres jusqu’alors secondaires sont mis sur le devant de la scène, notamment le naïf Earl, l’employé de la morgue, la jeune Zoé ou le terrifiant « prêtre ».
L’histoire reprend donc son rythme de croisière après un tome deux qui était comme je m’y attendais une sorte d’intermède explicative, plutôt une bonne nouvelle car même si je n’ai jamais douté de Terry Moore, j’avais quand même une légère appréhension en ouvrant ce livre (et ce malgré la magnifique couverture) suite à la déception, somme toute très relative, du tome deux.
Ce tome se conclut par un twist final insoutenable qui a pour effet de rendre l’attente de la suite tout aussi insoutenable…
Note de l’auteur : On appréciera également le clin d’œil fait à la série Strangers in Paradise que je vous laisse le soin de découvrir 😉
En résumé, ne vous laissez pas influencer par la relative lourdeur explicative du second tome : Tout est justifié dans cette suite, et ce troisième chapitre des (més)aventures de la belle Rachel tient toutes ces promesses et replace la série comme un must have horrifique en comics actuellement : Rachel Rising, c’est LA série horrifique en bande dessinée à lire actuellement, tout simplement !
Lisez-là, c’est bien dessiné, bien écrit, bien traduit et bien édité ! Tout est bien dans cette série, foi de Lordinator !
Rachel Rising Tome 3, Chants de Cimetière, disponible depuis mai 2014 en VF chez Delcourt dans la collection Contrebande.
Welcome Back #1
Passé un peu inaperçu le mois dernier, le premier numéro de la mini-série Welcome Back publiée par Boom! Studios (comprenant 4 épisodes, une gageure pour un pitch aussi enthousiasmant et prometteur, sujet même à être développé en plusieurs arcs, personnellement je sens la frustration pointer son nez au bout du compte, mais nous verrons…) m’a énormément plu et je me devais de vous en parler un petit peu, au même titre des dernières publications indé dont j’ai récemment fait la promotion ici.
Scénarisé par Christopher Sebela (Captain Marvel, Ghost) et illustré par l’excellent Jonathan Brandon Sawyer (Critical Hit, Imaginary Drugs), Welcome Back décrit le destin lié et similaire de deux protagonistes vivant à travers diverses époques et réincarnations, qui n’ont d’autre choix de façon cyclique que de vivre pour se retrouver, s’aimer, et s’entretuer, quelque soient leur sexe, leur histoire et leur origine…
Les précédentes incarnations de Mali et Tessa ont effectivement vécu au fil du temps des centaines de vies différentes, emprisonnées dans un cycle éternel comme si elles prenaient part à une guerre tellement ancestrale, qu’aucun côté ne se souviendrait de la raison exacte pour quoi il se bat.
Alors que Mali, dont le passé est loin d’être paisible notamment à cause de son serial killer de beau-père, prend conscience de sa vie actuelle, elle commence à se remettre en question, notamment sur le fait du pourquoi elle continuerait à se battre. Pendant ce temps, Tessa est déjà sur sa trace…
Le trait de Jonathan Brandon Sawyer que l’on peut situer aisément entre celui de Becky Cloonan et Sean Gordon Murphy est absolument fantastique, et la composition de ses pages nous permet de comprendre d’emblée l’enjeu dramatique auquel nos protagonistes font face depuis des siècles. La trame de Christopher Sebela quant à elle laisse déjà entrevoir dans ses détails combien cette réunion mortelle est orchestrée par des forces dont on ignore encore l’importance. Le scénariste a également l’intelligence de s’attarder au début du récit sur la vie un peu rock n’ roll de Mali, harcelée par des groupies de son défunt beau-père, socialement inadaptée et sous l’emprise d’antidépresseurs. A contrario le personnage de Tessa est encore enveloppé de mystères, on comprend toutefois l’ampleur de sa détermination à retrouver Mali, aidée en cela par des agents capables de lui fournir armes et moyens de transport.
Ce premier numéro démarre donc très fort, se servant du thème de la réincarnation pour décrire une lutte sans fin et d’une extrême violence, tout en se clôturant sur un cliffhanger des plus inattendus et intéressants. Inutile de dire qu’il me tarde de lire la suite.
La note de Katchoo : 3,5/5
Aphrodite IX : la review de Julien Lordinator
Depuis quelques années, Top Cow s’est fait une spécialité sous l’égide principalement de Ron Marz d’exhumer certains personnages ou séries tombées dans l’oubli et de les remettre au goût du jour avec en général des résultats plutôt cools, notamment l’excellente redirection des séries Witchblade ou The Darkness et la récupération de personnages complètement disparus des radars comme Necromancer ou… Aphrodite IX.
Qui se souvient en effet de la magnifique cyborg tueuse aux cheveux verts du début des années 2000 ? Pas grand monde et à raison, tant cette série n’avait pas grand chose pour elle à part une partie graphique étincelante signée par un David Finch à l’époque au sommet de son art. Dans sa lancée de relaunchs massifs, c’est sans surprise que Top Cow donne donc une nouvelle chance à la bimbo mécanique. Mais était-ce bien nécessaire vu le matériel d’origine ? Là encore on peut-être très surpris par le résultat.
Aphrodite (ou AIX pour les fans de Top Cow) ce fut tout d’abord une mini-série typique de la fin des années 90/début 2000 comme il en fleurissait pas mal sur les étals des comic-shops : Une nana à moitié à poil sur la couverture, des dessins à décoller la rétine et un scénario signé David Whol qui tenait sur la face B d’un confetti.
Grosso modo, ça racontait l’histoire d’une tueuse robot ou cyborg (le récit était assez vague sur le sujet) à qui on effaçait la mémoire après chaque contrat. L’histoire était surtout un prétexte pour étaler le talent d’un artiste phare de Top Cow à l’époque, David Finch qui sortait tout juste de son creator-owned, Ascension.
Car c’était bien là le principal attrait de cette première version de AIX : Les dessins de Finch, qui s’était amusé pour l’occasion à copier et pomper le style de deux maîtres italiens, à savoir Manara et Serpieri, pour un résultat absolument somptueux. On retrouvait donc les formes généreuses des femmes et l’exigence du style bio mécanique de Serpieri dans Druuna ainsi que l’érotisme des filles de Manara, le tout avec l’obsession des détails de David Finch. Autant dire que visuellement, AIX était d’une beauté à couper le souffle et c’était bien là son seul attrait, l’histoire étant surtout un prétexte pour montrer de l’érotisme soft et des gunfights.
La série fut malheureusement une véritable arlésienne : Teasée en avril 2000 avec un numéro 0, le numéro 1 ne sortira qu’en septembre de la même année et elle ne trouvera sa conclusion qu’en janvier 2002, David Finch laissant d’ailleurs sa place à Clarence Lansang, beaucoup moins inspiré que son prédécesseur, pour le dernier numéro… 4 numéros en quasiment deux ans (1), on a déjà vu plus régulier, même pour David Finch. Cette série fut également un prétexte à multiplier les couvertures alternatives et à rendre fou les collectionneurs (2), mais c’est une autre histoire.
Visiblement, revoir la jolie cyborg semblait plus qu’improbable, mais elle refit surface quelques années plus tard, d’une façon assez étonnante.
C’est en effet sous la houlette de Ron Marz qu’une ancienne version d’Aphrodite réapparaît dans les pages de Witchblade en 2008. Appelé Aphrodite IV, l’apparition de cette ancienne version de la tueuse robotique remet le personnage au goût du jour et sa numérotation ouvre de nouvelles possibilités, car sil il y a une Aphrodite IX, il y en a probablement eu 8 autres avant elle. Marz va alors inclure la version IV dans sa restructuration de l’univers Top Cow et en faire l’un des piliers de ces 13 artefacts.
Le personnage regagne de l’intérêt et apparaît donc dans les séries Witchblade, Artifacts mais aussi dans Cyberforce (sous sa version Aphrodite V), série également relancée.
La voie est donc toute tracée pour une mini-série solo, et c’est ce qui arrive en 2013 dans une nouvelle mini-série nommée tout simplement… Aphrodite IX.
Scénarisé par Matt Hawkins et dessinée par l’infatigable Stjepan Sejic, alias le mec qui dessine tout le temps et trouve encore le temps de dessiner encore plus et que personne ne sait comment il fait (personnellement, je pense qu’il n’est pas humain…), la série reprend là où le précédent récit (celui de Whol et Finch) s’arrêtait : AIX se réveille de nouveau d’un long sommeil et se retrouve dans un monde futuriste à mi-chemin entre heroïc-fantasy et science-fiction dans lequel plusieurs peuples se font la guerre, principalement deux, celui des pro technologie contre celui des pro magie. Le réveil de AIX ne tarde pas à se faire savoir et elle va malgré elle servir de pion dans cette guerre. Commence alors pour la belle une longue et pénible aventure entre trahison, manipulation mentale, meurtres et combats à dos de dragons.
Là où la précédente mouture de AIX péchait par un scénario au ras des pâquerettes, Matt Hawkins va bâtir autour de cette nouvelle version de l’héroïne un monde gigantesque, complexe et cohérent. La complexité de cet univers est ce qui m’a un peu rebuté au début de la lecture et je dois avouer avoir un peu galéré à la première lecture pour en saisir toutes les subtilités, mais une fois qu’on est « dedans » on découvre un monde fantastique et fouillé, propice à de nombreuses intrigues annexes et à un univers étendu, comme le prouvera la série IX Generation, qui fera suite à la mini-série consacrée à AIX, qui en est la suite directe et qui est aussi très bien, mais bon, c’est une autre histoire, que je vous exposerai sûrement très prochainement car, oui, j’ai aussi lu IX Generation.
Pour ce qui est de la partie graphique, Stjepan Sejic excelle une fois de plus, le style de l’artiste croate étant indiscutablement une claque visuelle à chaque page. De plus, il y a eu à mon avis une entente entre Matt Hawkins et Stjepan Sejic puisque dans AIX, on retrouve tout ce que le dessinateur adore dessiner, à savoir des jolies filles, des personnages en armures travaillées, des dragons et de la technologie complexe et on ne s’en plaindra pas car AIX, c’est avant tout un florilège de pages toutes plus impressionnantes les unes que les autres, on est littéralement subjugué par cette avalanche de textures et de couleurs. J’avoue bien volontiers ne pas être un grand amateur du dessin en tout numérique, mais là on ne peut que s’incliner devant une telle maîtrise. Sejic est un artiste génial, qu’on se le dise !
Les 13 numéros de AIX nouvelle génération est constitué de deux story arcs : Dans le premier (compilé dans le trade paperback Aphrodite IX Rebirth), Aphrodite se réveille dans ce nouveau monde et en découvre un peu tous les aspects, notamment les guerres de factions qui y font rage et doit tant que bien que mal gérer une amnésie partielle et de mystérieuses absences durant lesquelles il se passe souvent des choses bizarres.
Dans le second arc (compilé dans le second trade paperback), Aphrodite va en découvrir un peu plus sur elle et son passé comme par exemple que son surnom de déesse grecque de l’amour ne soit probablement pas dû au hasard et qu’elle fait peut-être partie de quelque chose de beaucoup plus grand et surtout, qu’elle n’est pas seule dans ce cas.
Graphiquement il y a aussi un changement entre les deux story arcs : Dans le premier, Sejic utilise son style historique, celui qui a fait sa renommée sur Witchblade, usant de nombreuses textures et effets digitaux pour embellir son dessin.
Dans le second, il délaisse tout cet aspect esthétique synthétique pour se concentrer sur un dessin plus basique. Moins impressionnant, son trait n’en reste pas moins très agréable et maîtrisé.
Comme ce fut le cas en son temps pour Witchblade, ce relaunch de Aphrodite IX est une grande réussite : Avec son scénario fouillé, complexe et ouvert ainsi que ses dessins remarquables, Matt Hawkins et Stjepan Sejic ont su faire d’un comic à la base purement opportuniste quelque chose de franchement et étonnement intéressant et passionnant. Si tous leur relaunchs sont de cette qualité, on ne reprochera pas Top Cow de vouloir faire aussi souvent du neuf avec du vieux, on les encouragerait même à en faire plus !
Aphrodite IX Rebirth, de Matt hawkins et Stjepan Sejic, deux volumes disponibles aux USA uniquement, chez Top Cow depuis juillet 2014 (3)
1. En France nous avons eu plus de chance puisque Semic publiera l’intégralité de la série en kiosque durant l’année 2002 dans une revue trimestrielle.
2. Là encore on a eu de la chance en France puisque la plupart de ces couvertures furent compilée dans les revues publiées par Semic.
3. Notez qu’il existe un album nommé Aphrodite IX The Complete Series sorti en mai 2015 qui compile en 530 pages l’intégrale des deux séries AIX, celle de Whol et Finch ainsi que celle de Hawkins et Sejic.
Gotham Academy Tome 1
Rares sont les séries qui arrivent encore à m’enthousiasmer parmi les publications de l’éditeur DC Comics, pourtant chères à mon cœur il n’y a pas si longtemps, à une époque où les super héros avaient encore un statut d’icone, et où les titres plus confidentiels ou du reste plus pointus appartenaient à un label dédié à cet effet (en l’occurrence Vertigo). Chaque chose avait ainsi sa place, et tout en respectant ses personnages historiques, DC arrivait également à donner sa chance à des auteurs parfois singuliers.
Si la Distinguée Concurrence vit actuellement une crise majeure où l’on parle d’un manque à gagner de près de 2 millions de dollars cette année, la première chose qui me vient à l’esprit est de penser que quelque part, c’est bien fait pour eux. Comment en effet ne pas avoir une pensée pour Jenette Kahn qui a mis tant de temps à construire une réelle identité pour cette compagnie à travers des personnages hauts en couleurs, des séries cultes, et une confiance absolue envers des artistes souvent influencés par ce qui se passaient tout autour d’eux.
Qu’en est-il aujourd’hui ? En à peine 6 ans, le long travail de Kahn puis celui de Paul Levitz aura été complètement balayé jusqu’à obtenir une maison d’édition sans aucune réelle identité, un comble pour une compagnie évoluant dans un contexte aussi concurrentiel et dépendant de l’image de la retombée commerciale de ses produits.
Capitalisant ainsi jusqu’à outrance sur le succès de tout ce qui concerne le Bat-univers, et dans un soucis de s’adapter (enfin) à un lectorat beaucoup plus hétéroclite que prévu, DC se met en 2014 à sortir un peu son nez d’une phase éditoriale focalisée sur le Grim and Gritty entamée en 2011, métamorphosant Batgirl en une héroïne super tendance, replaçant Dick Grayson en référence crypto gay, et s’intéressant enfin à un public beaucoup plus jeune avec Gotham Academy, car sait-on jamais, il se peut que les nouvelles générations aient elles aussi envie d’acheter des comics.
Désolée pour cette longue introduction mais j’en avais gros sur la patate, c’est tellement rageant de voir son éditeur historique préféré partir autant en couille, l’annonce de l’annulation de Sensation Comics Featuring Wonder Woman (une excellente série où l’on retrouve chaque semaine toute la splendeur et la noblesse de la guerrière amazone, telle que l’aurait souhaité William Moulton Marston, contrairement au foutage de gueule publié chaque mois et orchestré par le couple Finch) étant la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Je disais donc, Gotham Academy fait partie de cette nouvelle vague apparue il y a pratiquement un an, influencée sans doute par le succès et l’engouement de séries telles que Ms Marvel, Spider-Gwen ou Lumberjanes chez la concurrence.
Co-écrit par Becky Cloonan et Brenden Fletcher, cette série se déroulant dans l’univers du Chevalier Noir (il y fait d’ailleurs quelques apparitions) et se voulant être à mi-chemin entre Harry Potter et The Breakfast Club, nous raconte l’histoire d’une bande de jeunes adolescents enquêtant sur les mystères de leur école, où fantômes et créatures gothiques sèment le trouble dans la vie parfaitement organisée d’une institution aussi prestigieuse.
Loin d’être original, (Le club des cinq, Buffy et son Scooby Gang, tout comme Martin Mystère ne pourront qu’acquiescer), le scénario se repose surtout comme c’est souvent le cas, sur la fraîcheur et l’énergie provenant de ses personnages, en l’occurrence ici de ses deux héroïnes principales à la fois très différentes et complémentaires nommées Olive et Maps dont on arrive à s’attacher dès les premières pages.
L’intrigue est dans le premier tome, vécue du point de vue d’Olive Silverlock, une jeune fille au passé trouble et personnifiant à merveille les affres de l’adolescence où la perte définitive de l’innocence coïncide souvent avec l’éclosion des premiers sentiments amoureux qui peuvent s’avérer parfois complexes…
S’oppose à elle la pétillante Mia « Maps » Mizoguchi, d’un an sa cadette, et sœur de l’actuel ex petit ami d’Olive. A la fois aventurière, bout en train et naïve, elle est surtout passionnée de cartographie, jusqu’à en étudier les édifices de la Gotham Academy dans ses moindres recoins, une ressource qui s’avérera très utile pour les futures explorations de la bande.
A ce duo bipolaire, va se joindre l’antipathique Pomeline Fritch et son petit ami Heathcliff, tous les deux férus de sciences occultes, ainsi que Colton Rivera, un élève perturbateur et dealer de feux d’artifices.
La première enquête de cette équipe de choc se portera sur le fantôme de Millie Jane Cobblepot que certains élèves sont persuadés d’avoir vu hanter les murs de l’école, et tout le long de celle-ci, nos héroïnes principales vont être amenées à rencontrer des personnages bien connus du Bat-verse, tel que Killer Croc, aussi touchant qu’on a pu le voir dans le 21ème numéro de Batwoman illustré par Franceso Francavilla.
Vous l’aurez compris, Gotham Academy est bel et bien une série à suivre pour de nombreuses raisons : Grace à la dynamique d’un duo imparable, un scénario qui malgré quelques maladresses s’en sort plutôt pas mal, sans parler d’une ouverture envers un public résolument jeune, détail demeurant au final des plus importants.
On ne peut que souhaiter d’une belle longévité à cette série, en dépit de la tourmente donc est actuellement victime DC Comics, d’autres titres du même acabit étant en effet sujets à annulation…
La note de Katchoo : 3,5/5
Lazarus, Tome 2
Lazarus de Greg Rucka et Michael Lark (dont la review du premier tome est disponible ici) fait partie de ces séries dont j’attends toujours la suite avec beaucoup d’impatience tant ses débuts étaient prometteurs, ceux-ci nous avaient effectivement permis de faire connaissance avec une héroïne quasi indestructible tout en introduisant un univers que l’on percevait facilement comme étant très dense.
Sorti il y a quelques semaines, ce tome 2 continue non seulement de mélanger parfaitement plusieurs genres au service de son histoire (une goutte de SF, un zest de thriller, et quelques grammes de post-apocalytique, cuisson à 180°C pendant 20 minutes), mais nous permet également de suivre la voie de personnages très attachants, Forever bien sûr (dont on apprendra plus sur son passé et la manière dont elle a été élevée), qui enquête sur une éventuelle attaque terroriste, ainsi qu’une famille de parias dont l’ultime espoir réside à être sélectionné pour servir la famille Carlyle.
Une nouvelle fois, Rucka va prendre son temps pour placer son univers et le rendre cohérent, au rythme des flashbacks concernant son héroïne et du périple de la famille Barrett, dont le sort ne peut que faire écho à la réalité sordide vécue actuellement par les migrants et autres réfugiés qui tentent de traverser les frontières de l’Europe au péril de leur vie.
Le tome 1 nous avait pourtant laissé sur un beau cliffhanger, le scénariste de Gotham Central et Batwoman ne cédera pas à la facilité de clôturer cette intrigue, bien au contraire il n’en fera même quasiment pas allusion. Au lieu de cela, il est question de comprendre comment fonctionne cette société dystopique fondée sur le système des castes, où l’homme ne peut trouver le bonheur que dans la servitude.
Autre contraste avec le premier tome, qui mettait en avant la félonie de la soeur de Forever, Johanna, qui semble ici être un soutien sans faille pour notre héroïne, lui offrant même une aide des plus précieuses. Contraste également au regard des nombreux flashbacks où l’on voit la jeune Forever se former au combat et à la discipline, et dont les réactions toutes naturelles face aux souffrances physiques et psychologiques qu’elle endure sont aux antipodes de la froideur implacable que montre sa version adulte.
Il est intéressant aussi de souligner qu’à l’image du premier album, ce tome 2 parle tout autant de famille que dans le précédent. On délaisse donc le confort et les trahisons de la famille Carlyle pour faire connaissance avec celle des Barrett qui après avoir tout perdu doivent traverser une partie des Etats-Unis à pied jusqu’à Denver sans aucune garantie de réussite.
