Gunnm : Retour sur un manga phénomène

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Gunnm, c’est un des mangas qui historiquement a participé à faire connaître ce style en France, que ce soit sa version papier (éditée par Glénat) ou sa version animée qui fut l’une des sorties les plus appréciées du fameux catalogue kiosque VHS (puis DVD) Manga Mania, Gunnm est dans le cœur des fans d’animation japonaise, et ayant découvert ce style dans les années 90, une œuvre mythique, une madeleine de Proust, un peu à la manière de Dragon Ball Z, mais pour connaisseurs un peu plus éclairés.

L’arrivée de son adaptation live au cinéma avait donc de quoi susciter la méfiance, voir l’hostilité, surtout pour les « vieux » fans (dont je fais partie) où le concept de nostalgie est quelque chose de sacré, d’autant plus quand cette adaptation est chapeautée par un studio américain, produit par un américain, réalisée par un américain, avec des acteurs occidentaux, le chauvinisme nostalgique et typique des fans les plus assidus à tendance à volontairement ou involontairement faire surface dans ce genre de cas.

Comme je l’ai déjà souvent dit ici, la nostalgie n’est pas un critère qui pour moi entre en compte quand il s’agit de juger une œuvre, bien au contraire, la nostalgie a même tendance à plus souvent biaiser les avis et j’essaye le plus souvent de ne pas me laisser influencer par mes propres souvenirs et ressentis passés quand je donne mon avis et c’est encore aujourd’hui ce que je vais tenter de faire.

Alors, Alita : Battle Angel, bonne ou mauvaise adaptation, bon ou mauvais film ? Réponse dans les lignes qui suivent mais avant, petit retour rapide sur cette œuvre majeure du manga et sur son indissociable héroïne.

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Gunnm est donc un manga de science-fiction, se situant dans un univers dystopique : Dans un futur proche, une météorite est entrée en collision avec la Terre, amenant l’humanité au bord de l’extinction. Suite à cette catastrophe, les quelques humains survivants sont divisés en deux catégories : Les premiers, les plus riches et les plus intelligents, vivent dans une cité en suspension en orbite autour de la Terre, Zalem et les autres, les plus pauvres, vivent en dessous, sur ce qu’il reste de la Terre, soit dans le désert qui recouvre une bonne partie de la planète, soit sous Zalem, à Kuzutetsu (surnommée lacharge), une sorte d’immense ville à mi-chemin entre la mégalopole et le bidonville sur laquelle Zalem déverse régulièrement ses ordures.

A Kuzutestsu, la vie est très difficile : La ville est très violente, il n’y a pas de police et le crime n’est régulé que par les nombreux chasseurs de primes payés par le consortium, un organisme géré par Zalem.

La cybernétisation est également la norme pour s’en sortir, les frais médicaux étant trop chers, la plupart des gens préfèrent se faire poser des implants mécaniques, parfois jusqu’à l’extrême, certains n’ayant d’ailleurs d’humain plus que leur tête.

C’est dans cet environnement que vit Daisuke Ido, un médecin cybernéticien qui pour soigner ses patients, fait souvent son marché en pièces détachées dans les ordures déversées par Zalem. Durant une de ses escapades dans la Décharge, il découvre une partie de buste et la tête d’une cyborg en piteux état mais montrant malgré tout encore des signes de vie.

Une trouvaille peu commune qui va changer leurs vies à tout deux

Il la ramène chez lui et la répare, lui donne un nouveau corps et la prénomme Gally. Mais la jeune cyborg est amnésique et va vite montrer de très vifs talents pour le combat en devenant une des chasseuses de primes les plus efficace de la Décharge.

Mais ses talents vont très vite attiser la curiosité de gens plus ou moins bien intentionnés et révéler le passé oublié de Gally, passé apparemment plutôt sombre et violent.

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Gally montre très vite des qualités hors du commun pour le combat

Gunnm est donc un manga, écrit et dessiné par Yukito Kishiro, publié au Japon dans le magazine Business Jump de novembre 1990 à mars 1995, puis en 9 volumes reliés.
En France, il est publié à partir de mars 1995 chez Glénat. En avril 1996, Glénat le publie également en kiosque, sous forme de petit livres (ce fut le cas également pour Dragon Ball), cette édition comptera 22 numéros. La série a souvent été rééditée en France, la dernière édition en date, la plus fidèle à ce jour (c’est la première fois qu’elle est publiée en France en sens de lecture japonais), fut publiée d’octobre 2016 à mars 2018 sous le titre Gunnm Édition Originale.

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Couverture du premier tome de la dernière édition en date de la série originale

A noter qu’une édition grand format en 6 volumes fut également publiée en France, cette édition est agrémentée de nombreux bonus mais son chapitre final est différent, modifié par l’auteur afin de mieux faire le lien avec la série suivante, Last Order (1).
De base Gunnm aurait dû être plus long et une seconde série devant se dérouler dans l’espace fut un temps évoquée par l’auteur. Néanmoins, suite à de nombreux problèmes personnels, l’auteur mettra fin prématurément à la série, d’où la conclusion plutôt abrupte du dernier tome et son épilogue, chapitre d’ailleurs renié quelques années plus tard par son auteur qui demandera même à ce qu’il soit modifié dans certaines éditions, notamment l’édition grand format (voir plus haut).
Il faudra attendre 5 ans pour enfin voir arriver la suite « spatiale » des aventures de Gally, dans la série Gunnm : Last Order.

Avant de parler de Last Order, il est nécessaire de parler du jeu vidéo Gunnm (sous-titré Martian Memories) car aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est dans celui-ci que se trouve les prémices de cette seconde série de Gunnm.

Beaucoup l’ignorent, mais il existe donc un jeu vidéo adaptant la série originale.

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La jaquette du jeu vidéo, dessinée par Yukito Kishiro lui même

Il s’agit d’un action-rpg en 3D : Même si à l’origine l’auteur voulait un RPG à l’ancienne, en 2D avec un système de combat au tour par tour (à la manière des premiers Final Fantasy), la société Banpresto, en charge de la réalisation du jeu, réussira à convaincre Yukito Kishiro d’utiliser ce système plus moderne et plus attractif.

