
Edgar Allan Poe et Richard Corben, seconde partie
Le mois dernier, dans le portrait consacré à Richard Corben, je parlais des nombreuses adaptations dont ce dernier avait fait tout au long de sa carrière des textes de Edgar Allan Poe
Il est étonnant de constater que ces adaptations ont été, pour la plupart, éditées en France, le style horrifique étant très peu représenté dans notre pays (du coup j’en profite une nouvelle fois pour féliciter les éditions Delirium pour leur travail). Il n’est très certainement pas étranger que la renommée de Poe et celle de Corben ne soient pas étrangères au fait que ces BD soient arrivées jusque chez nous, et finalement c’est aussi bien, la qualité de ces ouvrages étant, comme vous allez le constater, assez exceptionnelle.
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Symphony X – The Dark Chapter (1994)
Le premier voyage en compagnie de Richard Corben dans l’univers de Edgar Allan Poe se fera assez tôt dans l’hexagone avec la publication de sa première adaptation du texte La Chute de la Maison Usher, scénarisé par son compère de toujours, Richard Margopoulos. Initialement parue chez Pacific Comics aux États-Unis en 1984, c’est Albin Michel / Spécial USA qui la publiera en France en 1986.
En plus de l’adaptation de La Chute de la Maison Usher, le livre comporte deux courtes adaptations : Le Corbeau et Ombre, parus initialement dans des revues Warren.
Avant de s’attaquer à La Chute de la Maison Usher, parlons rapidement du Corbeau et de Ombre.
L’adaptation du célèbre poème le Corbeau est très similaire à celle que Margopoulos et Corben livreront dans The Haunt of Horror chez Marvel vingt ans plus tard : Certaines planches se ressemblent beaucoup et cette version peut clairement être vue comme une première ébauche, tant celle livrée en 2006 paraît clairement plus aboutie.
Il est amusant de noter que Corben réalisera quand même trois versions illustrées de ce poème, comme vous pourrez le constater dans la suite de ce dossier.
Un récit court, à réserver aux inconditionnels de Richard Corben.
Pour leur adaptation de Ombre, c’est un peu le contraire : En effet, Corben réalisera seul une seconde adaptation de ce texte plusieurs années plus tard, parue en France dans le recueil Esprits des Morts (voir plus bas) et celle proposée ici est, de mon point de vue, plus intéressante : L’idée de départ de l’histoire est plus ou moins la même : Dans l’antiquité, des guerriers qui veillent sur la dépouille d’un de leur camarade vont une nuit être assaillis par des visions étranges de l’ombre de celui-ci.
Contrairement au Corbeau, je trouve cette adaptation plus probante que celle que Corben réalisera seul bien des années plus tard.
Enfin, parlons du plus gros morceau de ce livre, avec l’adaptation de La Chute de la Maison Usher. Je précise au passage que si Richard Margopoulos signe le scénario des deux premiers récits, celle-ci est réalisée par Richard Corben seul.
L’histoire est un classique de Poe : Un homme prénommé Edgar rend visite à un de ses amis, Roderick Usher, après avoir reçu une lettre lui demandant de venir car celui-ci dit avoir un « problème ». Chemin faisant, son cheval prend peur et il doit donc continuer son chemin à pied. Il tombe alors sur une étrange bâtisse jonchée de cercueils éventrés, chute dedans et perd connaissance. A son réveil, il se rend compte qu’il a été recueilli par son ami et fait la connaissance de sa sœur, Madeline qui le soir même lui apprend discrètement que Roderick lui veut du mal. Pour ne rien arranger, le manoir Usher se trouve dans un marais, et chaque jour il semble partir en ruines et s’enfoncer dans la vase. Quelques jours plus tard, Madeline décède dans d’étranges circonstances et après l’avoir inhumée, Edgar va être assailli par d’étranges visions fantomatiques de Madeline, semant le doute quand à la responsabilité de Roderick dans la mort de sa sœur.
Alors que le manoir part en morceaux, Edgar va découvrir qui est vraiment Roderick et les sombres secrets que cache la Maison Usher.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Corben livre une prestation absolument sensationnelle sur cette histoire. Visuellement, c’est une véritable ode à l’œuvre originale que propose Corben : Que ce soit les dessins, l’ambiance et les personnages, on est littéralement plongé dans l’univers gothique et inquiétant de Poe. Pour accentuer cette impression d’hommage, Corben a donné le nom et l’apparence de Edgar Poe au héros de son adaptation, ultime marque de respect de l’artiste envers l’auteur original.
Brillante est le terme qui caractérise le mieux cette adaptation de La Chute de la Maison Usher, une grande réussite de la part de Richard Corben, le quasi sans faute de ce récit confirmant l’admiration de Corben pour Poe, admiration qu’il confirmera les années suivantes.
Un récit autant important pour les fans de Corben que pour les amateurs de comics d’horreur.
A noter que si la version française de ce livre comporte trois histoires, la version américaine en compte une de plus, The Oval Portrait, certainement écartée de la version française car contrairement au trois autres qui sont en couleurs, elle était en noir et blanc.
Seconde incursion avec la mini-série publiée chez Marvel aux États-Unis en 2006, soit vingt ans plus tard, Haunt of Horror : Edgar Allan Poe, publiée en France en 2007 sous le titre Edgar Allan Poe : L’Antre de l’Horreur chez Panini dans leur collection Darkside.
Au programme, 10 textes du maître de la littérature fantastique, adaptés par le scénariste et ami de Richard Corben, Rich Margopoulos et bien sûr mis en images par Richard Corben lui-même, toutes en noir et blanc.
L’originalité du bouquin consiste également dans le fait que chaque adaptation est suivie par le texte original, dans sa traduction historique signée Stéphane Mallarmé ou Charles Baudelaire, le lecteur ayant donc l’occasion de comparer le texte d’origine et l’interprétation qu’en ont fait Margopoulos et Corben.
