Fin 2012 je me réjouissais du passage de témoin entre Karen Berger et Shelly Bond à la tête de Vertigo, le label indépendant et véritable institution pour les lecteurs de DC Comics (mais pas que), comme étant la transmission d’un héritage que j’avais personnellement interprété comme un signe malgré la paupérisation des effectifs féminins de la firme en terme de responsables éditoriaux ou de postes à haut rang.
Alors qu’à une toute autre époque, la formidable Jenette Kahn faisait tout son possible pour faire embaucher des femmes chez DC, l’éditeur avait bien du mal à surfer sur la vague de la diversité dans les comics (outre sa Batgirl de Burnside), contrairement à ses concurrents Marvel, Image ou IDW, qui n’ont cessé de communiquer depuis des années sur la « féminisation » de leurs équipes créatives et éditoriales.
Le départ de Karen Berger reste un mystère (il est pour moi lié au fameux rebaunch des New 52, qui se sera avéré être totalement inutile, et qui aura surtout fait beaucoup plus de mal que de bien à l’éditeur), mais celui de Shelly Bond (dont le renvoi pur et simple a été annoncé cette semaine) me semble être une drôle d’aberration compte tenu du travail accompli depuis toutes ces années.
Shelly Bond (tout comme Karen Berger) a purement et simplement contribué à faire l’Histoire de Vertigo. Le problème est que Vertigo ne vend plus, mais j’ai beaucoup de mal à croire que la responsabilité en incombe totalement à l’intéressée, elle qui fut la responsable éditoriale de titres tels que Fables, 100 Bullets, DMZ ou encore Scalped, tous encensés par la critique et/ou récompensés par les prix les plus éminents.
Les vrais responsables de la déchéance de Vertigo, ce n’est pas Berger ou Bond, mais bel et bien Jim Lee et surtout Dan Didio qui n’ont pas su mettre les fonds ou les moyens nécessaires pour faire face à l’originalité des séries et l’émulation des titres apportées par la concurrence.
Si l’on rajoute à cela la polémique concernant le maintien de l’éditeur Eddie Berganza, hautement soupçonné d’harcèlement sexuel (enfin soupçonné n’est plus vraiment le terme adéquant, vu que l’histoire dure depuis des années, et que tout le monde se lâche désormais sur les internets, pour ma part j’étais bien au courant mais sur ce blog, on est pas Closer non plus, cela ne m’a pas empêché de partager des liens sur les réseaux sociaux, à l’époque, parce que merde quoi !), plus l’investissement de Bond sur la prochaine série d’imprints intitulée Young Animal, incluant 4 titres scénarisés par Gerard Way, inspirés par le run de Grant Morrison sur Doom Patrol et invitant de nombreuses auteures féminines (Cecil Castellucci, Marley Zarcone, Jody Houser, Becky Cloonan), on en est à penser que le foutage de trombine ne se trouve pas très très loin.
Tout cela porte à penser que Vertigo est en train de donner son dernier souffle, Karen Berger ayant depuis peu été embauchée par Image Comics pour éditer Surgeon X de Sara Kenney et John Watkiss, une continuité des plus logiques et des plus méritées compte tenu du contexte actuel, du coup je suis très confiante sur la capacité à rebondir de notre chère Shelly…
Déjà le départ de Karen Berger était un indicatif fort de l’érosion des moyens (et des ambitions) au sein du label. J’avais été très dur sur le travail accompli depuis avec une constance qui frisait l’aigreur.
Je veux bien faire amende honorable et exonérer Shelly Bond d’une partie des responsabilités (d’autant que Dan Didio est le réel bad guy coupable de la déchéance de DC), mais elle n’a quand même pas réussi à accomplir de grands miracles. Aucune série post 2012 n’est vraiment mémorable, seuls quelques mini-séries de l’automne dernier osent un petit peu (Sherif of Babylon et Jacked)… Bon vent à Shelly Bond, RIP Vertigo et god save the Queen aka Karen Berger.