Autant de détails qui au final nous donnent un récit des plus passionnants, et garantissent de nombreuses surprises quant au sort de ses protagonistes (je me suis faite avoir plusieurs fois), évitant par la même occasion de nombreux clichés.
Michael Lark excelle encore sur ce second tome, même si on le sent moins à l’aise lorsqu’il dessine Forever enfant. Mais son style très réaliste qui fait tant merveille lorsqu’on l’attribue au genre policier offre une dimension toute particulière à l’image ce de qu’a pu faire Pia Guerra sur Y le dernier homme, une série dont Lazarus peut être très facilement comparée, et dont on souhaite surtout la même longévité.
Glénat Comics nous permet donc de lire une bien belle série, qui est d’ailleurs encore très loin je pense d’avoir montré toutes ses ressources scénaristiques. En effet, son rythme orchestré d’une main de maître par Greg Rucka se prête parfaitement bien à une lecture en format album, où chaque arc va nous permettre d’en découvrir d’avantage sur l’univers de Forever, mais qui renferme aussi bien plus qu’une énième héroïne badass que l’auteur affectionne tant.
La note de Katchoo : 3,5/5
Furious : La review de Julien Lordinator
Et si les super-héros existaient dans le monde réel ? Et si ils étaient confrontés à des problèmes un peu plus réalistes que des invasions extra-terrestres, des savants fous ou des anomalies temporelles ? Cette question a déjà souvent été posée dans de nombreux comics de façon plus ou moins intelligentes : Avec humour et violence extrême dans les Kick Ass de Mark Millar et John Romita Jr ou la série The Boys de Garth Ennis, avec cynisme dans les numéros de The Authority de (encore) Mark Millar ou avec un grand sens critique à l’encontre des États-Unis dans le méconnu Cla$$war de Rob Williams et Trevor Hairsine.
Ce n’est donc pas vraiment une nouveauté de vouloir confronter des super-slips à des problèmes plus terre à terre que les grandes menaces classiques et cosmiques mais c’est pourtant ce qu’ont tenté de faire Bryan JL Glass et Victor Santos avec la mini série Furious publiée chez Dark Horse aux États-Unis et Glénat Comics en France.
Ont-ils réussi à apporter de la nouveauté à ce concept, réponse dans la suite.
Furious ça raconte l’histoire de La Vigie, une toute nouvelle super héroïne qui tente de se faire une place dans la société actuelle en mettant ses pouvoirs aux services d’autrui. Tout part d’une bonne attention, mais La Vigie va vite se rendre compte que le monde réel laisse peu de place aux bons sentiments et que les idéaux de justice et de vérité propre à la mentalité d’un héros costumé sont particulièrement compliqués à appliquer dans un monde où la criminalité est bien plus glauque et violente que dans les récits imaginaires… De plus, La Vigie se lance un peu à l’aveuglette dans son combat sans même réellement comprendre ses nouveaux pouvoirs qui se révéleront bien vite d’une nature peu pratique : En effet, plus La Vigie est énervée, plus ses pouvoirs augmentent et ses sautes d’humeur vont vite faire les choux gras des journaux qui quid de La Vigie vont la rebaptiser « La Furie ».
Le récit de Furious est donc découpé d’une façon classique, alternant passages héroïques de la Furie et flashbacks nous expliquant son passé de starlette de cinéma et ce qui l’a conduit à obtenir des super-pouvoirs et à jouer les justicières masquées. Une construction certes classique mais qui a fait ses preuves et se révèle au final assez efficace, le récit étant fluide et bien rythmé, parfois drôle, parfois touchant et souvent haletant, ne laissant quasiment jamais le lecteur se reposer sur ses lauriers en apportant continuellement du nouveau pour faire durer le suspens… Jusqu’à un dénouement qui laisse vraiment ledit lecteur sur sa faim. J’avoue avoir était assez déçu par la fin, abrupte, brève, pour ne pas dire expédiée, elle est en plus très classique.
Hormis la fin, le récit de Furious est certes classique, mais reste efficace et se lit rapidement et sans lassitude, une lecture plaisante en somme.
Pour ce qui est des dessins, c’est une autre paire de manche. Je suis assez tolérant aux niveaux des dessins et je fais partie de ceux qui pensent que de beaux dessins ne sont pas forcément une obligation et que tant que le récit tient la route, ont peut faire abstraction d’une partie graphique plus modeste. Mais dans le cas de Furious, je peut dire que je n’accroche pas au style de Victor Santos. Je trouve son trait brouillon, peu clair voir sujet à confusion à certains moments : En effet, durant tout le récit ont suit le parcours de deux personnages féminins, or à certains moments je me suis surpris à ne plus vraiment savoir de qui il était question dans certaines planches, tant le style approximatif du dessinateur fait se ressembler les personnages, surtout féminins. Au début j’ai crû à un effet volontaire, les deux auteurs voulant sûrement brouiller les pistes entre le destin des deux personnages mais plusieurs passages m’ont fait douter à ce sujet, notamment les couleurs de cheveux, et j’ai eu malheureusement la confirmation de mes soupçons dans le sketchbook à la fin de l’album, l’un des auteurs avouant que les changements de couleurs ou de coupes de cheveux peuvent paraître « confus » au lecteur : Je confirme donc, ça ne parait pas seulement, ça l’est vraiment.
Sinon je ne peux pas vraiment m’exprimer sur les dessins de Victor Santos car comme je le dit plus haut, je n’ai vraiment pas accroché à son style, que je trouve de plus particulièrement irrégulier, parfois c’est très beau et à d’autres moments on a vraiment l’impression de voir une planche à peine esquissée, notamment durant les scènes d’action, souvent dépourvues de décors.
Un petit mot avant de finir sur l’édition française. Comme toujours avec Glénat Comics, c’est du très bon travail : Couverture cartonnée, papier glacé et traduction nickel, rien à dire de ce coté là, l’éditeur prouvant une nouvelle fois son excellence.
Pour finir, je suis assez mitigé sur cette bande dessinée : Le récit est certes plaisant à lire mais est au final très classique, les dessins sont ce qu’ils sont et en ce qui me concerne et au risque de me répéter, je n’ai pas accroché sur ce point.
Après à vous chers lecteurs de vous faire votre propre idée car si vous aimez ce genre d’histoire, vous serez en terrain connu et pour les autres, vous pouvez toujours vous y essayer par curiosité mais personnellement, je n’ai pas apprécié plus que ça.
Furious de Bryan JL Glass et Victor Santos, disponible depuis le 10 juin 2015 chez Glénat Comics
Zodiac Starforce #1
Sorti (enfin) ce mercredi, le premier numéro de Zodiac Starforce avait de quoi m’envoyer du rêve, teasé par Dark Horse comme étant un savant mélange entre Buffy the Vampire Slayer et Sailor Moon. De quoi ratisser très large me direz-vous, dans un contexte où chaque éditeur tente désormais de tirer son épingle du jeu auprès d’un lectorat de plus en plus féminin et/ou hétéroclite, quitte à se prendre les pieds dans un sac de nœud à l’exemple de DC Comics qui actuellement, n’a définitivement toujours pas réussi, depuis 2011, à cibler son lectorat (c’est vrai quoi, mais qui peut bien lire du DC de nos jours ? Des hommes ? Des femmes ? Des chats ? Des Chiens ? Oh wait… Tout cela en même temps ? C’est bien trop compliqué !!!)
C’est donc au tour de l’éditeur au cheval noir de lancer sa série « girly » (une expression finalement très réductrice), là où d’autres maisons d’édition ont parfaitement réussi dans ce registre, à l’image de Boom Studios ! avec Lumberjanes et IDW et sa relecture de Jem and the Holograms. Ces deux derniers titres étant devenus pour moi des références absolues dans leur manière d’aborder les personnages féminins de façon tout autant positive qu’actuelle, la question était de savoir si Zodiac Starforce était une série qui allait suivre cette tendance, en attendant le Papergirls de Brian K. Vaughan et Cliff Chiang.
Zodiac Starforce démarre en quelque sorte là où la 7ème saison de Buffy the Vampire Slayer, se serait terminée si il n’y avait pas eu de suite en comics : que peut-il bien se passer après qu’une équipe de super héroïnes ait sauvé le monde d’une terrible menace. Emma, Kim, Savanna et Molly, dont les pouvoirs leur ont jadis été légués par une divinité nommée Astra dans le but de protéger la Terre de l’effroyable Cimméria, ont pour certaines d’entre elles payé dramatiquement le prix de leur héroïsme et ont retrouvé chacune une vie normale de lycéenne, entre révisions à la bibliothèque et soirées étudiantes, quitte à ce qu’elles se perdent de vue malgré leurs exploits passés.
Alors qu’Emma, l’ancienne chef du groupe essaie d’avancer en se concentrant sur ses études, Kim ne pense qu’à ressouder le groupe, chose d’autant plus nécessaire depuis la disparition d’une jeune fille depuis quelques jours. L’apparition d’un monstre sur le campus obligera les filles à se réunir en urgence, mais la solidarité et l’esprit des Zodiac Starforce ne sont plus ce qu’ils étaient.
Ce premier numéro, qui réussi à esquisser autant la psychologie de chaque personnage que les événements qui ont engendré leur désunion, nous donne envie d’en lire plus si l’on est pas d’emblée hermétique au genre des magical girls et surtout à une omniprésente teinte rose qui pourra en rebuter plus d’un. Mais le côté rose-bonbon, graphiquement parlant, de ce numéro dénote pourtant de sa teneur dramatique (un bon point pour le scénariste Kevin Panetta), ici encore, un tel mélange des genres ne pourra pas convenir à tout le monde.
Paulina Ganucheau nous offre des planches très dynamiques aux influences manga et web comic bien assumées, donnant à Zodiac Starforce une véritable identité visuelle nous permettant d’être rapidement séduits par ses héroïnes.
Tout cela démarre donc très bien, l’avenir nous dira si cette série parviendra a atteindre le niveau des illustres titres cités plus haut, elle est en tout cas bien partie pour aller dans ce sens.
La note de Katchoo : 3/5
Denver & Other Stories
Sur ce blog, nous exprimons déjà depuis plusieurs années Julien Lordinator et moi une sincère sympathie envers un auteur de comics en particulier (c’est d’ailleurs l’un de nos rares points communs), en la personne de Jimmy Palmiotti sans que nous ne nous soyons d’ailleurs vraiment concertés sur le sujet. Il faut dire que sa personnalité singulière, son amour et son respect pour les femmes à la fois fortes de caractère et pulpeuses à souhait, ainsi que son goût prononcé pour la littérature et le cinéma de genre n’ont pu que nous réunir, tant nous sommes effectivement personnellement sensibles envers ces trois critères.
De Queen Crab à Sex and Violence (un titre dont je n’ai pu me lasser de parler à cause de la couv monumentale et non moins cultissime d’Amanda Conner) en passant par Vendredi 13 et Painkiller Jane, Jimmy Palmiotti (souvent secondé par son binôme Justin Gray) s’est donc retrouvé en haut de l’affiche chez nous à plusieurs reprises, et voir ses œuvres plus confidentielles (d’ailleurs pour la plupart financées grâce à Kickstarter via sa maison d’édition Paperfilms) être publiées en France grâce à Glénat Comics nous ravi donc au plus haut point, l’éditeur prouvant une fois de plus sa volonté d’apporter une nouvelle donne dans le panorama malheureusement trop formaté des publications Françaises.
Trois histoires sont donc réunies dans cet album intitulé Denver & Other Stories, offrant un aperçu de ce que l’auteur est capable de faire en la matière, accompagné par des illustrateurs complices du nom de Phil Noto, Pier Brito, et Lee Moder.
Le premier volet de ce recueil comprend le récit le plus long (72 pages), et concerne un projet récent que Palmiotti avait réussi à faire financer en février 2014. Denver se déroule dans un futur post-apocalyptique digne des classiques de la SF, un petit clin d’œil assumé à Soleil Vert allant d’ailleurs dans ce sens. Notre histoire démarre des années après qu’une météorite ait percuté la lune, engendrant une montée inéluctable des eaux ainsi qu’un exode massif des populations vers les plus hauts sommets du globe, ou du moins les villes situées à plus de 1000 mètres au dessus du niveau de la mer. C’est le cas de la capitale de l’Etat du Colorado, une cité très convoitée par les migrants et de ce fait hautement protégée par les gardes-côtes dont fait partie Max Flynn notre héros, pleinement confiant du système rigide et impartial qu’il sert et dans lequel il évolue. Un chantage odieux va le contraindre à revoir ses priorités et mettre à mal son idéalisme, beaucoup plus qu’il ne l’aurait pensé.
Je ne sais pas si l’intention était voulue mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser au film Les Fils de l’homme (que j’adore) en lisant les premières pages de ce Denver. Le scénario part dans une toute autre direction (c’en est même l’antithèse) et tient la route sans toutefois malheureusement vraiment approfondir la psychologie des personnages. Cette histoire aurait d’ailleurs peut-être mérité le développement d’une mini-série plutôt qu’un one-shot, mais le concept en lui-même est très plaisant.
La seconde histoire intitulée Trigger Girl 6 nous permet de retrouver un duo, ou plutôt un trio des plus efficaces ayant déjà fait merveille ensemble : en l’occurrence Jimmy Palmiotti, (avec Justin Gray ici en renfort) et Phil Noto, au service d’une héroïne seule contre tous que rien n’arrête sur fond d’espionnage et d’intrigue gouvernementale.
C’était en effet déjà le cas dans Beautiful Killer, une mini-série de 3 numéros parue en 2007 chez l’éditeur Black Bull (et édité en France chez Angle Comics). Ici il s’agit d’un tout autre personnage mais l’esprit reste identique, ce qui nous pousse à encore une fois regretter que l’histoire se déroule aussi rapidement tant les possibilités sont alléchantes (lorgnant du côté d’un Nous3 de Morrison et Quitely) et à peine effleurées.
Initialement paru le temps de 4 numéros dans le magazine créé par Palmiotti et Steve Niles, Creator-Owned Heroes en 2012 chez Image Comics, Trigger Girl 6 ne peut que satisfaire les fans de l’artiste, ici au sommet de son style si particulier faisant résonance aux amateurs de films d’espionnage que nous sommes.
Last but not least, Glénat Comics nous fait plaisir en éditant une petite et pittoresque aventure datant de 2007 de l’héroïne mythique et chère à ce cher Palmiotti, Painkiller Jane, et ce dans tout l’esprit de ce que les années 90 ont pu nous léguer (le titre proposé ici se joue d’ailleurs ouvertement et allègrement de ces codes gros nichons/grosses fesses/gros flingues propres à cette période, pour notre plus grand plaisir, car nous n’avons plus 16 ans et nous savons bien évidemment faire la part des choses… N’est-ce pas ?) en nous offrant ce Painkiller Jane #0 (publié à l’origine chez Dynamite) illustré par Lee Moder.
Dans cet épisode explosif, Jane Vasco n’hésite pas à donner de sa personne (ou plutôt une partie bien précise de son anatomie) afin de démanteler un réseau de contrebande d’armes. Le tout est très drôle, mais ENCORE UNE FOIS bien trop court !
Un vrai constat s’impose donc à la lecture de ce Denver & Other Stories : Il s’agit d’un très bel essai de la part de Glénat Comics car sans eux, je suis à peu près sure que nous n’aurions jamais eu droit à ce genre de recueil vraiment intéressant, et d’autant plus actuel vis à vis de ce qui se passe en terme d’édition alternative (bon nombre de grands auteurs n’ont désormais plus aucun état d’âme à passer par le financement participatif, dans le but de voir ses projets personnels se réaliser, et c’est une très bonne chose).
D’après ce que j’ai cru comprendre, l’aventure continue entre Glénat Comics et ce cher Jimmy Palmiotti à partir du moment où sont déjà annoncés à la fin de ce recueil les titres Retrovirus et Sex and Violence. Alors nous, on peut déjà vous annoncer que ces 2 titres sont vraiment bien parce qu’on les a déjà lu… Vive le crowdfunding…
La note de Katchoo : 3/5
DC Comics Bombshells #1 à 3
A l’image de leurs cousines les Ame-Comi, statuettes à succès distribuées par DC Collectibles qui ont inspiré une série de comics numériques au niveau assez inégal en 2012, c’est au tour des fameuses Bombshells de se voir être « adaptées » en bande dessinée, sur le thème des héroïnes DC façon World War II avec toute l’interprétation de l’iconographie sexy des pin-up émanant de cette époque qui en découle.
Le concept pourrait sembler de prime abord un peu facile et opportuniste, mais de nombreuses femmes ayant vécu pendant cette période de grand trouble ont largement prouvé leur force et leur valeur soit en participant activement à l’effort de guerre, ou en se battant en première ligne des affrontements les plus meurtriers, c’est sur cet aspect particulier que Marguerite Bennett et Marguerite Sauvage ont décidé de développer cette série, dont les trois premiers numéros introduisent à la fois ambiances et personnages à la perfection.
Batwoman, Wonder Woman, Supergirl et Stargirl nous sont en effet présentées successivement via trois genres caractéristiques de l’époque, le pulp pour notre héroïne de rouge et de noir, l’épopée guerrière pour notre amazone et le documentaire de propagande pour nos deux filles de l’air. Le rendu est excellent, d’autant plus qu’il fait référence à un contexte historique extrêmement puissant concernant le rôle important que les femmes ont eu pendant la seconde guerre mondiale.
Nous découvrons ainsi Kate Kane de la plus belle des manières (mais p***** que ça fait du bien !) sauvant un certain jeune garçon accompagné de ses parents à la sortie d’une séance de cinéma dans une allée humide et sombre. Surgissant de nulle part et armée d’une batte de baseball, The Batwoman inspirera sans doute le jeune homme dans quelques années, en attendant c’est elle qui marque des home run auprès des malfrats de Gotham. On la retrouve ensuite sur le terrain de jeu, avec sa cousine Bette que l’on a aussi évidemment beaucoup de plaisir à retrouver.
Si vous avez vu le film Une équipe hors du commun, vous savez sans doute que des équipes féminines de baseball ont été créé (à partir de 1943, avant cela il s’agissait d’équipes de softball) afin de palier l’absence des joueurs masculins quasiment tous partis au front. Le rôle de ces femmes était de divertir autant les ouvriers que le moral des troupes, et participaient ainsi à leur manière à l’effort de guerre, au même titre que les filles de l’United Service Organizations qui se produisaient devant des milliers de soldats américains.
Lorsque Kate ne rempli pas ses devoirs civiques et ne malmène pas voleurs et autre brigands, elle retrouve sa bien aimée Maggie Sawyer, elle même une femme d’action au sein de la police de Gotham. Mais notre héroïne regrette pourtant ses aventures romanesques passées lors de la guerre civile espagnole quelques années plus tôt.
Aspirant à une plus grande destinée afin de servir véritablement son pays, (on notera énormément de similitudes entre cette version de Kate Kane et la version moderne, notamment concernant leur passé militaire) notre déesse rousse est sur le point de voir son vœu exaucé….
L’attachement de Bennett à vouloir lier son récit avec, comme fil conducteur, l’exposition de ces femmes durant la Seconde Guerre Mondiale se marie parfaitement bien avec le style de Sauvage, où l’on retrouve admirablement tout la finesse provenant entre autre de l’univers de la mode.
Au large des côtes de la Grèce, un avion dans la tourmente nous indique que la série ne va pas se contenter de se limiter aux frontières de l’Oncle Sam, le second numéro de DC Comics : Bombshells revisite ainsi l’atterrissage forcé de Steve Trevor sur Themyscira, ici vécu autant comme un rêve qu’un cauchemar par le pilote. Telle une horde de valkyries, les amazones se déploient pour défendre leur île des affrontements aériens entre les forces de la Grande Alliance (sauf qu’en 1940 les américains ne sont pas encore rentrés en guerre, alors qu’est-ce qu’il fout là ce bon vieux Steve ???) et celles des nazis… et ne font pas dans le détail à savoir de quel côté se trouve chacun d’entre eux.
Seul survivant, un Trevor halluciné va faire la rencontre de sa vie, une certaine Diana dont il va s’efforcer d’expliquer la gravité du conflit qui s’étend à travers le monde des hommes.
Un peu en dessous pour rapport au numéro qui le précède et celui qui va suivre, l’épisode consacré à Wonder Woman nous offre tout de même de belles compositions aériennes où l’on peut voir les amazones exprimer leur courroux contre leurs assaillants.
Il s’agit ici vraiment d’un épisode d’exposition, peut être encore plus que ses deux congénères, les fans de Wonder Woman resterons donc sans doute un peu sur leur faim, hormis de voir une certaine diversité concernant les amazones, beaucoup plus jolies et agréables à regarder que ce qu’on peut voir sur la série régulière. L’illustratrice avait déjà travaillé sur notre héroïne dans Sensation Comics Featuring Wonder Woman #7, et les plus observateurs auront reconnu deux amazones issues des #23 et #24 dessinés par Noelle Stevenson et écrits par James Tynion IV (elles aussi sont de grandes amatrices de glace !).
