Les Jeudis de l’Angoisse (des Comics) #64 : Clinton Road

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Il y a une grande tradition des lieux hantés dans la culture horrifique : Tous les bâtiments possible peuvent abriter un esprit, fantôme ou autre entité démoniaque (ou non). On a ainsi logiquement vu des habitations particulières devenir des lieux de hantise, mais aussi des hôtels, des hôpitaux et même des lieux plus incongrus comme des stations services ou même des toilettes. Plus simplement, tout endroit fréquenté par des êtres humains peut devenir le réceptacle d’événements étranges.
Le plus intéressant est que cette croyance du lieu maudit, enclin à abriter des phénomènes paranormaux ne se limite ni à notre époque, ni à nos sociétés occidentales : Dans le folklore des pays d’Afrique noire, ce genre d’histoire concernant des lieux maudits, hantés par des esprits malfaisant pullulent, de même qu’en Asie ou dans les pays d’Amérique du Sud et ce à toutes les époques.

De plus, les bâtiments ne sont pas les seuls concernés : Forêts, tunnels, cimetières et portions de routes peuvent aussi devenir le rendez-vous des fantômes (1).

Si en France on a notre légendaire Dame Blanche, aux États-Unis, un pays très friand de phénomènes de ce type, l’une des routes réputées comme étant l’une des plus hantées du pays est la Clinton Road dans le New Jersey et c’est à cet endroit qu’à choisi Vincenzo Balzano de situer l’action de son comic d’horreur sobrement intitulé… Clinton Road.

Avant de parler du livre en lui-même, intéressons-nous à la véritable Clinton Road et les phénomènes rapportés qui y ont lieu et ils sont nombreux !

« Don’t go round tonight
It’s bound to take your life
There’s a bad moon on the rise »

Creedence Clearwater Revival – Bad Moon Rising (1969)(2)

La Clinton Road est donc une portion de route de seize kilomètres située dans le comté de Passaic dans l’état du New Jersey. Elle commence à partir de la route nationale 23 non loin de Newfoundland et se fini au sud, au Lac Greenwood.

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Vous qui arrivez sur cette route…

Les premiers témoignages remontent au début du vingtième siècle, vers 1905. Cette année-là, un dénommé Richard Cross fait bâtir un manoir dans les collines environnantes pour y habiter avec sa femme et ces trois enfants. Plusieurs décennies plus tard, la maison fut abandonnée sans explications et ses occupants disparurent. La maison finie par tomber en ruines après avoir été ravagée par un incendie. Les ruines devinrent par la suite un lieu de rendez-vous des jeunes du coin pour organiser des fêtes ainsi que pour les randonneurs qui y pique-niquent régulièrement.

Seulement, de nombreux témoignages font état de malaises ou de personnes ayant vu apparaître de mystérieuses brûlures sur leurs corps suite à leurs visites en ce funeste lieu. D’autres y auraient eu des visions cauchemardesques ou auraient affirmer y avoir vu des symboles occultes apparaître sur les murs supposément inaccessibles.

Les ruines encore debout furent rasées en 1988 par le département des eaux et forêts de Newark car considérées comme une « attraction nuisible » mais les fondations sont toujours présentes et sont toujours un passage de choix pour les randonneurs.

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D’apparence une petite route tranquille, et pourtant…

L’autre phénomène récurrent et la rencontre qu’ont fait de nombreux promeneurs et randonneurs avec deux gardes forestiers. Les témoins affirment que ces deux gardes forestiers se sont montrés très affables et sympathiques, leurs prodiguant même des conseils sur la route à suivre ou les lieux à visiter ou à éviter… Sauf que les forêts des environs de Clinton Road ne sont plus sous l’autorité du département des eaux et forêts depuis des décennies. Ces deux rangers seraient selon la croyance populaire deux officiers ayant péri aux alentours du lac gelé Terrace Pond en 1939 durant leur service, devenu depuis un lieu de randonnée difficilement accessible mais très apprécié des randonneurs.

