Dans un monde où la chair a remplacé les autres matériaux, Butch est un réparateur de climatisation qui gagne plutôt bien sa vie mais s’ennuie ferme dans son boulot… Réparer les climatiseurs enrhumés chez les barons du crime de Repo City, ça commence à bien faire et Butch a de plus grandes ambitions et surtout un rêve : Devenir un grand et redouté gangster ! Mais comment devenir gangster quand on a jamais fait le moindre mal à une mouche, quand on y connait rien et quand votre seul soutien et un flingue parlant capricieux qui dès qu’il se sent déprimé ne veut plus tirer de balles ?
Accompagné de son pistolet caractériel, Butch va malgré tout tenter de commencer sa carrière de criminel et braquer une banque. Manque de bol rien ne va se passer comme prévu et Butch va se retrouver malgré lui embarqué dans un complot entre les dirigeants et les criminels de la ville aux ramifications bien plus étendues qu’il n’aurait pu le douter. Et si ce loser magnifique devenait le dernier espoir de la ville ?
« You want me to save the world
I’m just a little girl
On the talk shows for the weak
But your selective judgement
And goodguy badges
Don’t mean a fuck to me
Get your gunn, get your gunn
Get your gunn, get your gunn…get. »Marilyn Manson – Get Your Gunn (Extrait de l’album Portrait of an American Family – 1994) (1)
C’est donc l’histoire de Butch, un véritable loser aux ambitions bien au-delà de ses capacités réelles. Butch vit dans un futur dystopique dans lequel tous les matériaux en « dur » (pierre, métal etc.) ont été remplacés par de la chair, un monde dans lequel on peut déguster des morceaux de corps humains clonés dans des restaurants cannibales ou si vous voulez un chien, ont peut vous le créer sur commande et même le faire grandir dans votre ventre !
Repo City c’est une ville bizarre, une ville dans laquelle tout est exacerbé, extrême jusqu’à l’écœurement. Celle-ci est dirigée par plusieurs gangs de criminels, dont les chefs sont idolâtrés comme de véritables stars de télé-réalité avec au sommet de cette chaîne, Kim-Duk Junior, véritable sosie de Kim Jong-un version hipster, aussi bien dans le physique que dans les méthodes, et qui dirige toute cette clique d’une main de fer.
Et puis, il y a Butch et son pistolet « intelligent », ce réparateur de climatiseurs sans grande envergure, un couard, perdant et pitoyable qui va devenir malgré lui héros d’un jour, embringué dans une machination dont il va être d’abord la victime puis le grain de sable qui va tout faire dérailler.
Si il y a bien une chose qui marque durant la lecture de Ballistic, c’est son univers : Cette ville biologique bizarre faite de chair, de muscles et de sang qui respire la sueur, le stupre et le mucus. Ballistic c’est la rencontre improbable entre le cinéma de David Cronenberg (on pense tout de suite et logiquement au film Existenz pour son coté « charnel ») et celui de Quentin Tarantino pour sa galerie de personnages constitués de criminels, flics ripoux, losers ou drogués en tout genre.
Au scénario on a le cinéaste Adam Egypt Mortimer (jeune réalisateur avec un seul film et quelques courts-métrages à son actif) qui dépeint avec efficacité un monde jamais vu jusque là, complexe, référencé et précis dans les moindres détails : Tout y est pensé, expliqué et justifié (comme le prouve les 11 pages de notes en fin de livre revenant sur tout ce que l’on a pu voir durant la lecture, allant des termes utilisés aux affiches publicitaires) malgré son coté totalement et dans le fond faussement farfelu.
On pense notamment à Transmetropolitan à la lecture, surtout pour son coté visuel détaillé, fouillé et là aussi précis jusque dans les moindres détails : Pas étonnant puisque Ballistic est dessiné par le même artiste, à savoir le génial Darick Robertson. Et il faut reconnaître que sur Ballistic, Robertson se déchaîne ! En tant que fan inconditionnel de l’artiste, je l’ai rarement vu aussi en forme, ses planches sont à chaque fois de véritables tartes dans la figure et les ruelles et environnements de Repo City grouillent de détails en tout genre, scabreux, gores ou décalés, cette ville est véritablement vivante sous les pinceaux de l’artiste il en ressort une véritable sensation de chaleur suffocante, de sueur et de stupre presque palpable.
Plus qu’un lieu, Repo City est un personnage à part entière de l’histoire, animée et vivante grâce aux dessins de Darik Robertson.
C’est donc l’alliance parfaite entre un scénario à l’univers et aux personnages fouillés et travaillés et des dessins qui ne le sont pas moins. Un monde à la fois bizarre, extrême et attirant qui malgré tout ne perd pas son lecteur en chemin : Du comic indé comme on aimerait en lire plus souvent !
Un dernier mot pour conclure sur l’édition française : En général, je ne tarie pas d’éloges sur les publications Glénat et celle de Ballistic ne changera pas cette habitude. L’édition est absolument nickel, hardcover, papier glacé, le professionnalisme habituel de l’éditeur fait plaisir, d’autant plus plaisant que malgré les années, ce sérieux reste constant. Il en va de même pour la traduction, absolument impeccable. Niveau contenu bonus on est gâté : Galerie des couvertures originales, sketchbook, notes, articles supplémentaires, tout y est pour augmenter le plaisir de lecture et prolonger (un peu) le voyage à Repo City !
Bizarre, scabreux, original et dépaysant, Ballistic est un comic hors des sentiers battus, le genre de lecture qui reste en tête bien après avoir fini le livre, dessiné de main de maître et supporté par une édition française irréprochable : Pas de raison donc de vous en priver si vous êtes amateur d’o.v.n.i. en bandes dessinées, pour sûr vous apprécierez ce petit détour par Repo City !
Ballistic de Adam Egypt Mortimer et Darik Robertson, disponible depuis le 14 février 2018 chez Glénat Comics.
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