Les Jeudis de l’angoisse (des Geeks) #60 : la Saga Halloween, première partie

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Après une pause estivale bien méritée, les Jeudis reprennent leur rythme de croisière avec ce mois-ci la première partie d’un dossier consacré à une des sagas mythiques de l’horreur, Halloween et son boogeyman : Le terrifiant, inexpressif et monolithique Michael Myers ! Ne perdons pas de temps, parce qu’il y a du boulot et entrons directement dans le vif du sujet avec une petite présentation rapide de ce qu’est et de quoi parle la saga Halloween.

Halloween est une série de films d’horreur débutée en 1978 avec le film Halloween, La Nuit des Masques réalisé par le maître de la série B d’horreur, John Carpenter. Ce film raconte la nuit d’horreur que vont vivre plusieurs baby-sitters la nuit d’Halloween après qu’un psychopathe échappé d’un asile psychiatrique va tenter de les décimer une à une. Portant un masque blanc inexpressif et une combinaison de garagiste grise, le psychopathe nommé Michael Myers va faire régner la terreur la nuit d’Halloween dans la petite ville d’Haddonfield.

Halloween, La Nuit des Masques est considéré à juste titre comme le premier film d’horreur de type slasher de l’histoire du cinéma et va lancer cette mode qui durera plusieurs décennies. Aujourd’hui, le genre n’est présent dans les salles que de façon sporadique et fait surtout les choux gras des bacs à DVD au travers de films de série Z réalisés par d’obscurs studios spécialisés dans les films d’horreur fauchés.

Même si donner la paternité du genre à Halloween est une évidence, les historiens de l’horreur ne se gênerons pas de faire remarquer qu’il y a eu avant lui des précurseurs et que John Carpenter, aussi talentueux soit-il, s’est inspiré d’autres films : Pour les meurtres méthodiques et brutaux, les similitudes entre Halloween et La Baie Sanglante de Mario Bava (1971) sont évidentes et de nombreuses idées de réalisation, notamment la caméra subjective pour inclure le spectateur dans l’action, cacher l’identité du tueur et donner cette impression de voyeurisme morbide, utilisé dés le début du film, était déjà présente dans Black Christmas de Bob Clark (1974).
Quoi qu’il en soit, ce qui fera la différence entre Halloween et les autres films d’horreur dont il s’inspire, ce sera son succès, qui propulsera le genre dans le cercle très fermé des films de genre qui rapportent : Réalisé avec un budget de départ de 325 000 dollars, le film en rapportera plus de 40 millions aux États Unis et quasiment 30 millions à l’international, soit un total de 70 millions de dollars de bénéfices faisant d’Halloween un des films les plus rentables de l’histoire du cinéma.

Le producteur Moustapha Akkad réalisera bien vite qu’il tient là une véritable poule aux œufs d’or et contre l’avis de John Carpenter, va très vite mettre en route une suite qui en entraînera d’autre pour finir par faire de Halloween une des sagas les plus longues et prolifiques de l’histoire du cinéma d’horreur pour le meilleur… Et aussi très souvent pour le pire, comme vous allez pouvoir en juger dans les lignes qui vont suivre.

« Mr. Sandman, bring me a dream
Make him the cutest that I’ve ever seen
Give him the word that I’m not a rover
Then tell him that his lonesome nights are over
Sandman, I’m so alone
Don’t have nobody to call my own
Please turn on your magic beam
Mr. Sandman, bring me a dream ! »

The Chordettes, 1954 (6)

Halloween, La Nuit des Masques de John Carpenter (1978) : Le mythe fondateur

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Si on attribu souvent toute la réussite de Halloween à John Carpenter, c’est sous estim er l’importance de son producteur, Irwin Yablans. Suite à de nombreuses déconvenues avec Warner Bros puis Paramount, chez qui il était représentant, Yablans, de retour d’un marché du film, a l’idée d’un long métrage qui mettrait en scène un tueur qui s’en prendrait à des baby-sitters. Il a alors l’idée de proposer le projet à John Carpenter, jeune réalisateur à l’époque surtout connu pour son film Assaut (que Yablans avait représenté et vendu, notamment pour le marché européen). Carpenter accepte de réaliser le film à deux conditions : Une totale autonomie sur le tournage et le Final Cut, Yablans accepte, se rendant compte du talent du jeune réalisateur et ayant du coup trop peur de le voir partir chez un autre studio si il n’accède pas à ses exigences. John Carpenter et sa compagne de l’époque, Debra Hill, enthousiasmés par l’idée, se mettent alors à plancher sur un scénario. Yablans pense avoir trouvé une idée en or : Les spectateurs majoritaires pour les films d’horreur sont les adolescent(e)s, certaines sont eux-même baby-sitters ou en connaissent et l’identification avec les personnages serait facile, pour Yablans, qui à l’expérience du marché du cinéma de l’époque, c’est le genre de film qu’il aurait aimé proposé mais qui n’existait pas sur le marché.

Dix jours plus tard, Carpenter et Hill donnent un premier jet du scénario mais cette première mouture tient plus du thriller policier que du film d’horreur ; C’est alors que Irwin Yablans a de nouveau une illumination : Situer l’action du film pendant la fête d’Halloween ! Plus qu’une idée de contexte, ce simple changement de cadre va débloquer la créativité de John Carpenter : Celui-ci va alors se souvenir des fondements de la fête d’Halloween, celle d’une nuit où les morts reviennent sur terre, cette dimension surnaturelle, démoniaque originelle de cette fête va radicalement changer la façon d’aborder le script du film de la part de Debra Hill et John Carpenter. De tueur méthodique et motivé dans la première mouture, Michael Myers va devenir une sorte de légende urbaine et gagner son aura de « croque-mitaine » (Boogeyman en VO) grâce à ce simple changement. Des fondements surnaturels originels de la fête d’Halloween, il n’en sera pas question dans le film (L’accident Halloween III, Le Sang du Sorcier s’en chargera avec le résultat que les fans connaissent…) et l’influence sera plus mental qu’autre chose pour les deux scénaristes : Plus besoin de donner à Michael Myers une motivation, son statut de croque-mitaine en fait un être désincarné, symbole du mal absolu.

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Michael Myers traquant sa victime, une des images les plus emblématiques du film culte

De son coté, Yablans donne des instructions claires aux deux scénaristes : Il veut un film coup de poing. Pour lui le film doit être intense, ne pas lâcher le spectateur, le maintenir sous pression et le faire sursauter, un peu à la manière d’un train fantôme ou des émissions de radio à suspense des années 50. Ces émissions de radio auront d’ailleurs une influence considérable sur Halloween en tablant sur le concept que moins on en voit et plus c’est effrayant et que le spectateur doit avoir peur pas parce qu’il voit des choses, mais parce qu’il croit voir des choses.
Une équipe qui y croit, un réalisateur motivé et un producteur sûr de lui, c’est bien, mais il manque l’essentiel : L’argent ! Et là encore c’est à Irwin Yablans et ses relations que viendra la solution en la personne de Moustapha Akkad. Le réalisateur/Producteur/homme d’affaire syrien vient de débuter dans le monde du cinéma en ayant réalisé Le Message, un film retraçant la vie du prophète Mahomet, film qui fut distribué sur le sol américain par Irwin Yablans. Celui-ci lui présente alors le projet Halloween et Akkad est loin d’être enthousiasmé : Petit budget, réalisateur quasi inconnu, des données qui sont loin de rassurer le producteur… Yablans envoie alors Debra Hill et John Carpenter rencontrer Moustapha Akkad : Le réalisateur vend tellement bien le film qu’Akkad fini par céder, la décision finale se jouant sur un facteur décisif, Carpenter croit tellement à son film qu’il ne demande aucune rémunération et souhaite être payé avec un pourcentage de 10% sur les recettes.

Si Hill et Carpenter mettent beaucoup de sérieux à écrire le scénario d’Halloween, ils s’amusent aussi beaucoup à y glisser de nombreuses références : Ainsi le nom de chaque personnages sont soit de véritables noms de personnes que Hill et Carpenter connaissent (Ben Trammer et Laurie Strode sont les noms d’amis de Carpenter, Haddonfield, le nom de la ville où se situe l’action du film est celui de la ville natale de Debra Hill), plus amusant encore, le nom de Michael Myers est celui… du distributeur du film Assaut en Grande-Bretagne ! Ironie du sort, se sera ce même Michael Myers qui distribuera le film en Grande-Bretagne, distribuer un film dans lequel on porte le même nom que le tueur, c’est plutôt original ! Les autres personnages seront également nommés en hommage à plusieurs films que Carpenter apprécies : Ainsi le docteur Sam Loomis interprété par Donald Pleasence, sera nommé ainsi en hommage au fiancé du personnage de Janet Leigh dans Psychose. Même chose pour le shérif Leigh Bracket, nommé ainsi en référence à la romancière de science fiction du même nom et compagne du réalisateur Howard Hawks dont Carpenter est un fan absolu, alors quand il s’agit de diffuser dans Halloween un film à la télévision, c’est bien entendu The Thing de Howard Hawks que Carpenter choisi. Ultime hommage, le petit garçon que garde Laurie Strode est baptisé Tommy Doyle, en référence au policier du film Fenêtre sur Cour d’Alfred Hitchcock.

