River Dream
Les Jeudis continuent leur break estival avec ce mois-ci une petite review d’un comic adaptant l’un des premiers livres de George RR Martin, l’auteur de Game of Thrones, River Dream.
Vous aimez les vampires, la Louisiane du XIXème siècle et les vampires un peu dandy ? Alors vous devez très certainement aimer Anne Rice et ses chroniques des vampires.
Et bien le bon George au début de sa carrière, lui aussi visiblement…
Avant de vous parler de son adaptation en comics, revenons un court instant sur la petite histoire de ce River Dream. River Dream est en fait l’adaptation d’un des premiers romans de George Raymond Richard Martin, titré Fevre Dream aux États Unis et publié en 1983, puis en 2005 en France.
L’auteur est aujourd’hui mondialement reconnu comme original de la saga romanesque d’heroic fantasy Game of Thrones, depuis adaptée avec succès en série télévisée (mais aussi en comics, que je n’ai pas lu mais qui sont visiblement des adaptations de la série télévisée).
Mais George RR Martin a eu une vie avant Game of Thrones et a publié de nombreux romans et nouvelles avant de lancer sa série maîtresse.
Il commence sa carrière à la fin des années 70 et s’essayera à plusieurs genres, principalement la science-fiction et la fantasy mais aussi l’horreur vampirique avec Fevre Dream.
Fevre Dream, re-titré River Dream lors de sa publication française en 2005 est donc un roman d’horreur mettant en scène des vampires dans la Louisiane du dix-neuvième siècle.
Le roman met en scène Abner, le capitaine d’une flotte de bateaux ruiné après qu’un hiver ai détruit trois de ses quatre bateaux naviguant sur le Mississippi. Ruiné, Abner est contacté par un inconnu nommé Joshua, qui lui propose de financer la construction d’un des plus beaux et plus grand bateaux ayant jamais navigué sur le fameux fleuve, le Fevre Dream.
Une fois celui-ci construit et les premiers voyages effectués, Abner commence à suspecter son mystérieux mécène de se livrer à des actes particulièrement mystérieux à chacune de leurs escales.
Abner voit juste, puisque Joshua est en fait un vampire, recherchant ses semblables vivants aux abords du fleuve. Après quelques déconvenues et plusieurs mises au point, Abner, accepte l’étrange nature de son hôte et décide de continuer le voyage, emmenant son hôte et ses quelques invités buveurs de sang au grès du fleuve.
Autant prévenir, je n’ai pas lu le roman, j’ai juste lu son adaptation en comics qui, de ce que j’en ai appris, et assez fidèle à l’œuvre originale.
« Frozen In Time Yearning Forbidden Wishes,
Damned and Divine. Scars of my Broken Kisses,
What Will Follow If Tomorrow’s Blind ?
My Eternal Night. »
Tarja, Damned & Divine (Extrait de l’album My Winter Storm, 2007) (1)
L’histoire de ce comic est donc exactement la même que celle du roman : Abner Marsh est un capitaine d’une petite flotte de bateaux naviguant sur le Mississippi, et complètement ruiné.
Après le rude hiver de 1854, trois de ses quatre bateaux à vapeur se sont brisés à cause de la glace, il ne lui reste donc qu’un seul petit navire, le Eli Reynolds.
Désespéré, la providence viendra de Joshua York, un nouveau noble fortuné qui lui offre la possibilité de superviser la construction d’un navire plus grand et plus performant que tous ceux naviguant sur le fleuve et d’en devenir le capitaine.
Marsh accepte mais dès le premier voyage de son nouveau bateau, le Fevre Dream, il remarque que York a un comportement bizarre : Il ne sort de sa cabine que la nuit et s’absente parfois sans raison pendant des jours entiers à chaque escale.
Devant l’inquiétude de son équipage, Marsh demande des explications à York qui lui avoue être un vampire. Mais York est un vampire d’un nouveau genre qui à force d’avoir étudié l’alchimie et la science, a mis au point un sérum pour atténuer la soif de sang et cherche à rallier à lui d’autres vampires pour former une alliance entre humains et vampires, d’où ses excursions nocturnes. Mais c’est lors d’une de ses excursions que York croise le chemin de Damon Julian et sa bande, des vampires aux intentions bien moins pacifistes que lui…
Très honnêtement, j’ai apprécié la lecture de cette bande dessinée : Les personnages sont intéressants, certains se complètent à merveille, Abner et York notamment forme un duo qui de prime abord tout oppose pour finir par s’entendre, le serviteur de Julian, Billy est aussi un personnage ambigu très intéressant, parodiant en quelque sorte l’archétype du fan de littérature vampirique dévoué à son maître avec l’espoir d’une hypothétique transformation que lui même n’est pas sûr de pouvoir gérer (d’où son horrible destinée dans les derniers chapitres) et il y a bien sûr Damon Julian, le méchant de l’histoire, une véritable ordure, détestable, sorte de fusion entre Lestat et Armand des Chroniques des Vampires de Anne Rice.
Je vais développer un peu plus cet aspect plus bas, mais si vous aimez les récits vampiriques mettant en scène des vampires romantiques, vous pouvez apprécier River Dream… A condition de ne pas être trop exigeant car River Dream pioche allègrement dans l’œuvre d’Anne Rice, jusqu’à ce que ça en devienne un peu trop « voyant », et c’est là le principal problème de ce récit.
