Depuis bientôt six ans que j’écris sur ce petit blog, je tente à ma manière de faire la promotion des femmes dans l’univers des comics, à travers leur présence dans des aventures souvent hautes en couleur ou des histoires sensibles et modernes, mais aussi par leurs créations en tant qu’artistes, scénaristes, coloristes, et enfin leur engagement sans faille pour la cause féministe et la solidarité qu’elles peuvent témoigner entre elles si cela est nécessaire.
Des noms me viennent ainsi tout de suite à l’esprit sans réfléchir selon les quelques critères que je viens de vous énoncer : Trina Robbins, Louise Simonson, Gail Simone, Kelly Sue DeConnick, Renae DeLiz mais il y en a bien évidemment des dizaines et des dizaines d’autres qui travaillent plus ou moins dans l’ombre, elles ont quoi qu’il en soit toutes contribué à un moment donné ou un autre à faire de ce milieu ce qu’il est aujourd’hui, malgré tout les efforts d’ouverture qui restent encore à accomplir.
Depuis quelques temps la problématique sur le statut et la place des femmes dans la BD, qu’elle soit américaine ou non, a su se rendre de plus en plus inévitable grâce à des expositions, articles de presse, collectifs d’artistes, conférences dans des festivals, à tel point que l’on ne puisse plus nier que cette présence est non seulement incontestable, mais s’organise de plus en plus grâce notamment au pouvoir du web et des réseaux sociaux. Alors qu’il y a encore 30 ans, nombreuses pensaient (à raison) être des pionnières et avancer contre vents et marées, il existe désormais un souffle commun qui les pousse à s’organiser, contester ensemble.
Il y a trois ans, le collectif La Barbe s’insurgeait de voir qu’en 40 ans de festival, seuls deux femmes avaient reçu le Grand Prix du FIBD d’Angoulême (Claire Bretécher en 1983 avec le prix du 10ème anniversaire, et Florence Cestac en 2000), et le faisait savoir en s’invitant à la traditionnelle cérémonie d’ouverture.
Cette année, on constate que parmi les 30 nominés en lice pour ce prix prestigieux (mais qui reste quoi qu’on en dise très francophone) il n’y a aucune femme. Et vous voulez que je vous dise un truc ? En voyant cette liste ce matin, je n’ai même pas été choquée tant ça m’a paru normal. Oui c’est complètement normal de ne voir aucune femme dans cette liste car oui, en 2016, les femmes n’ont toujours pas de place significative (c’est à dire de statut égal face un auteur masculin) dans ce milieu. Malgré les expositions, les conférences, les collectifs, l’engouement de certaines blogueuses, les professionnels de la profession semblent eux s’en battre littéralement les couilles.
Dimanche dernier, j’ai été interviewé sur le statut des femmes dans les comics (bout du con, on me considère désormais comme une « experte ») et la première question de mon interlocuteur fut la suivante : Peut-on dire aujourd’hui que la femme est l’égale de l’homme dans les comics ? Si non, que faut-il encore changer ? Ma réponse fut sans équivoque : Tant qu’on arrivera pas à dépasser au moins la barre des 30% de présence des femmes dans ce secteur (on en est actuellement en moyenne à 15 % chaque mois pour chaque éditeur, et vous avez vu, je suis gentille parce qu’il me semble que la parité, c’est 50 %), on restera dans la merde.
Je ne connais pas les chiffres du secteur de la BD franco-belge, c’est un domaine que je ne maîtrise absolument pas. Mais je crois que la problématique reste la même, tant que les femmes seront en sous-effectif dans des postes clé, comme c’est souvent le cas dans de nombreux milieux, on sera dans une impasse, et on continuera à se plaindre et à vouloir boycotter, alors que non, bien au contraire, je suis personnellement convaincue que se rendre visible est la meilleure des solutions.
Vouloir boycotter le vote du Grand Prix pour moi ne sert à rien, car le vote reste une forme de pouvoir, je pense que le mieux serait de voter pour un artiste qui soutien la cause des artistes féminines, et surtout faire savoir que l’on existe, en continuant à exprimer son ressenti lors de l’événement, quitte à porter un T-shirt qui ferait son petit effet et qui pourrait être porté autant par les auteurs que les festivaliers.
Si il le faut, il s’agit tout simplement d’un malentendu. Si il le faut, ces gens qui sélectionnent les futurs lauréats n’ont pas reçu l’éducation adéquate, celle qui montre que depuis l’origine de l’humanité, la femme a toujours eu sa place en tant qu’artiste, malgré tout. Le FIBD est une institution d’une aura incontestable pour un auteur récompensé, mais qui devrait néanmoins se sortir les doigts du Q et montrer qu’en ce début de 21ème siècle la femme est l’avenir de la bande dessinée.
Aux Etats-Unis, les Lulu Awards avaient vu le jour selon ce même constat, parce que les femmes étaient sous-représentées dans les sélections des récompenses officielles. Le but de cette récompense n’était pas de marginaliser le travail des auteurs féminins mais bel et bien de le promouvoir, à sa juste valeur. Il serait peut-être temps de penser à une alternative similaire dans nos contrées, qui inclurait les artistes étrangères, offrant une ouverture vraiment internationale, sans équivoque, contrairement à ce que le Grand Prix récompense depuis 43 ans.
Les femmes dans la BD existent plus que jamais ! Et cette polémique ne fera qu’accroître leur popularité ainsi qu’une prise de conscience démontrant qu’elles sont même indispensables. Leur créativité, leur expérience, leur combat est une aubaine pour ce milieu, n’en déplaise à quelques « spécialistes ».
A part ça bonne année 2016 ! Celle-là aussi commence du feu de Dieu !
Attention quand même, l’an dernier le FIBD avait créé un prix: Jeunes Talents afin de mettre en avant de jeunes auteurs non publiés!
Les 3 lauréats ont été des jeunes femmes!
Après certes ce n’est qu’un prix jeunes auteurs!
C’est le rôle du FIBD de mettre en avant les jeunes auteurs, tout comme c’est son rôle de sélectionner des femmes pour son prix le plus emblématique
Bien dit. completement d’accord! +1
Pour info:
– Les auteures(trices) représentent environ 12% du franco-belge.
– Sur les 62 albums de la sélection officielle du festival (FIBD) concourent 17 ou 18 auteures(trices), donc environ 30%.
– Seulement 3 personnes sont responsables de la liste du grand prix FIBD,
Nicolas Finet (H), Ezilda Tribot (F) et Stéphane Beaujean (H).
– Il existe un collectif féminin http://bdegalite.org qui est à l’origine de la revendication.
À titre personnel, il me parait étrange de qualifier de sexiste un festival qui en terme de pourcentage, double la visibilité des artistes féminines dans sa sélection par rapport à leur représentation réelle dans le milieu.