DCeased + DCeased : Unkillables
Confronter des super-héros à des zombies n’est pas chose nouvelle : Les super-héros Marvel ont été régulièrement confrontés à certains de leurs homologues zombifiés consommateurs de chair fraîche entre 2005 et 2015 : Apparus pour la première fois dans Ultimate Fantastic Four, les versions zombies des plus grands super-héros Marvel ont été le centre de multiples mini-séries pendant quasiment 10 ans.
Depuis, la mode des zombies est partiellement retombée, et hormis quelques uns devenus des personnages à part entière (je pense notamment à Headpool, la tête zombifiée de Deadpool devenue un personnage récurrent de l’univers de Deadpool), les Marvel Zombies se font plus discrets.
C’est dans ce contexte de mode en déclin que DC Comics décide de confronter ces super-héros à un virus « zombie ».
Très honnêtement, lorsque DC a annoncé cette série, j’avais un peu l’impression qu’ils arrivaient après la bataille et qu’ils allaient vraiment devoir faire montre de beaucoup d’originalité pour tirer leur épingle du jeu. Pari réussi ou pas ? Réponse de suite.
Darkseid a tenté une nouvelle fois de conquérir la Terre… Et s’est de nouveau fait battre par la Ligue de Justice. Seulement, cette fois-ci, c’est satisfait que le tyran d’Apokolypse retourne sur son monde, narguant les super-héros en déclarant « Avoir obtenu ce qu’il veut ». Ce qu’il voulait c’était Cyborg, le super-héros cybernétique a en effet été enlevé et ramené sur Apokolypse car Darkseid a en projet de lui injecter l’équation d’Anti-Vie sous forme d’un virus informatique afin qu’il la répande sur Terre. Mais pour cela, il faut que Cyborg reste conscient pour ne pas être submergé par la puissance de l’équation et Darkseid a alors l’idée de fusionner l’équation avec du sang du Pisteur Noir, le messager de la Mort. Mais le mélange du sang du Pisteur Noir et de l’équation d’Anti-Vie a un effet inattendu et dramatique : Darkseid est immédiatement contaminé par ce virus informatique muté et est pris d’une transe destructrice et meurtrière dont la conséquence et la destruction totale d’Apokolypse ! Malheureusement, juste avant la destruction de son monde, son serviteur Desaad réexpédie Cyborg sur Terre qui dés son retour se connecte automatiquement aux réseaux informatique et répand malgré lui le virus mortel à toute personne étant de près ou de loin à proximité d’un écran. Cyborg assiste impuissant à la contamination, le virus transformant toute personne exposé en forcené sanguinaire avide de meurtres.

Plusieurs super-héros liés ou utilisant la technologie, sont logiquement les premiers à succomber… C’est un coup dur pour la communauté des super-héros qui perd dés le départ certains de ses plus grands stratèges. Superman se pose alors comme leader naturel et le statut invincible de l’homme d’acier va être autant un fardeau qu’un avantage durant cette crise inédite.
DCeased est donc une mini-série en 6 numéros publiée en 2019 par DC Comics et en février 2020 en France par Urban Comics. Elle est écrite par Tom Taylor (scénariste des excellentes séries Injustice) et dessinée par Trevor Hairsine, un habitué des séries sombres et violentes (on l’a déjà vu à l’œuvre sur ClaSSwar et plusieurs séries Valiant et Ultimate Marvel).
Tout d’abord, il faut préciser que les antagonistes contaminés par le virus dans DCeased ne sont pas des zombies, mais plus des infectés atteint par une sorte de transe meurtrière, un peu à la manière de ce que l’ont peut voir dans les films 28 Jours Plus Tard et 28 Semaines Plus Tard et la série de comics Crossed (sans le cotés pervers), le virus se transmet également par morsures ou écorchures. Ils ne dévorent donc pas leurs victimes mais semblent plutôt motivés par une volonté de donner la mort de façon violente et agressive.

Si l’idée de répandre un virus mortel par le biais des réseaux informatiques est assez original, elle n’est pas inédite puisque dans le film Cell Phone (De Todd Phillips, sorti en 2016, avec John Cusack et Samuel L.Jackson) le mode de propagation était exactement le même, à savoir un virus transformant les utilisateurs de téléphone portable en meurtriers sanguinaires. Précisons quand même que malgré son casting prestigieux, Cell Phone est un nanard assez sympathique et si l’aventure vous tente, sachez qu’il est régulièrement rediffusé sur la TNT.
DCeased voit donc les super-héros DC Comics confrontés à un virus particulièrement contagieux et destructeur. Toute la subtilité est donc de montrer comment va se débrouiller la communauté des super-héros face à cette menace inédite, notamment les plus puissants d’entre eux qui vont devoir faire des choix inédits et drastiques, Superman en tête, l’homme d’acier étant clairement le personnage principal de cette mini-série.

