Connu dans l’hexagone seulement au travers d’un film, le personnage cartoonesque à la tête verte et au sourire étincelant se voit offrir grâce aux éditions Delirium une traduction de ses aventures délirantes dans la langue de Molière. Bien loin des mimiques de Jim Carrey, l’œuvre originale se révèle bien plus burnée que sa version cinéma !
« In The Depths of a Mind Insane
Fantasy and Reality are the Same »Slayer – Dead Skin Mask, extrait de l’album Season in The Abyss (1990)
Le bouquin se décompose en trois parties distinctes, présentant trois porteurs du fameux masque magique : Le premier est Stanley Ipkiss (qui servira d’inspiration au personnage de Carrey dans le film), un loser dont le quotidien est surtout constitué d’une succession de déconvenues dans lesquelles il sert de paillasson à son entourage. De son garagiste au simple passant, tout le monde se fout de sa gueule, Stanley est un être pathétique qui refoule constamment une haine et une agressivité qui ne cherche qu’à exploser… Sans succès. Seule lumière dans la vie de Stanley, sa petite amie Katherine, jolie blonde pétillante et intelligente férue d’antiquités. Et c’est justement en voulant lui faire plaisir que Stanley lui offre un mystérieux masque. Convaincu que le masque lui parle, Stanley fini par le porter et se transforme en une créature cartoonesque, invulnérable et surpuissante. Stanley va très vite s’accommoder de ce nouveau statut et se servir de ces pouvoirs pour se venger de ceux qui lui ont marché sur les pieds.
Seconde partie, c’est cette fois-ci l’inspecteur de police Kellaway qui se retrouve en possession du fameux masque. Lassé de voir les malfrats s’en sortir toujours à grands coups de pots de vin, l’inspecteur fini par porter le masque et va se servir de son pouvoir pour faire régner la justice. Plus réfléchi et fort psychologiquement que son précédent propriétaire, Kellaway réussi à contrôler les excès du masque et refouler ses pulsions homicides… Mais pour combien de temps ?
Dernière partie, c’est cette fois-ci un petit malfrat du nom de Nunzio qui se retrouve à porter le masque. Petit, malingre, lâche et bègue, Nunzio est un moins que rien, la « victime » idéale pour le masque qui va le transformer en véritable gangster et laisser dans son sillage un nombre de cadavres impressionnant. Mais c’est sans compter les anciens propriétaires du masque, conscients du danger qu’il représente, ils vont tout faire pour stopper l’ascension meurtrière de Nunzio.
Écrit par John Arcudi et dessiné par Doug Mahnke, on retrouve donc ici les trois premières mini-séries consacrées à l’artefact magique. La première chose qui choque quand on ne connait que l’adaptation cinéma, c’est sans conteste sa violence extrême : Le masque ne recule devant rien, mitraille, démembre et fait montre d’un sadisme absolument démentiel envers ses victimes. Dans la première partie, celle consacrée à Ipkiss, c’est d’ailleurs assez intéressant de constater que John Arcudi arrive à subtilement jouer avec nos émotions : Au départ on est amusé par les facéties meurtrières du personnage, puis au fur et à mesure qu’il perd pied et se laisse aller aux pulsions du masque, Ipkiss fini par devenir réellement effrayant.
Dans la seconde partie, celle avec Kellaway, c’est un peu le même constat, mais vu autrement, Kellaway étant plus fort psychologiquement qu’Ipkiss, on suit surtout les efforts de l’inspecteur pour ne pas sombrer dans la même folie meurtrière que son précédent possesseur. Enfin, retour à la folie dans la dernière partie, Nunzio se laissant totalement posséder par le pouvoir du masque.
John Arcudi fait un boulot vraiment intéressant et malgré le rythme effréné des aventures du masque et des personnages qui gravitent autour de l’objet, malgré une prépondérance de scènes d’action d’une violence inouïe (ne vous laissez pas influencer par l’image du film, cette BD n’est clairement pas faite pour les jeunes lecteurs !) le travail sur la psychologie de ces personnages et surtout de quelle façon un grand pouvoir peut corrompre même le mieux intentionné des hommes (ou femmes) est très soigné et plus profond que le coté décérébré et défoulant qui pourrait paraître à la première lecture.
Niveau dessins, tout est réalisé par Doug Mahnke et il est assez impressionnant de constater l’évolution de l’artiste au fur et à mesure des pages : La première partie est assez perfectible et même si le talent de Mahnke est indéniable, les imperfections et l’inexpérience (notamment sur les visages des personnages) de l’artiste sont évidentes. Au fur et à mesure des pages et des deux autres parties, on constate avec grand plaisir les progrès de l’artiste. Les deux parties suivantes sont donc magnifiques, l’artiste ayant manifestement trouvé son style : Un style qui au final laisse pantois, très similaire à celui de Steve Dillon, notamment pour les visages et le trait épuré. Ne vous laissez donc pas décourager par l’aspect esthétique un peu décevant du premier chapitre, par la suite ça ne fait que s’arranger pour atteindre des sommets !
Surprenant, à la violence extrême, tour à tour jubilatoire, amusant, défoulant et effrayant, mais bien plus profond qu’il n’y parait, The Mask est une lecture hors norme.
Comme sa couverture, The Mask va vous donner un véritable coup de poing dans la tronche et vous laissera un souvenir impérissable, une lecture hautement recommandable, sublimée par une édition française de toute beauté à la traduction impeccable, le sérieux dont font preuve les éditions Delirium dans ce domaine n’étant plus à démontrer et en plus c’est pas cher : 26€ pour 250 pages de pure folie en hardcover et papier glacée, ça se refuse pas.
The Mask de John Arcudi et Doug Mahnke, disponible aux éditions Delirium depuis le 18 octobre 2019.
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