10 textes donc, aux thèmes divers et variés.
Le livre commence avec une nouvelle adaptation de la célèbre nouvelle Le Corbeau, complètement différente de la précédente publiée en 1986.
Le corbeau est un texte poétique dans lequel un homme se lamente sur la mort de sa femme, une dénommée Lenore.
Comme beaucoup de textes de Poe, la trame reste assez nébuleuse mais suffisamment intelligemment construite et intrigante pour que le lecteur en fasse sa propre interprétation.
Ce n’est donc ici pas une adaptation littérale du texte mais une interprétation de Rich Margopoulos et Richard Corben, ce sera d’ailleurs le lot de la quasi-totalité des récits de ce recueil, qui tiennent plus de l’interprétation que de l’adaptation littérale.
A la manière d’un comic d’horreur EC, le texte est ici remanié de manière à avoir une chute finale inattendue. L’autre point commun avec les comics d’horreur des années 50 et 60 est la présence d’un conteur, présentant chaque histoire, à la manière des trublions qui orchestrés les magazines EC et Warren et servaient en quelque sorte de messieurs loyaux à ces univers. Mais revenons à notre mystérieux volatile.
Corben dessine dans un style très ombré et tout en volume, très franchement de toute beauté. Personnellement je trouve que visuellement, c’est la plus belle des histoires de ce recueil.
Autant dire que pour une entrée en matière, cette adaptation de ce célèbre texte a de quoi impressionner : Le texte de Poe sert surtout à Margopoulos pour écrire une sombre histoire à la chute aussi inattendue que terrifiante. Le tout est renforcé par les dessins somptueux de Corben, au top de son art. Sans conteste une totale réussite, parfaite pour introduire le lecteur dans cet univers.
Second texte adapté, La Dormeuse.
Encore une fois, La Dormeuse est un texte assez nébuleux, dont l’interprétation est spécifique à chaque lecteur : Texte gothique typique de l’œuvre et l’univers de Poe, il y est question d’une figure féminine sombre et terrifiante, mais à la fois terriblement attirante.
Pour Margopoulos et Corben, ce texte est propice à raconter l’histoire d’un prêtre chasseur de vampires avec encore une fois, une chute assez inattendue.
Le texte est identique à celui de Poe et n’a subit aucune réécriture, chaque vers est ici utilisé pour illustrer l’histoire, chaque vers trouvant ainsi une signification et illustrant la vision de Margopoulos : Que l’on y adhère ou pas (ce n’est au passage pas mon cas), force est de reconnaître qu’elle tient la route.
Visuellement, Corben opte pour un noir et blanc plus traditionnel. Moins impressionnant que sa précédente prestation, le style du dessinateur fait malgré tout mouche, l’artiste jouant admirablement avec les ombres, un peu à la manière d’un Mike Mignola.
Une seconde incursion réussie, à l’ambiance similaire à la première histoire, d’un style gothique victorien, avec au passage de petit clin d’œil au Nosferatu de Murnau plutôt bien trouvé.
Troisième texte adapté, encore un des poèmes les plus populaire de Poe : Le Vers Conquérant.
Comme la plupart des poèmes de Poe, Le Vers Conquérant est un poème à l’interprétation aussi variée qu’il y a de lecteur.
Au premier abord, ce texte parait parler d’un théâtre un peu malsain mais on peut aussi y voir une parabole de la décadence de l’humanité, matérialisée par cette image d’un vers dévorant tout ce qu’il croise (enfin ça, c’est ce que moi j’en ai ressenti).
En ce qui concerne la version de Margopoulos et Corben, on se retrouve face à un monde post-apocalyptique dans lequel des vers ont exterminé quasiment toute vie sur terre. Un groupe de survivants en rencontre un autre, mais est surpris par la quantité de nourriture dont ils disposent. Et si les terribles vers qui avaient failli décimer l’humanité n’étaient pas étranger à cette opulence ?
De nouveau, cette interprétation est particulièrement surprenante. J’avoue qu’en lisant le texte de Poe, ce n’est pas vraiment ce à quoi j’ai pensé en premier lieu et je reste assez dubitatif quant au rapport entre le texte et l’adaptation de Margopoulos, qui me parait, très honnêtement, assez facile : Le raccourci « Vers Conquérant » / Vers monstrueux est franchement pas ce qu’il y a de plus fin.
Après si on oublie un peu le texte original de Poe, ça reste une histoire courte d’horreur assez efficace, avec bien sûr une chute assez inattendue.
Je n’ai pas été foncièrement déçu par cette histoire, mais connaissant le poème original, je m’attendais à autre chose.
Visuellement, Corben opte encore une fois pour un noir et blanc classique, son style en faisant toute la qualité.
Quatrième texte adapté dans ce recueil, là encore on a droit à un des textes les plus connus de Poe, Le Cœur Révélateur.
Contrairement au trois textes précédemment adaptés, le texte original n’est pas un poème mais une nouvelle. Il ne s’agit donc pas ici d’une interprétation, mais d’une adaptation.
Le Cœur Révélateur est une des nouvelles les plus populaires de Poe : Elle raconte comment après avoir assassiné son patron, hanté par la culpabilité, un homme se convint qu’il entend battre le cœur de sa victime, dont il a caché le corps sous le parquet de sa maison.
Pas de surprise ici pour ceux qui connaissent cette histoire, Margopoulos et Corben en font une adaptation presque littérale, dont l’originalité tient surtout aux dessins de Corben, absolument somptueux.
A défaut d’être vraiment originale, on ressent dans ces quelques planches aux détails impressionnants toute la passion de Corben pour les écrits de Poe.