Autant le dire tout de suite, le troisième numéro est une véritable petite merveille. Se déroulant au cœur de l’empire soviétique et mettant en scène Supergirl et Stargirl, l’épisode fait référence aux légendaires Sorcières de la nuit, ces combattantes du ciel qui ont été parmi les centaines de milliers de femmes russes à se battre au même rang que les hommes.
Il faut savoir en effet que la mobilisation des femmes en URSS a été extrêmement massive que ce soit dans l’effort de guerre ou au combat, dès 1925 elles étaient recensées en vue d’un hypothétique recrutement dans un futur conflit. On dénombre ainsi entre 500.000 et un million de femmes qui ont participé à la guerre dans n’importe quel domaine, jusqu’à être en première ligne, pilotant des tanks, des avions de chasse, ou en tant que tireuses d’élite.
Parmi les trois régiments exclusivement féminins qui ont combattu dans les forces aériennes de l’Armée rouge, le 588ème régiment de bombardement de nuit totalisera à la fin de la guerre 24000 sorties, ses pilotes n’hésitant pas à couper leur moteur en plein vol afin d’approcher silencieusement leur cible, c’est pour cette raison qu’on les appelle les sorcières de la nuit.
Dans ce numéro les soeurs Kara et Kortni (pour Courtney) font parties de cet escadron de légende dont les appareils sont pourtant connus pour être en très mauvais état. Blondes comme les blés et à la chevelure opulente (dans la réalité toutes les aviatrices avaient les cheveux courts, la longueur réglementaire étant de 5 cm, seule une mécanicienne avait réussi à cacher ses cheveux sous un béret jusqu’à ce qu’un général découvre la supercherie, heureusement pour elle, elle fut autorisée à les garder), les deux jeunes femmes ont été élevées selon les principes du régime communiste, mais Kara tente de tempérer les ardeurs de sa jeune sœur très enthousiaste à l’idée de pouvoir voler et défendre sa nation.
Il y a de très très belles choses dans ce numéro. De la complicité entre les deux héroïnes, au choix de la part de Bennett de les avoir placé du côté soviétique, (un concept qui n’est pas étranger et qui sera loin de déplaire à Gerald Parel), en passant par l’utilisation de ces fameuses Sorcières ainsi que de l’atmosphère de propagande et de paranoïa propre au régime Stalinien, je me suis vraiment régalée en lisant ce troisième épisode, où Marguerite Sauvage survole toujours cette bien belle série de par son style graphique qui colle vraiment à la peau du récit et de son ambiance vintage et très nuancée.
Ces trois premiers numéros de DC Comics : Bombshells nous offrent donc une bien belle introduction pour une série des plus attendues mais dont on craignait quand même un peu l’exploitation facile. Il n’en est fort heureusement absolument rien, le duo de Marguerite nous offrent un titre indispensable, au même titre et dans le même registre que Sensation Comics Featuring Wonder Woman.
Disponibles en numérique chaque samedi, les prochains numéros vont continuer à explorer genres et personnages différents tels que Zatanna, Harley Quinn ou encore Mera, si le niveau reste le même la version papier risque de faire un sold-out, c’est tout le mal que je souhaite à cette superbe série.
La note de Katchoo : 4,5/5
Batgirl : Annual #1
Batgirl est devenue en quelques mois l’une des stars de DC Comics, grâce à un véritable ravalement de façade survenu à partir du 35ème numéro, sous la clairvoyance de Cameron Stewart et Brenden Fletcher, un changement de look et de caractérisation qui a déjà fait couler beaucoup d’encre sur de nombreux points, mais qui s’avère être avec le recul plutôt bénéfique pour ce personnage qui est loin d’avoir toujours été bien traité tout au long de son histoire.
Avec ce troisième annual, l’esprit et l’aura de cette nouvelle Batgirl que l’on retrouve depuis le mois de novembre dernier est toujours bel et bien présent, par le biais d’une intrigue qui va passer par les mains expertes de plusieurs artistes qui vont se relayer avec plus ou moins de bonheur pour la rétine.
Dans l’ordre d’apparence, Bengal, David Lafuente, Ming Doyle et Mingjue Helen Chen dont les styles très différents enrichissent considérablement la narration, nous offrant leur vision graphique personnelle toujours au service de la jeune héroïne.
Le second atout indéniable de ce numéro spécial réside dans le fait que Babs se permet une petite escapade hors des frontières de Burnside pour mener son enquête, ce qui va la conduire à rencontrer ou retrouver des personnages appartenant tous à la Bat-familly : Helena Bertinelli et Dick Grayson, Spoiler, Batwoman, ainsi que Maps et Olive, les petites héroïnes de Gotham Academy, l’autre série co-écrite par Brenden Fletcher.
Alors commençons par le commencement, c’est à dire par la première partie illustrée par Bengal que l’on a beaucoup de plaisir à retrouver depuis son génial Batgirl : Endgame, tout simplement parce son plaisir à lui de dessiner Batgirl saute littéralement aux yeux.
Dans cette partie très bien rythmée et bien sûr bourrée d’action, on est évidemment tenu en haleine par l’hypothétique retrouvaille entre Babs et Dick qu’elle croit mort depuis les événements survenus dans Forever Evil. Celui-ci travaillant désormais pour l’agence d’espionnage Spyral (celle-là même où œuvrait la première Batwoman), est persuadé que même déguisé, Babs sera capable de le confondre grâce à son sens de l’observation et sa propre gestuelle….
Dès ce premier récit, la fan de Batgirl que je suis est déjà conquise.
Nous retrouvons ensuite Barbara Gordon sur les toits de Gotham, à la poursuite d’une des membres de l’organisation terroriste orchestrée par Gladius, et qui va se retrouver nez à nez (ou plutôt nez à poing) avec notre Stephanie Brown internationale, que l’on aime ici, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
La jeune Spoiler a besoin d’une petite mise à l’épreuve sur le terrain selon les dires d’une certaine Catwoman qui l’a récemment prise sous son aile, c’est l’occasion idéale pour recevoir les enseignements de Batgirl, à moins que l’impétueuse Spoiler ne décide encore une fois de n’en faire qu’à sa tête, comme à la belle époque pré-New 52.
Les chemins de David Lafuente et Stephanie Brown se sont précédemment croisés dans Batman Eternal, et ici encore, on sent un plaisir évident de la part de l’artiste de retrouver cette héroïne, même ne serait-ce que quelques pages aussi fun soient elles (mention spéciale pour la mamie qui lit le comics Mad Max Fury Road).
Un gros changement de ton intervient ensuite avec Ming Doyle et les retrouvailles entre Batgirl et Batwoman, ici on ne plaisante plus, les couleurs utilisées par Ivan Plascencia nous propulsent direct dans une ambiance beaucoup plus sombre et réaliste, et pourtant, il n’y a pas de raison pour que Batwoman ne se retrouve pas de temps en temps dans quelque chose de plus « détendu » (du moment qu’on ne la renvoie pas dans l’espace…).
Sans aller dans le fangirlisme décérébré concernant Batwoman, la partie de Ming Doyle est celle qui m’a le moins plu, et la déception est d’autant plus grande quand il s’agit de son personnage fétiche, et que j’avais beaucoup apprécié ce que Doyle avait fait graphiquement sur Mara.
Cette petite baisse de niveau est très vite oubliée avec la dernière partie de ce récit où la Batgirl de Burnside va pousser son investigation jusque dans la bibliothèque de la Gotham Academy, un endroit plein de mystères qui n’a aucun secret pour Maps et Olive.
Ce segment de Mingjue Helen Chen, transfuge des Disney Animation Studios, est d’une perfection absolue et mérite à lui seul l’achat de ce numéro… une bonne dizaine de fois, ou bien plus sainement de se jeter sur la série mensuelle dont le premier album sort chez Urban Comics le 11 septembre.
Ce troisième annual de Batgirl est donc de très très bonne facture, et a la particularité et l’intelligence de réunir dans un seul album bon nombre de personnages féminins qui ont la lourde charge de protéger Gotham City en l’absence du Caped Crusader.
La présence d’un Dick Grayson tout en muscles mais pourtant bien penaud face à l’angoisse de se faire quizzer sa couverture par son ancienne petite amie est également bien sentie.
Ce titre est donc tout autant destiné aux fans de Batgirl que toutes les héroïnes qui l’accompagnent ici. C’est également une belle fenêtre sur ce que DC cherche à faire actuellement avec ses personnages féminins (même avec Batwoman, puisque la version des années 40 des deux Marguerite est une vraie réussite, mais je vous en parlerai un peu plus tard), inspiré sans doute par ce que fait la concurrence, en espérant bien sûr qu’ils continuent dans ce sens.
La note de Katchoo : 4,5/5
Cet été-là
La première fois que j’ai entendu parler de Cet été-là (This One Summer dans sa version originale), le roman graphique de Jillian et Mariko Tamaki, c’était lors de la conférence tenue à la médiathèque de Colomiers par Bill Kartalopoulos retraçant l’histoire de la bande dessinée aux Etats-Unis dans sa plus grande pluralité. Son enthousiasme envers ce titre ainsi que les quelques pages projetées avaient éveillé ma curiosité, et j’étais d’autant plus agréablement surprise d’apprendre que quelques mois plus tard, l’éditeur Rue de Sèvres avait très rapidement acquis les droits de sa version française, comme si ce chef-d’oeuvre ne pouvait attendre plus longtemps d’être découvert par le plus grand nombre.
Cet été-là nous propose un voyage dans le temps situé à l’aube de notre adolescence, vers cette période de la vie où l’on est à la fois plein de certitudes et se posant tout un tas de questions, où l’on brave les interdits en regardant ses premiers films d’horreur par défi même si l’on a peur de se promener seul dans une forêt en pleine nuit, vers un âge où l’on aimerait déjà être plus grand pour pouvoir profiter de tout, sans se douter un seul instant qu’il n’en est rien, et que lorsque l’on a atteint ce stade, la plupart d’entre nous n’a qu’une seule envie, pouvoir revenir à cet âge où tout reste encore à découvrir.
Rose et Windy sont deux amies de 13 et 11 ans et demi, qui comme chaque été se retrouvent à Awago Beach dans l’Ontario au Canada, là où leurs parents ont pour habitude de louer un bungallow et partager de bons moments le temps d’un barbecue. Les deux jeunes filles se connaissent très bien et leurs journées sont rythmées par les baignades, les excursions dans les alentours et les visites à l’épicerie du coin qui fait aussi office de vidéo club, où le personnel n’est d’ailleurs pas très regardant quant à la location des DVD assujettis à une limitation d’âge.
C’est ainsi qu’elles vont s’en donner à cœur joie, de Massacre à la Tronçonneuse à Vendredi 13 en passant par Les griffes de la nuit, autant d’épreuves surmontées ensemble et forgeant entre autre leur belle amitié.
En marge de leur curiosité et de leur analyse candide sur le monde qui les entoure, Rose va s’intéresser de plus près à l’un des salariés de l’épicerie, un adolescent plus âgé surnommé le Dud, expérimentant ainsi ses premiers émois vis à vis d’un jeune homme qui semble être le bourreau des cœurs de ce microcosme estival. Alors que Windy restera détachée vis à vis du psychodrame qui se joue sous leurs yeux, son amie n’aura de cesse que s’intéresser à ce feuilleton de l’été quitte à porter des jugements sans l’ombre d’une objectivité, et du haut de ses 13 ans.
La pré adolescente n’a pas non plus les clés pour comprendre ce qui se trame au sein de sa famille, et de la complexité des relations d’une mère qui semble être marquée par la vie, et qui rejette de plus en plus son père, un homme un peu balourd mais plein de tendresse.
Cet été-là est parsemé d’instants où le temps s’arrête, où les petit bruits surgissent parfois pour peser très lourd dans le quotidien de ses protagonistes. Jillian et Mariko Tamaki, qui sont deux cousines comme leur nom de famille commun l’indique, ont su remarquablement retranscrire la complicité de leur deux héroïnes au même titre que la fragilité de leur amitié, à un moment de leur vie où tout est sur le point de s’accélérer.
Cette oeuvre vient tout juste d’obtenir l’Eisner Award du meilleur roman graphique lors de l’actuelle San Diego Comic Con et c’est à mon avis totalement mérité. L’occasion justement de plonger dans ce récit à la fois réaliste et nostalgique, je conseille aux amateurs de v.o. d’acheter l’édition de First Second Books, dont la colorisation originale est toute autre, sur des tons bleus beaucoup plus nuancés que l’édition française, à l’image de la couverture de l’album.
La note de Katchoo : 4/5
Pretty Deadly : Tome 1
Quand j’étais plus jeune (…), il y a une série animée dont je ne ratais aucune aventure et qui est sans doute passée un peu inaperçue à cause de son nombre restreint d’épisodes (13 au total). Il s’agit de La légende de Calamity Jane, une production franco/américaine diffusée en 1998 sur Canal+, qui racontait pour mon plus grand bonheur l’équipée sauvage d’une héroïne hors du commun, totalement badass et d’un charisme affolant.
Le fait est que dans ma petite vie de cinéphile, il a des genres que j’ai toujours préféré à d’autres, j’ai en effet été bercée par les peplum, films de pirates et autres western durant ma jeunesse, et la frustration (vous pouvez l’imaginer) a d’ailleurs toujours été d’autant plus grande pour moi que la plupart des films dont ils sont issus sont par principe quasiment dénués de personnages féminins de premier plan.
Et pourtant, en y regardant d’un peu plus près les femmes fortes sont bel et bien présentes dans l’ouest, Joan Crawford dans Johnny Guitar, Marlene Dietrich dans Spoilers, ou plus récemment Madeleine Stowe et Drew Barrymore dans Bad Girls ou encore Sharon Stone dans Mort ou vif… Tenez, si le sujet vous intéresse, voici une liste assez complète de toutes ces héroïnes de l’ouest américain dépeintes dans le 7ème art.
Alors évidemment, lorsque j’ai appris que la scénariste Kelly Sue DeConnick et la dessinatrice Emma Rios se retrouvaient (elles avaient déjà travaillé ensemble sur la mini-série Osborn chez Marvel) pour un creator owned publié chez Image (et désormais chez nous grâce à Glénat Comics) avec une histoire de western au féminin, j’étais conquise sans même avoir lu un seul numéro. Que voulez-vous, c’est comme ça.
Mais finalement, Pretty Deadly n’a pas grand chose à voir avec ce qu’on appelle un westen classique, car tout en y empruntant ses codes (surtout au début de l’histoire) il nous entraîne bien au delà, par le biais d’un conte fantastique et mythologique relativement complexe car interprété par trois visions différentes. En effet, DeConnick ne nous ménage absolument pas dans la façon de raconter son récit où se croisent divers personnages tous liés inexorablement avec la Mort en personne.
Oyez le chant de Ginny Face de Mort : “Toi qui exiges réparation, invoque son nom, entonne sa chanson, Sonne le glas qu’elle entendra depuis les enfers. Ginny chevauche le vent pour toi, mon enfant… Le vent souffle pour la Mort !”
Ginny est la fille de la Mort, au visage marqué des stigmates de son père. Elle chevauche son destrier de fumée à travers un Ouest sauvage et sans concessions où magie et poudre ne font pas forcément bon ménage. Dans la cruauté d’une Amérique qui se cherche et se construit dans le sang et la violence, Ginny traque les pêcheurs, les coupables. Mais au terme de sa quête de vengeance, saura-t-elle aller jusqu’au bout pour affronter son propre destin ?
Cette façon d’aborder cette trame permet justement de pouvoir ressentir une certaine empathie avec tous les personnages quels qu’ils soient , même les plus secondaires, à tel point que l’héroïne Ginny Face de Mort, pourtant charismatique en diable, arrive à se faire voler la vedette à plusieurs reprises par sa nemesis Big Alice ou la jeune Sissy. L’univers de Pretty Deadly est donc destiné à un lectorat à la fois exigeant et avide de (bonnes) surprises.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Emma Rios excelle sur ce titre. Son style, ici d’un onirisme fou (et déjà entraperçu sur Amadis de Gaula) explose littéralement, sublimé par les couleurs de Jordie Bellaire qui ajoute grâce à sa palette de tons pourpres et orangers une aridité à la fois dramatique et surréaliste.
Aux frontières du manga et de la BD Franco-belge, le trait de la dessinatrice espagnole est une véritable expérience graphique qu’il ne faut rater sous aucun prétexte.
La principale déception de ce premier volume réside toutefois dans la façon d’expédier certaines trames de la part de la scénariste, il est en effet assez rageant de nous voir être présenté autant de personnages avec un passé que l’on imagine très riche, mais dont le destin est expédié dans les deux derniers numéros de ce TPB. On peut espérer que leurs histoires respectives seront développées dans de futurs numéros, car on ressent vraiment que trop de choses ont été dites, ou du coup pas suffisamment.
La note de Katchoo : 4/5
Convergence : The Question
L’event Convergence est le petit cadeau empoisonné de la part de DC Comics permettant à ses lecteurs, le temps de quelques numéros (et de leur transfert de New York à Burbank), de retrouver « l’ambiance » et l’aura des titres publiés avant le rebaunch (ah ça faisait longtemps qu’on l’avait pas vu celui là !) des New 52 en septembre 2011. Le principe est des plus simples, faire interagir les personnages issus des différentes périodes de l’éditeur, de Flashpoint à Zero Hour en passant par le cultissime Crisis on Infinite Earths.
Quand je dis cadeau empoisonné c’est qu’en ce qui me concerne, j’ai la très grande joie de retrouver Stephanie Brown aux côtés de Cassandra Cain (dans Convergence : Batgirl), Oracle sous la plume de Gail Simone (Convergence : Nightwing and Oracle), la version la plus WTF de Supergirl (Convergence : Supergirl Matrix) sans oublier les New Teen Titans (ah… quel bonheur de revoir enfin Donna Troy), Wonder Woman sans les Finch (mais je me console déjà avec sa série hebdomadaire, un peu bonheur), Catwoman… mais tout ça, ça ne dure qu’un temps, c’est à dire en moyenne l’espace de deux numéros, engendrant bien évidemment la plus grande des frustrations même si certains titres ne vont finalement pas rester dans les annales d’après ce que j’ai pu comprendre.
Il en est pourtant un, de titre, qui a non seulement la particularité de réunir l’un des tandems les plus excitants de ces dernières années appartenant à l’univers de Gotham mais qui est, cerise sur le gâteau, également écrit par le scénariste qui a façonné les meilleures histoires les concernant. Ce titre c’est Convergence : The Question, où Greg Rucka revient après de nombreuses années d’absence chez DC pour renouer enfin avec ses « filles », Renee Montoya alias The Question, et Batwoman, sans oublier Huntress qui accompagne l’ancien couple avec tout le charisme qu’on lui connait.
Convergence : The Question fait directement référence à la série Gotham Central, où Rucka avait développé avec brio le personnage de Renee, de ses rapports difficiles avec ses parents dû à son homosexualité en passant par le duel psychologique que lui inflige Double-Face, jusqu’à sa relation avec Kate Kane/Batwoman qui elle, est retracée dans l’excellente série 52 (mais si vous êtes un ou une habituée de ce blog, je suis persuadée que vous connaissez toutes ces histoires sur le bout des doigts !).
Dans ce titre constitué seulement de deux numéros, nous retrouvons Renee Montoya quasiment au même stade que nous l’avions laissée… il y a cinq ans. Incarnant toujours The Question, elle fait désormais équipe avec Huntress (elles sont même colocataires) et doit faire face aux conséquences liées à la présence du dôme qui a transformé Gotham une nouvelle fois en un no man’s land. La loi du plus fort est de mise, la peur à chaque coin de rue. Mais ce qui affecte le plus notre héroïne, c’est que son père gravement malade est sur le point de mourir, alité dans une chambre de l’hôpital Saint Luke.
Totalement impuissante, elle peut néanmoins compter sur le soutien affectif d’Helena ainsi que celui plus torturé et ambigu de Double-Face qui, dans sa quête de rédemption lui permet d’approvisionner l’hôpital en doses de morphine, denrée extrêmement rare et sujette au marché noir.
Car au même titre que son héroïne, Greg Rucka n’omet pas, principalement dans le premier numéro, de mettre en valeur la complexité psychologique du personnage de Double-Face, constamment sur le point de sombrer dans la folie (si ce n’est pas déjà fait) et qui ne doit son salut qu’à la présence bienveillante de Renee.
Le lecteur habitué à cet univers prendra énormément de plaisir de retrouver ces protagonistes, dans un contexte différent mais pourtant si familier. Et la construction des deux numéros est d’autant plus impressionnante que l’on sait que les pages sont limités, le scénariste arrive avec la maestria qu’on lui connait de jongler avec l’introspection de Renee, la démence de Double-Face, la répartie réjouissante de Huntress et… la présence toujours aussi majestueuse de Batwoman, qui vient en renfort dans le second numéro.