Les exigences de Carpenter sont surprenantes pour un réalisateur à l’époque quasi-inconnu : Liberté totale sur le tournage et Final-Cut comme précisé plus haut, mais aussi une avance de 10 000 dollars ainsi que, culot ultime, son nom précède celui du film ! Halloween devient alors John Carpenter’s Halloween, asseyant le fait que Carpenter à le contrôle total sur le film.
Du début à la fin du tournage, Carpenter aura donc le contrôle total du film, personne n’interféra, Moustapha Akkad leur laissera de plus une paix royale et laissera Yablans tout gérer à sa place, Akkad étant à l’époque trop occupé par une autre (super) production qu’il réalise, Le Lion du Désert et pour cause : Alors que Halloween a coûté un peu plus de 300 000 dollars, Le Lion du Désert en coûte plus de 35 millions, soit quasiment 100 fois plus : Halloween est donc un maigre investissement pour Akkad dont il se soucie guère.

Un scénario final, les fonds trouvés, ne manquait plus à notre trio de trouver l’équipe technique et les acteurs et pour cela ils ont un mois et demi. Debra Hill ne prendra pas de risques et embauchera Dean Cundey comme chef opérateur, dont elle a fait la connaissance sur des tournages de séries B et dont elle connait le professionnalisme sur les petites productions de ce type. Entre Cundey et Carpenter le courant passe tout de suite bien (1) et les deux hommes décident conjointement de tourner le film en Panavision à l’aide d’une steadycam, procédé encore peu utilisé à l’époque, Carpenter sera en fait l’un des premiers à l’utiliser, après Hal Ashby, Terence Malick et avant Stanley Kubrick sur son fameux Shining. Mais la location du matériel est cher et le budget et serré et là encore Carpenter et son équipe, bien loin de se laisser abattre, vont tirer profit de leur manque de moyens en jouant astucieusement avec les codes du cinéma d’horreur.

Avec leur budget ridicule de 300 000 dollars, impossible de s’offrir des acteurs connus, bien trop cher pour eux, à l’exception du rôle du Docteur Loomis : Debra Hill envoie des propositions à Christopher Lee et Peter Cushing, deux monstres sacrés de l’horreur de l’époque, qui refusent tout deux. Irwin Yablans (encore lui) a l’idée de contacter Donald Pleasence dont le rôle dans une production qu’il a représenté (Will Penny, Le Solitaire) l’avait impressionné. Mais Pleasence est assez reconnu et donc coûte cher : 25 000 dollars pour 5 jours de tournage, Yablans contacte Moustapha Akkad et le convainc d’allonger les dollars, Akkad accepte et Halloween trouve du même coup sa tête d’affiche. Pleasence deviendra par la suite un habitué des productions de Carpenter puisqu’on le retrouvera dans Prince des Ténèbres et New York 1997.

Pour la petite histoire, Christopher Lee rencontrera quelques années plus tard Pleasence et Carpenter et leur avouera qu’en ayant refusé Halloween, il avait fait l’une des plus grosses erreurs de sa carrière.

Pour le rôle de Laurie Strode, Carpenter pense d’abord à Anne Lockhart, jeune actrice s’étant fait un nom dans la série Galactica mais celle-ci refuse, prétextant ne plus vouloir jouer ce genre de rôle. Carpenter se rabat alors sur son plan B, Jamie Lee Curtis, qu’il a remarqué lors des castings, sans savoir que la jeune femme de 19 ans est en fait la fille de Janet Leigh (l’héroïne du film Psychose d’Alfred Hitchcock) et de l’acteur Tony Curtis ! Halloween récupérant dans son casting la fille de l’héroïne de Psychose, la boucle est bouclée !

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John carpenter et Jamie Lee Curtis sur le tournage de Halloween en 1978

Pour les autres rôles, Carpenter et Hill ne prendront pas là non plus de risques et recontacteront des interprètes de Assaut : Michael Cypher et Nancy Kyes notamment, qui respectivement tiendront les rôles du sherif Bracket et de sa fille, Annie, une des amies de Laurie. Le dernier rôle important du film sera tenu par P.J. Soles (déjà aperçu dans le Carrie Au Bal du Diable de Brian De Palma) dans le rôle de l’amie dévergondée de Laurie, Lynda.

Ne reste plus qu’a trouver qui se tiendra derrière le masque, c’est le cadet des soucis de Carpenter qui ne s’en soucie qu’au dernier moment. Il propose instinctivement le rôle à Nick Castle, un ancien camarade de lycée musicien.
Mais Nick Castle ne sera pas le seul à jouer Myers : Ainsi dans la scène d’ouverture en vue subjective, ce sont les mains de Debra Hill que l’on aperçoit, de même, John Carpenter, le directeur artistique Tommy Lee Wallace, le dresseur du berger allemand tué dans le film et deux cascadeurs pour la scène finale (Tony Moran et Jim Windburn), sur le tournage, toute l’équipe a au moins une fois joué Michael Myers.
Idem pour le masque, trouvé un peu à l’arrache dans une boutique : Il s’agit en fait d’un masque du capitaine de l’Enterprise de la série Star Trek, joué par William Shattner, dont les orbites seront élargis et la face repeinte en blanc !

Du maigre budget, John Carpenter, Debra Hill (bombardée productrice sous l’impulsion de Carpenter), Irwin Yablans et Dean Cundey vont alors tirer profit en en jouant : L’action se situe juste dans un seul quartier de la petite ville d’Haddonfield (en fait Pasadena en Californie), resserrant du coup le tournage et pouvant concentrer tout le matériel et l’équipe au même endroit. Tout le film se tournera dans les environs, la maison des Myers étant en fait une bicoque abandonnée que le propriétaire prêtera gracieusement à l’équipe.

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Dissimulé dans l’ombre, The Shape sait ménager ces effets pour terroriser ces victimes

Avec un budget serré, une équipe constitué d’à peine vingt personnes et un délai de tournage de 20 jours, toute l’équipe met la main à la pâte pour les besoins du film : Les costumes sont ainsi achetés chez JC Penney, une chaîne de magasin de vêtements discount et au besoin, certains acteurs dont Jamie Lee Curtis, portent parfois leurs propres vêtements à l’écran. Les figurants sont, là encore, les membres de l’équipe et les membres de leur famille : Par exemple, quand une scène nécessite la présence d’enfants, chaque membre de l’équipe de tournage débarque sur le tournage le lendemain avec sa progéniture (2) ! De même, les véhicules que l’on aperçoit dans le film sont les véhicules personnels de l’équipe : Une fois ces quatre jours de tournage terminés, la caravane de Donald Pleasence servira à stocker le matériel de tournage et même le pickup du traiteur est mis à contribution. Pour ce qui est des effets spéciaux, pas question de trucages élaborés, tout est fait en fonction des moyens du film, donc de façon limité, ce qui satisfait Carpenter qui préfère la suggestion au gore direct.

L’autre défi de l’équipe sera de donner une ambiance automnale aux lieux de tournage : Le film se tourne en mai, en Californie et l’équipe doit lui donner un air de froid moi d’octobre dans le midwest. Un véritable casse-tête pour l’équipe artistique qui va devoir rivaliser d’astuces : Déjà éviter de filmer les palmiers, arracher les feuilles des arbres et répandre partout des kilos de feuilles artificielles (à l’origine vertes et repeintes une à une en jaune pour les besoins du film), feuilles que l’équipe récupère soigneusement à chaque fin de journée de tournage pour les réutiliser le lendemain.

Autre problème, les citrouilles, dénichées non loin des lieux du tournage, des légumes à l’aspect « Pas terrible » selon Carpenter… Vaille que vaille, après les avoir repeintes en orange, l’illusion est parfaite.

Le 23 mai 1978, le tournage est terminé et le montage sera quasiment une formalité. Ce sera Tommy Lee Wallace, véritable homme à tout faire sur le film, qui s’en chargera et encore une fois, l’économie de moyens sera à l’avantage du film : Carpenter tourne peu de plans, privilégiant les plans longs pour instaurer une atmosphère lourde et selon le monteur, il n’y avait plus qu’à les coller ensemble.

Un second monteur, Charles Bornstein, interviendra de façon minime, Wallace confirmant que la version finale du montage est très proche de sa version.