Cinquième texte adapté, Esprits des Morts.
On revient au poème avec cet autre texte phare de l’œuvre de Poe. Esprits des Morts est un des autres textes gothiques les plus emblématiques de Poe : On y retrouve toute cette atmosphère gothique et sombre représentative de l’univers de l’écrivain. Comme ces autres poèmes, l’interprétation est sujette à tous.
Pour Margopoulos, Esprits des Morts prend la forme d’un homme noir lynché par des membres du Ku Klux Klan. La seule aide providentielle du pauvre homme lui viendra d’une façon plus qu’inattendue…
Une nouvelle fois, le plus important est la chute même si cette fois elle est ma foi assez prévisible. Reste le talent de Corben, toujours aussi affûté. Pas le meilleur récit de ce recueil, mais pas le plus inintéressant non plus.
Sixième récit, Eulalie.
Eulalie est un des poèmes de Poe les plus clairs et bizarrement, ayant un ton plus positif que les ambiances sombres typiques de l’auteur. Il raconte l’influence positive qu’à une femme sur un homme.
Le ton est ici contrebalancé par une adaptation à la fois aussi originale que pathétique : On y fait la connaissance d’un homme qui vit seul, dont le principal souci semble être une misère sexuelle qui va bientôt prendre fin avec l’arrivée d’une certaine Eulalie. Je vous laisse le soin (et la surprise) de découvrir la véritable identité de cette fameuse Eulalie.
Cette interprétation du poème de Poe est une des plus surprenantes de ce recueil : Prenant à contre-pied le ton positif de l’œuvre originale, Margopoulos en donne une version aussi opposée que surprenante, pathétique et dramatique sur fond de misère sexuelle.
Corben quand à lui, aux moyens de sa maîtrise des expressions faciales, donne une force exceptionnelle à ce récit et à son « héros », représentatif d’une des conséquences de l’isolement dans notre société moderne : Une histoire réussie, au discours filigrané efficace et actuel.
Tout en utilisant un texte vieux de plusieurs siècles, Margopoulos et Corben nous livrent un récit aussi pathétique que cruel sur la misère sexuelle de notre époque : Un parti pris au résultat magistral, faisant de cette version de Eulalie une des adaptations les plus intelligentes de ce livre.
Septième chapitre, Le Lac.
De nouveau, Margopoulos donne sa version d’un des poèmes de Poe. Le lac est un des poèmes de Poe dont on peut aisément comprendre le sens : L’auteur utilise l’image d’un lac pour décrire le deuil d’un amour.
La version de Margopoulos est plus directe et raconte l’histoire d’un tueur en série jetant ses victimes dans un lac. Niveau texte, là encore et comme pour certains des précédents récits, ceux de Poe sont repris texto et j’avoue qu’en ce qui me concerne, j’ai trouvé que ça ne fonctionnait pas trop. C’est le seul chapitre de ce recueil sur lequel je suis dubitatif et dont les textes et les images m’ont paru franchement trop opposés pour fonctionner.
Visuellement, Corben reprend le style qu’il avait utilisé sur le chapitre consacré au Corbeau, à savoir un style très axé sur les volumes et les nuances de gris. C’est très beau, mais cela n’a pas suffit à me faire vraiment apprécier l’histoire.
Huitième texte adapté, Israfel.
Le texte original parle manifestement d’un ange chanteur nommé Israfel, qu’un homme semble jalouser pour la pureté de son chant.
Selon Margopoulos, Israfel est un chanteur noir reconnu dont le passé de gangster et la jalousie d’un de ses anciens associés finira par le rattraper.
Ce qu’il y a d’intéressant dans cette histoire, c’est qu’on y retrouve le style et l’ambiance que Corben avait déjà exploré dans sa version de Cage chez Marvel avec le scénariste Brian Azzarello.
L’histoire est assez classique, mais j’avoue que j’ai beaucoup apprécié.
Avant dernier texte, Stances.
Stances est un texte très personnel de la part de Poe : Dans la première partie de ce dossier, lors de la biographie de Poe, j’avais évoqué une partie de sa vie durant laquelle il travaillait pour le journal le Southern Litterary Messenger et les vexations dont il faisait l’objet de la part de son rédacteur en chef.
Quand on connait une peu la vie de Poe, il est évident que ce texte fait référence à cette période.
Dans cette adaptation de Poe, Margopoulos utilise le même genre de récit : On y fait la connaissance d’un homme qui durant une réunion d’anciens élèves, va se venger de ceux qui l’ont harcelé à l’école.
L’originalité de ce récit vient tout d’abord du fait que le héros est un sosie de Richard Corben et du coup on imagine bien que celui-ci règle quelques vieux comptes au travers de cette histoire : Cela lui donne un aspect très personnel et la rend du coup d’autant plus intéressante.
Pour ma part une de celle que j’ai le plus apprécié.
Dernier histoire et pas des moindres, Bérénice.
Là encore, il s’agit d’une des nouvelles les plus connues de Poe, celle d’un homme qui assiste impuissant à la déchéance de sa bien-aimée cousine à cause d’une grave maladie. Malgré cette décrépitude, il reste fasciné par les dents de la belle, fascination qui le conduira jusqu’à la folie.
La fascination pour un trait anatomique est un des thèmes qui revient souvent chez Poe : C’était déjà le cas avec l’œil sans vie du vieil homme dans Le Cœur Révélateur et c’est ici de nouveau le cas, avec la dentition de cette chère Bérénice.
L’adaptation qu’en propose Margopoulos et Corben est assez voisine du texte original, elle en reprend les grandes lignes, tout en changeant de nombreux détails. Ici l’homme est un dentiste qui tombe amoureux d’un de ses patientes à la dentition parfaite.