L’occasion était trop belle pour Rucka de ne pas revenir sur une pièce maîtresse de la mythologie de ses deux héroïnes, leur relation amoureuse faite de drames et de tensions, et qui se révèle d’ailleurs être l’une des plus vibrantes de tout le DC-verse.
A partir de ce moment, les échanges entre les trois vigilantes ne sont que pur bonheur, on sent que Rucka se fait autant plaisir à lui qu’à nous, et retrouve avec une aisance déconcertante la maîtrise de ses personnages, comme si il ne les avait jamais laissé. Et la frustration est d’autant plus grande, car plus on tourne les pages de Convergence : The Question, plus celle-ci pose le quand de leur prochaine rencontre. En effet tous les ingrédients sont placés pour qu’une série sur le long terme avec ces trois là soit envisageable, et l’amertume se niche quand on se doute que cela n’arrivera probablement jamais.
Le pire, c’est que l’on se se met à rêver du succès d’une telle entreprise, qui plus est avec la présence du dessinateur Cully Hamner, partenaire de Rucka sur les back-up de The Question dans Detective Comics #854 à 865 où elle faisait déjà équipe avec une certaine Helena Bertinelli. C’est dire que ce Convergence : The Question a des airs de retrouvailles en famille.
Je n’ai pas lu tous les titres Convergence, mais j’ai entendu dire à plusieurs reprises que celui-ci était le meilleur d’entre tous. La fangirl que je suis répondra du tac au tac « c’est tout à fait normal, vu qu’il est muni du combo de la mort : Batwoman/Renee/Rucka », mais le plus évident je crois, c’est qu’il est en fin de compte le plus sincère, là où toutes les autres mini-séries sont axées principalement sur de l’action pure et des enjeux qui nous dépassent, Convergence : The Question s’attache à mettre en valeur les rapports humains, qu’ils soient familiaux, amicaux ou amoureux, c’était à peu près ça, ce que l’on pouvait lire chez DC Comics lors de la période pré-New 52.
La note de Katchoo : 4/5
Jem and the Holograms #2
Après avoir fait la connaissance de Jerrica/Jem, Kimber, Aja, et Shana, les héroïnes de Jem and the Holograms toutes plus belles et pétillantes les unes que les autres, le deuxième numéro toujours dessiné par Sophie Campbell et écrit par Kelly Thompson nous dévoile quant à lui le groupe antagoniste et furibond bien connu des amateurs de la série animée, les Misfits composé de Pizzazz l’hystérique, Roxy, Stormer et Jetta. Celles-ci sont sur le point de découvrir que leur victoire pourtant toute tracée au concours du meilleur groupe de rock avec un contrat dans une maison de disque à la clé réserve quelques surprises, et ce grâce à la prestation de la mystérieuse Jem et de ses Hologrammes qui explosent tout dans un clip flamboyant.
Le buzz à leur encontre ne se fait pas attendre, provoquant la colère de la punkette aux cheveux verts, sous l’œil amusé de Rio Pacheco, journaliste couvrant le parcours des Misfits, mais dont la curiosité se tourne déjà vers Jerrica Benton…
Le numéro précédent démarrait tout en nuance et en subtilité, ce second volet emploie la technique inverse en tranchant dans le vif, on y découvre en effet les Misfits sur scène et l’on a pas grand mal à s’imaginer la puissance sonore complètement saturée émanant des enceintes. A cette occasion, Sophie Campbell nous offre une composition des plus bariolées où l’on peut littéralement voir la musique et le son s’exprimer pleinement dans ces quelques pages. On retrouvera cette technique dans ce numéro du côté des Holograms cette fois, où l’artiste parvient à nous faire rentrer dans la magie lyrique d’un clip vidéo façon années 80, du pur génie visuel, et je pèse mes mots les enfants.
Ici encore, M. Victoria Robado exécute une colorisation absolument parfaite, comme vous pouvez le voir sur ce qui se trouve être la plus belle page de ce second numéro.
L’autre atout majeur de cet opus est bien sûr la mise en place de la future romance entre Kimber et Stormer, amenée avec beaucoup d’humour d’un côté comme de l’autre, cette légèreté dans l’écriture est d’autant bien venue que l’on présage un parcours amoureux semé d’embûches pour les deux jeunes filles.
Les fans de la série ne seront également pas insensibles à la présence du latin lover Rio, le style de Campbell arrivant d’ailleurs à apporter beaucoup au personnage graphiquement parlant, là où il restait malheureusement figé dans le stéréotype du beau gosse dans le dessin animé. La petite Ashley fait elle aussi partie de l’aventure, ce qui nous conforte si il en était encore besoin que Kelly Thompson respecte pleinement le matériau de base.
Encore une fois, ce numéro de Jem and the Holograms s’achève au même titre qu’une chanson interprétée par ces quatre filles dans le vent évoluant dans la série : le ton est parfait, l’écriture d’une réelle justesse, et la mise en scène complètement géniale. Le premier arc étant constitué de 6 numéros, le duo créatif ne précipite pas les choses et joue autant sur l’aspect visuel que scénaristique. C’est une vraie réussite, une oeuvre que l’on sent complètement maîtrisée d’un côté comme de l’autre et que l’on peut lire et relire sans modération.
La note de Katchoo : 4/5
Ms. Marvel : la review de Julien Lordinator
Rapide Review : Ms. Marvel Tome 1, Métamorphose
S’il y a bien un mot qui revient beaucoup actuellement dans le monde des comics (et même ailleurs) c’est bien le mot diversité. Même sur le blog où vous êtes en train lire ces mots, la furie qui en est le régisseur se plaît à nous l’assener quotidiennement dans un genre de cri à la fois plaintif et rageur. Mais des comics qui font vraiment preuve de diversité, y en a-t-il vraiment ? Personnellement, je n’en sais rien, ne m’étant jamais vraiment posé la question et laissant ce débat séculaire, controversé et sujet à débats houleux à des personnes plus compétentes que moi, comme la personne mentionnée plus haut.
Tout ce que je peux dire c’est qu’en commençant la lecture de cet ouvrage, j’avais lu un peu partout des « Enfin un personnage issu de la diversité ! » « Marvel ose enfin la diversité ! », blablabla…
Moi les beaux mots, ça ne m’impressionne pas, surtout et encore plus quand ça vient du site de Madmoiselle.com et je préfère me faire mon avis moi-même en passant à la caisse et en lisant le livre en question, ce que j’ai fait avec ce tome 1 de la nouvelle série Ms. Marvel, sobrement intitulé Métamorphose. Alors est-ce que cette héroïne issue de la DIVERSITÉ a malgré son buzz fait un bon comic ? La réponse arrive plus bas.
Kamala Khan est une jeune américaine musulmane d’origine pakistanaise vivant dans le New Jersey qui chaque jour bataille entre ses origines, les préceptes de sa religion, la pression familiale et la société en général. Kamala a donc du mal à trouver sa place dans ce monde qui à la fois l’attire mais la repousse. Mais Kamala est une jeune fille moderne, qui a envie de sortir et de profiter de la vie et elle adore les super-héros, surtout Captain Marvel qui est son héroïne favorite et son idole.
C’est ainsi qu’un soir alors qu’elle fait le mur pour aller à une soirée étudiante, elle va se retrouver intoxiquée par la brume tératogène transformant certains êtres humains en êtres à super-pouvoirs (1). Kamala va alors se retrouver dotée du pouvoir de modeler son corps en allongeant ses membres ou en les déformant, avec l’arrivée de ces pouvoirs, la jeune Kamala va vite comprendre la fameuse maxime « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». C’est aussi à ce moment que ses plus gros problèmes vont arriver avec l’apparition d’un nouveau méchant en ville, le mystérieux Monsieur Edison mais heureusement Kamala peut compter sur Bruno, son meilleur ami pour l’aider dans sa nouvelle quête de justice.
Avec cette nouvelle Ms. Marvel, on a là le retour d’un des classiques de Marvel : Le super-héros adolescent à problèmes. Et force est de reconnaître que Gwendolyn Willow Wilson a su synthétiser les problèmes inhérents d’une jeune fille musulmane de son époque : Tiraillée entre sa religion, une famille qui la surprotège et une société moderne qui l’attire, Kamala est un personnage quasi-immédiatement attachant de part son aspect résolument contemporain et réaliste. Les situations que doit affronter Kamala dans sa vie de tous les jours sont le reflet de notre société actuelle et on s’y retrouve assez facilement : Kamala est fana de culture geek, fait le mur pour sortir et prend un malin plaisir à contredire ses parents. Loin d’être dramatique, l’écriture de Gwendolyn Willow Wilson est drôle, décalée et très subtile donnant un portrait rafraîchissant de cette adolescente apprentie super-héroïne.
La lecture en devient résolument agréable au fur et à mesure que l’on lit le livre, et à ce petit côté réaliste mais pas trop qui fait mouche : Honnêtement, hormis quelques petites situations qui m’ont laissé un peu dubitatif, notamment le fait que l’héroïne détruise un peu tout sans que cela n’alerte jamais personne (la scène des vestiaires…), j’avoue avoir été séduit par le style d’écriture de Gwendolyn Willow Wilson, tout en finesse et en décontraction.
Pour ce qui est des dessins, on retrouve Adrian Alphona qui avait déjà œuvré sur une autre série mettant en scène de jeunes héros, à savoir Runaways, et dont le style tout en simplicité est donc parfaitement adapté à cette nouvelle héroïne. Le choix de l’artiste canadien pour illustrer cette nouvelle tranche de vie super-héroïque adolescente était donc tout trouvé et bienvenu, choix qui d’ailleurs s’impose comme une évidence au bout de quelques pages.
J’ignore toujours si cette nouvelle Ms. Marvel est enfin la preuve d’une éclosion de la fameuse diversité dans les comics et honnêtement, je m’en fiche, ce que je sais en revanche c’est que je suis ressorti de la lecture de cet album avec la sensation d’avoir passé un moment agréable, le sourire en coin et c’est particulièrement rare.
Avec son aspect contemporain, son portrait à la fois réaliste et touchant de la jeunesse actuelle, le tout teinté d’une touche de fantastique, cette nouvelle Ms. Marvel m’a donné la sensation de relire un comic « à la Marvel » comme le faisait l’éditeur dans les années soixante, Kamala Kahn, c’est un peu ce qu’était Peter Parker en 1962 : Le reflet de la jeunesse de son époque avec ce qu’il faut de fantastique pour s’échapper du quotidien , une lecture que je conseille fortement à tous, jeune ou moins jeune, qui distille quelque chose de positif et réjouissant, de la très bonne bande dessinée.
Note : Le livre contient en bonus une histoire courte servant d’introduction au personnage, un extrait de All New Marvel Now ! Point One.
Ms. Marvel Tome 1 : Métamorphose, disponible depuis le 4 février 2015 chez Panini Comics.
1 : Pour plus d’informations sur cette fameuse brume, reportez-vous au crossover Marvel Infinity.
Drifter : la review de Julien Lordinator
Rapide Review : Drifter Tome 1
Les traductions de comics de « vraie » science-fiction sont assez peu nombreuses en France, pourtant outre-atlantique ce genre de comics fut assez bien représenté, surtout au travers de mini-séries et dans des revues anthologiques passées depuis à la postérité comme Weird Science, Epic ou le cultissime magazine Heavy Metal.
Aujourd’hui le genre n’est plus aussi représenté, mais de nombreuses mini-séries continuent de voir le jour, surtout chez les petits éditeurs ou en creator-owned. C’est de ce genre de série « indé » dont il est question aujourd’hui avec Drifter, publié récemment dans notre beau pays chez Glénat Comics.
Drifter c’est tout d’abord une création d’Ivan Brandon au scénario et Nic Klein aux dessins, ce dernier a d’ailleurs réalisé toute la partie graphique, dessin, encrage et colorisation.
Drifter raconte l’histoire d’Abram Pollux, un voyageur de l’espace dont le vaisseau s’écrase sur une planète mystérieuse, il réchappe au crash de justesse, non s’en avoir au préalable tué une créature bleue qu’il pense hostile. Il se réveille plus tard, l’esprit embrouillé et à demi amnésique, attaché à une table dans ce qu’il semble être une infirmerie. Après quelques tergiversassions, il est décidé de le relâcher et là Abram va aller de surprises en surprises, découvrant cette étrange planète aux coutumes et à l’atmosphère particulièrement étrange.
Drifter, c’est ce que j’appellerais de la science-fiction « hardcore », très influencée d’une part, par les récits publiés dans les revues dont je parle plus haut. Ayant été un grand lecteur du magazine Heavy Metal (la version américaine) j’y ai retrouvé l’ambiance à la fois futuriste, violente et mystérieuse qui émanait de la plupart des récits de science-fiction publiés dans ce genre de magazine, ce qui ma foi, est franchement une qualité. Ensuite Drifter, c’est très référencé : On y décèle des références indirectes, visuelles ou scénaristique à Dune, Mad Max, Phillip K. Dick, les westerns des années 70 ou même à des œuvres plus récentes comme le film Final Fantasy : The Spirits Within ou le jeu vidéo Rage. Mais attention, il ne s’agit là que de références indirectes et assez subtiles, si vous n’avez jamais entendu parler des œuvres dont je parle, rien ne vous empêchera d’apprécier Drifter. De plus, je pense qu’Ivan Brandon n’a pas fait ces références intentionnellement et qu’elles se sont plus imposées inconsciemment durant l’écriture pour former une sorte de « tout » cohérent et constitue finalement un univers intéressant, complexe et immersif.
Visuellement, Nic Klein réussi une prouesse sans pareille, chaque planche est magnifique, détaillée et dans un style visuel mêlant, post-apocalyptique et science-fiction avec brio. Il en ressort une véritable impression d’oppression et de chaleur absolument bluffante. L’utilisation des couleurs est aussi très intéressante, donnant à chaque chapitre une identité propre, tantôt bleutée, tantôt brune ou sombre, chaque chapitre est reconnaissable par son ambiance colorée. Le visuel rend donc parfaitement justice à l’univers créé par Ivan Brandon. Une claque graphique, tout simplement.
Comme je l’ai dit plus haut, Drifter c’est de la vraie science-fiction à l’ancienne, avec tout ce que cela comporte en terme de narration, à savoir un univers complexe, une ambiance lourde, une histoire et des personnages qui prennent leur temps pour s’imposer et des explications dispensées au compte-goutte. Autant dire que si pour vous, la science-fiction se limite à Star Wars ou des comics genre Green Lantern ou Guardians of the Galaxy, il y a des risques que Drifter vous paraisse un peu « lent » et compliqué. Pour les autres où ceux qui veulent malgré tout tenter l’aventure, et/ou qui comme moi sont friands de ce genre de récit, seront aux anges en découvrant l’univers complexe et captivant de Drifter et ses macabres secrets spatiaux.
Le seul regret est la fin ouverte beaucoup trop brutale qui laisse plus de questions que de réponses et laisse un goût amer d’inachevée assez désagréable et frustrant. En m’étant renseigné un petit peu je me suis rendu compte que l’album édité par Glénat Comics contient les cinq épisodes publiés aux États-Unis (mensuellement de novembre 2014 à Mars 2015) et que pour le moment, aucune suite n’a été publiée… C’est vraiment dommage car l’univers mérite amplement d’être développé et je pense aurait le mérite de se dévoiler sur le long terme et donc de gagner en intérêt (note de Tata Katchoo : le prochain numéro mensuel est prévu pour le mois de juillet prochain)
En bref : Vivement la suite !
Drifter Tome 1 : Crash, disponible depuis le 15 avril 2015 chez Glénat Comics
Sex Criminals, Tome 1
Image Comics, qui est considéré comme le troisième plus grand éditeur de comics aux Etats-Unis, a toujours basé sa ligne éditoriale sur le concept du creator owned ainsi que sur la liberté d’expression de ses artistes, notion encore plus évidente et plus marquée à partir du début des années 2000.
Là où certains auteurs travaillant pour les big two ont pu se sentir, à un moment donné de leur carrière, freinés dans leur processus de création à cause d’une censure plus ou moins assumée, ceux là même ont toujours vanté les mérites de la maison au I Majuscule dans ce domaine, que ce soit par le biais d’une campagne publicitaire datant d’il y a déjà quelques années, ou rien de moins que lors de la conférence qui s’est déroulée lors du FIBD d’Angoulême en janvier dernier.
C’est ainsi que chez Image Comics, du sexe, on en voit (et on en lit surtout) le plus naturellement du monde, tout simplement parce que cela fait partie des choses de la vie, et ce qui est d’autant plus intéressant c’est que dans bon nombre de titres publiés chez cet éditeur, l’emploi du sexe devient un outil narratif, une notion importante dans l’intrigue mais que l’on pourrait remplacer par tout autre chose, en résulte une utilisation d’autant plus décomplexée et primaire, alors qu’elle n’en est pas vraiment le cœur du sujet, malgré un titre qui ne laisse pourtant aucune ambiguïté.
En lisant Sex Criminals, (édité en France par les bons soins de Glénat Comics, qui se charge, grâce aux remaniements de cette écurie, de diversifier un peu ce qui se fait déjà dans notre pays, en publiant des titres tels que Lazarus, et dont les autres publications sont assez enthousiasmantes, du coup, je me mets à rêver de titres VO publiés par leurs bons soins et dont j’ai parlé sur ce blog…), je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec une autre série qui m’avait beaucoup enthousiasmée, Sunstone (également publié chez Image) où le sexe est bien évidemment un acteur fondamental de l’intrigue, mais constitue plus un ciment dans la relation de ses personnages principaux, sans parler du fait que dans les premières pages, leur apprentissage respectif est synonyme de recherche identitaire pour les deux héroïnes (Suzie et Lisa), et mine de rien, c’est une notion des plus importantes, et des plus actuelles.
Sex Criminals évoque dans ses premières pages, ou plutôt fait le constat crispant de ce que la jeunesse peut avoir comme idée reçue (ou pas) sur la sexualité. Le fait de se sentir différent, ne pas trouver les réponses immédiates face à sa propre sexualité et ses multiples interrogations peuvent être ressenties à la fois comme un échec et une frustration, et cela, Matt Fraction a su l’aborder de la meilleure façon possible.
L’héroïne est d’autant plus attachante qu’elle fini par trouver refuge dans l’isolement engendré par son rapport au sexe (elle a le pouvoir d’arrêter le temps à chaque fois qu’elle a un orgasme), lui permettant de prendre le temps de gérer entre autre la mort abrupte de son père et le désarrois de sa mère.
Lorsque Suzie rencontre Jon pour la première fois, tout semble justement se dérouler de la façon la plus normale possible, jusqu’au moment où elle se rend compte qu’ils ont bien plus en commun que leur passion pour la littérature.
Pour ce qui est de Jon, la découverte de sa sexualité et de son pouvoir se sont déroulés d’une façon certes moins traumatisante, mais non moins épique, usant, et abusant des vidéo clubs, sites et magazines porno où œuvrait une certaine Jazmine St Cocaine qui lui a laissé un souvenir pour le moins impérissable.
Dans le partage de leurs expériences et leurs souvenirs, on sent bien que ces deux là sont destinés à être inséparables, c’est en tout cas ce que nous fait ressentir Suzie qui en plus de vivre ses péripéties, apparaît tout au long du récit en brisant le 4ème mur, et nous fait partager à la fois son passé que celui de son compagnon. Un stratagème des plus inclusifs qui fonctionne à merveille dans ce genre d’histoire, justement basé sur l’apprentissage de la psychologie des personnages, que sur leurs élucubrations sexuelles.
Autre moment totalement jouissif, un interlude en rapport avec la chanson Fat Bottomed Girl de Queen, que je vous laisse ici, et que vous prendrez plaisir à écouter tout en lisant cet album (de toute façon, Queen c’est la vie, et puis merde)
L’intrigue de ce premier album, jonglant très intelligemment entre le passé, le présent, la découverte de ce tandem très attachant, la toile de fond se déroulant quant à lui lors d’un braquage de banque de la part du couple, et l’appréhension de celui-ci par un trio improbable… ne peut laisser insensible la plupart d’entre nous, tant ses protagonistes incarnent les anti-héros parfaits.
La construction narrative de Matt Fraction et la vison résolument disco de Chip Zdarsky font de ce Sex Criminals une oeuvre jouissive et décomplexée, très proche de ce que la BD européenne érotique a pu nous offrir, avec en plus un vrai scénario…
La note de Katchoo : 4/5
Lazarus, Tome 1
« Car seul le fer peut nous sauver
Seul le sang peut nous délivrer
des lourdes chaînes du pêché
de la malicieuse exubérance »
Max von Schenkendorf, 1813.