L’autre endroit de la route le plus disons, réputé, et le pont au garçon fantôme. Juste avant un virage surnommé « Dead Man’s Curve » (littéralement le « Virage de l’homme mort », tout un programme…), un petit pont enjambant un ruisseau serait habité par le fantôme d’un petit garçon s’étant tué en ayant chuté du pont. Plusieurs promeneurs ont témoigné avoir entendu des voix, pleurs ou rires d’un enfant en le traversant et on raconte que si on jette une pièce dans l’eau, elle vous ai mystérieusement renvoyée…

L’autre lieu très apprécié des promeneurs est une fameuse structure conique se situant dans la forêt à l’est de la route. Réputé comme étant un lieu de rites druidiques, on raconte que des événements étranges s’y produisent à proximité et qu’on y aurait surpris des sorcières ou des membres du Ku Klux Klan. Cette mystérieuse construction est en fait le reste d’un four issue d’une fonderie datant de la guerre d’indépendance, cette structure est d’ailleurs enregistré au registre des monuments nationaux sous le nom de « Clinton Furnace » depuis 1976 et est depuis quelques années clôturée afin de la protéger.

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Le fameux « site druidique »… En fait juste un vieux four

Les autres témoignages les plus récurrents sont ceux décrivant des véhicules fantômes : Le fameux « Phantom Truck » tout d’abord, un poids lourd tentant d’éblouir les automobilistes avec ses phares pour les faire sortir de la route et le plus souvent reporté et a inspirer de nombreux films et récits horrifiques ainsi qu’une légende urbaine très répandue. Des témoignages redondant signalent aussi une Camaro rouge conduite par une jeune femme qui surgissant de nulle part dépasserait les autres conducteurs à toute vitesse et très dangereusement, ce serait visiblement le fantôme d’une jeune conductrice décédée lors d’un accident en 1988.

Un pick-up noir, klaxonnant et faisant des appels de phares de façon insistante avant de disparaître est aussi souvent mentionné.

La route, plus particulièrement les bois alentours, fut aussi réputée pour être le lieu de prédilection pour faire disparaître les corps de victimes de la mafia ou des tueurs en série. Ainsi, en 1983, le corps d’un homme est retrouvé par un cycliste, étonné par la présence d’un vautour, l’homme découvrira le volatile en train de dévorer le corps. La victime sera identifiée comme étant Daniel Deppner un criminel local condamné pour vol de voitures et impliqué dans divers activités illégales avec la mafia. Lors de l’autopsie, des cristaux de glace furent découvert dans ses organes internes, signe que le corps fut congelé avant d’être abandonné. Ce modus operandi est la signature de Richard Kuklinski dit The Iceman, un tueur à gage de la mafia new-yorkaise, qui congelait les corps avant de s’en débarrasser afin de faire disparaître les preuves et que les enquêtes soient abandonnées plus rapidement.

Mais les témoignages les plus troublants sont ceux concernant des animaux étranges ayant été vus aux abords de la route. Des dizaines de témoignages décrivent des animaux étranges, ne ressemblant à aucune espèce connue se baladant aux abords de la route : Bipèdes, quadrupèdes, singes mal-formés ou hybrides, chaque témoignage décrit souvent une créature difforme qui rode aux abords de la route et s’enfuie dans les bois à l’approche des véhicules.

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Ce qu’il reste de l’entrée du parc zoologique, fermé dans les années 1970

Cette légende a pour fondation un parc zoologique construit aux environs de la route en 1966 par Warner Bros et fermé sans explications 10 ans plus tard. Des expériences étranges y auraient été pratiquées sur les 1500 animaux du parc et certaines de ces expériences se seraient échappées et vivraient maintenant dans les bois. C’est très fantaisiste mais avouons-le, très intéressant comme histoire.

D’autres témoignages signalent aussi la présence de mystérieux vagabonds grossièrement habillés qui arpentent la route et ne répondent jamais et continue de marcher, voir accélèrent le pas ou s’enfuient dans les bois lorsqu’on les interpellent.

Comme vous pouvez le constater, la Clinton Road, s’est un endroit pas vraiment engageant, propice à divers légendes urbaines et foisonnantes d’histoires locales.

Et c’est pourtant à cet endroit qu’à décidé de situer Vincenzo Balzano son comic d’horreur.