Les textes sont un mix des écrits de Poe et de réécritures du scénariste. On peut aisément deviner que le ton de l’histoire sert à merveille le style outrancier et exagéré de Corben et que d’un point de vue graphique, il s’en donne à cœur joie en dessinant une Bérénice au rictus aussi malaisant qu’exacerbé et en multipliant les gros plans et effets sur la dentition de notre chère victime.
Que ce soit au niveau écriture ou au niveau des dessins, pour ma part, j’ai trouvé que cette version de Bérénice était une des histoires les plus réussies de ce recueil.
En résumé, que penser de cet ouvrage ?
Personnellement, j’ai beaucoup apprécié. Le fait que les textes originaux accompagnent chaque adaptation permet aux lecteurs de se rendre compte de l’universalité des textes de l’auteur et de les comparer avec les adaptations.
Néanmoins, comme vous avez pu le constater, j’ai trouvé que certaines adaptations sont assez légères voir un peu décevantes (c’est notamment ce que j’ai pensé de celles du Vers Conquérant et du Lac).
A contrario, certaines sont réellement brillantes, notamment Eulalie, Stances et Bérénice.
Mais le véritable intérêt de ce livre, c’est sans conteste les dessins de Richard Corben. Quelque soit l’histoire, ont ressent véritablement la passion de l’artiste pour les écrits de Poe et la force de son trait y gagne assurément.
En plus d’être un hommage de deux artistes à une icône de la littérature fantastique, L’Antre de l’Horreur est un très bon comic d’horreur que je ne peux que conseiller. Pour les fans de Richard Corben, la question ne se pose pas : C’est un must-have, pour moi sans conteste un des meilleurs travaux de Richard Corben.
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Seconde incursion de Richard Corben dans l’univers de Edgar Allan Poe avec le recueil Esprits des Morts & Autres Récits d’Edgar Allan Poe, publié en 2015 en France chez Delirium.
Dans ce recueil, on retrouve la totalité des adaptations que Corben avait fait de nouvelles de Poe publiées chez Dark Horse. Certaines avaient été publiées sous forme de one-shot et d’autres, plus courtes, dans la revue Dark Horse Presents.
Au total, ce sont quatorze récits qui sont présentés ici, plus une interview inédite de Corben, les couvertures originales et une courte biographie.
Contrairement au précédent recueil, Corben est ici le seul maître à bord et signe scénarios et dessins, la mise en couleur étant assuré par sa femme, Beth. Les histoires sont de longueurs variables, certaines n’excèdent pas quelques pages et d’autres, sont beaucoup plus longues.
Au niveau des histoires justement, il n’y a pas d’adaptations littérales, tous les récits ont été adaptés et ne reprennent la plupart du temps que quelques passages des textes de Poe. Néanmoins, les ambiances restent similaires, quasiment toutes dans le style gothique victorien, de l’époque de Poe en fait, et de ce fait gardent une authenticité par rapport à l’époque de leur écriture.
Là encore la qualité est variable, comme vous allez le constater dans les lignes qui suivent.
Avant le premier récit, le texte original Esprits des Morts est reproduit tel quel, traduit par Jean Hautepierre, une traduction datant donc de 2008.
Premier récit, Seul est adapté d’un texte de 1829.
Seul est l’histoire d’un homme qui raconte à sa promise son incroyable (més)aventure alors qu’il s’est perdu dans un cimetière et sa rencontre avec d’effroyables créatures. Mais est-il vraiment sorti sain et sauf de ce périple ?
Très voisine des histoires du précédent recueil, le plus important dans celle-ci est la chute. Il s’agit d’une histoire écrite à la manière d’un comic d’horreur old school, avec le conteur qui va avec.
Assez courte, on remarque surtout le talent indéniable de Corben pour représenter des ambiances sombres et gothiques, ainsi que des monstres au faciès improbables mais effrayants.
En résumé, une courte histoire très réussie, parfaite pour introduire le lecteur à cet univers.
Seconde histoire adaptée, La Cité en la Mer, d’un texte de 1831.
Le capitaine d’un bateau se retrouve coincé sur une mystérieuse île, à la merci de mystérieux prêtres, semblant lui reprocher quelque chose que manifestement, il nie. Mais la réalité va se révéler bien plus, « vengeresse ».
Là encore, une histoire courte où le plus important est la chute. Encore une fois, visuellement c’est un sans faute, les ambiances rappelant d’ailleurs beaucoup celle de Lovecraft, prouvant au travers du travail de Corben, l’influence de Poe sur celui de Lovecraft : Un enchaînement aussi logique qu’impressionnant.
Troisième adaptation, La Dormeuse (1831).
Si vous avez bien lu, ce texte avait déjà était adapté dans le précédent recueil, rein à voir néanmoins avec la précédente histoire, il s’agit donc de la seconde version de Corben de ce texte.
La Dormeuse nous raconte l’histoire de Angus, marié à une mégère qu’il n’a épousé que pour son argent. Mais Angus n’a d’yeux que pour sa domestique Amélia avec laquelle il entretient une liaison.
Quand Pamela, sa femme, évoque un divorce, Amélia convainc Angus de commettre l’irréparable en se débarrassant définitivement d’Amélia… Mais rien ne va se passer comme prévu.
De nouveau une histoire à chute, néanmoins, il faut reconnaître que celle-ci est assez prévisible et très classique. Reste la partie graphique, réussie mais légèrement en dessous des autres, notamment au niveau des expressions des visages, pourtant l’une des qualités de Corben.
Bilan donc en demi-teinte pour cette histoire.
Quatrième récit, Le Rendez-Vous, adapté d’un poème de 1834.