Rares sont les scénaristes qui ont réussi à traiter aussi merveilleusement bien leurs héroïnes que Greg Rucka. Qu’elles appartiennent déjà à un éditeur, ou qu’elles proviennent tout doit de son imagination, les femmes de Rucka ont toutes au moins un point en commun : aucun cliché ne saurait les définir. La justesse avec laquelle l’auteur de Batwoman Elegy et Gotham Central développe ses personnage féminins dans chacune de ses œuvres est en effet devenue une véritable marque de fabrique, une valeur sûre que l’on est certain de retrouver quelque soit le genre qu’il va emprunter, de Wonder Woman à Stumptown, de Queen & Country à Felon, de The Question à Lady Sabre, Greg Rucka ne perd pas son temps à affubler ses héroïnes de poncifs inutiles et révélateurs d’une vision réductrice ou simpliste, comme on en voit encore trop souvent dans les comics.
Écrivain prolixe, l’une de ses dernières séries en date s’intitule Lazarus, dont le premier tome vient d’être publiée en France par Glénat Comics, l’éditeur diversifiant actuellement son catalogue en proposant du très bon matériel dont nous aurons le plaisir de reparler sur ce blog, les femmes étant particulièrement mises à l’honneur. Dans cette série originellement publiée chez Image, Rucka retrouve un artiste qu’il connait bien puisqu’ils ont œuvré ensemble sur les 3/4 des numéros de Gotham Central, Michael Lark qui continue d’imposer ici son style à la fois sombre, violent et très réaliste à l’image des polars des 70’s. Le registre de Lazarus est toutefois bien différent, puisqu’il se situe dans un futur proche et dystopique, où suite à une catastrophe à grande échelle la société s’est réorganisée auprès de plusieurs familles utilisant un système quasi féodal, exploitant des ressources et les distribuant à un nombre restreint, le reste de l’humanité étant considéré comme des déchets. Élevée par la famille Carlyle, Forever en est à la fois la protectrice, la représentante et l’exécutrice, dotée de facultés régénératrices hors du commun sa loyauté envers les siens n’est pourtant basée que sur des mensonges, son père et ses frères et soeurs se servant d’elle comme d’une véritable machine à tuer.
On a l’impression en lisant ce premier tome que Greg Rucka n’a aucunement envie de brûler les étapes tant le fil narratif se déploie relativement doucement, la succession des chapitres pouvant d’ailleurs être interprétés comme l’évolution l’héroïne dans le développement de sa maturité, (re)naissant au début du livre, on la voit ensuite interagir parmi les membres de sa famille, pour ensuite prendre ses premières décisions et se confronter au sentiment amoureux, jusqu’à aboutir vraisemblablement à une sorte de crise d’adolescence où la figure paternelle risque d’en prendre un sacré coup. Le tome 1 s’arrête là où d’autres auraient choisi la facilité d’imposer ce twist dès la fin du premier numéro, Rucka lui sait que toute la beauté et la profondeur d’un personnage se construit et se défini sur la longueur, sans omettre de chorégraphier quelques scènes d’action pure dont il a le secret.
Le scénariste met également l’accent sur les enjeux politiques d’une société basée sur le pouvoir d’une poignée de familles, les Carlyle et les Morray, se sont en quelque sorte les Capulet et les Montaigu du futur, la comparaison va sans doute s’arrêter là mais les rapports complexes et ambigus entre certains membres de la famille de l’héroïne ne pouvaient également m’empêcher de faire le rapprochement avec un certain auteur britannique.
Sans aller plus loin, car ce serait vous gâcher le plaisir de cette lecture, sachez donc qu’avec cette nouvelle série on retrouve tout ce que l’on peut apprécier d’un auteur tel que Greg Rucka. Son héroïne est la digne héritière de Tara Chase et Renee Montoya, et transposée graphiquement avec le réalisme saisissant de Michael Lark, bien qu’il s’agisse malgré tout d’un récit de science fiction. Espérons que cette ambiance particulière soit respectueusement rendue à l’occasion de la future adaptation TV.
La note de Katchoo : 3,5/5
Gotham Girls : la review de Julien Lordinator
Rapide Review : Gotham Girls
La série animée Batman de Paul Dini et Bruce Timm, tout le monde la connait, à tel point que même s’il y en a eu d’autres depuis, on sait tout de suite que lorsque l’on parle de LA série animée Batman, c’est souvent de celle-ci qu’il est question. Elle a marqué les esprits de part sa qualité indéniable : Son style graphique reconnaissable entre tous, son écriture résolument plus mature pour l’époque et son aspect fondateur de ce que l’on appelle désormais le DC Animated Universe. Mais il y avait un point sur lequel (parmi d’autres) elle était résolument novatrice, c’était sa mise en avant des personnages féminins : De Batgirl à la désormais incontournable Harley Quinn en passant par Catwoman et Poison Ivy, les femmes de la série animée Batman étaient loin d’être des faire-valoir ou des personnages secondaires, elles étaient soit de véritables alliées ou de véritable menaces. C’est justement sur elles que revient cet album résolument bien titré Gotham Girls, « Les filles de Gotham », ce qui est plutôt bien puisque ce blog est consacré aux filles et aux comics.
Avec le succès de la série animée, il était donc inévitable que DC Comics surfe sur la vague et publie une version papier de la série animée. Ce sera chose faite dès octobre 1992 avec le magazine The Batman Adventures qui durera 36 numéros et sera publiée jusqu’en octobre 1995 suivie directement par Batman and Robin Adventures qui durera 25 numéros de novembre 1995 à décembre 1997. Les deux séries seront ponctuées par des numéros spéciaux et quelques mini-séries et c’est justement à ces appendices consacrés aux personnages féminins que ce Gotham Girls s’intéresse.
Gotham Girls contient donc un one-shot et deux mini-séries, mettant en vedette les figures féminines récurrentes de la série animée Batman, à savoir Batgirl, Harley Quinn, Poison Ivy, Catwoman et Renee Montoya.
La première histoire est donc le one-shot Batgirl Adventures originellement publié en février 1998. Au scénario on retrouve l’indéboulonnable Paul Dini et aux dessins Rick Burchett.
L’histoire commence alors que Harley Quinn s’introduit sur le toit du commissariat de Gotham en pleine fête de noël. Batman et son acolyte étant « occupés », c’est Batgirl qui se charge de l’arrêter. Il s’agit en fait d’un façon pour Harley Quinn d’attirer l’attention d’un des justiciers de Gotham : Poison Ivy a été enlevée, elle a besoin d’aide pour la délivrer et c’est sur Batgirl que ça tombe…
En terme de scénario, on a là un des schémas typiques de la série animée, à savoir une course poursuite dans Gotham suivie de plusieurs scènes de bagarres et d’un twist final, ça reste certes classique mais toujours aussi efficace. L’aspect le plus marquant, c’est que Paul Dini se permet plus de libertés avec la caractérisation de ses personnages, notamment sur l’ambiguïté de la relation entre Harley Quinn et Poison Ivy.
Visuellement, Rick Burchett copie à la perfection et avec efficacité le style de Bruce Timm : On est donc en terrain connu, pas de surprises de ce côté-là.
Batgirl Adventures est donc une histoire drôle et rythmée, qui se lit vite et en profite au passage pour développer les relations entres Harley Quinn et Poison Ivy voir Batgirl et Supergirl au travers d’une private joke bien sentie.
La seconde partie est une mini-série en 5 épisodes nommée… Gotham Girls ! Publiée en parallèle de la web série du même nom d’octobre 2002 à février 2003, elle met en vedette les 5 femmes fortes de la série animée Batman que j’ai cité plus haut.
Tout commence par Catwoman, la voleuse ayant était missionnée pour voler un engrais expérimental, ce qui n’est pas du goût de Batgirl qui va tenter de l’arrêter, Batman et Robin étant une fois de plus « occupés » ailleurs (décidément…). Qui dit engrais dit Poison Ivy et qui dit Ivy dit Harley Quinn et c’est bientôt à une course poursuite à 4 sur les toits et dans les rues de Gotham que vont se livrer les femmes masquées. Pendant ce temps, Renee Montoya mène l’enquête de façon plus classique, mais sa route va forcément croiser celle des autres furies embringuées dans cette histoire.
Gotham Girls est à l’image de la web série dont elle est tirée, à savoir une histoire qui va à cent à l’heure, dynamique et drôle mais qui n’étant pas limitée par son format de deux minutes (la durée de la plupart des épisodes de Gotham Girls) se permet donc de plus développer son intrigue et ses personnages, une manière de faire durer le plaisir en quelque sorte.
Au scénario on a un autre Paul, à savoir Paul Storrie et aux dessins Jennifer Graves qui une fois de plus copie le style de Bruce Timm mais en y apportant une petite touche personnelle, notamment des visages plus détaillés et un trait un peu plus rond. Cerise sur le gâteau, les reproductions des couvertures originales de Shane Glines et Rian Hughes entre chaque épisode, toutes plus belles les unes que les autres.
Malgré ses 5 épisodes, Gotham Girls se lit très vite et d’une traite, l’action y est quasiment ininterrompue et le charme et l’humour des héroïnes est particulièrement rafraîchissant, du tout bon qui même si le récit ne réinvente pas la roue, se lit avec plaisir.
Enfin, l’album se conclu par une autre mini-série, consacrée cette fois-ci exclusivement à Harley Quinn et Poison Ivy. Nommée Batman : Harley and Ivy et signée par le tandem original de la série animée, à savoir Paul Dini au scénario et Bruce Timm aux dessins, cette mini-série en 3 numéros fut publiée entre juin et août 2004.
Encore une fois on revient au schéma scénaristique cher à Bruce Timm avec pour commencer un vol : Poison Ivy a entendu parler d’une plante zombie et veut la voler pour en synthétiser la formule et se l’approprier. Accompagnée par Harley Quinn, elle tente de la voler mais après une course poursuite sur les toits de Gotham, la maladresse d’Harley Quinn fini par faire échouer le vol et pousser les deux femmes dans les bras de Batman qui les envoie directement à Arkham… Furieuse après Harley, Poison Ivy réussi malgré tout à s’évader de ce gruyère qu’est Arkham (je ne sais pas si un jour cette institution va réussir, quelque-soit la série, à maintenir plus de 2 ou 3 épisodes un criminel dans ces murs…) et Harley profite du chaos pour la suivre. Les deux femmes font alors route vers l’Amérique du Sud, sur la piste de la fameuse plante zombie.
Des trois histoires proposées dans ce recueil, c’est sans conteste celle que j’ai préféré : L’atout majeur c’est sans conteste Bruce Timm, au top de sa forme, qui signe des planches splendides sur lesquels son style fait de véritables miracles : On est immédiatement de retour dans l’ambiance de la série animée, voir mieux, son style ayant évolué depuis 1992. Au niveau de l’histoire, Paul Dini se permet plus de choses que dans la série animée, notamment sur la relation ambiguë liant Harley et Ivy, multipliant les élans d’affection de l’une vers l’autre, des scènes plutôt « chaudes » avec notamment un recours régulier aux scènes de douches et en les faisant apparaître en petite tenue (1).
Très drôle, gentiment sexy, burlesque et dynamique, Harley et Ivy est un récit maîtrisé de bout en bout, prouvant la maîtrise qu’ont encore les deux créateurs originels sur l’univers qu’ils ont créés 12 ans plus tôt, un must read, tout simplement.
Gotham Girls est donc un très bon moyen pour retrouver avec plaisir l’univers de la série animée Batman. En lisant ce recueil, je me suis même rendu compte que malgré son âge (23 ans déjà !), cet univers n’a pas pris une ride et reste une véritable référence, aussi bien en terme de scénario que d’aspect graphique. Donc si comme moi vous voulez retrouver cette ambiance et cet univers (ou même le faire découvrir) de façon originale et différente, comprenez sans forcément y voir Batman en permanence, Gotham Girls est fait pour vous.
Gotham Girls, disponible depuis le 13 mars 2015 chez Urban Comics dans la collection Urban Kids.
(1) D’ailleurs si le côté sexy du style de Bruce Timm vous intéresse, je ne saurais que trop vous conseiller son artbook The Good Girl Art of Bruce Timm, absolument sublime.
Jem and the Holograms #1
Je vais vous parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre. Celui dont la génération d’aujourd’hui ne cesse de découvrir les séries et les films à grand coup de remakes, adaptations, suites, clins d’œil à gogo dans les différents médias qui leur sont alloués. Ce vent de nostalgie qui souffle depuis plusieurs années sur notre environnement culturel a d’ailleurs beau être perçu (à juste titre) comme un manque flagrant d’imagination de la part des scénaristes/producteurs de tout poils, il n’en reste pas moins une passerelle évidente et enrichissante entre les enfants de la NES et ceux des réseaux sociaux.
Quand j’étais (beaucoup plus) jeune, non seulement j’étais blonde, mais je passais surtout pas mal de temps devant la télévision à regarder des dessins animés. Cela ne m’empêchait pas pour autant d’aller jouer dehors et essayer de devenir Supergirl, car à cette époque, il y avait un temps pour tout.
Je fais donc partie de cette fameuse génération 80, adepte des émissions jeunesse Vitamine, Récré A2 et autre Club Dorothée, sans oublier Croque-vacances dans le désordre, vous voyez je n’ai pas oublié mes classiques.
Comme tout garçon manqué qui se respecte, j’avais bien évidemment mes préférences, et je considérais que les programmes pour garçons étaient sans conteste beaucoup plus intéressants que ceux destinés aux filles… allez savoir pourquoi. Je ne vais pas énumérer ici les séries en question car cela prendrait un billet entier, et ce n’est pas le propos.
Il serait par contre malhonnête de ma part de ne pas citer quelles séries pour filles ont grandement marqué mon enfance, et vous l’aurez compris Jem et les Hologrammes (tout comme Lady Oscar, Signé Cat’s Eyes, ou encore She-Ra) en fait partie.
Ce que j’aimais surtout dans Jem et les Hologrammes, c’était la musique. Rien que le générique de début me mettait en joie, et chaque épisode avait la particularité de contenir des morceaux originaux, qui ne duraient pas plus de 2 minutes et qui résumaient à merveille la trame en cours. Je n’ai jamais pu oublier aucun de ces morceaux. Et je me souviens encore de la voix particulière de Jem, chantée par Britta Phillips, qui résonne à mes oreilles telle une petite madeleine de Proust.
Mais Jem c’était aussi et surtout une belle histoire d’amitié où l’on pouvait facilement se reconnaître dans chacune de ses héroïnes, grâce à la caractérisation maîtrisée par la créatrice de la série, Christy Marx, dont on ne peut que regretter l’absence pour l’actuel projet d’adaptation de la franchise sur grand écran.
Enfin, Jem et les Hologrammes était un programme qui, tout en étant issu d’un concept des plus commerciaux (la vente des figurines Hasbro à l’effigie des personnages) renfermait bon nombre de messages positifs basés sur la solidarité et la diversité (je ne me souviens pas à l’époque avoir vu d’autres héroïnes asiatiques ou afro-américaines telles qu’Aja et Shana).
Compte tenu de la vague actuelle des adaptations de franchises à succès provenant des années 80 (et dont l’éditeur IDW est passé maître en la matière), il n’était qu’une question de temps pour que les aventures de Jerrica et ses sœurs soient transposées sous la forme d’un comic-book. L’idée était donc de savoir sous quelle augure cette interprétation allait-elle se faire, dans le respect de l’oeuvre de Christy Marx ou à des fins purement mercantiles.
Le choix de l’équipe créative lors des premières annonces avait déjà de quoi nous rassurer, Kelly Thompson et Sophie Campbell étant parfaitement capables, de par leurs sensibilités personnelles, de raviver cette flamme âgée de plus de 30 ans, tout en la modernisant pour le lectorat d’aujourd’hui. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette difficile alchimie s’est effectivement produite dans ce premier numéro de Jem and the Holograms.
En quelques pages, Kelly Thompson est arrivée à trouver le ton juste pour nous représenter ses héroïnes, ou plutôt nous les faire découvrir sous un jour nouveau, de telle sorte que les vieux de la vieille n’y voient que du feu sans être pris pour des imbéciles, tout en séduisant les nouveaux et futurs adeptes de la franchise.
Sophie Campbell quant à elle, nous offre ni plus ni moins qu’un chara design grandiose, où fringues stylées mais sans fioritures rivalisent de fashionista avec des coiffures hallucinantes, le tout transcendé par la colorisation de M. Victoria Robado.
Ce qui frappe également est l’importance donné à la synergie (sans mauvais jeu de mot) entre les personnages dès le début de l’histoire, de la dualité entre Kimber et Jerrica qui ont dû passer par des moments très difficiles, aux attentes du reste du groupe, solidaire malgré les dissensions. On retrouve ici pleinement l’esprit de Christy Marx, à n’en point douter.
A la lecture de ce premier numéro, il est clair et évident que Kelly Thompson et Sophie Campbell étaient faites pour travailler sur ce titre.
Tout en étant extrêmement fun, une indescriptible sensation de gravité se dégage de l’ensemble, laissant le lecteur exigeant comblé parce qu’il vient de voir et de lire. Et pour couronner le tout, Jerrica nous chante même un morceau de moins de 2 minutes résumant parfaitement la situation dans laquelle elle se trouve. Ai-je besoin de rajouter que j’ai adoré ce premier numéro ?
La note de Katchoo : 4/5
Trish Trash Rollergirl sur Mars, Tome 1
La vie n’est pas des plus faciles lorsqu’on la vit sur Mars. C’est en tout cas le sentiment de Patricia qui, du haut de ses sept ans et demi (un âge qu’il faut doubler pour nous pauvres terriens, les années martiennes étant deux fois plus longues que sur notre planète bleue), travaille en récoltant la précieuse H2O qu’elle extrait au volant d’une batteuse dans des champs de terre ocre à perte de vue.
Élevée par son oncle et sa tante après la disparition de ses parents, Trish s’efforce de les aider dans un contexte politique et social des plus tendus, où les colons sont asservis par un dictateur nommé Arex.
Douée pour la mécanique, Trish n’a qu’un seul rêve, celui de devenir championne de Hoverderby, un sport de contact très populaire sur Mars exporté par les premiers pionniers, et variante du roller derby terrien, les patins à roulettes ayant été remplacés par des hover patins.
Apprenant qu’une sélection pour faire partie de l’équipe locale est sur le point de se dérouler, Trish force son destin et décide de sécher les cours pour tenter sa chance, même si elle n’en a pas l’âge légal. Mise à mal par la leader de l’équipe, notre héroïne arrive pourtant à gagner sa place comme mécano, signant un contrat qui va pourtant la réduire au statut d’esclave. Et si la rencontre avec une créature indigène allait tout changer ?
On ne peut s’empêcher de penser à Star Wars quand on commence à lire Trish Trash : Rollergirl sur Mars, mais la comparaison s’arrête dès les premiers pages. Jessica Abel nous offre un univers qui, tout en suivant les codes des classiques de la science fiction, apparaît rapidement comme très solide et construit. Du statut dramatique des colons conditionnés à l’état d’esclaves, à celui plus enviable de super star d’un sport ultra populaire, l’auteure nous fait sentir que le parcours de son héroïne va déclencher un début de révolution.
L’utilisation des technologies terriennes adaptées à la vie martienne font mouche, et donne un côté très réaliste au récit accentuant une immersion déjà très rapide grâce aux quelques annotations rajoutées par l’auteure.
Les passionné(e)s de roller derby apprécieront également le rendu des scènes de match, où la vélocité des joueuses et l’enchaînement des jam sont traités avec véracité. On peut regretter au final que ces scènes ne soient pas plus nombreuses. Quoiqu’il en soit, les quelques pages consacrées au hoverderby en fin d’album qui nous racontent l’histoire de ce sport (et de son ancêtre pratiqué sur terre) sont justes parfaites et accentuent vraiment le sentiment que notre futur ne sera finalement peut-être pas si différent que dans Trish Trash…
Actuellement résidente à la Maison des auteurs d’Angoulême, Jessica Abel séjourne en France depuis plusieurs années et maîtrise parfaitement bien la langue de Molière, ce dont j’ai pu m’apercevoir lorsque je l’ai rencontré le week-end dernier en dédicace à la Librairie Terres de Légendes.
Trish Trash : Rollergirl sur Mars est une oeuvre qui a été publiée exclusivement pour la France, chez Dargaud, en attendant une version outre atlantique, prévue après la parution du troisième tome chez nous.
La note de Katchoo : 3/5
Dinosaurs Vs Aliens : la review de Julien Lordinator
Rapide Review : Dinosaurs Vs Aliens
Le principe des «Versus» a le vent en poupe depuis de nombreuses années, que ce soit dans les comics, les jeux vidéos ou même le cinéma.