Le développement du jeu commence en 1995, pour une sortie prévue sur Playstation en 1997 mais suite à des problèmes de production, le jeu est repoussé et sort finalement en août 1998.

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La phase d’exploration : Le joueur découvre Kuzutetsu

On y incarne donc Gally, et le jeu se décompose en deux types de phase : Des phases d’exploration et des phases de combats. Le joueur prend des contrats de chasseur de prime et avec l’argent gagné peut acheter des armes et des améliorations pour le corps de Gally, ces deux types de phase sont entrecoupées de mini-jeux, notamment le Motor Ball.

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Exemple de phase de combats : Gally affronte Jashugan

Le jeu suit assez fidèlement la trame de la série originale et surtout y ajoute de nombreux éléments, particulièrement dans sa dernière partie : La fin est différente de celle du manga, plus en adéquation avec celle que l’auteur avait en tête avant de devoir l’abréger suite à ses problèmes personnels.

Ce jeu vidéo est très intéressant pour un fan pour plusieurs raisons : La première est celle énoncée plus haut, à savoir que la fin est plus fidèle à celle que l’auteur voulait vraiment pour le manga papier. Ensuite, on y apprend des éléments de l’histoire de Gally qui n’ont pas été révélés dans le manga, notamment sa naissance sur Mars et les origines du Deckman rebelle, le numéro 50.

Le jeu reçoit de nombreuses reviews positives, ses notes oscillant en moyenne entre 7 et 8 sur 10 mais ne sera jamais distribué ailleurs qu’au Japon…

Juste un petit mot rapide sur le roman Gunnm (lui aussi publié exclusivement au Japon) : Ce roman adapte la série originale très fidèlement et est écrts par Yasuhisa Kawamura, un ancien collaborateur de Yukito Kishiro, ayant travaillé avec lui sur Gunnm. Le roman inclus deux personnages inédits (Calico et Norinco) et est illustré par plusieurs dessins en couleurs réalisées spécialement pour le roman par Yukito Kishiro (2).

Puisque j’en parle plus haut, la série originale a donc eu deux suites, la première est Gunnm : Last Order qui fait directement suite à la série originale (faisant plus ou moins abstraction du chapitre final de la série originale).

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Couverture de la dernière édition en date de Last Order

Last Order est une sorte de suite alternative et prend pour point de départ la fin du chapitre 51 du manga original et fait donc abstraction du chapitre Final Fight et de l’épilogue : Suite à un piège tendu par Desty Nova, Gally est désintégré par l’explosion du laboratoire de ce dernier, mais Nova récupère des morceaux de son cerveau, les ramènent sur Zalem et la ressuscite au moyen de nanomachines, sa spécialité scientifique.

Gally se réveille donc à Zalem et découvre la cité en ruine, jonchée des cadavres des habitants, y compris celui du docteur Desty Nova ! Gally va donc devoir découvrir ce qui s’est passé à Zalem et part à la recherche de ses amis, notamment Lou.

Même si le début se passe à Zalem, l’histoire se dirige très vite vers l’espace et explore les origines du monde Gunnm. Une très longue partie de Last Order est consacré à un tournoi d’arts martiaux spatial, le Z.O.T.T., avec en parallèle toujours cet approfondissement des origines de cet univers.

Durant la série, Gally découvre que d’autres humains ont quitté la Terre après la chute de la météorite et vivent désormais sur différentes planètes du système solaire dans des colonies.
Un autre personnage féminin fort et essentiel à l’univers de Gunnm fait également son apparition dans Last Order, la vampire Vilma.

Last Order est assez différent au niveau de l’ambiance comparé à la première série : On a là un univers qui laisse de coté l’aspect cybernétique (Gally a un corps définitif et performant, l‘Imaginos et n’en changera plus) et est plus accès space-opéra que post-apocalyptique.

Last Order est plus long que la série originale (la série compte 19 tomes) et a eu une histoire éditoriale plutôt chaotique…
Sans rentrer dans les détails, alors que l’auteur travaillait sur le centième numéro de Last Order, son éditeur de l’époque (Shueisha) lui demanda de retravailler les textes de la série originale pour une future nouvelle édition. Kishiro refuse dans un premier temps, préférant se consacrer au numéro 100 de Last Order mais sous la pression fini par accepter : Cette charge de travail finira par épuiser l’auteur qui devra à contre cœur mettre la série en pause pendant quasiment 1 an.
Fâché avec son ancien éditeur, il décide de le quitter et de transférer tout ses travaux chez un autre éditeur, Kodansha.

En France la répercussion de ce changement d’éditeur aura pour influence de voir Glénat (l’éditeur de la série historique en France) perdre la licence. Glénat sera alors forcé de détruire tout les exemplaires encore en stock (on parle de 100 000 exemplaires)…
Heureusement pour les lecteurs français, un accord est trouvé avec le nouvel éditeur japonais, Kodansha, et la publication de Last Order put continuer. Mais les effets de ces mésaventures se feront ressentir : Quasiment deux ans séparent la sortie du tome 15 et 16 et la collection change de maquette en cours de route (les volumes sortis sous l’ancien format seront néanmoins réédités avec la nouvelle maquette) mais plus grave, les traducteurs seront également changés, entraînant des erreurs entre les deux éditions, (l’ancienne et la nouvelle, sous-titrée NE pour « Nouvelle Édition ») notamment au niveau de l’orthographe des noms des personnages et des lieux…

Si visuellement, Last Order reste en tout point admirable grâce au talent de son auteur, niveau histoire, le récit à tendance à souvent traîner en longueur, notamment le fameux tournoi d’arts martiaux spatial et ses affrontements sans fin. Cette suite sera d’ailleurs décriée par beaucoup de fans, lui reprochant un aspect trop shonen, similaire à des mangas de combats comme Naruto ou Dragon Ball.