Roman, un gondolier doit mener Emil un de ses amis à un mystérieux Rendez-vous. Arrivés sur place, les deux hommes y retrouvent des prêtres et la femme d’Emil. Alors qu’il stoppe la gondole, Emil et Roman assistent à une scène aussi horrible qu’inattendue : Du bâtiment où ils ont accostés, un bébé est jeté par une des fenêtres dans la rivière ! Roman saute à l’eau et sauve in extremis l’enfant, à la grande joie d’Emil.
Pour le remercier, Emil invite Roman chez lui et lui raconte l’histoire derrière ce mystérieux rendez-vous.
Après la précédente histoire, il s’agit d’une autre qui ne m’a pas totalement convaincu. Si le début est assez prometteur, la chute finale est assez classique et très franchement, décevante.
Par contre, visuellement et comme à l’habitude, c’est magnifique.
Cinquième récit, Bérénice, adaptation du texte du même nom (1835).
Après La Dormeuse, il s’agit donc de la seconde fois que Corben s’attaque à ce texte et encore là, aucun rapport avec la précédente version, il s’agit donc d’un récit totalement nouveau.
Egaeus est un jeune homme timide qui vit avec sa mère. Seulement, Egaeus est un fainéant, passant le plus clair de son temps à lire plutôt que de s’occuper de sa mère, âgée et malade.
Celle-ci demande alors à sa nièce Bérénice de venir habiter avec Egaeus et elle afin de l’aider. Mais Egaeus a une dent (expression parfaitement adaptée vu l’histoire) envers Bérénice, véritable garçon manqué qui l’humiliait dans les épreuves physique à la moindre occasion durant leur enfance.
De plus, Egaeus était fasciné par un des atouts de Bérénice, sa dentition parfaite qu’il admirait autant qu’il l’a détestait.
Jaloux, Egaeus met alors en place un plan machiavélique afin de se débarrasser de son embarrassante cousine et détruire à tout jamais ce sourire qui l’obsède.
De nouveau la chute est le principal attrait de cette histoire, malgré le fait qu’elle soit assez prévisible. L’intrigue, et le personnage de Egaeus notamment, la rendent particulièrement malaisante. Aussi pitoyable et pathétique que cruel, Egaeus est un être perfide, dont la folie aussi incompréhensible qu’horrible le rend particulièrement détestable.
Visuellement, Corben est très inspiré et la composition de certaines planches sont d’une efficacité redoutable.
Un très bon chapitre.
Sixième chapitre, Morella, adapté d’un texte de 1835.
Myron est un homme marié à Morella, dont la principale occupation est la sorcellerie, qu’elle pratique en compagnie de Mag, leur servante.
Mais Myron n’en peut plus et demande le divorce. Avant que celui-ci ne puisse être prononcé, Morella est victime d’une mystérieuse attaque, lui annonçant dans un dernier souffle que sa fille, Orella va bientôt venir le rejoindre afin qu’il s’occupe d’elle.
Et en effet, Myron va bien s’occuper d’Orella car à peine est elle arrivée que Myron, fasciné par la ressemblance entre Orella et sa mère, va entamer une liaison avec elle.
Mais Orella est elle vraiment celle qu’elle paraît ?
Il règne dans cette histoire une atmosphère particulière, très malsaine, à la conclusion aussi imprévisible. Une très bonne histoire, conclue de façon aussi horrible que mystérieuse.
Septième chapitre, Ombre, adaptation d’un texte de 1835.
Comme pour quelques récits précédents, Corben avait déjà adapté cette histoire mais ici, contrairement aux autres, les deux récits ont beaucoup de points communs.
Dans l’antiquité, un groupe de guerriers se reposent dans un étrange temple abandonné après avoir visiblement pillé un village. Peu rassuré par l’atmosphère du lieu, il demande à la vieille prêtresse qui les accompagne de leur raconter une histoire. Mais loin de les rassurer, cette histoire ne va que plus les inquiéter et les ombres du cadavre d’un de leur camarade décédé vont finir de les effrayer.
Un récit très similaire à La Cité en la Mer, on y retrouve le même genre d’ambiance et le même type de déroulement, très honnêtement, même si ça reste sympathique à lire, cette ressemblance est assez déstabilisante.
Je lui ai nettement préféré sa précédente itération, publiée en 1986 en France.
Huitième récit et pas des moindres avec l’adaptation de la célébrissime nouvelle de Poe, La Chute de la Maison Usher, parue en 1839.
Cette histoire est sans conteste la plus célèbre de toute l’œuvre d’Edgar Allan Poe, maintes fois adaptée, notamment en films et bien sûr en comics. C’est d’ailleurs la seconde fois que Richard Corben adapte cette histoire : Il l’avait déjà adaptée en 1984 dans un one-shot publié par Pacific Comics aux États Unis et par Albin Michel / Comics USA en France en 1986 (voir plus haut).
Cette histoire est la plus longue du recueil, totalisant 25 pages.
Allan se rend à cheval afin de rendre visite à un de ses amis, Roderick Usher qui vit reclu avec sa sœur, Madeline et son domestique, le colossal Webber dans un château qui tombe en ruines. Allan a reçu un courrier alarmant de la part de Roderick, lui signalant qu’il avait un « problème ».
Durant le trajet, Allan est abandonné par son cheval qui, effrayé par le cadavre d’un autre cheval, s’enfuit. Allan fini le chemin à pied et après avoir glissé dans une crypte abandonné jonchée de cadavres, chute et s’assomme.
Il se réveille dans la demeure de Roderick, maintenant un peintre très doué, et fait la connaissance de Madeline. Le soir même, celle-ci le contacte en lui signifiant qu’elle est en danger et que Roderick lui veut du mal.