Dans le monde des jeux vidéos, le principe fait la joie des amateurs depuis des années : Marvel Vs Capcom, Mortal Kombat Vs DC Universe, Capcom Vs SNK ou encore le très populaire Plants Vs Zombies, le principe est déclinable à l’infini, le jeu vidéo permettant aisément ce genre de fantaisie.
Dans le domaine du cinéma, la chose n’en est pas moins facile et rempli à foison les bacs à DVD des magasins avec des titres comme Boa Vs Python, MegaShark Vs Crocosaurus et tout plein d’autres rencontres tout aussi délicieusement bis, les seuls exemples notablement plus « affinés » furent les anecdotiques Alien Vs Predator et Freddy Vs Jason.
Pour ce qui est des comics, ce principe est historique et fait partie intégrante du média et fut même à une période résolument événementiel : que ce soit des rencontres internes avec les Wonder Woman Vs Superman, Superman Vs Flash et consort et/ou inter-compagnies avec les légendaires Spider-Man Vs Superman ou Teen Titans / X-Men, ces rencontres musclées attirent les lecteurs et sont souvent une promesse de combats homériques sur fond de conflits inter-dimensionnels. Ce principe de combats organisés trouvera d’ailleurs un écho notable avec les deux fameux Contests of Champions chez Marvel et l’historique DC Vs Marvel.
Mais revenons au sujet principal.
Dinosaurs Vs Aliens est donc un comic mettant face à face des dinosaures et des extra-terrestres… Bon, j’avoue : dit comme ça, je suis sûr que la plupart des personnes qui lisent cette review n’ont pas pu s’empêcher d’esquisser un sourire et pourtant et comme je le répète souvent, il n’y a pas de mauvais concepts, juste de mauvais scénaristes.
Le concept de Dinosaurs Vs Aliens fut à l’origine pensé pour le cinéma mais par manque de moyens (surtout de producteurs en fait…), le réalisateur-scénariste Barry Sonenfeld (Men In Black, La Famille Addams) laisse finalement son scénario entre les mains de Grant Morrison afin que celui-ci le remanie pour en faire un comic afin, selon ses dires, d’avoir un matériel plus concret pour démarcher les producteurs.
Un concept aussi étrange fait clairement penser aux films de série B dont je parlais un peu plus haut qui font le bonheur des solderies ou des samedis soirs de la TNT, mais avec quelqu’un comme Grant Morrison aux commandes, on peut s’attendre à quelque chose qui sorte un peu de l’ordinaire.
Tout d’abord ce qui frappe avec Dinosaurs Vs Aliens, c’est son aspect visuel absolument sublime : les planches sont une succession de claques graphiques comme je suis sûr peu de lecteurs en ont vu et les quelques morceaux choisis qui égaieront cette review seront là pour vous le prouver. Réalisé par l’artiste indien Mukesh Singh, visuellement, Dinosaurs Vs Aliens est tout simplement, je vais me répéter mais tant pis, sublime ! Je ne vois pas trop ce que je pourrais ajouter de plus, les images parlent d’elles même…
Du côté du scénario, Grant Morrison se sert de cette rencontre inopportune afin de dresser un triste constat et un questionnement de la colonisation, à la lecture, cette critique n’est pas vraiment subtile et paraît évidente dès les premiers méfaits des extra-terrestres : les dinosaures, définis par les extra-terrestres comme une race barbare et insignifiante de part leur avancée technologique quasiment inexistante malgré leurs millions d’années d’existence, semblent à leurs yeux «sacrifiables» afin de pouvoir étendre leur race.
Cette interrogation se fait via l’un d’eux, scientifique de surcroît, qui s’interroge sur la légitimité de ceux que lui et ses semblables s’apprêtent à faire car après les avoirs observés, il se rend compte que malgré leur aspect violent et primitif, les dinosaures vivent en clan, s’entraident même parfois entre races différentes et sont même capables de sentiments.
Du côté des sauriens géants, on suit le périple d’une femelle Tyrannosaure et son combat face à la première vague d’attaque des extra-terrestres pour protéger ses petits, enragée par la mort de l’un d’eux.
Avec son aspect visuel absolument ébouriffant, son scénario certes un peu grossier dans sa critique de la colonisation mais néanmoins d’une efficacité brute de décoffrage, Dinosaurs VS Aliens est malgré son postulat de départ une véritable œuvre à part dont ont ne peut être déçu que par une chose : Son absence de suite car ce premier volume se termine par un frustrant «Fin de la première partie» et que trois ans après sa parution, on attend une hypothétique seconde…
Dinosaurs Vs Aliens de Barry Sonnenfeld, Grant Morrison et Mukesh Singh, disponible depuis le 10 juillet 2012 chez Dynamite Entertainement
Cluster #1
Sorti il y a pratiquement un mois dans l’indifférence quasi générale, le premier numéro de Cluster paru chez Boom! Studios avait pourtant de quoi séduire les amateurs de science fiction et d’artillerie lourde dont l’Aliens de James Cameron en est la plus belle représentation.
Faisant en effet immédiatement penser à quelques classiques du genre tels que Starship Troopers, Ghosts of Mars ou encore Fortress (oui oui, vous m’avez bien lu ^^) cette nouvelle série écrite par Ed Brisson et dessinée par Damian Couceiro se révèle être une véritable pépite dont l’éditeur de Lumberjanes peut encore s’enorgueillir.
Nous suivons ainsi les (més)aventures de Samara Simmons, fille d’un politicien très médiatique qui doit purger une peine de 15 ans de prison pour avoir conduit en état d’ivresse et causé la mort d’une personne.
Envoyée dans un complexe militaire situé sur une autre planète, Samara se réveille après un voyage de deux ans en état d’hibernation et va vite faire la connaissance de ses co-détenus, à commencer par Grace, qui essayera tant bien que mal de tisser quelques rapports amicaux sans grand succès.
Mais sur Midlothian, on est pas là pour rigoler. Cette planète censée accueillir dans une dizaine d’année les premiers colons terriens doit pour le moment être assainie d’une invasion extra-terrestre, où les Pagurani, une race belliqueuse ne cesse d’assiéger et détruire les infrastructures déjà établies.
Le job de Samara pour les 15 ans à venir sera des plus simples, faire en sorte que la colonisation de Midlothian se déroule pour le mieux en poutrant le plus de Pagurani possible. Une règle à respecter cependant, chaque détenu possède une puce implantée dans la poitrine qui explosera en cas d’absence prolongée de plus de 24 heures hors du complexe.
Sacrément bien inspirée, Cluster nous offre une héroïne badass en quête de rédemption, et des personnages secondaires aussi antipathiques que monstrueux (mention spéciale pour Slarreg que je kiffe déjà).
Alors oui, certains pourront penser que c’est du déjà vu, mais ce numéro rempli pleinement le cahier des charges du genre dans lequel il s’inscrit, avec une trame sans aucun temps mort où notre héroïne se retrouve dans de sales draps dès la fin du premier opus.
Cluster c’est donc de la SF hard boiled comme on les aime, et comme on aimerait d’ailleurs en voir plus souvent, ce qui est sûr c’est qu’avec ce titre, Ripley a désormais trouvé sa digne héritière.
La note de Katchoo : 3,5/5
Spider Gwen #1
Pour peu que l’on s’intéresse à ce medium qu’est l’industrie des comic-books dorénavant popularisé à outrance par Hollywood, où la présence des super héros est désormais chose acquise jusqu’à arriver à saturation (dans le sens masculin du terme, de toute manière jusqu’à maintenant, on ne peut pas dire qu’une super héroïne ait encore réussi à faire réagir les spectateurs en bien, et pour cause, elles sont pour la plupart insipides ou mal exploitées, voir non exploitées d’ailleurs) Spider-Gwen reste un vrai phénomène.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’aucune autre série n’aura rarement été autant attendue par ses futurs lecteurs, ses futurs détracteurs aussi sans doute, allant jusqu’à mériter un article chez nous en France via le site Madmoizelle (alors autant je me méfie de ce que peuvent écrire les gros médias sur le sujet, autant cet article est plutôt pas mal foutu, je vous invite donc à y jeter un coup d’oeil, si le cœur vous en dit).
Et puis cette semaine le premier numéro de Spider-Gwen est enfin sorti. Il était donc temps de savoir si ce titre méritait autant d’impatience, autant de buzz, et autant fangirling de ma part. Il était également question de savoir si un tel personnage méritait d’avoir sa propre série, et si celle-ci était capable de durer plus d’un seul arc. Autant de questions que nous allons tenter de répondre dans les lignes qui suivent.
Pour commencer, ce numéro 1 nous offre une très belle entrée en matière, une double entrée même puisqu’il nous présente le personnage par ses deux prismes, autant par sa jeune présence dans l’univers Marvel que cette fameuse hype instaurée depuis des mois via les réseaux sociaux de tout bord.
Cela se traduit tout d’abord par le biais d’une page résumant le fameux numéro où elle fit sa première apparition, à savoir Edge of Spider-Verse #2, mais également à la toute fin de l’ouvrage grâce à la note d’intention de l’éditeur du titre, Nick Lowe, totalement conscient de résumer (et d’une très belle manière) ici l’importance de rappeler l’engouement de l’existence d’un tel personnage.
Par ces deux manières, il est impossible de ne pas trouver un intérêt quelconque en cette nouvelle Gwen Stacy.
Gwen Stacy, mine de rien, fait partie de ces personnages féminins qui ont marqué l’histoire des comics, et sont quelque part une institution. Pour les fans, chacun sait que ce personnage est mort en 1973 grâce aux bonnes œuvres de Gerry Conway et Gil Kane, alors que Spider-Man se bâtait avec son ennemi le Bouffon Vert qui l’avait kidnappé, et dont le tisseur provoquait sans le vouloir la mort sur le pont George Washington.
A mon agréable surprise, le second Amazing Spider-Man réalisé par Marc Webb réussissait à traduire sensiblement l’un des moments forts présents dans l’oeuvre originale, et ce grâce à l’alchimie indiscutable opérant entre les deux acteurs, Andrew Garfield et Emma Stone.
Evidemment le personnage ne cessera de réapparaître, et ce de multiples manières comme par exemple sous la forme d’un clone grâce au Chacal, mais ce qui nous intéresse plus particulièrement c’est par le biais de son univers alternatif d’où elle provient, mis en avant par Dan Slott et faisant partie du fameux Spider-Verse.
Nous sommes donc sur Terre-65, la Gwen Stacy de cet univers ayant subi les syndromes de Peter Parker à sa place au contact de l’araignée. Après avoir donné de sa personne lors de l’event Spider-Verse et ainsi rencontré de nombreux alter ego qui ont pour la plupart beaucoup plus la classe qu’elle dans leurs univers respectifs, Gwen doit retourner chez elle et faire face à sa première menace : Le Vautour, tout en gérant son départ du groupe des Mary Janes ainsi que sa relation avec son père, bien au courant de sa double identité.
Alors autant le dire de suite, la hype est descendue d’un cran entre la lecture de Edge of Spider-Verse#2 et ce premier numéro de Spider-Gwen. Non pas que le style de Robbi Rodriguez, toujours aussi efficace, y soit pour quelque chose, il s’agirait plutôt de l’histoire, pourtant bien menée si l’on aime s’amuser à compter les références à l’univers régulier du tisseur. C’est sympa le temps de deux ou trois pages, ça gonfle au bout de la quatrième.
Dans l’univers de Spider-Gwen, Ben Grimm est un simple flic, Matt Murdock un caïd de la pègre, et Frank Castle… au fond reste lui même (faut pas déconner non plus). Ce qui me dérange surtout, c’est le fait que la Gwen Stacy de cet univers ne soit ni plus ni moins montrée comme une Peter Parker issue d’un elseworld sans autre but que de dupliquer les mêmes blagues et les mêmes erreurs juvéniles que son alter ego masculin de l’ère 616, et il ne faut quand même pas nous prendre pour des andouilles pour se rendre compte que ce personnage mérite beaucoup mieux que cela.
A l’instar de Batgirl, Gwen Stacy est elle aussi dans l’air du temps, entretenant une relation des plus ambiguës avec son téléphone portable. Ce qui manque dans ce numéro qui reste introductif, c’est un enjeu véritable, au delà de la menace du Vautour qui sera expédiée on le sait à la fin du premier arc. Et c’est d’autant plus dommage vis à vis de ce que Silk, jouant sur les mêmes bases et d’une manière totalement inattendue, est parvenue à amener le temps d’un seul numéro.
Je vais donc continuer à brandir mon T-shirt Spider-Gwen dans les futures conventions mais je serais ravie que cela soit pour une bonne raison, au delà de ce costume qui reste le meilleur design que le medium ait pu produire depuis des années.
La note de Katchoo : 2,5/5
Silk #1
Alors que tout le monde attend plus ou moins fébrilement la sortie du premier numéro de Spider-Gwen, il serait malhonnête de faire l’impasse sur une série consacrée à une autre femme araignée qui vient tout juste de démarrer et qui mérite elle aussi un petit coup de projecteur, surtout après la lecture du très sympathique #1 disponible depuis cette semaine.
Afin de protéger les différentes terres et ses spider-congénères d’une famille de prédateurs appelée les Inheritors,Cindy Moon s’est faite enfermer pendant une dizaine d’années dans un bunker. Lorsque Peter Parker la libère, il découvre non seulement qu’il n’est pas le seul à s’être fait mordre par une araignée ce fameux jour de sortie scolaire, mais révèle également la présence de Silk à ceux qui la traquent depuis si longtemps, entraînant l’event Spider-Verse terminé depuis peu…
Nous découvrons donc dans ce premier opus une héroïne qui cherche encore sa place parmi les membres de la Spider-familly, sa propre famille ayant mystérieusement disparu pendant sa réclusion. Fraîchement lancée dans le même sillage héroïque que son modèle Spider-Man, Silk doit elle aussi faire face aux aléas de sa double vie, devant conjuguer bagarres aériennes et réunion avec l’antipathique mais inévitable J. Jonah Jameson.
Mais tant de choses ont évolué pendant cette dernière décennie qu’il est encore difficile pour notre héroïne de trouver ses marques, de l’utilisation des tablettes à l’omniprésence des réseaux sociaux, Silk c’est en quelque sorte l’anti-Batgirl, alors que les deux séries ont pourtant plus de points en commun qu’il n’y parait, à commencer par le style graphique de Stacey Lee ici assez proche de celui de Babs Tarr, sans parler de sa capacité à tout mémoriser (faculté bien connue que possède Barbara Gordon) ou encore le placement d’un « couple » lesbien comme si de rien n’était, prouvant encore une fois que les nouvelles séries s’inscrivent véritablement dans l’air du temps.
Robbie Thompson réussi à nous présenter un personnage pour le moins attachant et possédant un passé plus complexe qu’il n’y parait, et ce grâce à l’emploi de divers flash-back où l’on comprend la nature des relations qu’elle entretenait avec sa famille avant son enfermement forcé, et nous permettant également de lui donner un âge, dévoilant de ce fait un personnage un peu plus mature par rapport à la vague des super héroïnes éclosant actuellement dans le médium.
Cindy Moon est également présentée en quelque sorte comme une personne socialement inadaptée, préférant retourner dans l’isolement de son bunker, comme si elle était atteinte du fameux syndrome de Stockholm envers ce lieu.
Lancer une série sur le seul nom de Silk était pour le moins culotté de la part de Marvel (mais ils ne sont plus à ça près depuis un petit moment), et ce premier numéro s’avère être une très bonne surprise, à placer directement entre un Spider-Woman dont la lecture est également plaisante (sans être non plus transcendante, mais l’imminent changement de direction de la série devrait changer la donne) et un Spider-Gwen que l’on attend de toile ferme.
La note de Katchoo : 3,5/5
The Infinite Loop : la review de Julien Lordinator
The Infinite Loop Tome 1 : Décryptage d’un tour de force
Je participe rarement aux campagnes de financement participatif car c’est un peu comme écouter de la musique à la radio, on se demande souvent comment des trucs aussi pourris peuvent avoir autant de succès et pourquoi les trucs les plus intéressants et novateurs ne passent jamais… Pour que j’ose mettre quelques deniers dans ce genre d’entreprise, il faut vraiment que j’y crois et que bien sûr, le projet me paraisse suffisamment original.
C’est donc ce qui s’est passé avec The Infinite Loop. J’y ai crû, j’ai investi de l’argent et le projet a abouti, bien au-delà de mes espérances, j’imagine également des espérances de tous ces participants et je suppose de ses créateurs, car y croire c’est bien, mais voir aboutir c’est mieux, et c’est toujours quelque part une surprise en plus d’une énorme satisfaction de voir un projet prendre enfin vie.
The Infinite Loop c’est donc un achèvement pour tous ceux qui y ont crû et donc dans sa genèse, c’est déjà une belle histoire en soi.
Bon tout ça c’est bien beau, tout le monde il est beau, tout le monde il a donné des sous et le bouquin il est sorti, mais The Infinite Loop, c’est bien ou non ?
Ceux qui me connaissent le savent, amis ou pas, je n’ai pas la réputation de faire de la lèche, si un truc ne me plaît pas, je le dis et dans le cas de The Infinite Loop et bien pour savoir la réponse, vous allez devoir vous forcer à lire la tartine de texte ci-dessous.
Tout d’abord The Infinite Loop, ça parle de quoi ? Tout d’abord c’est de la science-fiction, l’héroïne s’appelle Teddy, il s’agit d’une femme travaillant pour une mystérieuse brigade chargée de corriger les anomalies temporelles, quelles que soient leur forme, qu’elles prennent l’apparence d’un objet ou d’un être vivant. Mais Teddy commence à accuser le coup et même si elle apprécie toujours autant son travail, la solitude et l’impression que tout cela ne sert pas à grand-chose commence à peser sur le moral de la jeune femme et ce n’est pas Ulysse, son collègue de travail visiblement amoureux d’elle mais incroyablement gauche et maladroit qui y change quelque chose…
Blasée, Teddy va retrouver de la motivation lorsqu’une de ces fameuses anomalies à éliminer se retrouve être une séduisante jeune inconnue.
Ne pouvant se résoudre à l’éliminer, Teddy et « Ano » (diminutif d’anomalie) vont alors s’éclipser, se cacher et engager une relation passionnelle et passionnante envers et contre toutes les règles établies. Mais aimer une anomalie soulève de nombreuses questions, aussi bien existentielles qu’éthiques et l’amour entre Teddy et Ano sera-t-il suffisamment fort pour traverser toutes ces épreuves et leur donner ce à quoi elles aspirent ?
En termes de scénario, on sent que The Infinite Loop à profité d’une longue maturation : La narration de Pierrick Colinet est en effet parfaitement maîtrisée de bout en bout. L’univers est succinctement présenté mais est tout de suite compréhensible et plaisant : Tout y est établi très rapidement de façon claire, mettant d’emblée le lecteur « dans le bain » et le quotidien de Teddy, quotidien fait de combats avec des dinosaures et de jeux de pistes à travers le temps et ses plus grandes époques. Le ton de l’histoire est assez léger et je pense que même les plus réfractaires au style science-fiction peuvent sans problème se laisser happer par cet univers qui à coup sûr réserve encore de nombreuses surprises et possède un potentiel narratif quasi-illimité : Le thème des voyages dans le temps et ses conséquences étant, lorsqu’il est correctement et intelligemment utilisé, une source inépuisable. J’espère que pour le second tome, Pierrick Colinet nous réserve encore de bonnes surprises à la hauteur de ce premier tome.
La seule chose que je reprocherais au scénario de The Infinite Loop est du coup son principal avantage : La présentation de l’univers et de ses personnages est si rapide que l’on a un peu l’impression d’être « catapulté » au milieu de quelque chose dont on ignore tout et même si au fur et à mesure on trouve progressivement nos marques avec différentes explications et éclaircissements, l’impression de retenue du scénariste se ressent un petit peu. S’il s’agit comme je le pense donc d’une retenue, c’est dans le fond plutôt une bonne chose de laisser le lecteur dans le flou concernant certains points (notamment le passif de Teddy), ça permet de garder quelques cartouches pour la suite et de se réserver de la matière car ne l’oublions pas, on est bien là face à un « Tome un » et quelle meilleure façon de tenir le lecteur que de laisser volontairement des zones d’ombre à éclairer ? A voir si ce sera le cas dans le tome deux, mais je suis confiant.
L’autre point fort de The infinite Loop, c’est sans conteste sa partie graphique signée Elsa Charretier. Son style léger et épuré correspond parfaitement à l’ambiance du récit. En terme de style on est très proche d’un Darwyn Cooke ou d’un Bruce Timm, un style à mi-chemin entre cartoon et comics classique, le tout saupoudré par une petite influence visiblement issue de la bande dessinée franco-belge : Le style de la dessinatrice est à la fois unique et référencé, un véritable tour de force et visuellement, autant être franc c’est très agréable, donnant l’impression de lire quelque chose de frais et de nouveau. Le tour de force est d’autant plus exemplaire que c’est elle-même qui s’est chargée de toute la partie artistique, dessin, encrage et colorisation, chapeau bas à l’artiste !