Le film est présenté en avant-première dans la plus grande salle de Westwood Village, le quartier étudiant de Los Angeles. La projection est selon Yablans assez déroutante : Dans le cinéma bondé, une fois le générique de fin arrivé, les spectateurs rient et chahutent… Avant de tous se lever et de lui offrir une standing ovation ! Yablans, rassuré sur l’efficacité du film et fort de son expérience, décide de distribuer le film lui-même avec sa société, Compass International.

La renommée du film aux États-Unis se fera petit à petit, au fur et à mesure de sa diffusion, d’état en état. Succès que John Carpenter mettra un peu de temps à réaliser car le bonhomme, une fois le tournage terminé, sera déjà occupé par un autre projet, Le Roman d’Elvis, une série pour la chaîne ABC. Si le succès populaire du film lui échappe, le « succès » critique du film parvient jusqu’aux oreilles du réalisateur : Les critiques sont acerbes, brutales et parfois violentes, Carpenter est mortifié, voyant déjà sa carrière comme terminée… C’est en revoyant le film a New York que Carpenter se rend compte du succès de celui-ci : La salle est bondée, les spectateurs crient, sursautent au rythme du film, l’effet « Train fantôme » voulu par l’équipe du film fonctionne à merveille. Qualifié au départ de film stupide, ridicule et plus drôle qu’effrayant, il faudra attendre quelques semaines et sa plus large distribution pour que certains critiques commencent à reconnaître le film à sa juste valeur : Ainsi Pauline Kael du magazine Village Voice, dont le premier papier fut assez acerbe, le réévalue est en donne une critique plus favorable. La critique de Roger Ebert, critique cinéma hautement respecté aux États-Unis, dans le Chicago Sun-Times lui donnera une note de 4/4, qualifiant le film d’aussi efficace que le Psychose d’Alfred Hitchcock !

Le film devient par la suite un classique, l’inventeur du style « slasher » et est aujourd’hui unanimement reconnu comme un classique de l’horreur moderne.
Reconnaissance ultime, en 2006, le film est admis à la prestigieuse Bibliothèque du Congrès, l’institution fédérale de la culture américaine.

Son succès n’allait bien évidemment par rester sans suite, mais cette suite mettra un peu de temps à arriver, trop de temps…

Halloween, le montage TV : Pour quelques minutes de plus

En 1980, la chaîne NBC débourse 3 millions de dollars pour les droits de diffusion de Halloween. Néanmoins, pour les standards de la chaîne, le film est trop violent et se voit amputéer de quelques minutes : Toutes les (maigres) traces de sang sont supprimées et la scènes où PJ Soles montre ses seins passe également à la trappe. Afin d’arrondir les angles et de remplir tout les critères de diffusion (soit deux heures de film, dont 23 minutes de publicités), Irwin Yablans demande à John Carpenter de tourner quelques scènes supplémentaires. Au total, trois scènes seront tournées (Carpenter profitera d’ailleurs de la présence de Donald Pleasence sur le tournage de Halloween II pour tourner ces scènes) : Deux avec Donald Pleasence et une avec Jamie Lee Curtis. La première montre le Docteur Loomis débattant avec deux de ses confrères au maintient de Michael Myers en quartier de haute sécurité et l’autre montre le bon docteur s’entretenant avec Myers et découvrant ensuite la chambre de son patient en désordre avec l’inscription « Sister » (Sœur) sur la porte, faisant du coup un lien direct avec l’intrigue de Halloween II. Là où les deux premières scènes ont un (léger) intérêt pour l’intrigue, la dernière scène supplémentaire n’en a quasiment pas, montrant Jamie Lee Curtis et ses amies se préparant à leur future soirée d’horreur. Petite anecdote concernant cette scène, Jamie Lee Curtis a à l’époque du tournage de la scène les cheveux courts, Carpenter contournera ce changement capillaire en montrant l’actrice sortant de la douche, portant ainsi une serviette sur la tête.

Carpenter n’aime pas ces scènes, les qualifiant de « scènes à la con » n’apportant rien au film.

Halloween II de Rick Rosenthal (1981) : La suite douloureuse

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Le succès de Halloween est sans précédent et le slasher devient rapidement une manne pour les producteurs : Facile à faire et peu coûteux, les années 80 vont voir se multiplier les tueurs masqués. La plupart n’arriveront pas à la cheville artistique de leur modèle, ni même à avoir le même succès, à quelques exceptions prêts : En 1982, les deux premiers Vendredi 13 ont cassé la baraque et forte de son statut de nouvelle Scream Queen, Jamie Lee Curtis jouera dans deux autres slashers, Le Bal de L’horreur (Prom Night) de Paul Lynch en 1980 et Le Monstre du Train de Roger Spottiswoode également en 1980 (3).

Lorsque Halloween II est mis en chantier, les salles sont déjà pleine de tueurs masqués et il va falloir que le second opus marque vraiment sa différence pour se faire une place. Et malheureusement, les prémices du projet vont se révéler douloureux…

Logiquement, on fait appel à John Carpenter pour réaliser cette suite mais le réalisateur n’est pas vraiment emballé, et pour cause : Il est en effet en conflit avec Irwin Yablans, son producteur. Sans entrer dans les détails, d’un commun accord, Irwin Yablans et John Carpenter devaient faire le film suivant de Carpenter, Fog, ensemble mais Yablans apprend que le film est en projet chez un de ses concurrents, Embassy Pictures, la société de production de Bob Rehme. Revanchard, Yablans porte l’affaire devant les tribunaux : Carpenter rétorquera que si il est parti voir ailleurs, c’est que Yablans tarde à lui verser les royalties prévues dans son contrat pour Halloween et que certains des membres de l’équipe ayant travaillés sur Halloween, notamment Debra Hill, ont été pigeonnés par le producteur.

Au final un arrangement est trouvé : Fog se fera chez Embassy mais Carpenter doit s’acquitter d’un Halloween II pour Yablans et sa sa société Compass. Amer, Carpenter avouera que Halloween II s’est monté sur des considérations purement financières et pénales et qu’il est arrivé sur ce projet des suites d’un véritable « chantage ».

Fog terminé et New York 1997 sur le point de sortir, Carpenter se met à l’écriture du scénario de Halloween II. Néanmoins, même si il a cédé au chantage de Yablans, il n’en reste pas moins une forte tête : Certes il écrira Halloween II, demande également à le produire avec Debra Hill, mais ne le réalisera pas.

Carpenter choisi également le réalisateur : Il pense tout d’abord logiquement à Tommy Lee Wallace, son comparse sur le premier film. Mais Wallace refuse, ce dernier trouve d’une part le scénario mauvais, trop gore et du fait de son statut de suite directe, le film ne lui laisse pas d’alternative que de copier le style de Carpenter. Ne voulant pas souffrir de la comparaison avec son ami, Wallace passe son tour. Debra Hill est ensuite envisagé mais refuse elle aussi, de peur de paraître comme la protégée de Carpenter et de s’être fait pistonnée. Le choix final de Carpenter se portera finalement sur un parfait inconnu du nom de Rick Rosenthal, à l’époque auteur d’un petit court-métrage, The Toyer, racontant l’histoire d’une jeune femme traquée sans s’en rendre compte par un tueur psychopathe.

Pour ce qui est du scénario, Yablans propose à Carpenter l’idée d’une histoire se déroulant 4 ans plus tard dans un un immeuble de luxe dans lequel Michael Myers et Laurie Strode se retrouveraient de nouveau face à face : Carpenter n’approuve pas cette idée car trop proche du téléfilm Meurtre au 43éme étage qu’il a réalisé juste avant Halloween et lui préfère une suite directe, se déroulant directement après le premier film.

Alors que Laurie Strode est hospitalisée après les événements du premier film, la police est toujours activement à la recherche de Michael Myers. Celui-ci retrouve la trace de celle qui lui a échappée et investi l’hôpital, trucidant au passage tout ceux qui se présenteront sur son chemin.

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La pauvre Laurie vit deux nuits d’horreur d’affilée…

Un scénario basique, mais il faut néanmoins trouver une raison à l’acharnement du tueur pour sa malheureuse victime : Carpenter gardera l’idée de la scène supplémentaire qu’il avait tourné pour la version TV du premier Halloween en faisant de Laurie Strode la sœur cachée de Michael Myers, séparée de sa famille alors qu’elle était encore enfant. Une raison aussi alambiquée que surprenante, dont Carpenter n’est pas très fier, avouant que l’idée d’écrire ne l’emballait pas vraiment, il se donnait de l’inspiration en s’envoyant un pack de bières par cession d’écriture.