Gunnm : Last Order a eu trois éditions différentes en France : La première (inachevée) comporte 15 volumes, la seconde (Nouvelle Édition, avec jaquette à effet métallisée) est complète et compte 19 volumes. Depuis quelques mois, une troisième édition, sous-titrée Édition Originale (sur le modèle de celle de la série originale) est en cours de publication : Cette édition devrait compter 10 volumes chaque volume reprenant deux tomes de la précédente édition. C’est également, et comme pour la série originale, la première fois que Last Order est publié en France dans le sens de lecture japonais.

Partant sur la base des idées sur la jeunesse de Gally, déjà abordées dans le jeu vidéo et dans les flashbacks de Last Order, Yukito Kishiro commence la réalisation d’une troisième série Gunnm en octobre 2014.
Cette nouvelle série, sous-titrée Mars Chronicles (sous-titre qui n’est pas sans rappeler celui du jeu vidéo au passage) et une série à deux objectifs : Le premier est d’être une suite directe à Last Order et le deuxième est de faire toute la lumière sur les origines et l’enfance de Gally sur la planète Mars, son amie d’enfance Erika, son entraînement au Panzerkunst et les guerres martiennes.
Le premier tome (que j’avais d’ailleurs chroniqué ici Review de Mars Chronicles) est un long flashback sur l’enfance de Gally et Erika sur Mars, au moment où les guerres martiennes font encore rage.

Cette série est encore à l’heure où j’écris ces lignes en cours de publication en France, impossible donc de donner un avis global (d’un point de vue personnel, je peux néanmoins affirmer que j’apprécie plus la lecture de Mars Chronicles que celle de Last Order.).

Gunnm à également eu droit à de nombreuses histoires courtes et récits bonus, dispatchés assez aléatoirement dans les différentes éditions de la série originale, en voici un rapide tour d’horizon.

La première histoire courte est Iron Fist, il s’agit d’un one shot d’une douzaine de pages. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une histoire se déroulant dans l’univers de Gunnm mais elle comporte les prémices de ce que sera la série : On y voit un personnage ressemblant à Ido se battant avec un marteau à réacteur contre des criminels dans un environnement rappelant la Décharge. Cette histoire courte est disponible gratuitement sur le site de Yukito Kishiro, mais uniquement en japonais.
Cette histoire fut réalisée par Kishiro pour un de ses amis, fan du groupe Motörhead afin de servir de « clip » pour le titre. La typographie du titre de l’histoire est d’ailleurs directement inspiré de celle du nom du groupe (5).
Cette histoire est lisible ici, sur le site officiel de Yukito Kishiro : Iron Fist (pour ceux qui ne comprennent pas le japonais, cliquez sur le second onglet orange à gauche puis sur le dernier en gris pour accéder à l’histoire)

La seconde est intitulée Warmen et est également disponible gratuitement sur le site de Yukito Kishiro, cette fois-ci en japonais et en anglais. Même si là encore le lien avec Gunnm n’est pas de prime abord évident (l’histoire a été réalisée en 1984 et publiée en 1988, donc bien avant le premier chapitre de Gunnm), on y retrouve là encore les prémices de nombreux thèmes qui seront développés dans Gunnm comme l’asservissement à la technologie, la guerre etc. Les vaisseaux qu’on y aperçoit ressemblent aussi énormément au Léviathan de Gunnm.
A noter qu’un cyborg appartenant à l’armée de Jupiter similaire à ceux de cette histoire apparaît dans le jeu vidéo Gunnm : Martian Memory.
L’histoire est lisible ici en anglais, dans la rubrique Other Works : Warmen

Le premier véritable spin-off de Gunnm est Ashman, une histoire racontant l’histoire de Snev, un concurrent du Motor Ball qui depuis qu’il a accidentellement tué un spectateur est incapable de finir une course, devenant la risée de ce sport. Il continue malgré tout de participer, jusqu’à ce que ses défaites lasse son sponsor qui fini par le renvoyer. Snev rentre chez lui pour découvrir que sa colocataire, une prostitué du nom de Beretta, a été assassinée.

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Couverture de la première édition française de Ashman

Beretta étant son seul soutient, Snev se met alors en quête du meurtrier.

La plus grosse différence entre Gunnm et Ashman est le style graphique utilisé : dans Gunnm, Yukito Kishiro utilise un style de dessin très fin et très détaillé, dans Ashman son style est plus simple et est principalement constitué d’aplats de noir et blanc. Selon les dires de l’auteur, il s’agit d’un hommage à Frank Miller (l’auteur de Sin City) dont il est un grand fan.

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Ashman a un style graphique très différent de la série Gunnm

Ashman est une histoire sombre et violente, se déroulant plusieurs mois avant l’arrivée de Gally, on y retrouve notamment un personnage en commun, Megil Le Pharmacien, que Gally chassera après qu’il se soit transformé en loup-garou en s’injectant une drogue (dans le tome 2 de Gunnm).

Ashman a été publié deux fois en France : Une première fois au format manga en 2003 puis dans un format plus grand en 2009, lors de la réédition de Last Order.
Quelque soit l’édition, Ashman est un manga rare et coûte assez cher aujourd’hui, donc si vous avez la chance de le trouver, profitez-en.

En plus du style graphique de Ashman, Kishiro rendra régulièrement hommage à Frank Miller dans de nombreuses scènes de Gunnm, notamment une durant laquelle Gally affronte un groupe de ninjas, cette scène étant très inspirée (certaines vignettes sont quasiment identiques) par la scène du cimetière de Elektra Lives Again.

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Comme un petit air de déjà-vu ? A gauche une vignette de Elektra Lives Again de Frank Miller (1990) et à droite une vignette du tome 5 de Gunnm (1994)

Le second spin-off est intitulé Other Stories et est une compilation d’histoires plus ou moins courtes se déroulant dans l’univers de Gunnm, durant la série originale mais ayant pour protagonistes d’autres personnages. A l’origine, il s’agissait de petits livres accompagnant des figurines en résine et vendues exclusivement au Japon.
Le livre compile donc 4 histoires, plus ou moins longues.