L’intention de Tom Taylor est clairement de mettre les super-héros dans des situations inédites pour eux et de sortir le lecteur de sa zone de confort (SPOILER : Le choix de tuer Batman dés le début de l’histoire est un choix assez courageux, le personnage étant très apprécié des lecteurs, mais logique puisque le chevalier noir est très dépendant de la technologie et est souvent, dans ce genre de récit, la tête pensante qui échafaude des plans pour sortir de la crise). Certains super-héros vont donc devoir allez contre leurs principes et au travers des 6 chapitres (plus un épisode spécial, consacré à Big Barda, Mister Miracle et John Constantine), on va assister aux multiples tentatives des survivants pour endiguer l’épidémie et se débarrasser des super-héros infectés les plus puissants. Dés le début et la mort d’un des personnages les plus emblématiques de l’univers DC (voir Spoiler plus haut), on est prévenu d’emblée : Dans DCeased, personne n’est à l’abri et le statut de personnage iconique ne protège en rien : Tout le monde peut périr à tout moment et c’est une sorte de pression constante durant toute la lecture du récit. Cette pression est dispensée de façon efficace au travers d’événements incongrus et assez étonnants, renforcé par une utilisation de scènes émotionnellement assez fortes. Tom Taylor réussi donc à instituer un véritable climat oppressant et désespéré, jouant avec le lecteur qui à chaque fois qu’il croit qu’une situation va s’arranger, va en fait de mal en pis. Sur ce point, DCeased est donc un véritable récit d’horreur dans le milieu super-héroïque, respectant le cahier des charges des deux médias qu’ils fusionnent : Tout en incluant des éléments de la mythologie DC, il respecte également tout les poncifs et passages obligés de ce genre de récit horrifique. Un bon travail de la part de Tom Taylor, malgré le fait que hormis la présence des super-héros, on se retrouve quand même face à un récit d’épidémie horrifique au déroulement assez classique mais fait avec respect et passion, ce qui rend au final la lecture très agréable et haletante malgré une trame général assez classique et prévisible.
Niveau dessins, Trevor Hairsine livre une prestation efficace et son style sombre, incisif et tranchant fait de lignes droites agressives et sa maîtrise de la dynamique font des merveilles, notamment lors des scènes de combats, particulièrement violentes et gores. Pas grand chose à ajouter, visuellement DCeased est très homogène, aucune baisse de qualité n’est à déplorer et même l’épisode spécial servant d’interlude insérer intelligemment au milieu de l’album par Urban et pourtant dessiné par une brochette d’artistes différents (notamment Laura Braga et Darrick Robertson) est visuellement très convainquant.

La comparaison avec Marvel Zombies est inévitable mais les deux séries sont clairement différentes et ne joue pas dans la même catégorie : Marvel Zombies était clairement dominé par une ambiance de série B emprunte de second degré qui du coup déconnectait un peu le lecteur de la gravité et de l’horreur de certaines scènes (ce que ne faisait pourtant pas son récit fondateur, l’arc originel de Ultimate Fantastic Four qui était clairement plus sombre et sérieux et du coup, plus proche niveau ambiance de DCeased).
Si Marvel Zombies était clairement inspiré de films de série B comme Le Retour des Morts Vivants, comme je le dis plus haut, DCeased revendique plus ses influences du coté des films d’épidémies comme The Crazies (George Romero, 1973) mais surtout 28 Jours Plus Tard (Danny Boyle, 2002), en y incluant parfaitement les codes inhérents du genre super-héroïque.
Malgré une trame assez classique, DCeased réussi à être un récit efficace, surprenant et bien illustré qui ravira les fans d’horreur et ceux qui recherchent des récits de super-héros un peu original et sortant des sentiers battus.
Même si DCeased est un récit qui se suffit à lui-même, il fut un beau succès pour DC qui décide quelques mois plus tard de remettre le couvert avec un spin-off, DCeased : Unkillables qui montre donc une autre facette de l’épidémie : Si DCeased montrait les super-héros face à l’épidémie, Unkillables va de son cotés montré comment les super-vilains se dépêtrent face à cette menace inédite.
Alors que l’épidémie ravage l’univers DC, Deathstroke exécute un de ses contrats et se retrouvent confronté aux infectés. Mais Deathstroke a une particularité, il est le premier à miraculeusement survivre à l’infection grâce à son facteur auto-guérisseur, il rejoint alors sa fille Ravager et tout deux sont contactés par Vandal Savage qui souhaitent réunir quelques vilains survivants (Notamment Solomon Grundy, Lady Shiva, Le Maître des Miroirs, Bane et Cheetah) sur une île afin d’ensuite repeupler la planète une fois la crise passée et accessoirement, gouverner cette nouvelle terre. Dans le même temps, Red Hood parcours Gotham en quête de survivants et croisent la route de Batgirl (Cassandra Cain) et du commissaire Gordon, retranchés dans un orphelinat. Ces deux groupes vont finir par se croiser et ces super-vilains vont devoir oubliés leur leurs instincts criminels et faire preuve d’altruisme afin de secourir les enfants encore présents dans l’orphelinat.