Vincenzo Balzano est un dessinateur italien ayant surtout travaillé pour l’éditeur Boom! Studio aux États-Unis, en compagnie du scénariste grec K.I. Zachopulos pour les graphic novels The Cloud en 2016 (l’histoire d’un jeune garçon voyageant dans un monde onirique) et Run Wild en 2018, l’histoire d’un frère et d’une sœur traversant un monde post-apocalyptique peuplé uniquement d’animaux afin de retrouver leur mère.

Clinton Road est le premier titre que Balzano signe seul, en tant que scénariste et dessinateur.

Clinton Road raconte l’histoire de John Morgan, le seul policier patrouillant sur la fameuse route. Depuis la disparition de son fils et la séparation d’avec sa femme, John vit seul, ruminant sa peine seul chez lui et passant ces journées entre le bar de Sam, ses patrouilles sur la route et les rencontres bizarres qu’il fait lors de ses journées de travail.

Durant une de ces patrouilles, John surprend des individus s’adonnant à des activités peu recommandables, s’ensuit un enchaînement d’événements qui vont repousser John dans ses retranchements psychologiques.

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John et Sam, son seul véritable contact humain sur la Clinton Road

Clinton Road est donc écrit et dessiné par Vincenzo Balzano, publié le 24 janvier 2020 en France par Ankama.

Visuellement, le style de Balzano est assez original : Clair, très aérien, les planches du dessinateur italien sont surréalistes, presque oniriques. Il se dégage du récit une ambiance brumeuse et vaporeuse qui n’est pas sans rappeler le travail d’un Ben Templesmith en moins sombre et moins malsain ou d’un Bill Sienkiewicz, la touche européenne (surtout au niveau des visages, très simplifiés) en plus.

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Un ours monumental ! Hommage au X-Factor de Sienkiewicz ? Pensez-vous.

Visuellement, c’est très original et même si au début j’ai eu un peu de mal à cerner et apprécier le style, après quelques pages, j’avoue être tombé sous le charme atypique de l’artiste.

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Une route bien brumeuse

Au niveau de l’histoire, il s’agit d’une histoire ma foi assez classique de rédemption sur fond de phénomènes paranormaux. On y retrouve des influences manifeste : Au niveau de l’ambiance brumeuse et mystérieuse, on pense de suite aux jeux vidéos Silent Hill ou à la série Twin Peaks et pour le scénario à un épisode de la série X-Files, la construction scénaristique étant de toute évidence très inspirée par ceux de cette série, filiation pleinement assumée avec une référence évidente à la fin du récit.

Enfin, Balzano cite et utilise avec succès et intelligence les différents faits recensés sur la route et les inclus dans son récit, prouvant que l’artiste s’est bien renseigné en écrivant son histoire.

Au final, Clinton Road est une lecture de très bonne facture : Joliment illustrée, le scénario est intelligemment écrit et comporte certains passages assez étonnant (le rêve de la baleine). On en ressort subjugué et interrogatif (la fin étant sujette à diverses interprétations), le seul reproche que je pourrais lui faire étant un déroulement un peu trop rapide et un enchaînement des événements un peu trop accéléré sur la fin.

Malgré ce menu défaut, c’est une lecture que je conseille aux amateurs de récits paranormaux et horrifiques. Si vous avez appréciés certains des comics dont j’ai déjà parlé ici (les liens sont plus bas), vous pouvez sans peine vous laissez tenter par Clinton Road.

1 : J’ai déjà parlé de comics narrant des aventures se passant dans des lieux étranges dans cette rubrique :

Silent Hill Sinner’s Reward : https://thelesbiangeek.com/2015/04/16/les-jeudis-de-langoisse-des-comics-6/

Aohkigahara, La Foret des Suicidés : https://thelesbiangeek.com/2015/06/18/les-jeudis-de-langoisse-des-comics-8/

Les légendes urbaines au Japon : https://thelesbiangeek.com/2018/05/03/49030/

2 :

Un commentaire sur “Les Jeudis de l’Angoisse (des Comics) #64 : Clinton Road

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  1. Article très enrichissant car je n’avais jamais entendu parler de la Clinton Road dans le New Jersey, ou alors j’avais lu des mentions obliques dans un comics ou autre sans comprendre à quoi ça faisait référence (comme pour la chanson Bad Moon Rising). Du coup toute la partie sur la véritable Clinton Road était une découverte, et était très intéressante. Merci.

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