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Couverture française de Gunnm : Other Stories

La première, intitulée Douce Nuit (Gunnm Gaiden en VO) à pour héros Ido et se déroule quelques mois après son exclusion de Zalem. Cette histoire en révèle beaucoup sur le passé de Ido, les origines du prénom de Gally et pourquoi il est devenu cyber-chirurgien et chasseur de primes.

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Ido exécute un de ces premiers contrats de chasseur de primes

Cette histoire avait précédemment était publiée en France dans l’édition grand format de Gunnm.
Dans la seconde histoire, intitulée Le Doigt Sonique, on retrouve Gally et une bande de chasseurs de prime, menant une chasse dans La Décharge. Cette histoire se situe chronologiquement peu après la fin de l’arc du Motor Ball et avant le combat entre Gally et Zapan.

Visuellement, cette histoire fut surtout un test pour Yukito Kishiro qui s’essaya a de nouveaux effets visuels pour la première fois. Ce fut également la première fois qu’il utilisa Photoshop pour retravailler ces planches.

La troisième est titrée Origines et raconte les origines d’un personnage que les fans apprécient beaucoup pour son cotés humoristique, le Deckman 50. C’est une histoire surprenante, assez touchante, quasiment sans parole, se déroulant peu après les débuts de Gally en tant qu’agent Tuned.
C’est la seconde fois que les origines du Deckman 50 sont racontées, elles avaient déjà été rapidement abordée dans le jeu vidéo.

Cette histoire est basée sur une idée de Yasuhisa Kawamura, un des assistants de Kishiro et auteur de l’adaptation en roman de Gunnm.

Enfin la dernière histoire met en scène Koyomi et est intitulée Barjack Rhapsody : La jeune journaliste, amie de Gally, mène une enquête sur le retour de Den, le leader du mouvement rebelle du Barjack. Koyomi était une grande admiratrice et amie de Den et veut faire toute la vérité sur ce retour plus que suspect.

Cette histoire est intéressante car elle permet de mieux cerner le personnage de Koyomi, son lien avec Den et au terme de l’histoire, elle en ressort plus forte et grandie. De mon point de vue, avec Douce Nuit, c’est l’une des histoires les plus intéressantes du recueil.
C’est la seule histoire du recueil se déroulant dans l’univers de Last Order, elle se situe à peu près entre les tomes deux et trois. 
A noter que les premières pages de cette histoire, magnifiques, sont en couleurs.

Other Stories a étaé édité deux fois en France : Une première fois durant la première édition (inachevée) de Last Order en 2009 et plus récemment dans le cadre de la nouvelle édition de cette même série, ce tome fait d’ailleurs office de « lien » entre les deux rééditions « Édition Originale » des séries Gunnm et Last Order. Les principales différences entre les deux éditions étant une nouvelle traduction et le sens de lecture japonais.

Pour finir cette partie consacrée au manga papier Gunnm, signalons au passage qu’en 2016, Glénat a publié en France le magnifique artbook de Yukito Kishiro, Ars Magna.
Ce livre grand format reprend la quasi-totalité des illustrations, couvertures et illustrations promotionnelles entre autres, principalement en couleurs mais aussi certaines en noir et blanc réalisées par l’auteur. On y retrouve celles des trois sagas Gunnm mais aussi celle du second manga de l’auteur, Aqua Knight.
C’est un livre superbe, indispensable pour tout les fans de Gunnm.

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Si Gunnm est devenu si populaire en France, c’est en grande partie grâce à son adaptation animée qui comme je le dis plus haut, fut célèbre en étant un des fer de lance de la collection kiosque Manga Mania, dès le second numéro, juste après l’excellente adaptation du jeu vidéo Street Fighter II.

D’abord en VHS en 1995, puis en DVD en 2001, cet animé fut donc largement diffusé en France et joua beaucoup sur la popularité du manga dans notre pays, impossible donc de ne pas revenir dessus, d’autant plus que le film de Robert Rodriguez lui emprunte énormément d’éléments, pour la plupart exclusifs à cette adaptation animée.
Focus donc sur cet OAV
(3), son histoire et ses différences avec le manga original.

L’animé adapte le premier arc du manga, à savoir les origines de Gally, ses débuts en tant que chasseur de prime et son histoire d’amour avec Yugo, ce qui correspond à peu de choses près au deux premiers tomes du manga. Contrairement à ce que pouvais laisser penser la version VHS, il ne s’agit pas d’un seul film, mais de deux OAV d’une vingtaine de minutes chacunes, mises bout à bout pour faire un seul film.

L’histoire est donc la même que celle du manga papier (et du film de Robert Rodriguez du coup) : Alors qu’il fouille dans la Décharge, le professeur Daisuke Ido trouve une tête de cyborg miraculeusement encore en vie. Il la répare, lui donne un nouveau corps et la baptise Gally.

Gally est amnésique et est adoptée par Ido mais très vite, va montrer de grandes prédispositions pour le combat, laissant sous-entendre qu’elle était une grande guerrière dans sa vie antérieure. Elle se lie d’amitié avec un jeune garçon nommé Yugo, dont le rêve et d’aller vivre sur Zalem, une mystérieuse cité inaccessible suspendue au dessus de la Décharge. Mais pour cela, Yugo a besoin d’argent et Gally va mettre à profit ses talents au combat pour l’aider à gagner la somme nécessaire pour se rendre sur Zalem en devenant chasseuse de prime.
Mais
cela n’est pas aussi simple qu’il n’y parait et Gally et Yugo vont très vite le comprendre.

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Jaquette du DVD français de Gunnm

Les deux OAV (titrés Rusty Angel et Tears Sign) sont réalisées par Hiroshi Fukutomi, et supervisées par Rintaro.
Rintaro est un réalisateur aguerri ayant déjà travaillé sur les séries Astro Boy, Le Roi Léo, Albator et Galaxy Express 999. Il a également réalisé (entre autre) les excellents films L’Épée de Kamui (1985) et Métropolis (2001). La musique est de Kaoru Wada et le character design est signé Nobuteru Yuki, célèbre pour sa participation à l’animé d’héroïque fantasy Chroniques de la Guerre de Lodoss.