Comme je le disais dans ma petite introduction, les similitudes avec les chroniques des vampires d’Anne Rice et River Dream sont nombreuses, je n’ai lu.que deux romans d’Anne Rice (Entretien Avec un Vampire et Lestat Le Vampire) mais cela m’a suffit pour y trouver de nombreux points communs : Le cadre, l’époque, certains passages (la quête d’autres vampires de York en Europe n’est pas sans rappelé celle de Louis et Claudia dans Entretien avec un Vampire) ou même certains personnages, notamment Julian et sa bande qui ressemblent à s’y méprendre, que se soit en look ou dans leur comportement au terrible vampire Armand (et sa bande), personnage phare des chroniques d’Anne Rice.
Très honnêtement, les similitudes sont beaucoup trop évidentes pour être des hasards, surtout que le premier livre d’Anne Rice, Entretien avec Un Vampire date de 1976 et River Dream de 1983. Le fait que ce soit une des premières œuvres de George RR Martin n’est pas non plus une excuse valable, le fait qu’il ait probablement voulu surfer sur la mode des vampires dans la littérature au début des années 80 et, je pense, une raison plus valable, surtout si on prend en compte que River Dream est une de ses rares œuvres qui ne soit ni de la fantasy ou de la science fiction, ses deux genres de prédilection.
River Dream est-elle pour autant une œuvre opportuniste ? Oui et non. D’une part, c’est bien écrit et quelques retournements de situation sont assez bien trouvés et franchement surprenants. Les personnages sont bien caractérisés, attachants ou détestables et sont la force première du récit. Après je sais par expérience que les fans d’Anne Rice n’aiment pas trop que l’on emprunte à l’œuvre de celle qui est considéré comme la maîtresse du style vampire romantique en littérature et ces similitudes risquent de faire grincer des dents, mais personnellement, malgré le fait que je connaisse un peu l’œuvre de Rice, j’ai malgré tout relativement apprécié River Dream.
Après libre à chacun d’aborder ce récit comme il le souhaite.
Pour ce qui est du comic dans sa globalité, comme je le disais plus haut, il est visiblement assez fidèle au roman et celui qui s’est chargé de l’adaptation, Daniel Abraham, a dû très certainement batailler sec pour garder le principal du récit, George RR Martin étant connu pour son écriture plutôt dense, certes c’est complet mais le comic a le principal défaut de ce genre d’adaptation : Là où au début, le récit prend son temps pour disposer ces personnages et son univers, sur la fin, tout va à cent à l’heure et les événements s’enchaînent sans retenue, perdant parfois en clarté, principalement à cause du fait que les personnages sont nombreux et que l’on a tendance à s’y perdre un peu, surtout que niveaux dessins, ont souffle un peu le chaud et le froid.
Aux dessins, c’est Rafa Lopez qui se charge de l’intégralité du récit et le constat est un peu le même que pour le scénario : Là où début le dessinateur livre une prestation honorable qui, sans atteindre le génie d’un Mike Mignola sur Dracula, est plutôt agréable, mais sur la fin on sent bien une baisse de régime et une volonté d’en finir rapidement : Les visages sont moins détaillés, les scènes d’action deviennent parfois confuses (on y confond les personnages…) et les zones d’ombre un peu trop présentes ressemblent un peu trop à du cache-misère pour être vraiment justifiées.
Par contre j’ai eu un gros coup de cœur pour les illustrations de couvertures de Felipe Massafera, absolument magnifiques, dont certaines égayeront cette chronique.
Pour finir un petit mot sur l’édition française : River Dream est sorti en deux tomes chez le défunt éditeur French Eyes et loin de moi l’idée de tirer sur le cercueil mais si l’édition est plutôt bonne (softcover avec papier glacé) la traduction est franchement très moyenne : Coquilles diverses (lettres ou mots manquants), termes parfois mal utilisés ou pas vraiment adaptés à l’époque, la traduction est franchement perfectible et m’a parfois fait lever un sourcil dubitatif.
Sortir une adaptation de River Dream en comic était il donc une bonne idée ? Cette adaptation venant d’un studio pour lequel j’ai une affection toute particulière, à savoir Avatar Press, mais qui, je le reconnais humblement, à parfois des politiques de publications très opportunistes est en soit un indice.
Là où George RR Martin a en son temps surfé sur la mode des vampires en littérature, Avatar Press a sans aucun doute voulu en faire de même sur le succès de Game of Thrones et de son auteur pour vendre cette adaptation qui est, si vous avez lu mes propos plus haut, un comic tout juste moyen, résolument opportuniste (l’éditeur français ne s’y est pas non plus trompé en apposant sur la couverture un gros sticker rouge portant l’inscription «Par l’auteur de Game of Thrones ») comme Avatar Press nous en a souvent proposé.
Après si vous êtes mordus d’histoires de vampires, River Dream à quelques aspects qui pourront vous intéresser mais très honnêtement, quitte à lire un bon comic de vampires, je vous conseille plutôt American Vampire de Scott Snyder, Crimson de Bryan Augustyn ou la méconnue mais très intéressante mini-série Blood Legacy de Kerry Hawkins chez Top Cow.
River Dream, de George RR Martin, Daniel Abraham et Rafa Lopez, disponible chez French Eyes depuis 2013.
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