Jessica Jones V Supergirl. Voici venu le temps où tu dois choisir ton camp, camarade. Outre l’éternel clivage entre Marvel et DC, c’est surtout l’approche, la direction employée pour aborder le concept même de la « super héroïne » qui est à creuser à travers ces deux programmes, bien plus qu’une concurrence directe entre deux personnages qui n’ont absolument rien à voir, et qui ne sauraient être comparées dans leur statut purement basique.
Je vous lâche mon opinion direct, comme ça on est tranquille. S’obliger à comparer Jessica Jones avec Supergirl et vice versa, en terme de programme super héroïque au féminin en ce début de 21ème siècle est absolument dramatique. Oui oui c’est dramatique, je pèse mes mots, car nous sommes actuellement tellement à la ramasse en terme de visibilité de super héroïnes à la télévision que nous ne pouvons pas nous permettre de mettre à mal ces deux séries en les opposant l’une face à l’autre, ce serait une véritable insulte face au petit miracle dont nous sommes actuellement les témoins.
Les deux séries ont autant leurs atouts qu’elles ont leurs lacunes, et elles sont du coup d’autant plus complémentaires, car elles montrent ainsi plusieurs facettes de ce qui est possible de voir et d’apprécier en terme de représentativité d’un personnage féminin et de son statut d’héroïne.
Comme vous le savez, je suis bel et bien une adepte de la Maiden of might via ses différentes itérations, bien plus qu’une version du Faucon Maltais à la sauce Marvel pourtant bourrée de références. C’est une question de culture (j’ai été séduite très tôt par l’aura des super héros de DC Comics, à l’image de nombreux d’entre nous avec Marvel, grâce notamment aux magazines Strange), de sensibilité aussi, ça ne se discute pas. Malgré tout, je sais faire la part des choses, et je vais tenter de comparer ces deux séries non pas en les opposant l’une envers l’autre, mais plutôt par rapport à ce qu’elles vont nous apporter en terme de représentation de l’héroïsme au féminin, puisqu’au final c’est bien ça le plus important.
Pour commencer, Jessica Jones et Supergirl ont pour point commun de refaire découvrir à un public assez large ce qu’est une super héroïne et dans quel environnement elle évolue, après une belle traversée du désert qui aura démarré avec la fin des séries Buffy et Dark Angel (on passera sur Bionic Woman, Witchblade et Painkiller Jane qui n’auront pas réussi à trouver leur public… pour les deux premiers on comprend aisément pourquoi). Qu’elles soient inconnues ou mésestimées, ces deux héroïnes offrent d’abord l’opportunité de sensibiliser le spectateur à un univers qu’il ne maîtrise pas forcément, sans qu’il se sente obligé de s’infliger des décennies de lecture. A l’image des séries mettant en vedette les super héros masculins, il s’agit aussi de faire connaissance avec toute une mythologie, et autant de protagonistes à dévoiler où mettre en scène au fil des épisodes (Luke Cage, Red Tornado…)
Les deux séries ont également la volonté de montrer comment une femme, aussi puissante soit-elle, doit continuer à se battre malgré tout quoi qu’il arrive pour rester au sommet et garder le contrôle total de sa vie. On retrouve cette notion bien évidemment avec nos têtes d’affiche, mais aussi via les personnages secondaires féminins, dont on notera d’ailleurs des similitudes dans les deux programmes. On peut déceler en effet bien des points communs entre les success women Cat Grant et Jeri Hogart, femmes accomplies dans leur carrières respectives, vindicatives à souhait et pourtant toujours autant vulnérables. De même, les sœurs adoptives de nos héroïnes se sont toujours battues pour parvenir à leur actuel statut, que se soit en dépit d’un secret à protéger, ou bien d’une mère abusive.
Les styles des deux séries ont beau être diamétralement opposées, le message reste le même : Étrangère, survivante, working girl ou personnage de soutien, rien n’est jamais acquis dans la vie d’une femme, et chaque jour est un éternel recommencement, cette idée était d’ailleurs déjà véhiculée dans une autre série féministe qui avait récemment fait notre bonheur : Marvel’s Agent Carter.
Autre belle surprise que l’on retrouve dans les deux shows, un excellent choix de casting en ce qui concerne Krysten Ritter et Melissa Benoist… si on arrive à mettre de côté le support initial (chose qui s’est avérée être de plus en plus facile au fur et à mesure que l’on « plonge » dans les épisodes). Personnellement au début j’ai quand même eu un peu de mal avec Ms Ritter, trop jolie et plastique à mon goût pour incarner une détective qui est tout sauf gracieuse dans le comic-book.
Mais les deux séries sont pourtant loin d’être irréprochables, cumulant ensemble pas mal de clichés et de tropes qui m’ont fait (ou qui continuent de me faire) lever les yeux au ciel durant de nombreux épisodes. Commençons par Supergirl, qui malgré le coefficient de sympathie que j’éprouve pour sa comédienne, manque cruellement d’enjeux dramatiques du moins dans le premier quart de saison diffusé jusqu’ici, il faudra en effet attendre le 6ème épisode pour voir Kara enfin exprimer sa frustration et sa colère, rendant le personnage bien plus complexe que la jeune fille naïve, gaffeuse et fleur bleue qui nous avait été servi jusqu’alors (mais que l’on retrouve de toute façon souvent dans le comic-book).