Le scénario a été réécrit par Akinori Endo et Rintaro est comporte de nombreuses différences avec le manga original : Un personnage inédit, une femme nommée Shiren, amie de Ido, elle aussi une ancienne habitante de Zalem est ajouté et beaucoup de personnages sont différents. Si Gally, Ido, Yugo et Vector sont identiques à leurs versions de papier, les méchants sont différents, ainsi Makaku est renommé Guryushika et n’a plus grand chose à voir avec sa version de papier, beaucoup de personnages voient leurs rôles réduits à de simples caméos (notamment Zapan, Gonz et Zariki) alors que d’autres gagnent en épaisseur, notamment Gime, qui change drastiquement de comportement et de look. Dans un autre registre, le style de combat de Gally, le Panzerkunst, n’est jamais mentionné dans l’animé alors que dans le manga papier et le film, Ido le reconnait instantanément.

Les origines de Gally dans sa version animée

L’autre grosse différence est la façon dont Gally se retrouve affublé du corps du Berzerker : Dans le manga, c’est Ido qui découvre ce corps dans une épave alors que dans l’animé, il est sous entendu qu’il l’a créé de toutes pièces.

Gally affronte Gime dans l’animé, un personnage bien différent de sa version de papier

Globalement, les deux OAV sont plutôt réussie : On retrouve bien l’ambiance du manga, le doublage comme la musique sont de qualité et ils recevront globalement de bonnes critiques. L’animation est de plus très réussie, réussissant à bien retranscrire l’impression de vitesse typique des dessins de Yukito Kishiro.
Ce dernier fut d’ailleurs satisfait de cette adaptation, même si il n’eut que peu d’influence sur leurs développements, trop occupé par le manga papier (toujours en cours de publication au moment de la réalisation de cette adaptation) il se contenta simplement de donner son accord après avoir vu les story boards.
Il reconnait par contre que la plupart de ses recommandations et idées n’ont pas été retenues mais que globalement, l’équipe a fait du bon travail.

A noter que le doublage français est très réussi, on y retrouve des voix connues comme celle de Véronique Soufflet (Paige dans Charmed) pour la voix de Gally, George Caudron (Fox Mulder dans X-Files) pour la voix de Ido ou Jean Barney (J.J. Jameson dans les Spider-Man de Sam Raimi) : Oui, c’était l’époque où on demandait encore à des doubleurs professionnels de doubler les mangas…

Ange dans la vie, démon dans la bataille : Le double visage de Gally

Personnellement, j’aime beaucoup cet animé, c’est grâce à lui que j’ai découvert l’univers de Gunnm mais je reconnais qu’il est un peu décevant sur certains points : Certains personnages sont à peine esquissés et surtout il est beaucoup trop court et se fini sur une fin ouverte, d’autant plus frustrante qu’il n’y aura probablement jamais de suite, Yukito Kishiro ayant souvent répété qu’aucun autre projet d’adaptation animé de Gunnm n’était envisagé, l’auteur préférant se concentrer sur le manga papier.

Au chapitre des bizarreries typiquement japonaises, notons l’existence de deux albums reprenant les musiques de l’animé et certains dialogues : Gunnm, Image Album et Gunnm, Another Story.

Le premier est un drama album (une sorte de livre audio), reprenant les dialogues et musiques de l’animé et le second reprend une nouvelle fois les musiques et chansons avec en plus deux pistes audio, racontant une histoire inédite.
Inutile de préciser que ces deux CDs sont entièrement en japonais.

Gunnm est une œuvre emblématique du manga, que ce soit pour son histoire, résolument novatrice, son univers très marqué à mi-chemin entre post-apocalyptique et cyberpunk, le tout richement référencé, certains aspects scientifiques et philosophique de l’histoire étant souvent expliqué par des appendices et des notes en marges des planches ou lors de chapitres bonus.

Visuellement, le style de Yukito Kishiro est immédiatement reconnaissable : Ses personnages et environnements sont extrêmement détaillés et il excelle dans la représentation des mouvements, la dynamique des corps et de la vitesse, notamment durant les scènes de combats et d’action. La partie consacré au sport futuriste, le Motor Ball, le prouve avec brio.

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Toute la maîtrise de la dynamique et du mouvement de Kishiro sur deux pages !

Mais surtout ce qui va marquer les esprits, c’est la caractérisation de son héroïne : Véritable femme forte, battante, courageuse, charismatique et malgré son corps robotique, bien plus humaine que les êtres de chair et de sang, Gally va très vite devenir une héroïne très appréciée des lecteurs et souvent citée comme référence.

Avec toute ces qualités, pas étonnant qu’une adaptation en film live soit rapidement envisagée et après un development hell long de plusieurs années, c’est finalement le 13 février 2019 qu’arrive enfin en France l’adaptation de Gunnm sur grand écran, renommé Alita : Battle Angel, cette adaptation tient elle toutes ces promesses où à l’image de celle de Ghost In The Shell, s’agit-il d’un pur produit marketing ? Réponse de suite.

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Petite mise au point avant de commencer : Depuis le début je vous parle de Gunnm et de son héroïne Gally, alors que le film s’appelle Battle Angel et son héroïne est nommée Alita (6). Pourquoi une telle différence de noms entre l’œuvre originale et son adaptation filmée ? Tout simplement une histoire de localisation : Battle Angel, c’est tout simplement le nom de la traduction américaine de Gunnm et Alita le nom de Gally dans la-dite version américaine.
La raison de ces changements de noms n’est pas clair, et chaque personne impliquée dans la version américaine de Gunnm en donne une explication différente…

Passé les explications un peu fantaisistes trouvé à gauche à droite (volonté d’atténué les références bibliques au profit de noms à sonorité plus nordique etc. (4)), les explications les plus plausibles sont que dans le cas de Gally, aux États-Unis, une « gal » est pour certaines personnes un terme péjoratif désignant une femme (l’équivalent français serait visiblement « gonzesse »). Dans le cas de Zalem, c’était visiblement pour ne pas faire de référence avec la ville de Salem et enfin pour le titre original, Gunnm, ce fut la présence de « Gun » dans le nom qui posa problème, les traducteurs ne voulant pas d’une amalgame avec les armes à feu, les bandes dessinées étant un média plus axé « jeunesse ».