Les jours suivants, alors qu’il est en train de la peindre, Madeline est victime d’une attaque et décède sous les yeux d’Allan et Roderick, loin d’être triste, ce dernier jubile, sa peinture étant le dernier témoignage de sa sœur vivante. Choqué, Allan accepte néanmoins d’aider Roderick à inhumer Madeline dans la crypte du château…
Alors que le château s’écroule à vue d’œil, Roderick commence à émettre des doutes sur le décès de la pauvre Madeline et va découvrir une horrible vérité.
De tout les récits de ce recueil, cette itération de cette célèbre nouvelle est en tout point grandiose : Que se soit l’histoire excellemment écrite, ou les dessins absolument sublimes, cette adaptation est sans conteste le meilleur récit de ce livre et mériterait presque à elle seule l’achat du livre. On sent à chaque planche la passion et l’admiration de Corben pour cette histoire : Du Corben au sommet de son art, une lecture quasi-obligatoire pour les admirateurs de comics d’horreur et ou les fans du maître.
Avec la version de 1984, Corben totalise donc deux réussites totales pour ces deux adaptations de cette nouvelle mythique et très honnêtement, entre les deux mon cœur balance et je ne pourrais clairement pas en choisir une. Libre à vous de la faire, mais pour moi, c’est impossible !
Petit détail amusant, dans sa première version, Corben avait appelé son héros Edgar et ici l’appelle Allan.
Neuvième récit, encore une des histoires les plus connues de Poe, Double Assassinat dans la Rue Morgue, une nouvelle de 1841.
Dupin et Beluc sont deux enquêteurs dans le Paris du dix-neuvième siècle. Un matin, Dupin attire l’attention de Beluc sur un double meurtre commis rue Morgue : Deux femmes, une mère et sa fille ont été sauvagement assassinées. Ni une ni deux, les deux compères se rendent sur place et commencent leur enquête qui va les mener sur la piste d’une bien étrange créature.
Récit fondateur du genre policier ayant notamment influencer des écrivains comme Arthur Conan Doyle (difficile de ne pas faire le rapport entre Dupin et Beluc avec Sherlock Holmes et son acolyte Watson), Double Assassinat dans la Rue Morgue reste sous la plume de Corben une histoire policière haletante à la conclusion aussi horrible qu’improbable.
A l’image du récit précédent, une grande réussite.
Dixième adaptation de ce livre, Le Masque de la Mort Rouge, une nouvelle publiée en 1842.
Au moyen-âge, Prospero est un prince à la tête d’un petit duché, ravagé par une maladie nommée la mort rouge. Plutôt que de soigner ces sujets, Prospero préféra s’enfermer dans son château avec d’autres nobles, faisant fi de la détresse de son peuple. Un soir, alors qu’il organise un somptueux bal masqué, un mystérieux invité tout drapé de rouge s’invite à la fête. Choqué, Prospero demande à ce que l’intrus soit saisi et qu’il révèle son identité.
Court récit, Le Masque de la Mort Rouge est surtout une terrible allégorie du mépris des puissants envers le petit peuple. Cela reste le cas dans cette adaptation de Corben, avec un Prospero idiot et méprisant, bien vite rattrapé par le karma.
Un bonne histoire.
Onzième récit, retour du Vers Conquérant, le fameux poème de 1843.
Deren Mann est un militaire impitoyable : Après avoir poursuivi sa femme infidèle Abigail qui le trompait avec son cousin, James, il les abat tout deux dans un désert, abandonnant leurs dépouilles à la chaleur du soleil.
Sur le retour il trouve le cadavre du domestique des deux amants, lui aussi mort, le corps dévoré par des vers monstrueux. S’amusant de l’infortune du malheureux, Deren est mordu au visage par un des vers dévorant le corps.
Il retourne ensuite chez lui, et sur le chemin du retour croise une mystérieuse troupe de marionnettistes qui l’invite à assister à l’une de leur représentation. Il réuni quelques uns de ses amis et le soir même les invite à assister à ce fameux spectacle.
Celui-ci est d’un goût douteux et va très vite dégénérer…
Une adaptation particulièrement glauque et gore du célèbre poème, dans laquelle Corben s’amuse avec le thème du vers. Bien plus efficace que la précédente adaptation, cette histoire est une grande réussite.
Douzième histoire, L’Enterrement Prématuré, adaptation d’un texte de 1844.
Lucian et Victoria sont fiancés, mais celle-ci refuse de coucher avec lui tant qu’ils ne seront pas mariés. Lassé, il fini par l’empoisonner et après son enterrement, se découvre nécrophile et inhume le cadavre afin de s’adonner aux plaisirs de la chair, froide pour le coup… Surprise pour l’amateur de chair froide, Victoria n’était en fait pas morte, se réveille et s’enfuie ! Surpris, Lucian glisse et se cogne la tête, il se réveille quelques heures plus tard, alors que les fossoyeurs sont sur le point de l’inhumer. A son réveil, Lucian apprend que, aussi surprenant que cela puisse paraître, Victoria le désire toujours. Ils se marient mais peu après leur mariage, Lucian commence à faire d’horribles cauchemars.
Une histoire particulièrement glauque, à la chute aussi horrible que son thème, parfaitement mise en image par un Richard Corben visiblement très inspiré.
Treizième et avant dernier chapitre de ce recueil, une des histoires cultes de Poe, Le Corbeau, parue en 1843.
Arnold est un jeune homme solitaire, se lamentant du décès de sa promise, la belle Lénore. Un soir d’orage, alors qu’il se laisse aller à ses rêveries des moments passés avec sa belle, un corbeau fait irruption dans son bureau et se perche au dessus de sa porte, répétant sans cesse les mêmes mots « Jamais Plus ! ».
Au départ peu gêné par ce volatile, Arnold se rend compte qu’à chaque fois qu’il tente de se remémorer Lénore, le corbeau l’interromp en répétant « Jamais Plus ! » ce qui va peu à peu le faire sombrer dans la folie.