Niveau production, là encore, Irwin Yablans va faire montre de sa vénalité de façon plus que directe : A peine la nouvelle du tournage du film annoncée, le producteur Dino De Laurentiis appelle Yablans pour lui racheter les droits. Yablans, trop content de toucher un gros chèque, cède les droits au producteur italien et ce dernier pose même une option pour un éventuel Halloween III ! La réputation intrusive et destructive artistiquement parlant du producteur n’étant plus à prouver, la relative liberté de Carpenter et Hill aurait put s’arrêter aussi sec mais les deux producteurs, comme ils l’avaient fait avec Yablans pour le premier film, signent une clause de contrôle total artistique, Dino De Laurentiis ne se montrera donc pas sur le tournage, demandant juste à visionner les rushs, ce que Debra Hill refusera catégoriquement. Furieux, De Laurentiis exige quand même de voir les rushs, Debra Hill finira par céder mais maline, enverra au producteur 6 heures de rushs montrant des seconds rôles courant et hurlant dans des couloirs : Par la suite, De Laurentiis ne demandera plus à visionner quoi que se soit.

La mode est à l’époque est à la 3D et l’éventualité de tourner le film dans ce format est très fortement envisagée, avant d’être abandonnée pour des raisons de budget.

La mise en chantier et l’écriture du film furent déjà un sacerdoce, le tournage suivra logiquement : Sur le plateau, Rick Rosenthal a toute les peines du monde à se faire accepter, la faute à une équipe de techniciens déjà présente sur le premier film ou étant habitué à travailler avec John Carpenter qui voient en lui du fait de son inexpérience un bien piètre successeur au maître. Rosenthal ne fait rien pour faire évoluer son image et plutôt que de suivre les conseils de son équipe s’obstine à enchaîner les mauvais choix. Avec le temps, Rosenthal se coupe d’une partie de son équipe, n’écoutant que les demandes des producteurs et n’accordant sa confiance qu’aux membres de l’équipe qu’il a lui même choisi. La situation sur le tournage est explosive, au point qu’une partie de l’équipe « historique » des productions de John Carpenter menace de saboter le film.

La seule à prendre la défense de Rick Rosenthal est Jamie Lee Curtis, qui au regard de l’ambiance hostile du tournage, des nuisances sonore sur le plateau (un aéroport étant situé à proximité de l’hôpital où se tourne le film, le bruit incessant des passages d’avion gâcher régulièrement les prises) et un traitement de son personnage plus que minime, l’actrice avoue que, face à toutes ces difficultés, le réalisateur s’est plutôt bien débrouillé.

Le tournage et le montage terminés, John Carpenter assiste à la projection test du film et ne cache pas sa déception : Lent, prévisible et plat, Carpenter constate qu’aucune de ses recommandations et aucun de ses conseils n’ont été entendus… Il demande alors à Rick Rosenthal de revoir sa copie et de retourner en salle de montage pour sauver les meubles en faisant de Halloween II un film plus rythmé et plus en phase avec ce que le public voulait voir. A contre cœur, Rosenthal retourne en salle de montage accompagné de l’excellent monteur de James Cameron, Mark Goldblatt : Nouvelle déception pour Carpenter qui constate que le nouveau montage est quasiment identique au précédent et que quasiment rien n’a changé… Ce montage ne satisfait personne, même les spectateurs des projections tests qui trouvent le film trop lent et pas assez sanglant.

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Une infirmière bien trop jolie pour survivre à un film d’horreur…

Dépité, John Carpenter prend les choses en main et durant deux semaines va tenter de donner au film un rythme plus soutenu et dynamique en supprimant beaucoup de dialogues et en raccourcissant certaines scènes. Malgré cela, le résultat ne le satisfait toujours pas et profitant d’une pause dans le tournage de de son remake de The Thing et prétextant la fin du contrat de Rick Rosenthal, Carpenter va tourner de nouvelles scènes qu’il va inclure au film. Tout d’abord une séquence choc, pour lui essentielle au rythme du film, au tout début durant laquelle Myers massacre une jeune femme chez elle et une nouvelle fin : Alors que le film de Rosenthal se terminait sur un happy end durant laquelle Laurie Strode retrouvait Jimmy l’ambulancier (censé être mort), celle de Carpenter se veux plus pessimiste, montrant une superposition de Laurie, le regard vide et le cadavre de Michael Myers en train de brûler.

Peu fier de ce remontage, Carpenter avouera avoir fait ça à contrecœur pour sauver le film du naufrage, comprend la colère de Rosenthal, et admet qu’il n’aimerais pas qu’on lui fasse de même.

Halloween II fut donc un film au processus créatif douloureux, dont au final, à part les producteurs, n’a satisfait personne : Avec plus de 26 millions de dollars de bénéfice, le film à rapporté 10 fois que son budget initial qui était de 2,5 millions de dollars, poussant les producteurs à mettre en chantier un troisième opus au plus vite.

Halloween II, Le montage TV : Rajout et collage de bouts de ficelles.

Comme pour le premier opus, lors de son passage TV, Halloween II se voit gratifié d’un montage inédit pour sa diffusion à la télévision. Montage inédit, c’est vite dit, catastrophique serait plus adéquat… Certaines scènes sont ainsi remontées n’importe comment, l’ordre de certains plans changent, donnant un aspect chaotique et illogique à certaines scènes, à l’image de l’irruption de Michael Myers dans la maison du vieux couple au début du film (où il se retrouve tantôt dehors, tantôt dedans) ou le meurtre de Monsieur Garret dans l’hôpital, la future victime déambulant à l’extérieur du bâtiment, la scène est entrecoupée de plans montrant Michael Myers se promenant dans les couloirs de l’hôpital, ramassant un scalpel… Avant de réapparaître à l’extérieur (!?) et tuant monsieur Garret… Avec un marteau ! L’autre grosse différence eet le souci d’en atténuer la violence, rendant les meurtres totalement ridicules car réduit au strict minimum. Idem pour les dialogues vulgaires, redoublés pour l’occasion, voir dans certains cas, purement et simplement coupés !

Le principal intérêt de ce montage TV est sa fin : Si dans le montage cinéma, la fin choisie fut celle de John Carpenter, le montage TV exhume le happy end prévue à l’origine montrant Laurie et Jimmy se retrouvant dans l’ambulance.

Chaotique, illogique et édulcoré, le montage TV d’Halloween II, couplé à un panscan hideux, est un spectacle assez étonnant pour qui connait bien l’original : Une curiosité, à réserver aux fans les plus curieux.

Halloween III, Le Sang du Sorcier de Tommy Lee Wallace (1982) : Le spin-off du désastre

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Le succès commercial du second opus pousse donc les producteurs à rapidement remettre le couvert et ces derniers, pas le moins du monde gênés par l’expérience douloureuse que fut Halloween II, tapent à la porte de John Carpenter et Debra Hill.

Sur une idée de John Carpenter, choix est fait de laisser tomber Michael Myers pour partir vers un tout autre concept : Une série de film dont chaque opus présenterait des protagonistes et des histoires différentes, dont le seul lien serait la fête d’Halloween. Seul Irwin Yablans montre son désaccord sur ce concept, mais ce dernier s’écrase quand Dino De Laurentiis se montre enthousiaste, pensant que le changement de ton élargirai tle public.

Debra Hill suggère alors l’idée de fusionner technologie et sorcellerie, qui sera l’idée de base du film.

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Un message mortel dispensé par la télévision, une fête païenne : la recette de l’horreur pour ce troisième opus

John Carpenter rencontre alors Joe Dante au restaurant Universal et lui parle du projet Halloween III : Dante et emballé et conseille à Carpenter de faire appel à Nigel Kneale, un scénariste anglais, véritable pointure de la science fiction en Angleterre avec lequel Dante travaille actuellement sur un remake de La Créature du Lac Noir. Les choses se mettent en place : Carpenter produira le film, Dante le réalisera et Kneale écrira le scénario.

Mais Joe Dante déclare forfait lorsque Steven Spielberg lui propose de rejoindre son projet de films à sketchs basé sur la série La Quatrième Dimension. Carpenter pense alors aussitôt à son comparse de toujours, Tommy Lee Wallace, qui accepte aussitôt, surtout à cause du changement de ton de la série, étant du coup détaché du fait de devoir copier le style de John Carpenter.

Tout semble se profiler parfaitement, jusqu’à l’arrivée du premier scénario de Nigel Kneale, à peine six semaines après que le scénariste ait été missionné. Pourquoi si vite ? Tout simplement parce que Kneale a recyclé un ancien script qu’il avait écrit en 1965 pour la BBC, dans lequel un signal émis par la télévision poussait des adolescents au suicide.