Si aujourd’hui ce genre de changement est quasiment inconcevable, il ne faut pas oublier que nous sommes à l’époque dans les années 90, que le manga en est aux États-Unis à ses balbutiements (contrairement à la France, pour une fois, où le genre est déjà présent à la télévision et en bandes dessinées depuis les années 80) et que ce genre d’aménagements, aussi fantaisistes soient-ils, est à l’époque monnaie courante.

Cette mise au point faite, retour au film.

I, I Can’t lie
I’m scared to open my eyes
‘Cause what if I find nothing at all ?
Nothing at all
What is the point
Of my lips if they don’t make noise ? Uh
What is the point of doing nothing at all ?
Watching it fall 

Dua Lipa – Swan Song, 2019 (extrait de la bande originale du film Alita : Battle Angel) (7)

La première fois que l’on entend parler d’une adaptation de Battle Angel Alita en film live, c’est de la bouche du français Jean-Pierre Dionnet (cofondateur du magazine Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés) qui en 1999 contacte les ayants droit japonais pour en faire un film live, réalisé par le hongkongais Kirk Wong. A la grande surprise de Dionnet, les ayants droit lui apprennent que le réalisateur américain James Cameron leur a déjà fait une offre qu’ils ont déjà accepté.

Le début de la préproduction du film est officiellement annoncée en 2003 par James Cameron lui-même. S’ensuivra une longue période de silence, entrecoupée de déclarations erratiques de James Cameron, notamment durant le développement et la réalisation de son projet pharaonique Avatar : Le réalisateur confirmera à de nombreuses reprises que l’adaptation est bel et bien toujours d’actualité mais qu’il préfère pour le moment se consacré à Avatar, annonçant même que les technologies et techniques misent en œuvre pour celui-ci seront bénéfique au futur film Alita.
En 2008, l’artiste numérique Mark Goerner révèle travailler sur le film depuis quasiment un an et demi et que même si le travail de préproduction est déjà bien avancé, aucune date de sortie n’est encore envisagée.

En 2012, James Cameron déclare dans une interview qu’il continue à se focaliser sur Avatar et que le message écologique de son film est plus universel et intéressant que celui de Alita qui, selon lui, est juste « Une histoire intéressante ». Bronca générale chez les fans de Gunnm (dont moi à l’époque) qui reproche à Cameron de sous estimer l’histoire et l’univers du manga, le réalisateur s’attirant du coup la méfiance et l’animosité des-dits fans.
L’année suivante, James Cameron annonce qu’il se consacrera à Battle Angel Alita en 2017, suite à la sortie du second volet de Avatar. Mais en 2017, trop concentré sur les suites de Avatar, James Cameron passe le relais pour la réalisation à Robert Rodriguez et devient avec Jon Landau, producteur du film.
La Twentieth Century Fox annonce dans la foulée une date de sortie, fixée au 20 juillet 2018 aux États-Unis mais sera décalée une première fois au 21 décembre 2018, puis une seconde fois pour le 14 février 2019.

L’actrice Rosa Salazar incarnera Alita, Christoph Waltz, Dyson Ido (nom américain de Daisuke Ido), Jennifer Connely, Chiren (personnage issu de l’animé), Mahershala Ali, Vector, Keean Johnson, Hugo (Yugo) et Jackie Earl Haley, Grewshika (Guryushika, encore un personnage exclusif de l’animé).

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Christoph Waltz interprète un Ido époustouflant

Dés la première bande annonce, les partis pris artistiques frappèrent et s’attirèrent de nombreuses critiques : Alita est interprétée en totalité en motion capture, ses yeux ont été agrandis et l’ambiance générale du film paraît plus lumineuse et légère que celle du manga original.

Autant dire que ça part plutôt mal, le film est d’ailleurs annoncé par de nombreux fans comme un futur échec, les précédentes adaptations de mangas réalisés aux États-Unis n’ayant de plus pas vraiment été des réussites : Entre l’infâme Dragon Ball Évolution et le foutraque Ghost in the Shell qui sacrifia le fond pour la forme (qui du coup loupa le coche, Ghost In The Shell étant justement un manga intéressant car réussissant à subtilement jouer sur cet équilibre entre fond et forme, l’un justifiant l’autre etc. Enfin bref, je reviendrai peut être un jour sur cette adaptation plus en détail, ce n’est pas le sujet aujourd’hui), le passif de ce genre d’adaptation au pays de l’oncle Sam n’avait pas de quoi rassurer… Et pourtant.

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Alita prend conscience de ses capacités au combat

C’est donc le 13 février 2019 qu’est sorti en France l’adaptation en film du mythique manga Gunnm. Qui dit film américain, dit pas de Gunnm chez nous donc mais sa traduction américaine (si vous avez sauté des paragraphes pour arriver directement ici, et je sais qu’il y en a qui vont le faire, il vous faudra remonter un peu plus haut pour savoir le pourquoi de ce changement de titre, je vous dis pas où exactement, à vous de chercher, non mais !).

En tant que fan inconditionnel de la belle Gally, pardon Alita, j’étais bien sûr au rendez-vous, même en avance puisque j’ai pu le voir en avant-première, le 12 février.
Pour ce qui est de l’histoire, pas besoin de la résumer non plus, je l’ai déjà fait à deux reprises dans les paragraphes précédents pour le manga papier et l’animé, l’histoire du film étant exactement la même que dans ses versions nippones, inutile de revenir une nouvelle fois dessus.

Je peux juste préciser que le film adapte grosso modo les deux premiers tomes du manga (comme l’animé en fait), tout en y ajoutant certaines choses des tomes suivants, mais ça, j’y reviendrai plus tard.