DCeased : Unkillables est une mini-série en 3 numéros publiée par DC Comics aux USA et en un volume par Urban Comics en France en 2020. Elle est écrite par Tom Taylor et dessinée par Karl Mostert. Il s’agit d’un spin-off se déroulant pendant les événements de la série DCeased, il peut néanmoins être lu indépendamment.
Après avoir décrit les événements de l’épidémie du point de vue des héros, ce nouveau chapitre nous montre donc cette crise du point de vue des vilains. Le profil des survivants est assez éparse et ce ne sont pas ceux que l’on attendait le plus qui ont été retenus par le scénariste mais ils sont judicieusement choisis et ce sont ceux ayant les méthodes les plus expéditives (Red Hood, Deathstroke, Ravager, Lady Shiva ou Deadshot), les plus puissants physiquement (Solomon Grundy, Bane et Cheetah) ou ayant la capacité de se protéger facilement (Creeper, Le Maître des Miroirs ou Captain Cold) qui sont présents.

Le personnage central de l’histoire est Red Hood et l’ensemble du récit tourne autour de lui et de quelques autres : La première partie décrit le plan de Vandal Savage pour profiter de la crise afin d’asseoir (enfin) sa domination sur le monde et la seconde partie les efforts des vilains pour sauver des enfants d’un orphelinat assiégé par des infectés.
Là où la première série DCeased tablait dans un premier temps sur les origines de l’épidémie et ensuite jouait sur les choix moraux des héros et les moyens à mettre en œuvre pour combattre l’épidémie, Unkillables est plus directe : Ici les origines du virus sont rapidement esquissés, et les personnages sont des vilains qui ne s’encombrent pas de choix moraux et sont plus direct dans leurs actes. J’avoue avoir beaucoup apprécié ce cotés plus cash que dans la série originale, dans Unkillables on est directement dans le feu de l’action et la folie de l’épidémie et comme dans tout bon récit de ce type, les origines de l’épidémie sont secondaires et c’est vraiment la survie des héros qui est mise au centre de l’histoire.

Cette situation de crise montre aussi ces vilains sous un jour inédit : Sans réels combats ni héros à affronter (Tom Taylor prend d’ailleurs soin dés le début de montrer que ces vilains sont désormais « débarrassés » de leurs rivaux héroïque), ces vilains se trouvent de nouveaux buts et sont donc forcés d’aller contre leur nature.
En montrant des personnages connus pour être des ennemis dangereux et violents d’une façon inédite, Tom Taylor signe un récit original qui ravira à coup sûr les amateurs (comme moi) de ces Némésis célèbres, une lecture plus que recommandée pour les admirateurs de ces bad guys du DC Universe.
Pour la partie artistique, c’est l’artiste sud-africain Karl Mostert qui s’en charge et il livre une prestation absolument fantastique : Son trait clair et détaillé (qui n’est pas sans rappelé Frank Quitely, j’ai même cru que c’était ce dernier quand j’ai feuilleté le livre en librairie) donne au récit un cachet réaliste certes très différent du travail de Trevor Hairsine sur la première série mais clairement très efficace, notamment dans les expressions des visages (Il faut voir le faciès haineux de la Wonder Woman infectée, absolument terrifiant !).

Visuellement, le style de Karl Mostert est aux antipodes de celui de Trevor Hairsine mais se révèle parfaitement adapté à l’histoire, un choix donc très judicieux.
DCeased : Unkillables est donc un spin-off de qualité, plus direct, montrant des vilains sous un jour nouveau et admirablement dessiné, loin d’être un simple complément à la série originale, c’est un récit d’horreur super-héroïque indépendant de qualité qui plairait aux amateurs et admirateurs des plus grands vilains de l’univers DC.
DCeased et DCeased : Unkillables disponibles en France chez Urban Comics depuis février et juillet 2020
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