Selon les dires de John Carpenter et Tommy Lee Wallace, le scénario de Nigel Kneale est intéressant, truffé de bonnes idées et d’humour noir typiquement anglais mais ne correspond pas vraiment au public américain, selon eux, un seul personnage sort du lot, celui de l’industriel irlandais Conal Cochran, le dirigeant d’une société produisant des jouets. Mécontent de l’aspect commercial qu’à pris cette fête, Cochran met alors au point un plan visant à piéger des masques d’Halloween qui mettront à mort ceux qui les porteront le soir d’Halloween en leur faisant regarder un message publicitaire à la télévision.

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Les fameux masques piégés

L’idée de départ est intéressante, mais le ton typiquement anglais de l’histoire déplaît à Carpenter et Wallace qui demande à Nigel Kneale de le réécrire en sa compagnie afin de satisfaire les attentes du public : A leur grande surprise, Kneale se montre particulièrement agressif, leur rétorquant qu’il est hors de question de changer le moindre mot et qu’il n’en a rien à foutre du public ! Cette intransigeance vient très certainement, selon Wallace, du fait que le projet du remake de La Créature du Lac Noir avait été annulé de façon abrupte par Universal : Kneale l’avait très mal pris et depuis se montrait très agressif à l’égard du système hollywoodien, il demandera d’ailleurs que son nom soit supprimé du générique de Halloween III.

Après avoir rencontré Nigel Kneale, Tommy Lee Wallace tombera de haut, même si il est un scénariste de talent, il décrit Kneale comme quelqu’un d’irascible, méchant et agressif.

John Carpenter et Tommy Lee Wallace continuent alors le projet sans Nigel Kneale et réécrivent massivement le scénario : Il n’en garde qu’à peine la moitié, réécrivant tout les dialogues et y ajoutent le vol d’une pierre de Stonehenge, dont les morceaux serviront à ensorceler les masques tueurs.

Le rôle du chef d’entreprise psychopathe est confié à Dan O’Herlihy (futur président de l’OCP dans RoboCop) et le rôle principal à Tom Atkins, déjà aperçu dans le Fog de Carpenter.

Le tournage se passe sans encombres, Tommy Lee Wallace étant particulièrement satisfait du résultat : Même si il était producteur sur le film, Carpenter laissa à Wallace le contrôle total du tournage, permettant au réalisateur de se l’approprier totalement et d’en faire « son » film.
Le tournage dure six semaines, avec un budget de 2,5 millions de dollars, soit exactement les mêmes conditions que Halloween II.

La fin pessimiste déplaît par contre beaucoup aux producteurs, mais sur les conseils de Carpenter, Wallace tient tête et c’est cette fin qui est conservée.

Si les créatifs aux commandes sont tous satisfaits du résultat final, le box office va brusquement les ramener à la réalité : Le film ne rapporte « que » 15 millions de dollars, les critiques sont assassines, aussi bien de la part des journalistes que du public. La faute a une campagne marketing trompeuse et une déception du public de ne pas voir de nouveau le masque de Michael Myers. A cotés de ça, Meurtres en trois Dimensions, le troisième opus de la saga Vendredi 13, sorti la même année et reposant sur la même formule que ces deux premiers opus, rapportera plus de 35 millions de dollars.

L’échec de Halloween III mettra un frein à l’idée d’un nouvel opus : Devant le peu de bénéfice du film, Moustapha Akkad exclura pour un temps l’éventualité d’une suite et il faudra attendre six ans pour voir la licence refaire surface.

Halloween III marque également la fin de la première période de la franchise, celle pilotée par Debrah Hill et John Carpenter.

Halloween 4, Le Retour de Michael Myers de Dwight H. Little (1988) : Et j’ai crié, crié, Michael ! Pour qu’il revienne !

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L’échec dHalloween III aura au moins un mérite, celui de faire comprendre clairement que Michael Myers doit impérativement revenir et que contrairement à ce que John Carpenter, Debra Hill et Moustapha Akkad pensaient, c’est ce que le public veut.

Résolu et un peu amer, John Carpenter n’est néanmoins pas prêt de laisser tomber sa création et ce malgré les pressions. Carpenter veut un Halloween dans le même style que les deux premiers, mais avec une approche différente : Trop occupé avec ses propres projets, il commande un scénario à Dennis Etchison, le romancier ayant novélisé les deux premiers Halloween ainsi que Fog, un autre film de Carpenter. L’approche de Etchison est originale : Plutôt que de faire réapparaître le tueur physiquement, Etchison a l’idée d’en faire une légende urbaine, dont ont ignore si il est vraiment réel ou pas. L’action se situerait 10 après après le second film, toujours à Haddonfield, ville dans laquelle la célébration de Halloween est désormais interdite, et les héros seraient Tommy Doyle et Lindsey Wallace, les deux enfants que gardait Laurie Strode durant la nuit du premier film.

Même si l’idée est intéressante est enthousiasmante, et qu’Etchison y croit dur comme fer (il livre trois versions du scénario), c’est lorsqu’il livre la dernière mouture du script que Debra Hill lui apprend que John Carpenter et elle-même ont revends leur part de la franchise à Moustapha Akkad, que son scénario ne fait pas parti du deal, et qu’Akkad est désormais seul maître du destin du tueur au maque blanc.

On entre donc de plein pied dans la seconde période de la franchise, celle durant laquelle Moustapha Akkad à tous les pouvoirs et connaissant la réputation du bonhomme, ce ne sera pas la joie…

Akkad et son nouvel associé, Paul Freeman, ont alors un but fixe, ne plus perdre de temps et faire revenir Michael Myers au plus vite sur les écrans. Le réalisateur est vite trouvé, ce sera Dwight H. Little, qui a à l’époque sur son CV trois séries Z fauchées. Le scénario de Etchison n’intéresse pas Akkad et Freeman car il le trouve trop cérébral, Dwight Little fera alors appel à un de ses amis, un certain Alan McElroy (dutur réalisateur de la sympathique série B d’horreur Détour Mortel en 2003), à l’époque scénariste débutant dont aucun projet ne s’est alors concrétisé. McElroy va alors livrer un scénario en un temps record : Quand on le contacte, la plus grande gréve des scénaristes de l’histoire d’Hollywood est sur le point de commencer, il a donc onze jours pour livrer son scénario ! Il s’acquitte néanmoins de sa tache, livrant un scénario se déroulant quelques années après les événements du second film.

Dans le scénario de McElroy, Myers et Loomis ont tout deux survécu à l’incendie final du second film : Myers est dans le coma et Loomis continue son bonhomme de chemin, gravement défiguré. Mais lors d’un transfert, Myers se réveille, trucide les infirmiers et repart à la chasse, s’en prenant cette fois-ci à sa nièce, Jamie Lloyd (époustouflante Danielle Harris, à l’époque jeune actrice de 11 ans qui est sans conteste le point fort du film), la fille de Laurie Strode (qu’on apprend décédée dans un accident de la route) et de… On ne sait pas qui et qu’elle a eu on ne sait pas quand non plus… McElroy ne s’embarrasse pas de détails et tient surtout à imposer de nouveaux personnages.

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La petite Jamie Lloyd, nouveau bouc émissaire de notre croque-mitaine

A l’époque, le slasher est à son apogée et plutôt que d’en reprendre les codes, Dwight little décide au contraire d’aller à contre-courant : Il privilégie le suspense et limite les effets gores, faisant baigneer le film dans une atmosphère sombre et « angoissante ». Il se documente beaucoup sur la fête de Halloween, ses codes visuels et son histoire, cette documentation aura notamment pour effet une séquence de générique aussi étrange que brillante, montrant une ferme abandonnée parsemée de citrouilles et d’épouvantails, réussie certes mais en décalage total avec l’ambiance du film, urbain et coloré…

L’économie de moyens et l’urgence du tournage se fera surtout ressentir sur les effets spéciaux et c’est le maquilleur Ken Horn qui va très largement en faire les frais : Contacté une journée avant le début du tournage, il est parachuté sur le plateau sans aucune préparation, sans équipe et doit improviser au jour le jour avec la matériel que la production lui fourni. Lui qui a déjà largement fait ses preuves avec des films comme La Colline à Des Yeux ou Tourist Trap se retrouve dans une situation inédite et particulièrement inconfortable.
En fait son rôle se limitera surtout à deux tâches précises, à savoir le masque de Michael Myers et le maquillage de grand brûlé de Donald Pleasence. Pour le masque du tueur, Horn doit utiliser celui du deuxième film : Le fournisseur s’est trompé en livrant des masques qui ne sont pas de la couleur demandée et n’ayant pas eu le temps d’en fabriquer un nouveau. Seulement l’acteur du second film et celui de ce nouvel opus n’ont pas la même forme de tête et Horn doit bricoler des attaches à l’aide de sparadrap pour que le masque corresponde à la morphologie du visage de l’acteur. Le comble, le cascadeur jouant le tueur, Tom Morga, suite à des dissensions avec la production, sera limogé du film et Ken Horn devra de nouveau réajuster le masque pour le nouvel acteur, George Wilbur.