Autant annoncer d’emblée mon ressenti et répondre à une question cruciale : Oui, j’ai trouvé que Alita : Battle Angel est une bonne, voir une excellente adaptation et j’irai même jusqu’à dire que c’est très certainement la meilleure adaptation de manga en film live à ce jour (qui vu les précédentes n’est pas forcément compliqué, enfin bref…). Le film n’est pas exempt de défauts mais ses qualités les rattrapent aisément, voir les pardonnent, tellement Alita : Battle Angel est un spectacle d’une qualité, d’une efficacité et d’un respect exemplaire pour l’œuvre d’origine.

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Alita admire son nouveau corps, le létal Berserker

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais mettre au clair certains aspects qui avaient été longuement débattus lors des bandes annonces et donner mon ressenti sur ce que je considère, après avoir vu le film, comme des détails.

Ce qui avait beaucoup fait jaser lors des premières bandes annonces, c’est l’aspect tout numérique d’Alita : Physique filiforme et grands yeux, la version film d’Alita se voulait visiblement proche visuellement de sa version manga et j’avoue que j’avais été le premier à lever un sourcil dubitatif devant ce parti pris visuel (j’avais livré mon ressenti sur la bande annonce ici : Premières impressions sur la bande annonce). Encore une fois, je fais mon mea-culpa et après avoir vu le film, ce choix se révèle en fait judicieux, tant l’apparence de notre héroïne est dans les faits raccord à son univers : Avec son physique hors norme et original, Alita est en fait dans le film un cyborg parmi d’autre, son physique étant même étonnement plus passe-partout que certains autres, les êtres vivants dans la décharge étant en fait des freaks mécaniques tous plus improbables les uns que les autres.
Après quelques minutes de film, on y fait très sincèrement plus attention, notre œil s’habituant très vite à cette opulence de créatures mécaniques évoluant sous nos yeux le plus naturellement du monde.

Second aspect qui avait beaucoup choqué lors des bandes annonces, l’ambiance très lumineuse générale du film. Déjà à l’époque, j’avais longuement débattu avec ceux qui trouvaient que les premières images du film de ces bandes annonces n’étaient pas assez sombres. Tout d’abord, je trouve que cet aspect « sombre » on le ressent surtout dans le manga papier, qui est en noir et blanc, et se passe souvent la nuit et c’est en fait, je pense, une fausse impression. Si vous regardez l’animé (qui est très fidèle au manga papier et dont le film s’inspire beaucoup, j’y reviendrai plus bas) on se rend compte que cet univers n’est pas si sombre que ça et que, au contraire, l’ambiance globale de la décharge est souvent baignée dans des couleurs claires et neutres comme le blanc, le gris ou le beige. Ont peut également le constater dans les illustrations en couleurs réalisées par Yukito Kishiro pour le manga et les produits dérivés (2) ainsi que dans le jeu vidéo, lui aussi très fidèle à l’œuvre originale.

Ceci étant dit et ces points de détails mises au clair, parlons du film en lui-même.

Comme je l’ai dit plus haut, le film adapte globalement les deux premiers tomes du manga, tout comme l’animé qui faisait de même et en voyant le film, ont peut constater qu’il reprend autant des deux. La majorité des inspirations vient logiquement du manga papier mais de nombreuses idées viennent également de l’adaptation animée : La présence du personnage de Chiren tout d’abord (interprété par Jennifer Connelly), personnage exclusif à la version animée, le changement de nom et de personnalité de Makaku en Guryushika (Grewishca), interprété en motion capture par Jackie Earl Haley, est un des aspects également exclusifs à la version animée.

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L’infâme Grewishca, interprété par Jackie Earl Haley

Beaucoup d’autres choses sont directement issues de l’adaptation animée, notamment l’histoire globale et son déroulement, l’histoire entre Alita et Hugo / Yugo etc. Je ne peux malheureusement pas aborder plus en détails cet aspect au risque de spoiler ceux qui n’ont pas encore vu le film, je vous encourage d’ailleurs à donc voir l’animé avant ou après avoir vu le film, il est un excellent complément et n’empêche pas le moins du monde d’apprécier le film.

Le film ajoute également plusieurs choses issues du manga, entre autre la présence et la redondance de la mention de Desty Nova, méchant invisible et manipulateur, qui n’apparait pourtant pas dans les premiers tomes du manga (de mémoire il n’apparaît pour la première fois que dans le tome 5) et n’est jamais mentionné dans la version animée, ou bien la scène du Motorball : Dans les premiers tomes du manga papier et dans l’animé, ce sport est juste mentionné ou n’apparaît que par l’intermédiaire d’écran de télévision, le second arc du manga papier de Gunnm est d’ailleurs consacré à ce sport [SPOILER : Ce qui, visiblement, sera également le cas d’un éventuel second film vu la scène finale et le caméo de Jashugan, le champion du MotorBall].

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Alita durant l’impressionnante scène du Motorball

D’autres petits détails, comme l’apparition de Murdock, le chasseur de prime accompagné de chiens cyborgs, parsèment le film et sont autant d’indices pour une suite.
C’est d’ailleurs un des (rares) défauts que j’ai trouvé au film : Celui d’être, volontairement je pense, assez nébuleux sur de nombreux points. En discutant avec des personnes n’ayant pas lu le manga ou vu l’animé, c’est d’ailleurs un des reproches que ces personnes ont souvent fait au film, celui de ne pas aller à fond dans la psychologie des personnages ou de laisser en suspens certains points du scénario. Pour ma part je pense que c’est très certainement pour installer des pistes pour une suite que je devine, aux vues du succès du film, inévitable.

Je parle beaucoup du visuel du film et si il y a d’ailleurs un point sur lequel le film est exemplaire, c’est bien pour sa direction artistique et on ressent clairement que sur ce point, le film à profiter d’une longue maturation. Visuellement, le film est absolument époustouflant ! Chaque détail, chaque personnage qui évolue dans la Décharge, chaque bâtiment, tout est fidèle dans les moindres détails au manga original. Peu d’adaptations peuvent se targuer d’une telle fidélité et Alita : Battle Angel fait, de mon point de vue, figure de véritable modèle dans le domaine.