L’autre point qui marque durant la lecture de The Infinite Loop, c’est l’audace de certaines mises en pages et notamment l’utilisation de flèches et de choix multiples pour diriger le lecteur, déstabilisant au début, cela devient au fur et à mesure du récit une trouvaille aussi bien originale que bienvenue, et fini même par servir le récit lui-même : D’ordonnée au début, ces choix multiples se font de plus en plus dispersés et anarchiques en même temps que la relation entre Teddy et Ano se fait de plus en plus intense, un choix audacieux qui finalement se révèle payant et utile, très bien vu.
Mais comme tout n’est pas rose et que personne n’est parfait, il faut bien que je nuance un petit peu et malgré toutes ces qualités, la seule chose que je reprocherais à la partie dessinée de The Infinite Loop se trouve au niveau des visages, particulièrement ceux des personnages masculins, que je trouve un peu trop semblables et moins variés en expression que les visages des personnages féminins, à part ça, pas grand-chose à reprocher…
Ce qui transparaît le plus en filigrane de la lecture de The Infinite Loop c’est sans conteste son contexte et son intention volontairement engagé : Impossible en effet de ne pas faire rapidement le lien entre la relation entre Teddy et son « anomalie » et la façon dont elle est perçue par la Brigade et la situation des homosexuels dans la société actuelle. L’analogie est flagrante et ma foi pas très subtile. En est-elle du coup moins intéressante ? Absolument pas, bien au contraire, cela confère au récit un aspect direct en allant droit au but sans prendre le lecteur pour un idiot, tout en abordant le thème de façon ludique, on a même droit au petit discours engagé à double signification de la part d’Ano, certes assez caricatural mais en restant toutefois d’une force significative évidente de part son double sens.
Cet aspect du récit est d’autant plus surprenant que les deux auteurs sont hétérosexuels et, personnellement, je pense que c’est de ce fait que leur vision est d’autant plus intéressante. C’est un peu comme quand un réalisateur étranger fait un film sur les États-Unis : Il a ce recul nécessaire pour ne pas être trop impliqué, concerné et peut du coup montrer une vision moins idéaliste et plus terre à terre du sujet et c’est ce qui s’est passé, je pense, avec The Infinite Loop. Cette vision « extérieure » est d’autant plus nécessaire que de ce fait, elle peut paraître plus abordable par le plus grand nombre de lecteurs qui même s’ils ne sont pas familiers du sujet, y trouveront un moyen ludique et accessible d’en entendre parler.
Un autre tour de force à ajouter à The Infinite Loop.
Pour finir, je souligne que le livre se conclut par deux bonus très intéressants : Tout d’abord une histoire courte ayant pour héros Herman, rapidement aperçu durant l’histoire principale ainsi qu’un article très complet sur l’homosexualité dans les comics écrit par une blogueuse qui ne vous est pas inconnue si vous me lisez en ce moment.
Tour de force, c’est finalement l’expression qui m’est le plus souvent venu à l’esprit lors de la lecture de cette bande dessinée ainsi que l’écriture de cette modeste critique et je trouve qu’elle symbolise à la perfection ce qu’est The Infinite Loop : Un tour de force dans sa production tout d’abord, passée par le financement participatif, fruit de la volonté de deux auteurs quasiment inconnus du grand public qui ont su faire valoir et imposer leurs idées et emmener dans leur sillage une horde d’amateurs de bande dessinées prêts à les suivre. Un tour de force ensuite dans sa réalisation, avec un scénario volontairement engagé sur un thème sensible, finalement abordé avec une simplicité et une sincérité palpables à chaque page, pages réalisées de main de maître par une artiste d’exception qui a donné une véritable identité visuelle à l’ensemble.
Pour ces tours de force, Pierrick et Elsa, moi et tous ceux qui ont crû en vous, nous vous remercions pour ce voyage dans cette boucle infinie !
Memory : la review de Julien Lordinator
Memory : L’autre Manara
S’il y a bien un auteur dont il ne faut pas parler actuellement aux lecteurs de comics lambda, encore plus s’il s’agit d’une représentante de la gent féminine, c’est bien de Manara ! Conspué de toutes les façons possibles et imaginables suite à une couverture sujette à controverse et devenue dans la foulée le symbole de la sur-sexualisation des personnages féminins dans ce média, l’auteur et dessinateur italien est devenu persona non grata dans l’univers vertueux des super-slips américains.
De ce que j’ai pu en lire dans notre beau pays, la plupart des réactions furent aussi virulentes que dans le pays de l’Oncle Sam et, je le pense, souvent dû à une mauvaise réputation de l’auteur parmi une caste de lecteurs élitistes. Manara c’est le symbole de l’érotisme et visiblement, on ne veut pas de ça dans les comics, on a une réputation à tenir, faut pas déconner avec nous…
Après l’on pourrait déblatérer des heures sur la nécessité d’avoir sur une couverture, variante qui plus est, d’un comic «mainstream» une jeune femme les fesses en l’air dans une position équivoque : Moi j’appelle ça de la sexploitation, ça marche du tonnerre depuis la nuit des temps, et ce pour tous les médias soit-dit en passant, ce n’est pas nouveau dans le comics (Lady Death, Vampirella, Catwoman, Witchblade…), mais là ça a fait le buzz, internet, réseaux sociaux, nouvelles technologies, tout ça, tout ça…
Enfin bref, passons et revenons au sujet de cet article, à savoir le «satyre» italien.
Cette couverture de Manara, ce n’est pas le premier «méfait» de ce pervers infâme dans les proprets comics made in USA : Déjà en 2011, le pornographe-dessinateur avait sali l’image des mutantes Marvel avec l’album X-Men : Jeunes filles en Fuite, le traître Chris Claremont lui apportant pour l’occasion son soutien au scénario. Je me souviendrai toujours des messages affligeants de débilité que j’avais pu lire sur le Facebook de l’éditeur Panini lorsqu’ils avaient annoncé qu’ils publieraient ce sacrilège dans notre bel hexagone : « Avec Manara aux dessins, autant re-titrer l’album Jeunes filles en rut ! », « Manara sur les X-Men ? Cool, j’ai toujours voulu voir Tornade se faire prendre par derrière :p Lol », j’en passe des vertes et pas mûres…
Ces réflexions stigmatisaient bien dans le fond l’image stéréotypée de la bande dessinée érotique qu’ont la majorité des lecteurs de bande dessinée «normale» dans l’hexagone, à savoir l’image d’un média pour pervers.
Dans d’autres pays du monde, notamment en Italie, Espagne, Amérique du Sud ou même au Japon, le genre érotique/pornographique est reconnu comme un style à part entière ayant ses artistes phares et même ses œuvres emblématiques. Rien de tout ça en France, certes certains dessinateurs français ont une réputation qui n’est plus à faire (Georges Pichard ou Alex Varenne pour ne citer que ceux qui me viennent immédiatement à l’esprit) mais cette notoriété reste cantonnée à un petit groupe de lecteurs, préférant généralement cacher leurs BD de ce genre en haut des étagères.
Pourquoi ce style a si mauvaise réputation dans notre pays ? Honnêtement je ne sais pas, probablement parce que durant des années, les étalages des kiosques furent abreuvées par kilos par des «fumetti» porno de piètre qualité (1), que l’on a un peu trop cette image de la bande dessinée comme d’un média «artistique» et/ou destinée majoritairement à la jeunesse ou bien tout simplement parce qu’en France on est des coincés du derche ?
Moi la bande dessinée érotique j’aime ça, je n’ai pas honte de le dire, je le revendique même et je l’ai déjà montré (voir notamment mes critiques de Sex & Violence et Small Favors) et de plus je suis un grand admirateur de Manara, voilà qui est dit.
Je n’ai aucunement l’envie de «réhabiliter» l’image de Manara auprès de ces détracteurs, vous ne l’aimez pas ? Vous n’avez jamais lu ce qu’il a fait ? Tant pis pour vous, vous ne saurez jamais ce que vous avez raté mais le réduire à une image de pornographe-dessinateur comme je l’ai lu très souvent suite à l’affaire de la couverture de Spider-Woman est particulièrement réducteur, certes Manara est un artiste réputé pour ses œuvres érotiques, mais c’est aussi un auteur particulièrement doué et varié, comme le prouve l’artbook Memory.
Publié chez Paquet en 2004, Memory est un livre qui prend le parti de brasser assez large dans la carrière et les multiples facettes de l’artiste. Alors bien sûr il y a un chapitre sur ses œuvres érotiques, mais celui-ci est traité comme un des aspects parmi d’autres.
Memory nous montre donc des facettes assez méconnues de l’artiste, celles d’un passionné d’histoire qui a notamment dessiné des portraits de personnages et de nombreuses scènes historiques, illustré des publicités, des cartes postales ou s’est même adonné à de l’art un peu plus abstrait.
Disponible pour pas cher sur la plupart des sites de ventes en ligne (j’ai eu le mien pour à peu près cinq euros) et même si on l’a affublé d’une couverture qui fait un peu le trottoir, dans le fond on reconnaît immédiatement la patte de l’artiste et ce livre est en soit un beau moyen de montrer la diversité et la variété du maître italien, trop souvent réduit à un pervers dessineux.
(1) Je vous encourage d’ailleurs à lire le très bon article consacré à l’un des éditeurs phare de ce genre dans les années 70/80, Elvifrance, publié dans le bookzine Distorsion X, sorti le mois dernier.
Hello Fucktopia : la review de Julien Lordinator
Rapide review : Hello Fucktopia, Un Vrai Conte de Fées
J’achète rarement de la bande dessinée franco-belge, pour ne pas dire quasiment jamais, et quand je le fais c’est généralement sur un coup de tête, souvent en déambulant dans les rayonnages d’une librairie, ce qui fut le cas ici. A priori rien ne me destinait à acheter cette bande dessinée, unique exemplaire perdu dans le bas du rayon manga dans lequel je ne vais habituellement jamais. Je me souvenais juste avoir vu la couverture passer sur internet, rien de plus. J’ai donc vite feuilleté le bouquin, lu la quatrième de couverture et je me suis dit «Bah ça à l’air pas mal, pourquoi pas…».
Eh bien en effet, c’était pas mal, c’est même vachement bien !
Hello Fucktopia, ça raconte l’histoire de Mali, jeune provinciale d’une vingtaine d’années montée à Paris au début des années 2000 pour suivre des études afin de devenir dessinatrice de bande dessinée. Mali nous fait partager sa vie, ses études qui ne la satisfont pas, son morne quotidien, ses amis et ses tracas.
Selon son auteur, Souillon, déjà célèbre pour la bande dessinée Maliki, c’est un récit autobiographique dans le sens où tout le monde peut s’y reconnaître et s’identifier à un ou plusieurs des personnages, principaux ou pas.
C’est en effet une chose assez étonnante avec cette bande dessinée, malgré son style très typé manga, Hello Fucktopia est très réaliste et même assez sombre, ce qui lui donne un aspect décalé : Les personnages vivent des «aventures» du quotidien mais leurs mimiques et attitudes ont l’exagération typiques du style manga : Assez déstabilisant au début, cet aspect devient logique après quelques pages, tant la psychologie des personnages s’y prête assez bien.
Même si l’héroïne est principalement Mali, ses deux meilleurs amis forment avec elle une sorte de triangle aux angles assez différents : Mali est une jeune fille exubérante, impulsive, extravertie et même parfois inconsciente, Thémis une jeune femme sexy un peu bourgeoise et naïve dont l’occupation principale et de se séparer et se remettre avec son petit ami et enfin il y a Stéphane, étudiant en médecine qui est juste un garçon sympa, servant régulièrement de serpillière humaine à Mali, par exemple en la ramenant chez elle après des soirées de beuverie.
Mali nous fait donc partager sa vie de tous les jours, ses études mornes qu’elle considère comme inintéressantes, sa vie sociale chaotique et même sa vie sexuelle d’une tristesse absolue, rythmée par les ébats sonores de ses deux voisins délurés.
A la fois, touchante, énervante voir parfois antipathique, Mali est juste une jeune femme de son temps, tiraillée entre des rêves et des envies difficilement réalisables dans une société dans laquelle elle peine à trouver sa place. Elle passe ses soirées dans un bar gothique à noyer sa tristesse devant le barman, surnommé Machine, une armoire à glace métalleuse et imperturbablement silencieuse.
Mali est aussi une fille pleine de mystères : Pourquoi ne veut-elle pas répondre à sa mère au téléphone ? Pourquoi garde-t’elle des écouteurs sur les oreilles alors qu’ils ne sont même pas branchés ? Toutes ces questions trouveront des réponses au fur et à mesure du récit.
Souillon précise dans la préface que la réalisation de Hello Fucktopia fut longue et chaotique, souvent abandonnée, reprise, réécrite et cela se ressent dans la lecture : Chaque scène semble en effet avoir été minutieusement pensée, chaque dialogue écrit pour sonner juste si bien qu’il se dégage de l’ensemble de la bande dessinée une justesse et une densité assez remarquable : On suit avec passion le quotidien de Mali jusque dans son intimité la plus totale, on l’aime, on n’est pas d’accord avec elle, on a mal ou peur pour elle, on est triste pour elle mais on n’arrive jamais vraiment à la détester, peut être parce qu’elle nous parait finalement tellement proche de nous… Une véritable femme actuelle en quelque sorte, actuelle mais aussi universelle.
Hello Fucktopia est une véritable bouffée de fraîcheur dans le monde de la bande dessinée actuelle dont la seule chose que je lui reprocherais est sa (relative) durée mais ça je pense que c’est personnel car j’ai ce défaut de toujours en vouloir plus quand je m’attache à un personnage. J’avoue avoir énormément aimé cette bande dessinée, me reconnaissant dans certains personnages, notamment Stéphane, et je suis sûr que ceux qui se donneront la peine de le lire après avoir lu cette petite critique s’y retrouveront aussi.
Hello Fucktopia, Un Vrai Conte de Fées, disponible depuis le 21 novembre 2014 chez Ankama (Pour public averti).
Site officiel :
http://hellofucktopia.com/
Le pouvoir des pierres (Sunstone Vol. 1)
Lorsque j’ai découvert Stjepan Sejic il y a quelques années par le biais d’une série dont je suis une lectrice de la première heure (Witchblade, cela va sans dire), ce fut très loin, mais alors très loin d’être un coup de foudre. Je fus en effet très déroutée par son style « tout numérique » que je considérais comme extrêmement froid et inexpressif. A l’époque (nous sommes en 2007), je n’étais d’ailleurs absolument pas au fait de tout le potentiel qu’une palette graphique pouvait générer pour un artiste de BD, et je prenais cette technique de dessin comme une véritable solution de facilité.
Ainsi, il m’aura fallu un certain temps pour me rendre compte que son travail sur la série aux côtés de Ron Marz n’était tout simplement que ce qui était arrivé de mieux à Sara Pezzini depuis des années, voir depuis sa création en 1995. Et sa prestation sur son spin-off, Angelus dans lequel on retrouve Danielle Baptiste aura fini de me convaincre totalement, préfigurant d’ailleurs toute la beauté et la sensibilité de l’oeuvre dont je vais vous parler dans les lignes qui vont suivre.
Au delà du fait que ce comics raconte une histoire d’amour lesbienne sur fond de BDSM (voilà c’est dit, maintenant on peu passer au vif du sujet !), la genèse de Sunstone est avant tout intimement liée à l’esprit créatif, foisonnant (malicieux parfois) de son auteur à un moment de sa carrière où à la sortie de sa prestation sur Witchblade, il se retrouva en total manque d’inspiration.
Il l’explique très bien en illustrant cette anecdote à la toute fin de l’album, mais il est intéressant je crois de la reporter ici afin qu’aucun doute ne soit permis sur l’intention de Sejic d’utiliser une thématique aussi risquée que le BDSM lesbien… surtout lorsque l’on est un artiste masculin et hétéro de surcroît, le risque étant bien sûr de se faire taxer de pervers.
Le fait est qu’avant d’être repéré par Top cow, le dessinateur Croate avait comme projet d’illustrer une série érotique, « Rien d’inhabituel en Europe » dit-il. Pourquoi donc ne pas revenir aux sources pour pouvoir aller de l’avant ? Après s’être trouvé un pseudo (Shiniez) et ouvert un compte sur Deviant Art, l’aventure Sunstone pouvait enfin commencer. Il ne s’agissait au début que d’élaborer de courtes histoires plus ou moins humoristiques sans lien apparent les unes avec les autres, mais sans qu’il s’en aperçoive, l’inspiration refit naturellement surface rapidement.
Sunstone c’est l’histoire d’une rencontre entre deux jeunes femmes, Lisa et Ally, insatisfaites dans leur façon de vivre leur sexualité, adeptes du BDSM mais n’ayant pas trouvé le ou la partenaire idéale pour vivre pleinement cette pratique. Les deux personnages sont magnifiques et complémentaires dans leur vision du sexe, à la fois très épanouies et possédant leurs parts d’ombre et leurs petits secrets. Le scénariste/dessinateur prend directement le parti de nous conter cette rencontre et les prémices de celle-ci d’une manière très cinématographique, voir très télévisuelle, ce qui n’est pas sans me rappeler une autre série de comics mettant en scène une histoire d’amour complexe entre deux deux femmes (et si Sunstone n’était ni plus ni moins que le SIP érotique des années 2010 ?).
La prouesse de Sejic est justement de faire oublier à son lecteur qu’il a entre les mains une oeuvre érotique, contrairement à de nombreuses bandes dessinées (qu’elles soient européennes, asiatiques, ou US) qui empruntent cette voie et qui n’ont pas – ou quasiment pas – de scénario au profit d’une succession de scènes de Q dont l’intérêt va rapidement s’essouffler.
Il va effectivement falloir attendre une trentaine de pages pour voir une scène érotique digne de ce nom, permettant à l’auteur tout le temps nécessaire de mettre en place ses héroïnes et leurs motivations.
Le moins que l’on puisse dire, en tout cas du point de vue d’une lectrice sensible à ce genre de propos, c’est qu’il y a beaucoup de sincérité et d’intimité dans Sunstone. C’est une oeuvre des plus touchantes, car elle explore de manière très réaliste les rapports amoureux dans ses grandes phases (la première rencontre et le stress qui en découle, le premier rapport, et ce qu’il peut bien se passer le lendemain).
L’atout indéniable de ce comic-book, c’est qu’il traite également d’un sujet à la fois tabou et propice à tous les fantasmes d’une manière très positive et sans stéréotype.
Quand on dit que les comics mènent à tout… Il s’avère qu’il y a quelques mois, pour comprendre la pensée de William Moulton Marston (lui même adepte du BDSM aux côtés de ses trois partenaires de vie, Elizabeth Holloway, Olive Byrne et Marjorie Wilkes Huntley) ainsi que l’importance et le message de cette pratique véhiculée dans les premiers épisodes de Wonder Woman, j’ai essayé de me documenter sur la notion des rapports entre ce que l’on appelle les dominants et ceux qui préfèrent la soumission, et devinez quoi ! Wouhou tout va bien ! Il n’y a pas de quoi fouetter un chat ! J’ai au contraire pu lire des choses extrêmement saines basées sur le respect et l’écoute de l’autre comme je ne l’aurais jamais imaginé, à des années lumières de ce que véhiculent les médias en tout genre.
Et ce que tend à faire Sunstone justement, c’est d’apporter cette carte complémentaire sur la table comme quoi le Bondage and Discipline SadoMasochism peut aussi être au cœur d’une relation entre deux personnes sans la façonner entièrement.
Stjepan Sejic a cette capacité géniale de construire une vraie relation entre ses deux héroïnes tout autour et bien au delà de cette pratique extrêmement chargée érotiquement (et sujette à tous les stéréotypes).
Là où Small Favors trouvait assez rapidement ses limites en matière de narration, l’auteur va bien au delà de la pratique ou du fantasme et impose une relation des plus sincères, hors du commun certes, mais véritable.
Il serait totalement hypocrite de nier la charge (magnifique soit dit en passant) érotique et sensuelle que transporte Sunstone, mais il en était déjà question pour ceux qui (comme moi) avaient lu la version numérique sur Deviant Art. L’intérêt de ce titre est justement d’avoir réussi à conjuguer (et les prochains tomes vous le confirmeront) sensualité et sincérité autour d’une même histoire.
Un tour de force, de la part d’un auteur qui se disait sans aucune inspiration, et qui a depuis imaginé l’univers fabuleux et complexe de Ravine, tout en contribuant à développer d’autres titres tels qu’Artifacts, Aphrodite IX et Rat Queens.