Pour ce qui est du maquillage de Donald Pleasence, là, on touche quasiment au ridicule : Se rendant compte que rien n’a été prévu par la production pour ce type d’effet (Ken Horn n’a même pas de latex à sa disposition !), Horn doit bricoler sur le visage de l’acteur un effet pathétique à base de caoutchouc et de mastique acheté dans une boutique de bricolage… Le résultat est grotesque, l’ensemble de l’équipe blaguant sur le fait que le vénérable acteur se balade avec un œuf au plat sur la joue.

Mise au courant, la production finie par donner à Ken Horn de quoi faire un maquillage plus décent et demande à ce que la plupart des scènes soient retournés : Fausse bonne idée, le monteur ne saura plus sur quel pied danser et mélangera les prises des différentes versions des scènes et du coup, le pauvre Donald Pleasence se retrouve avec parfois un maquillage différent d’un plan à l’autre de la même scène…

- Halloween 4: Return of Michael Myers (1988) - Photo Credit: Unknown
Michael Myers est contre l’utilisation des armes à feu ! Tant mieux car dans Halloween 4, les impacts de balles, ça coûte trop cher !

Halloween 4 est ainsi constellé de bizarreries de tournage toutes plus aberrantes les unes que les autres, dues pour la plupart à l’urgence du tournage : Vous vous souvenez de l’anecdote sur l’erreur de couleur des masques commandés ? Et bien ces masques vont quand même apparaître dans le film ! Dans une des scènes de l’école, les plus observateurs remarqueront l’irruption furtive d’un Michael Myers blond au teint rose, l’un des fameux masques ayant été utilisé par erreur par le cascadeur. La faute à une heure tardive et une équipe de tournage épuisée qui ne remarquera rien. Pas le temps de retourner la scène, qui sera conservée…

Les impacts de balles ? Il n’y en aura pas non plus : Pas le temps non plus de les inclure. Les éclaboussures de sang sur la pauvre petite Jamie sont différentes d’un plan à l’autre ? Pas le temps non plus de corriger ça…

Le tournage terminé, le premier montage satisfait tout le monde, Akkad, Freeman et Little mais tout trois se rendent compte qu’il manque au film un détail important, du gore. Dwight Little fait alors appel à une de ses connaissances, le spécialiste des effets spéciaux John Carl Buechler (réalisateur du septième Vendredi 13 la même année, opus reconnu comme étant l’un des épisode ayant les effets spéciaux les plus réussis de la saga) qui désigne à quel moment des scènes gore doivent être incluses : Buechler les préparent en six jours et les tournent en une journée, efficacité totale.

Montage terminé, scènes gores incluses, le film sort et est un succès commercial à défaut d’être un succès critique : Le film aurait coûté un peu plus de 3 millions et en rapporte 18 millions, faisant de l’éventualité d’un Halloween 5 une certitude. Le film lancera la carrière de Dwight H. Little qui claironne avoir réalisé avec Halloween 4 le véritable Halloween III. Little signera par la suite quelques série B d’action, notamment avec Steven Steagal (Désigné pour Mourir), Brandon Lee (Rapid Fire) et le très honorable Meurtre à la Maison Blanche avec Wesley Snipes, ainsi qu’un nombre incalculable d’épisodes de série TV.

Halloween 5, La Revanche de Michael Myers de Dominique Othenin-Girard (1989) : Plus dure sera la chute…

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A peine le film rentré dans ses frais, Moustapha Akkad, satisfait des résultats au box office annonce l’arrivée d’un cinquième opus pour l’année suivante !

Pas de temps à perdre en fioritures, le quatrième film s’était fait dans l’urgence et il en sera de même pour celui-ci : L’action devra donc obligatoirement reprendre là où le quatrième s’était fini, à savoir Michael Myers criblé de balles tombant dans un puit abandonné et Jamie Lloyd poignardant sa mère adoptive sous l’impulsion télépathique démoniaque de son tonton psychopathe.

Le premier jet du scénario est signé Shem Bitterman qui établi dans sa version une sorte de compétition entre Jamie et Michael : Tout deux trucident à tour de bras, faisant explosé un compteur de bodycount à 35 meurtres ! Apparemment, le scénariste à compris que ce qui fonctionne dans un slasher, c’est le sang et va pousser cet aspect à l’extrême.

Le premier réalisateur envisagé est Jeff Burr, qui vient de signer un très piètre Massacre à la Tronçonneuse III mais ce dernier sera très vite écarté au profit de Dominique Othenin-Girard, une jeune réalisateur franco-suisse remarqué par Debra Hill lors du festival de Sundance.

Othenin-Girard voit Halloween 5 comme une aubaine et va pour se motiver visionner tout les autres Halloween, Massacre à la Tronçonneuse, Vendredi 13 et consorts afin de faire la meilleure impression possible devant Moustapha Akkad.

Surpris et enthousiasmé par l’énergie du jeune réalisateur, Akkad lui parle du scénario de Bitterman que Othenin rejette en bloc, le trouvant ridicule.

Du coup, Othenin-Girard projette une réécriture, qui échouera entre les mains Robert Harders, scénariste chevronné ayant travaillé avec Robert Altman et Brian De Palma. Nouveau scénario en poche, Othenin-Girard et Harders présente leur nouveau projet à Akkad : Foudroyé au fond de son puits, Michael Myers revient à la vie et est adopté par un gang de bikers qui en font leur homme de main… Confiant dans ses idées, Harders tombe de haut quand il apprend que toutes ces idées ont été rejetées.

Énervé, certainement à l’idée d’avoir perdu du temps, Akkad appelle l’agent de Dominique Othenin-Girard et le somme de demander au réalisateur un scénario plus en adéquation avec le schéma d’un Halloween classique. Ce sera chose faite avec un scénario de Michael Jacobs, un scénariste débutant qui a au moins le mérite d’avoir vu les précédents opus, ce qui n’était pas le cas de Robert Harders.

Jacobs accouche à vitesse grand V d’un scénario typique de slasher dont la seule originalité de l’intrigue est un lien télépathique entre le tueur et sa nièce. Pas vraiment très original, mais peu importe, Akkad ne peut plus se permettre de faire la fine bouche car l’échéance approche et le film doit impérativement être sur le écran le 31 octobre 1989.

Le tournage commence le premier mai 1989 dans la précipitation la plus totale, à tel point que lors des premières prises de vue, le scénario n’est pas encore terminé. Lorsque le tournage commence, Othenin-Girard est en communication constante avec son scénariste qui réécrit son histoire en fonction des aléas du tournage.

Comme pour Halloween 4, tout se fait dans l’urgence et Moustapha Akkad n’hésite pas à en rajouter une couche, parfois contre l’avis du réalisateur. Ainsi, si Dominique Othenin-Girard accepte pour la plupart du temps à contrecœur les idées du producteur, leur plus grosse bisbille viendra sur la scène d’ouverture : A la base, Othenin-Girard voulait que Myers soit recueilli par un marginal qui après avoir vu le masque de Myers, le prend pour un démon et lui voue une sorte de culte, créant un autel avec le masque devant lequel il prie à la résurrection du tueur, chose qui arrive, Myers trucidant sans état d’âme son « sauveur » dés son réveil. Trop alambiqué pour Akkad qui au lieu d’un marginal fanatique, préfère un vieux bonhomme qui parle à un perroquet… Othenin-Girard n’est pas chaud du tout pour cette scène d’ouverture et refuse de la tourner, pas grave pour Akkad qui demande à une seconde équipe de la tourner dans le dos du réalisateur. Cette scène en poche, Akkad fait pression sur le réalisateur et le somme de l’intégrer au film, sans quoi elle le sera, mais sans aucune modification : Amer, Othenin-Girard fini par céder et l’intègre tant bien que mal au film lors du montage.

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Michael Myers et le docteur Samuel Loomis : Ennemis à jamais

Mais les irruptions du producteur dans le tournage du film ne s’arrêtent pas là et il impose à quelques jours de la fin du tournage l’idée d’un mystérieux homme en noir déambulant dans les pas des méfaits de Michael Myers. Cette idée fut totalement gratuite, personne à l’époque, pas même Akkad ne savait qui il était ou à quoi pourrait bien servir ce mystérieux personnage. Akkad avouera plus tard l’avoir inclus pour se préparer une piste exploitable pour une éventuelle suite. Pour une fois l’intrusion du producteur sera plutôt bien vu, cet ajout se révélera par la suite plutôt bienvenue et ouvrira une porte pour l’intrigue du sixième opus.

Même si il pestera contre les intrusions d’Akkad lors du tournage, Dominique Othenin-Girard admettra quand même à posteriori qu’il a beaucoup appris du producteur mais qu’il aurait quand même aimé qu’il lui laisse un peu plus d’autonomie.