Autre point de réussite indéniable, son interprétation : Christoph Waltz en Dyson / Daisuke Ido, c’est juste un choix de casting quasiment logique lorsque l’ont voit l’acteur jouer le personnage. Aussi bien dans son interprétation que physiquement, l’acteur interprète un Ido d’une fidélité presque mimétique à son homologue de papier, du jamais vu.
Ce constat s’applique à quasiment tout les autres acteurs et actrices du film : Que se soit Jennifer Connelly (Chiren), Mahershala Ali (Vector) ou Keenan Johnson (Hugo), les acteurs sont tous très bons et ce constat s’applique aussi à ceux qui ont le poids de la motion capture pour leur jeu.
Jackie Earl Haley campe un Grewishca terriblement sanguinaire et cruel, l’acteur étant assez coutumier de ce genre de personnage.

Mais la palme revient sans conteste à Rosa Salazar, l’interprète d’Alita : Malgré la contrainte de la motion capture, la jeune actrice livre une prestation sans précédent (de mémoire, je n’avais pas été autant marqué par une telle prestation depuis Andy Serkis et son Gollum dans la saga du Seigneur des Anneaux). Bien plus humaine que la plupart des personnages humain, Rosa Salazar joue une Alita humaine, forte, charismatique, empathique et touchante, soit exactement ce qu’est Alita dans le manga papier ! J’en suis même arrivé à être touché par ce personnage, pourtant en tout numérique, une grande première pour moi. Comme son homologue de papier, la Alita / Gally du film est aussi cette femme forte, humaine et touchante qu’elle est dans le manga.

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Rosa Salazar, une Alita plus vrai que nature

Enfin, niveau réalisation, là aussi rien à reprocher au film : La maîtrise de Robert Rodriguez pour filmer les environnements surréalistes et fantaisistes fait des merveilles et la Décharge et ses personnages paraissent terriblement vivants et réalistes, là aussi malgré le poids des effets spéciaux.
On a là un niveau de fidélité, dans un genre totalement différent, comparable au travail du réalisateur sur son adaptation de Sin City : C’est fidèle sans pour autant être dénaturé par le changement de média, une prouesse, encore une fois de la part du réalisateur mexicain à ajouter à son palmarès.

Le seul point sur lequel le film tranche radicalement avec ses versions nippone, c’est la violence. Il faut préciser que quelque se soit le manga papier ou l’animé, Gunnm / Alita est un manga extrêmement violent, gore et parfois ponctué de scènes particulièrement cruelles. Cet aspect à été considérablement amoindri (voir totalement gommé dans certains cas) dans son adaptation live. J’ai entendu de nombreux « fans » conspuer cet aspect du film mais il ne faut pas oublier qu’on est ici devant un film chapeauté par un grand studio et destiné au grand public et que le rendre moins violent et gore était inévitable et d’ailleurs, est-ce vraiment important ?
La violence est certes un des aspects les plus marquants du manga, caractérisant son univers sans foi ni loi où seul le plus fort survit. Soit, mais est-ce que l’on lit Gunnm pour sa violence ? Certains peut être, mais après plus de vingt ans à le lire, en ce qui me concerne, ce n’est pas le cas. Si je continue de lire Gunnm / Alita depuis toute ces années, c’est avant tout pour son héroïne, son coté humain et touchant, son courage et son charisme, pas parce qu’elle explose des crânes… Bon peut-être un peu quand même, mais ce que je veux dire c’est que lire un manga avec et pour des scènes de violence, quand j’avais 15 ans, je le faisais (Je lisais Guyver, pour vous donner une idée du niveau de mes lectures de l’époque, j’ai essayé de le relire récemment et j’ai vite abandonné…) mais maintenant, je reconnais que la violence est certes un des (nombreux) aspects marquants du manga, mais plus je le relis et plus j’y vois autre chose et me dis que sa violence, c’est juste un détail, important certes, mais un détail.

L’atténuation de cette violence dans le film est donc pour moi un détail sans importance car comme je le souligne plus haut, Gunnm / Alita c’est autre chose.

Qu’ajouter de plus sur cette adaptation ? Pas grand chose. Après la douche froide que fut Ghost In The Shell et son aspect coquille vide, Alita : Battle Angel est une réussite exemplaire, prouvant qu’une longue maturation et avec des personnes sérieuses aux commandes, on peut réussir à adapter un manga en film live de façon efficace tout en contentant aussi bien le grand public que les fans les plus assidus. Un film d’exception qui va également permettre au grand public de découvrir cet univers et son héroïne tellement attachante et charismatique et c’est surtout ça le plus important.

Alita : Battle Angel est un grand film de science-fiction avant d’être une adaptation de manga et c’est très certainement là son plus grand avantage, celui de respecter aussi bien son modèle que de trouver sa propre identité.

image fnale

1 : A noter que cette édition sera accompagnée d’une petite OAV de 3 minutes en image de synthèse, Gunnm 3D, montrant Gally dans une partie de Motor Ball.

2 : Ces illustrations seront également disponibles dans le artbook Ars Magna.

3. OAV : Original Animated Video, film animé sortant directement en vidéo, à la manière des films animés de DC Comics.

4 : D’ailleurs, les traducteurs américains furent bien gênés lorsqu’ils apprirent que dans Last Order, la cité au dessus de Zalem (renommée dans la version américaine Tiferet) se nomme… Jéru ! Les traducteurs américains durent donc revoir leur traduction une seconde fois.

5 : L’auteur de Gunnm est d’ailleurs un grand fan de hard rock et de métal des années 70 : Le nom du méchant Desty Nova est inspiré du titre d’une chanson de Blue Öyster Cult, Desdinova. Dans le manga papier, le méchant Zapan porte également le symbole du groupe tatoué sur le front.

6 : A noter que Yukito Kishiro fera un clin d’œil à ce nom américain dans un des derniers chapitres du manga durant lequel Gally, manipulée par Desty Nova, vit dans une réalité fantasmée et est renommée Alita.

7 :

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