La note de Katchoo : 4/5
Wonder Woman #36 et 37 : Grim and gritty fairy tale
Bon alors, puisqu’on m’a demandé de faire une critique sérieuse des deux premiers numéros de Wonder Woman élaborés par le couple Finch (mais je ne peux tout de même rien vous promettre, parce que vraiment, je préfère rire de certaines choses que d’en pleurer. Non mais oh, je ne vais pas passer mon temps à chouiner quand même !), voici mon décorticage de cette nouvelle version de l’Amazone.
Wonder Woman #36
Laissée sous la responsabilité d’un dessinateur que l’on connait pour son talent indéniable… et sa représentation des personnages féminins plus que stéréotypée, et une scénariste (son épouse) dont l’expérience ne se résume qu’à des travaux pour Zenescope (un éditeur qui sait faire dans la dentelle… ah non pardon, c’est vrai que j’ai promis de rester sérieuse, mon dieu que c’est dur), la série décide d’emblée de prendre un tout autre chemin que ses prédécesseurs (le duo Cliff Chiang/Brian Azzarello).
La scène qui nous montre le mieux cet état de fait est celle où l’on voit Diana nettoyer le sang qui recouvre son corps (nu) en prenant une douche au début du numéro, comme pour faire table rase sur le passé et nettoyer la vision souvent gore et horrifique que le précédent scénariste avait pour habitude d’avoir.
Voilà, maintenant que Wonder Woman est toute propre on peut passer aux choses sérieuses.
Dans la scène d’ouverture il est aussi question d’eau, symbole de pureté donc, et ici évoquée comme source de joie et de fertilité mais surtout annonciatrice du Déluge ou des pluies torrentielles viennent inonder des villages entiers sous l’œil d’un mystérieux protagoniste observé de loin par Swamp Thing. Cette scène est efficace, surement parce qu’elle est au final la plus simplement élaborée de tout le numéro.
Vient donc ensuite cette scène de la douche, d’une sobriété qui toutefois étonne quand même un peu lorsque l’on connait la facilité qu’a l’artiste pour représenter certaines héroïnes (bon, je vais pas en remettre une couche, on va essayer d’avance un petit peu), et là justement tout passe à merveille. A ce stade du numéro, et malgré une couverture ou notre fière amazone s’est sûrement fait un tour de rein et ressemble à une gamine de 16 ans, je suis agréablement surprise. Un autre point intéressant qui concerne l’intrigue en elle même, Diana s’attarde sur une photo où elle est accompagnée d’une petite fille, une amazone comme elle (à moins que ce soit elle et sa mère qui sont représentées, c’est très difficile à dire).
Nous sommes ensuite propulsé sur l’île de Themyscira, où les amazones se crêpent le chignon, certaines estimant que Diana n’est pas une bonne souveraine et refusant de cohabiter avec leurs progénitures masculines. Ici encore les amazones sont évoquées comme de vraies morues sans cœur, ça commence à bien faire. Il devrait peut être y avoir une nuance entre la guerrière de la mythologie et la furie emasculatrice limite fasciste. On remarque aussi une vieille femme encapuchonnée et au nez crochu sortie tout droit de Blanche Neige et les Sept nains… deux scénarios écrits pour Zenescope, ça ne laisse pas indemne.
La scène suivante est une splash page avec la Justice League au grand complet et j’ai rarement vu autant de protagonistes aussi figés (qui a dit constipés ?) et inexpressifs sur une seule page. Il n’y a aucune émotion, les regards sont vides et absents et on a vraiment l’impression que Finch s’est amusé à dessiner des figurines en plastique disposées les unes à côté des autres (comme celles que j’ai sur mon bureau, ça saute aux yeux). Ici encore, Wonder Woman ressemble à une poupée que l’on croise à la sortie du lycée. Un autre détail qui m’a choqué, il n’y a aucune interaction en elle et Superman. Il se sont pas censés être en couple ces deux là ? En tout cas dans ce numéro c’est l’hôtel des cul tournés.
Alors oui tout ça manque un peu d’action, heureusement que Swamp Thing débarque (celui-ci au passage est superbement illustré, c’est un régal de voir l’artiste s’exprimer sur ce genre de créatures, et c’est vraiment sur ce genre de personnages que David Finch excelle), car avant de poser toute question Diana décide de lui donner quelques savates, car après tout elle est la déesse de la guerre, donc on cogne d’abord, on discutera après.
Cette scène véhicule aussi le trope qu’une femme se laisse toujours contrôler par ses émotions et n’est pas capable de les contenir. Ensuite, il y a cette expression complètement débile : « Vegetative Injustice » mais qu’est ce que ça veut dire au juste ? Quelques pages plus tard on a droit à un « My problem… is your problem » et là quand même je me dis qu’il va falloir s’armer de patience en attendant un prochain scénariste car précisément ici on est du niveau d’une fan fiction.
Wonder Woman qui est donc comme toutes les femmes à moitié hystériques, va se faire raisonner physiquement par Swamp Thing et ses tentacules lianes, puis psychologiquement par Aquaman, ici dépeint comme un homme plein de sagesse. Pendant cet entretien Wonder Woman est sermonnée et infantilisée à outrance jusqu’à tenir dans ses bras un ours en peluche, ce qui va à ravir avec sa tête de Baby Doll bougonne. Diana exprime ici toute sa confusion face au flot de problèmes qu’elle doit gérer en même temps, et la pénibilité de ses différents statuts…. En gros elle chouine parce qu’elle est débordée et qu’elle a un emploi du temps de malade (non mais sérieusement, heureusement qu’elle n’a pas de gosse, qu’est-ce que ça serait) ! Alors oui bien sur cette scène permet grossièrement aux nouveaux lecteurs de prendre l’avion invisible en marche mais quand même ! De qui parlons-nous ici ? Si ça c’est pas du out of character je ne sais pas ce que c’est…
Le numéro se termine par la découverte de la statue d’Hippolyte complètement détruite, se débarrasser d’un personnage aussi central dans la mythologie de Wonder Woman (et déjà quasi inexistant dans le run précédent) dès le premier numéro, il fallait quand même oser.
Ce 36ème numéro est donc aussi décevant que je me l’étais imaginée, malgré quelques détails assez intéressants au niveau de l’intrigue, et un Swamp Thing parfait.
Wonder Woman #37
Avant de commencer, sachez avant toute chose que ça ne m’amuse pas, mais alors VRAIMENT pas de critiquer de façon négative ce nouveau run initié par le couple Finch le mois dernier, bien au contraire. Je préférerais bien mieux employer mon temps et ce blog à composer de belles phrases très élogieuses pour remercier leur travail sur la valorisation d’un personnage tel que Wonder Woman, en saluant leur respect des bases fondatrices (le féfé – le féffé – le féminisme – Atchoum ! Pardonnez-moi) et l’originalité de leur prise de position artistique. Malheureusement, je me sens encore obligée d’expliquer tout ce qui ne va pas dans ce numéro, malgré encore une fois deux trois choses qui m’ont plu, mais par Hera qu’il est dur d’être une fan de Wondie en ce moment…
Ce qui saute aux yeux à la lecture de ce numéro (outre le fait, comme je le disais dans la preview que c’est littéralement la fête à la carpe, avec des personnages qui passent leur temps à vouloir semble t-il gober des mouches), c’est un énorme problème de rythme et de continuité du récit, tant et si bien que j’ai voulu replacer les pages à ma manière pour gagner en fluidité car sincèrement on ne sait pas trop où Meredith Finch veut en venir, ce dont j’ai été littéralement bouche-bée.
Sans transition, on avance, on recule, comment veux-tu, comment veux-tu. L’autre gros soucis est le décalage grandissant entre le souhait honorable de la part de la scénariste de vouloir humaniser son personnage en lui donnant une palette d’émotions (mais qui s’avère assez limitée puisque là encore nous sommes à la limite de l’hystérie lors d’une interaction avec Superman), et le style complètement inexpressif de son dessinateur de mari. Faire descendre Wondie de son piédestal, c’est à dire de son statut d’héroïne quasi invincible/déesse/icône pourquoi pas, faut-il encore le faire pour les bonnes raisons et non une simple crise d’identité car personne n’y croit une seule seconde.
Je remarque aussi que lorsque Wonder Woman s’entraîne avec Superman, elle est dégoulinante de sueur alors que lui est frais comme un gardon… mais une femme qui transpire, c’est tellement plus sexy.
Un autre problème que j’avais soulevé dans l’épisode précédent, c’est la facilité que des Amazones ont à se comporter comme de véritables morues, corruptibles, crédules, et infanticides de surcroît.
Les scènes de combat sont quant à elles impeccables, David Finch est un professionnel de la mise en page dans l’action, mais malheureusement ce n’est pas suffisant pour porter un numéro dans sa totalité.
La meilleure partie de cet opus (quand on a fini de replacer les pages à leur place) est au final tout ce qui ne concerne pas Wonder Woman, ce qui est un peu ballot quand même quand on y pense. Cela comprend la présence de Derinoe, la vieille femme encapuchonnée dont les dessins se dévoilent un peu, et celle qu’elle sert appelée pour le moment « sorcière »… Son look est intéressant et a pour le moment trois fois plus de charisme que l’héroïne qui devra lui botter les fesses.
Enfin pour ce qui est de l’apparition surprise d’un personnage très apprécié par les fans de DC Comics et que l’on avait pas vu depuis l’avènement des NEW 52, cela reste un choc, autant sur le fond que sur la forme. Alors oui, celle-là on ne l’avait pas vu venir et la surprise est d’autant plus belle.
Mais cette joie passée, on est quand même bien obligé de faire le constat qu’il s’agit de la deuxième héroïne à poil que l’on s’enfade en deux numéros. Personnellement je trouve qu’elle aurait mérité meilleure retrouvailles avec sa fanbase.
Le contexte de ce retour me laisse également perplexe, non seulement le personnage sort d’un chaudron bouillonnant et fumant (on avait déjà la sorcière de Blanche Neige, la boucle est bouclée), mais le contenu de ce chaudron laisse penser que Meredith Finch a décidé de se servir en partie des origines classiques de Wonder Woman pour les octroyer à celui-ci (comme si c’était déjà pas assez compliqué comme ça). Ceci dit ce n’est pas une idée inintéressante, mais le « coucou me revoilà ! A poil ! » n’était sans doute pas la meilleure idée du mois.
Et ce come-back mine de rien, c’est quand même une p***** de prise d’otage pour tous ceux qui voulaient abandonner la série.
La note de Katchoo : 2/5
Rachel Rising T. 2 : la review de Julien Lordinator
Rapide Review : Rachel Rising Tome 2 : Même Pas Peur
M’étant déjà étendu sur le quoi qu’est-ce Rachel Rising dans ma précédente rapide review du premier tome que l’éminente Katchoo devrait logiquement linker… Maintenant, je vous laisse le soin de lire ce que j’avais déjà écris afin de vous mettre ou remettre dans le bain !
Je vais donc m’en tenir au principal. Rachel Rising, c’est la dernière série en date de Terry Moore le créateur de Strangers in Paradise, ça raconte l’histoire de Rachel, qui se réveille morte-vivante un beau jour et va devoir découvrir pourquoi elle est morte, pourquoi on l’a ressuscité, élucider une série de meurtres particulièrement violents, pourquoi des gens ressuscitent, la présence d’êtres surnaturels et pourquoi tout ça a lieu dans sa ville natale.
Voilà en gros le pitch, c’est sommairement résumé mais en dire plus ce serait déflorer l’intrigue et vu sa densité, ce serait presque criminel.
Non, aujourd’hui, je vais plutôt m’attacher à vous relater ce que j’ai pensé de ce second tome et le bilan est plutôt en demi-teinte…
Déjà je ne vais pas cacher que j’attendais impatiemment la parution de ce second tome, particulièrement parce que j’avais vraiment beaucoup aimé le premier qui nous laissait sur un suspense assez efficace. Ce second tome fait écho au premier : La caractérisation des personnages est toujours aussi bonne, ce qui a pour effet de les rendre immédiatement soit attachants, soit effrayants (car ne l’oublions pas, on est dans un comic d’horreur), l’histoire de certains s’étoffe et se révèle d’ailleurs un peu plus nous laissant entrevoir des destinés dramatiques. Encore une fois, Terry Moore fait montre d’une sensibilité très prononcée et réussi a créer une véritable empathie pour ses personnages sans toutefois que cela justifie leurs actes, pour la plupart assez horrible.
Ces révélations se font au travers de flashbacks, et c’est là que ce second tome m’a un peu déçu. L’impression que j’en ai eu c’est que Moore à été un peu trop vite : En l’espace de quelques pages, il nous révèle qui est l’instigateur de cette machination et pourquoi certains personnages ont des comportements aussi bizarre, j’ai trouvé ça un peu trop vite expédié et facile, particulièrement pour la petite fille dont j’ai trouvé l’explication un peu abracadabrantesque.
J’avoue avoir été un peu déçu par ce tome, mais très honnêtement, j’ai pris malgré tout énormément de plaisir à le lire, c’est une déception assez infime et donc ma foi toute relative.
Hormis cette impression, dans l’ensemble le récit se tient, l’atmosphère mystérieuse et surnaturelle est toujours aussi prononcée et envoûtante et l’auteur nous transporte sans mal dans cet univers. Coté dessins, Terry Moore est toujours au top et cela rend la lecture très plaisante. De plus, ont ne peut juger une série comme Rachel Rising que sur sa globalité (de mémoire je n’avais pas été plus emballé que ça par les premiers épisodes de Echo, une autre série de Terry Moore, pour finir totalement accroc à environ un tiers de la série), donc mon avis est mitigé en ce qui concerne ce tome, la suite me donnera, et je le pense très sincèrement, certainement beaucoup plus d’enthousiasme.
Pour finir, il faut aussi tout de même rester prudent : Il reste encore pas mal de numéros à traduire (ce tome englobe les numéros 7 à 12, la série n’est toujours pas fini aux USA et compte pour le moment 29 numéros), ont peut donc supposer que le meilleur est à venir !
Rachel Rising Tome 2, disponible depuis le 22 octobre 2014 chez Delcourt dans la collection Contrebande
L’effet Aladin : la review de Julien Lordinator
Oldies But Goodies : L’effet Aladin
Dans les années quatre-vingt, les crossovers et autres rencontres entre super-héros ont le vent en poupe : Chez DC Comics l’idée n’est pas neuve et la fameuse série World’s Finest en est la plus vénérable représentation, tandis que les rencontres entre la JLA et la JSA sont des rendez-vous réguliers. C’est chez ce même DC Comics que le crossover « géant » deviendra même un événement éditorial avec le gigantesque Crisis On Infinite Earths.
Le concurrent Marvel n’est pas en reste : La série régulière Spider-Man Team Up (qui deviendra plus tard Marvel Team Up) voit le tisseur associé chaque mois à un autre personnage maison et le très mercantile Secret Wars voit l’ensemble des personnages de la Maison des Idées s’allier contre une menace commune. Les crossovers entre maisons d’édition commencent également à arriver : Superman rencontre Spider-Man à deux reprises dans des crossovers devenus des classiques, Batman se frottera à Hulk et les X-Men aux Teen Titans.
Mais qu’en est-il des personnages féminins ? Et bien j’aurais tendance à dire pas grand chose… Souvent réduites au stade de figuration, elles tiennent rarement les rôles principaux lors des crossovers. L’Effet Aladin fait figure d’exception et mérite donc que l’on s’intéresse à cette histoire originale et hors du commun.
L’Effet Aladin est un crossover réunissant quatre des femmes fortes les plus populaire de l’époque chez Marvel, à savoir Tornade (Storm), Tigra, Miss Hulk et La Guêpe (Wasp). L’histoire commence de façon singulière : Une petite ville est prisonnière d’une bulle invisible empêchant les habitants de sortir, cette même bulle rend également la ville invisible au monde extérieur. Les habitants sont donc livrés à eux-même, la nourriture commence à manquer et la tension se fait de plus en plus forte.
C’est dans cette ville coupée du monde que vit Holly-Ann, une fillette rêveuse fan de super-héroïnes et plus particulièrement des quatre héroïnes citées plus haut. La situation devient de plus en plus tendue et alors qu’un matin Holly-Ann accompagne son shérif de père à la mairie pour une réunion de crise, elle croise une jeune femme hagarde dans la rue qui n’est autre que… Tornade des X-Men ! Enthousiasmée par la présence de la mutante, Holly-Ann lui explique la situation et lui demande de l’aide. Malgré le fait qu’elle ne sait pas comment elle est arrivée ici, Tornade, flanquée de la fillette, se met alors en quête de découvrir ce qui se passe à Venture Ridge et chemin faisant, rencontrera également Miss Hulk, La Guêpe et Tigra, les quatre femmes finissant par former une équipe improvisée.
Même si dans le fond la trame du récit est assez classique et répond aux exigences et codes de ce genre d’histoire et propose même les passages obligés de ce genre de récit (y compris la gigantesque bagarre finale), le fait que les personnages centraux soient toutes des femmes et l’héroïne une fillette en font déjà une bande dessinée singulière (en tout cas pour l’époque), l’autre aspect marquant en est certaines thématiques, bien plus audacieuses que ce que l’on avait l’habitude de voir dans les crossovers à l’époque.
Le fait d’avoir choisi une petite fille comme héroïne permet déjà au scénariste (David Michelinie) de placer une scène pleine de sens : Alors que Holy-Ann contemple sa collection d’images de super-héroïnes, son père la lui dérobe et la brûle, prétextant qu’elle ne devrait pas s’intéresser à ce genre de bêtises, tuant du même coup les rêves d’héroïsme de la fillette dans l’œuf. Le message sous-jacent est donc clair : L’héroïsme, et donc plus largement les comics, ce n’est pas pour les filles ! Vu l’époque, cette simple scène de quelques pages est révélatrice de la place des personnages féminins et des lectrices, les deux étant souvent cantonnées, voir ignorées.
Cette bande dessinée est sur ce point intéressante car présentant des scènes allant à l’encontre de son média et même de la société en général : Ainsi c’est grâce au courage de Holly-Ann que les habitants de la ville trouveront la force de se soulever face à leur geôliers et c’est encore cette même Holly-Ann qui à la fin tiendra tête, seule, au méchant de l’histoire : Le récit est constellé de ce genre de passages particulièrement bienvenus.
L’autre aspect « intéressant » est le coté gentiment sexy de l’histoire, on se rend compte au bout de quelques pages que tous les prétextes sont bons pour montrer nos quatre héroïnes en petites tenues : Entre Miss Hulk qui fini la plupart de ses combats les vêtements en lambeaux, La Guêpe qui, sans son costume fait de particules Pym, passe une bonne moitié de l’histoire en tenue d’Ève (le dessinateur, Greg LaRocque, redoublant d’ingéniosité pour dissimuler le corps de la belle) et Tornade dont on insiste bien sur les courbes lorsqu’elle utilise ses pouvoirs, la bande dessinée est pleine de ce genre de passages, certes pour une catégorie du lectorat (comprenez majoritairement masculin) c’est agréable, mais vu l’aspect très féminin de l’histoire, il s’agit manifestement d’une technique pour contenter l’ensemble des lecteurs.
Pour finir j’aimerais juste m’attarder sur les dessins de Greg LaRocque, absolument somptueux (comme vous pourrez en juger sur les planches en illustrations de ce petit article) qui, très franchement, à eux seuls peuvent justifier l’achat de ce livre.
Je me souviens avoir lu ce comic étant gamin et l’avoir beaucoup aimé, malheureusement je l’ai perdu (je subodore qu’on me l’a volé à l’école…) et il avait donc une place toute particulière dans mon cœur de lecteur, je l’ai redécouvert à la faveur d’un chinage (merci boss ^_^ ) et après l’avoir relu, y ai découvert de nouvelles choses : Je pense que peu de bandes dessinées procurent cette impression ce qui en fait donc, selon moi, une œuvre qui sort du lot, ce qui est encore plus surprenant vu son époque de publication.
L’Effet Aladin est donc un comic qui malgré ses presque trente printemps reste rudement intéressant : Bien écrit, sublimement dessiné et doté d’un second niveau de lecture révélateur de son époque et, malheureusement, toujours d’actualité, c’est une bande dessinée méconnue qui mérite que l’on s’y attarde : Vous l’aurez compris, à vos bouquinistes, brocantes etc !
Fiche :
Titre VF :
Strange présente : L’Effet Aladin (Top BD numéro 10)
Titre VO :
Marvel Graphic Novel 16 : The Aladdin Effect
Publication en France :
Juin 1986 (Lug)
Publication aux USA :
1985 (Marvel)
62 pages
Scénariste(s) :
David Michelinie et Jim Shooter
Dessins :
Greg Larocque
Encrage :
Vince Colletta