Deux grosses « erreurs » feront par contre pester les fans et celles-ci ne sont pas du fait de Akkad, mais bien de Othenin-Girard : Déjà l’ajout d’un tandem de policiers comiques complètement en décalage avec l’ambiance du film et la mort de la sœur adoptive de Jamie, Rachel, un personnage apprécié des fans qui sera tuée de façon expéditive et brusque, prenant le spectateur de court. Deux choix scénaristiques particulièrement discutables, qu’Akkad et Othenin-Girard avoueront comme étant des erreurs quelques années plus tard.

Si Dominique Othenin-Girard s’adapte tant bien que mal aux conditions de tournage, il y en a un autre pour qui ce n’est pas le cas et c’est Donald Pleasence. Mécontent du traitement de son personnage, le vétéran à l’époque âgé de 70 ans ne mâche pas ses mots : Considérant que le réalisateur tourne son propre Halloween et pas une suite, Pleasence lui reproche de le forcer à jouer le personnage de Loomis d’une façon trop différente des opus précédents. Les relations entre les deux hommes sont assez tendues mais l’un comme l’autre trouve des compromis, le calendrier ne permettant pas de s’étendre sur des dissensions, tout le monde le sait et chacun prend sur lui.

Malgré une ambiance de tournage similaire à celle de l’opus précédent, si il y a un point sur lequel diffère Halloween 5 d’Halloween 4, c’est sur les effets spéciaux : Fini le bricolage et les faux raccords, sur Halloween 5, c’est Greg Nicotero du studio KNB EFX qui s’occupe des maquillages. KNB, c’est déjà à l’époque une marque de professionnalisme et ironiquement, là où le 4 avait eu besoin d’une transfusion en urgence de gore additionnel, Halloween 5 va se voir amputer de la plupart des plans de ce type par le MPAA : Éventrement, crane explosé et giclées d’hémoglobine passent à la trappe pour éviter une classement X (interdit au moins de 18 ans) au profit d’un classement R (au moins de 17 ans accompagné d’un majeur)… Un comble pour un film dont les effets spéciaux sont parmi les plus soignés de la saga.

A la grande satisfaction de Moustapha Akkad, Halloween 5 arrive sur les écrans le 31 octobre 1989 et se prend une claque monumentale : Le slasher est sur le point de passer de mode et Halloween 5 sera une de ses premières victimes. Avec 11 millions de dollars de recettes pour 3 millions d’investis, Halloween 5 est un échec cuisant, marquant la fin de la seconde période de la saga et le début d’un repos forcé pour le tueur au masque immaculé.

Constat identique pour Jason Voorhees et Freddy Krueger la même année, le huitième opus de Vendredi 13 et cinquième de A Nightmare on Elm Street , en plus d’être des films d’une médiocrité gênantes, sont eux aussi des échecs.

Halloween 6, La Malédiction de Michael Myers de Joe Chappelle (1995) : Le film maudit.

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Jaquette du DVD / Blu-ray sorti en 2012

Halloween 6 est sans conteste l’épisode de la série qui a le plus souffert d’un development hell absolument consternant, dû principalement au rachat de la licence par un duo de producteurs à la réputation calamiteuse : Les frères Weinstein. Les frangins vont s’évertuer à mitrailler un film qui à la base, se révélait bien plus enthousiasmant que le résultat final. Retour sur une mésaventure mouvementée.

L’échec cuisant d’Halloween 5 va vacciner un temps Moustapha Akkad de remettre en chantier un nouvel Halloween. Néanmoins, il conclu au début des années 90 un accord de coproduction et de distribution avec Dimension Film, à l’époque une filiale de la société Miramax.

A savoir qu’à l’époque, New Line Cinéma, propriétaire du personnage de Freddy Krueger était également intéressé par la reprise de la destinée de Michael Myers : Pas grave, New Line récupérera ceux de Jason Voorhees et produira 3 série B gore à souhait avec le croque-mitaine de Crystal Lake (Jason Va En Enfer, Jason X et Freddy Vs Jason) tout à fait honorables.

Le but des Weinstein avec le rachat de la franchise Halloween (et d’autres, notamment Hellraiser et Children of The Corn) est clair : Faire de l’argent avec ces licences maudites qu’on croit finies.

Néanmoins, Akkad, tout de même toujours présent dans la destinée de la licence, a quelques exigences en ce qui concerne le sixième Halloween : Pour lui, le slasher est un genre fini et ce nouvel opus devra plutôt lorgner vers un style fantastique emprunt de surnaturel. L’autre point que Moustapha Akkad veut sera d’éclaircir la motivation de Michael Myers et établir une mythologie cohérente et exploitable autour du personnage.

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Pendant une courte période, il est envisagé que le film soit réalisé par Scott Spiegel (réalisateur à l’époque du très honnête slasher Intruder) sur un scénario de… Quentin Tarantino ! Mais devant des exigences trop onéreuses, Moustapha Akkad préfère mettre fin aux pourparlers avec le réalisateur, qui du coup emmène avec lui son ami scénariste. Pour des raisons de budget, Halloween 6 se fera donc sans Spiegel et Tarantino.

Étonnement, c’est le scénario d’un parfait inconnu, Daniel Farrands qui impressionne le plus Ramsey Thomas, le bras droit de Moustapha Akkad, le producteur est même tellement impressionné qu’il organise un rendez-vous entre cet outsider venu de nul part et l’éminent producteur : Farrands arrive au rendez-vous les bras chargés de carnets et de notes détaillant tout les aspects de la saga ! Sur le cul, les deux producteurs sont subjugués par les connaissances de cet inconnu et pour cause, Farrands est un fan inconditionnel de la saga, la connait sur le bout des doigts et s’est même déjà documenté sur certains points alors encore incertains du mythe, comme le mystérieux homme en noir du cinquième film et le signe qu’il arbore sur la main.

Akkad est intéressé mais trouve le tout tellement dense (Farrands pensait d’ailleurs faire tenir son script sur deux films), qu’il demande à Daniel Farrands de réécrire le tout pour que ça tienne en un film de 1h30.

Là encore Farrands a prit les devants puisqu’il a déjà écrit un scénario baptisé Halloween 666, sur l’idée que les méfaits de Michael Myers sont pilotés par une secte satanique baptisée le culte de Thorn.

Bien plus qu’une histoire de culte sanguinaire, le script de Farrands établi aussi des liens avec tous les autres personnages de la saga : Le docteur Loomis bien entendu mais aussi la famille Strode, Jamie Lloyd, Tommy Doyle et même certains personnages un peu oubliés, comme Terrence Wynn, le directeur de l’hôpital de Smith Grove que l’on aperçoit brièvement dans le premier film. Dans le script de Farrands, Wynn est le chef de la secte, et c’est lui qui a facilité l’évasion de Michael Myers dans le premier film, expliquant du coup avec quelle facilité ce dernier a put s’évader et savait même conduire ! Farrands a pensé à tout, son script est en parfaite adéquation avec la vision de Moustapha Akkad : Pour le producteur, Daniel Farrands est le scénariste qu’il cherchait.

Après une dizaine de réécritures, un script exploitable est prêt, ne reste plus qu’à trouver un réalisateur.

Scott Spiegel n’étant plus intéressé (on lui a à l’époque présenté un script assez mauvais écrit par Scott Rosenberg, script qui finira d’ailleurs très vite à la corbeille), des noms sont envisagés comme Fred Walton (Week-end de Terreur) et on parle même à un moment de Peter Jackson. Comme pour le choix du scénariste, c’est de façon surprenante (ou presque…) un quasi-inconnu du nom de Joe Chapelle qui est choisi : L’homme n’a qu’un seul film à son actif, Thieves Quartet, un film plutôt moyen mais qui fut réalisé pour une poignée de dollars, un argument qui pour tous les producteurs du monde vaut plus que n’importe quel autre…

Joe Chappelle négocie alors un contrat à son avantage : Il accepte de tourner Halloween 6 en échange de la promesse des Weinstein de produire deux autres films qu’il réalisera.

Joe Chappelle commence le tournage assez confiant en octobre 1994 à Salt Lake City et déchante rapidement : Dés le début du tournage, 1 millions de dollars du budget est sabré, sur les 5 millions de base… Plusieurs plans, notamment des vues aériennes, sont supprimés car jugés trop chers et beaucoup de scènes sont annulées, parfois quelques minutes avant le début de leur tournage. Sacrifice ultime, le tournage de certaines scènes de nuit sont annulées car les producteurs refusent… De payer des heures de nuit !