Il s’agit de la troisième interprétation que Corben fait de ce fameux poème, cette fois-ci, Corben a choisi d’en faire un récit de monstre assez simpliste, dans lequel le volatile couleur ébène joue le rôle de bourreau. Un parti pris assez simpliste et ma foi assez décevant, j’ai personnellement préféré la précédente version. Reste les fantastiques dessins de Corben.
Dernier récit de ce recueil, La Barrique d’Amontillado, adaptée d’un texte de 1839.
Montrésor souhaite se venger de Fortunato et pour cela il va utiliser la seule faiblesse de son jovial ami, l’alcool. L’entraînant dans une cave, il lui propose de goûter un vin rare, l’Amontillado.
Pris au piège, le pauvre Fortunato fini par être emmuré vivant par Montrésor, jubilant sur la réussite de son piège. Fier de son méfait, Montrésor va jusqu’à se vanter de son méfait auprès de la femme de Fortunato, l’entraînant elle aussi dans la cave. Mais bien vite, Montrésor, alors qu’il raconte son histoire à la pauvre femme, se sent fiévreux…
Histoire à la fois simple et cruelle, La Barrique d’Amontillado est un récit sur la cruauté de la vengeance aveugle. L’originalité tient ici que l’histoire est vu du point de vue du tueur et donne une véritable sensation de malaise. Une histoire très réussie.
Cette histoire conclue de façon bien admirable ce livre.
Ce voyage dans les œuvres de Edgar Allan Poe au travers des visions de Richard Corben est sans conteste une lecture quasi-obligatoire pour les fans des deux artistes concernés : La passion de Corben pour les œuvres de Poe est flagrante à chaque histoire et au fur et à mesure de la lecture, on est rapidement pris dans ces univers sombres, glauques et gothiques.
Le meilleur moment étant sans conteste l’adaptation de La Chute de la Maison Usher, absolument fantastique.
Que penser de ce recueil ? Et bien très franchement, beaucoup de bien : La plupart des histoires sont de grande qualité et l’édition française est absolument exceptionnelle, comme nous l’ont habitué les éditions Delirium.
Le livre commence par une interview inédite de Corben, se fini par une courte biographie et l’intégralité des couvertures alternatives, sans textes et inserts, permettant de profiter des œuvres du maître dans leur format le plus brut.
Le tout édité dans un grand format luxueux, papier glacé et hardcover : La grande classe.
Un grand livre, que vous l’aurez compris, je conseille ardemment.
Il est assez rare qu’un auteur de comics travaille autant sur les œuvres d’un maître de la littérature fantastique, au point de réaliser plusieurs adaptations d’un même texte.
L’admiration de Richard Corben pour les écrits de Edgar Allan Poe transparaît dans chacune de ces adaptations et bien plus que des hommages, les versions de Corben de ces textes fondateurs de la littérature fantastique sont de véritables déclarations d’amour : La passion et l’admiration de l’artiste étant palpables à chaque page.
Une telle dévotion d’un artiste pour un auteur classique est assez rare, à tel point que pour le lecteur de comics que je suis, c’est d’ailleurs par le biais des adaptations de Corben que j’ai connu et me suis intéressé aux textes de Poe (tout comme les adaptations de Berni Wrightson m’ont fait m’intéresser à H. P. Lovecraft) et donc quand je parle de l’œuvre de Edgar Allan Poe, je ne peux m’empêcher de citer les travaux de Richard Corben qui sont, pour moi, et comme mes passions respectives pour les comics et l’horreur, indissociables.
Pour finir, un petit bonus avec la présentation et mon avis sur un film quasiment inconnu en France car que serais un Jeudi de l’Angoisse (Des Comics) sans une petite référence filmique ?
Focus aujourd’hui donc sur Extraordinary Tales, compilation de cinq courts-métrages adaptant chacune une nouvelle de Edgar Allan Poe, chacune dans un style différent et narré par des intervenants prestigieux :
Même si ce film n’a rien à voir avec Richard Corben, il a par contre beaucoup à voir avec les comics, comme vous allez le constater dans les lignes qui suivent :
Chaque court a été réalisé par Raul Garcia, plus connu pour son travail d’animateur, notamment chez Disney, Garcia ayant travaillé sur des films comme Le Roi Lion, Pocahontas ou encore Hercule et Fantasia 2000, excusez du peu.
L’originalité de chaque court tient dans le fait que chaque film et réalisé dans un style différent et narré à chaque fois par un intervenant prestigieux,. Passons donc en revue chaque segment.
Chaque court-métrage est lié par un fil conducteur, l’esprit de Poe, matérialisé par un corbeau, s’entretient avec des statues symbolisant chacune de ses muses et femmes apparaissant ou ayant influencé ses œuvres. Ces intermèdes sont réalisés avec des personnages dans un style origami.
Le premier segment est logiquement une adaptation de La Chute de la Maison Usher.
Pas besoin de résumer l’histoire, l’ayant déjà fait par deux fois plus haut dans cette chronique.
Le film est ici adapté dans un style faisant penser à un théâtre de marionnettes en bois et est narré par un certain Christopher Lee, il s’agit d’ailleurs de l’une de ces derniers apparitions avant sa mort.
Visuellement, c’est assez déstabilisant au début, puis on fini par s’y faire. Néanmoins, l’un des principaux défauts de ce court-métrage va être récurrent dans les suivants, à savoir les coupes sur les textes originaux, rendant le film assez succin et bref.
Un premier segment original, au parti pris artistique audacieux et osé auquel certains n’adhéreront probablement pas.
Second segment, Le Cœur Révélateur.
Là encore je ne vais pas en faire de nouveau un résumé, pour savoir de quoi il est question, vous pouvez remonter de quelques paragraphes.