Daniel Farrands est dépité, voyant certaines des séquences qu’il avait créées et jugé efficaces et essentielles, comme une scène de meurtre en vue subjective renvoyant au premier meurtre de la saga, disparaître au fur et à mesure du tournage. Pour ce qui est de Joe Chappelle, il dit « Amen » à toute ces coupes, obnubilé par son contrat lui assurant la production de ces deux autres films chez Dimension : La passivité du réalisateur le perdra et le retour de bâton sera sévère puisque ces deux fameux films (Phantoms avec Ben Affleck et Rose McGowan ainsi que Cybertraque) seront des échecs retentissants.

Au casting, Donald Pleasence remet le couvert, amaigri et diminué car très malade à l’époque du tournage, l’acteur ne survivra pas assez longtemps pour voir le film sortir puisqu’il décédera en février 1995 : Suite à des remontages sauvages et le reshoots de nouvelles scènes (voir plus bas), le film sortira finalement en septembre de la même année.

Danielle Harris, qui interprétait Jamie Lloyd ne sera par contre pas de la partie et ce, encore une fois, pour des raisons de budget. Le cachet de la jeune actrice étant, selon les producteurs, trop élevé auquel il faut rajouter à cela un traitement de son personnage qui lui déplaît (elle devait mourir à la fin du premier acte pour réapparaître à la fin), et les dés furent jetés : Halloween 6 se fera sans la jeune actrice…

Dans le rôle de Tommy Doyle, les fans du MCU reconnaîtrons sans peine Paul Rudd , aujourd’hui populaire pour son rôle de Ant Man.

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Paul Rudd à ses débuts et Donald Pleasence dans son dernier rôle

Après un tournage chaotique et tendu, que ce soit entre les membres de l’équipe du film (certains acteurs/actrices, notamment Marianne Hagan qui joue Kara Strode, sont très remontés contre Joe Chapelle, Hagan reprochant au réalisateur de céder trop facilement aux exigences des Weinstein et de « S’en foutre du film qu’il est en train de tourner ») et même les producteurs entre eux (les relations entre Moustapha Akkad et Bob Weinstein notamment, sont glaciales), le film est finalement monté et projeté une première fois lors d’une projection test. Là encore le public choisi est stupéfiant : La plupart sont des adolescents d’à peine 16 ans, soit clairement pas le public visé ! Présente durant cette projection test, Marianne Hagan proteste contre le choix de ce public, en vain…

Sans surprise, la projection est un désastre, les retours de ce « panel représentatif » sont désastreux et c’est le branle-bas de combat : Joe Chappelle, accompagné d’un nouveau scénariste (Randy Ravich), reprend quasiment tout le film à zéro, récupère ce qui peut l’être du montage original, supprime toute référence à la secte de Thorn et le remplace par de vagues allusions à des expériences génétiques. De nouvelles scènes sont tournées en catastrophe dans un hôpital désaffecté de Los Angeles, la date de sortie approchant inévitablement.

Plusieurs scènes tournées avec Donald Pleasence sont supprimées (l’acteur étant décédé il est impossible d’en retourner d’autres et donc de les enchaîner logiquement avec les anciennes), notamment une scène finale où le docteur Wynn transmettait le pouvoir de contrôle de Michael Myers au docteur Loomis.

C’est un film complètement remanié, dont le montage tient plus du bricolage de fortune que d’un véritable travail de cinéma qui sort sur les écrans le 19 septembre 1995 : Toutes les personnes ayant travaillé sur le film sont consternées du résultat, Daniel Farrands en tête, qui est littéralement scandalisé, ne reconnaissant plus son script qui se limite maintenant à un bête slasher enchaînant les séquences gore… Certaines scènes sont illogiques, le film est constellé de plot holes incompréhensibles (pourquoi Myers est en liberté au début ? Qui est le père du bébé de Jamie Lloyd ? Qui est Kara Strode ?) et son développement chaotique et ses coupes budgétaire se ressentent quasiment à chaque scènes : La réalisation est pleine de facilités dignes d’un téléfilm, il est flagrant que certains acteurs n’y croient pas et certains meurtres tiennent du grand guignol (la mort « explosive » du père Strode, ridicule…) : Un véritable gâchis, pour un film qui partait pourtant sur d’excellentes bases.

Malgré son development hell ahurissant, le film sort à la date prévue et contre toute attente est un succès commercial : Les fans se sont mobilisés, impatients après quasiment 6 ans de disette de pouvoir enfin revoir le tueur au masque blafard sur grand écran. Si les dollars rentrent (le film rapporte plus de 15 millions de dollars, pour un budget d’à peine 4 millions et fera un carton lors de son exploitation vidéo (4)), les critiques sont assassines, le film gagne rapidement la réputation de « pire film de la saga » et devient très vite l’exemple et le bouc émissaire favori des mauvaises langues pour prouver que le slasher est un genre bel et bien fini…

Les critiques, les Weinstein s’en tapent, pour eux le plus important est que le film fut au final assez rentable pour qu’une suite soit envisagée et que le masque blanc fasse de nouveau rentrer les billets verts dans leur escarcelle. Une suite se profile rapidement et à la grande surprise des fans de l’original, Jamie Lee Curtis sera de la partie !

Halloween 6 : La version Unrated Producer’s Cut ou la version fantôme

Dés que les fans ont eu vent des difficultés de tournage d’Halloween 6 et de l’existence d’un montage différent, ils se sont inévitablement mobilisés pour que soit exhumé cette version. Peine perdue, les producteurs refusent en bloc toutes les demandes et autres pétitions visant à rendre public ce montage inconnu (ils nient même durant longtemps son existence) et pourtant, selon Daniel Farrand, ce montage serait beaucoup plus proche de ce qu’aurait dû être Halloween 6 (le scénariste précisant malgré tout que cette version est tout de même très loin de coller à sa vision initiale de l’histoire).

Avec le temps, son existence, bien que niée par les producteurs, est un secret de polichinelle : Cette version circule en VHS sous le manteau depuis quelques années, moi même j’en entend parler dés le début des années 2000 et fini par me la procurer quelques années plus tard par l’ami d’un ami qui me revend une VHS d’une qualité dégueulasse, en VO non sous-titrée, qui se révèle en fait être le repiquage d’un DivX téléchargé sur le net et transféré sur une VHS… Peu importe, j’ai le saint Graal, je le regarde et je peux enfin voir ces fameuses scènes : Mon anglais de l’époque est lamentable, j’y gaule rien, l’image est immonde mais peu importe, je l’ai vu !

Je suis d’ailleurs légèrement déçu : Hormis le premier et dernier acte, très différent de la version cinéma, l’ensemble du film, surtout son second acte, à Haddonfield, ne comporte que peu de différences, principalement des dialogues rallongés.

Le début du film par contre explore un peu plus l’emprise qu’à la secte sur Michael Myers et donne une autre version de la fuite de Jamie Lloyd. Idem pour la fin, plus complète et plus accès sur l’aspect surnaturel voulu au départ du projet qui voit Tommy Doyle combattre le tueur masqué à grand coup de runes, expliquant donc le pourquoi de la fascination du jeune homme pour ces pierres lors d’une scène du montage cinéma.

Malgré tout ces ajouts, il ne faut malheureusement pas se leurrer : Même dans cette version, Halloween 6 reste un film médiocre, ce montage, même si il est plus explicatif scénaristiquement parlant que le charcutage opéré à l’initiative des Weinstein, ne le sauve pas…

Mené par Daniel Farrand et après plus de vingt ans de lutte avec les différents repreneurs de Dimension et Miramax, le combat du scénariste prend fin en 2015 lorsqu’il fait appel en désespoir de cause à Malek Akkad, le fils de Moustapha Akkad, qui accepte de l’aider : L’homme fait jouer ses contacts et le montage maudit sort finalement aux États-Unis en blu-ray chez Scream Factory (5).

Suite et fin le mois prochain de ce dossier consacré à la saga Halloween : Retour sur les cinq autres opus de la saga, les timelines différentes et les innombrables comics consacrés à l’univers du tueur au masque blanchâtre !

1 : Tellement bien que Carpenter réengagera Cundey pour ses productions suivantes, notamment Fog, New York 1997, The Thing et Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin.

2 : L’enfant que stoppe Myers dans sa course au début du film n’est autre que le propre fils d’Irwin Yablans.

3 : Un film qui comporte le caméo le plus improbable qui soit, celui du magicien David Copperfield, dans son propre rôle !

4 : Le film tardera par contre à se voir exploité à l’international : Par exemple, il arrivera directement en VHS en France en 1998, soit plus de trois ans après sa sortie aux États-Unis et ne sortira en DVD conjointement à sa sortie Blu-Ray en 2012, laissant pendant 14 ans un trou dans la dvdéthéque des fanas de films d’horreur.

5 : Le blu-ray américain comporte d’ailleurs des sous-titres français.

6 :

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