Second segment, nouveau style : La nouvelle est ici adaptée dans un style noir et blanc épuré, tout en ombrage, qui n’est pas sans rappeler à un fan de comics le style de Mike Mignola (5).
Visuellement, c’est magnifique et parfaitement maîtrisé, très certainement un des meilleurs épisodes. De plus, il est narré par un intervenant aussi improbable que prestigieux en la personne de Béla Lugosi, acteur légendaire du cinéma horrifique des années 1940. Il n’est bien sûr pas revenu d’entre les morts pour poser sa voix (Il est décédé en 1956) mais il fut utilisé pour le film un ancien enregistrement de sa voix où il récite la nouvelle originale. La voix usée de Lugosi par l’enregistrement, posée sur ces images sombres donnent un cachet particulièrement efficace à l’ensemble, une réussite totale et clairement un des mes segments favori de cette anthologie.
Troisième segment, La Vérité sur le Cas de Monsieur Valdemar.
Un scientifique souhaite tester le pouvoir de l’hypnose sur une personne à l’article de la mort. Pour cela, il demande à un de ses amis, Valdemar, atteint d’une grave maladie si il souhaite participer à cette expérience. D’abord réticent, Valdemar fini par accepter. Prévenu que son ami va décéder, le savant arrive sur place et le plonge dans un état d’hypnose, le pauvre homme restant bloqué dans un état de demi-vie. Après plusieurs mois à lui poser la même question, « Dormez-vous Monsieur Valdemar ? », l’homme fini par répondre que oui, il dors, mais qu’il souhaite mourir…
Là encore, nouveau style visuel et pas des moindres : Au moyen de la technique du cell shading (Google est votre ami), le réalisateur donne à ce segment l’apparence d’un comic d’horreur old school, façon EC Comics, avec l’effet de tramage qui va avec.
Visuellement, pour un fan de ce type de comic (comme moi), l’effet est hallucinant et l’impression de voir bouger un comic est saisissante.
Le tout est raconté par l’acteur Julian Sands, célèbre pour avoir interprété Warlock dans la série de film d’horreur du même nom ainsi que Le Fantôme dans l’adaptation du Fantôme de l’Opéra de Dario Argento.
Son seul défaut est le même que celui de La Chute de la Maison Usher, à savoir des ellipses nombreuses et parfois un peu trop visibles sur le texte original afin de réduire la durée de l’histoire, un peu dommage surtout lorsque l’on sait que cette histoire gagnait de son intensité sur la durée.
Quatrième et avant dernier segment, Le Puits et le Pendule.
Au quinzième siècle, un homme est emprisonné par l’inquisition espagnole, il est drogué et soumis à diverses tortures mais survit malgré tout à chaque fois à ses sévices, perdant de plus en plus l’esprit.
De nouveau un style visuel différent, avec cette fois-ci un style d’images de synthèse plus réalistes, aux couleurs sépias, donnant une légère impression de vieille photographie.
De tout les segments, c’est visuellement le moins impressionnant, non pas qu’il soit moche ou autre chose, mais c’est loin d’être le plus original et on a plus l’impression d’être devant une séquence cinématique de Playstation qu’autre chose.
Heureusement reste la narration, ici assurée par le réalisateur Guillermo Del Toro, particulièrement efficace et envoûtante.
Dernier segment, avec une adaptation du Masque de la Mort Rouge.
Là encore je ne vais pas vous faire un résumé de cette histoire, l’ayant déjà fait plus haut.
Visuellement, le style est ici un mix entre un style cartoon et des effets et couleurs donnant une impression de peinture à l’huile. C’est honnêtement très beau, le style cartoon des personnages se mêlant étonnement bien avec le style classique peint de l’ensemble.
Par contre point de narration ici, la seule voix étant l’unique réplique du Prince Prospéro, réplique dite par la légende du cinéma bis, Roger Corman.
Très honnêtement, de tous les segments, c’est celui dont j’en attendais le plus et qui de ce fait me déçu le plus : Le principal du film étant des plans sur la fête ayant lieu dans le château du Prince, je trouve d’ailleurs dommage de ne pas avoir narré cette histoire, ce qui lui aurait donné plus de substance et aurait augmenté l’impact de l’irruption du fantôme rouge lors de la fête.
Reste le coté visuel, mais qui a lui seul ne sauve pas ce segment que je trouve gâché par son absence de narration : Vouloir adapter du Poe en faisant l’impasse sur son texte est, je trouve, une grossière erreur.
Histoire Extraordinaires est un film particulièrement audacieux dans ses choix artistiques et ses partis pris : Discutables mais toujours originaux, ces segments ont surtout le mérite de donner des visions originales des écrits de Poe.
Bien loin d’un véritable film d’animation, Histoires Extraordinaires est une véritable œuvre à part et comme toute œuvre, divisera à coup sûr ceux qui voudront s’y essayer ou l’ont peut être déjà vu.
Son seul défaut est celui que j’ai plusieurs fois cité au cours de cette petite critique, à savoir que la courte durée des segments a parfois eu pour conséquence d’opérer des coupes dans les récits originaux, faisant ainsi perdre à certains textes autant de substance que d’intensité.
Quoi qu’il en soit, ce genre d’anthologie cinématographique se faisant de plus en plus rare, surtout dans le monde de l’animation, il mérite clairement que l’on s’y attarde, prouvant encore une fois que les écrits de Edgar Allan Poe sont une source inépuisable d’inspiration pour les créatifs de tout bord.
Le film est disponible en DVD en France en version originale sous-titrée français chez Bach Film depuis 2015.
5. Le jeu vidéo White Night sur Xbox One et PS4 sorti en 2015 utilisera le même type d’ambiance et de direction artistique.
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