Jessica Jones quant à elle recèle deux problèmes majeurs, qui sont l’omniprésence de bouteilles d’alcool et de paires de fesse à s’en faire exploser la rétine. Alors ne vous méprenez pas, je ne suis pas du tout sombrée du côté obscur de Christine Boutin, certes, l’alcoolisme de l’héroïne fait partie intégrante du personnage, c’est une notion qui est d’ailleurs bien présente dans l’oeuvre de Brian Michael Bendis, et qui découle surtout du traumatisme subi par l’héroïne, mais elle y est abordée de façon beaucoup plus subtile et surtout moins redondante, le nombre de plans comprenant une bouteille d’alcool est tellement hallucinant qu’on en vient à se demander si les producteurs de la série n’ont pas passé un contrat avec un quelconque lobby de spiritueux.
L’autre aspect complètement WTF de la série est le nombre de prises de vue centrées sur le popotin de notre héroïne, tout à fait agréable à regarder qu’on se le dise, et ce grâce à un jean moulant totalement sur mesure mettant avantageusement ses formes en dépit de l’aspect grunge et mal attifé du personnage…
Ici encore, le spectateur pourrait certainement s’amuser à se faire un shot de Vodka à chaque fois qu’il tombe sur l’une des innombrables scènes prises en exemple ci-dessous, devenant du coup lui aussi alcoolique, et là les enfants on ne s’en sort plus.
Au final nous sommes donc face à deux séries qui, malgré leurs grandes différences, se regardent avec autant de satisfaction que d’exigence. Tout est loin d’être parfait dans chacune d’entre elles, qu’on se le dise, mais ce qui est certain c’est qu’aucun des deux programmes n’arrivent non plus à rentrer en concurrence avec l’autre, les deux comédiennes concernées l’ayant d’ailleurs très bien compris, se félicitant mutuellement via les réseaux sociaux. Au delà de l’effet marketing, il faut tout de même essayer d’y voir un peu plus loin en miroitant l’espoir que ces séries (avec Agent Carter) soient les pionnières d’un genre nouveau, où les héroïnes DC, Marvel et autres, pourraient êtres mises en valeur sur le long terme, à travers des programmes qui leurs seraient entièrement dédiées.
(Alors honnêtement. Mais vraiment, hein. Pas sarcastiquement du tout.
J’ai jamais remarqué de sur-utilisation de plan de fesses dans la série Jessica Jones. Oh well.)
Par contre, le gros problème de cette série, c’est qu’un premier script avait été finalisé pour ABC, chaîne de télé détenue par Disney diffusant déjà AoS et Agent Carter. Le contenu était donc 1) beaucoup plus procédural, avec un nombre d’épisode plus important, et plus d’intrigues différentes qui se réglaient parfois en un épisode -bref, c’était beaucoup plus classique dans le découpage; et 2) c’était PG-13.
Or, quand la décision fut prise de faire passer la série chez Netflix, le format et le contenu à du s’adapter : du coup, 1) la série a dû réduire son nombre d’épisode, tout en tâchant de garder un maximum de matière du script original, mais ça se traduit hélas lors du visionnage par des changements de rythme et des passages à vide assez pénible 😐 là où Daredevil, par contre, était structuré au poil de cul et tenait en haleine du début à la fin; et 2) les showrunners se sont lâchés et ont rajouté plein de scène « mature » qui arrivent parfois juste pour le plaisir de faire du Rated R, et sans faire vraiment sens (Luke et Jessica sont de vrais lapins…)
Y a quand même de très bonnes choses hein, surtout David Tennant qui est incroyable dans le rôle de Kilgrave. Mais bon. C’est dommage.
Quant à Supergirl, au-delà du fait que c’est parfois bien cucul (comme tu l’as dis, ça commence à s’améliorer), ce qui me déplaît surtout, c’est le fait que la construction de la série est exactement la MÊME que dans Flash et Arrow : un super-héros, une équipe de sidekicks qui l’aident à distance depuis un lieu secret, une once de soap… et ça c’est vraiment dommage.
Je veux dire.
SuperGirl. Kryptonienne. Pouvoirs de ouf.
Pas besoin de vous, les mecs.
Mais Melissa Benoist est juste super attachante en SuperGirl, et j’ai hâte de voir la suite là où, par contre, j’ai définitivement lâché Arrow depuis la fin de la saison 3, ne le recroisant EXCLUSIVEMENT QUE pour les épisodes-crossover. J’en pouvait plus de tout ce mélodrame gratuit (PARLEZ ENTRE VOUS, MERDE !).
J’attendais cet article 🙂 Bravo. C’est rafraîchissant de voir un avis qui n’oppose pas bêtement les deux séries o/
Mais merci à toi surtout d’ajouter tout ces détails dont je n’avais pas la connaissance 🙂
Big up au dernier épisode des Clairvoyants 🙂 http://www.lesclairvoyants.net/
Ces deux séries ne rentrent peut-être pas volontairement en concurrence mais certaines de leur scènes tendent naturellement à les opposer.
Je pense notamment à l’instant « costume » de Supergirl qui est vraiment lamentable. Sa tenue, conçue et approuvée par un prétendant renvoi consciemment ou non à une sorte de validation de son apparence, de ces allés et venues par le genre masculin. Kara obtient l’aval de son ami au moment où celui-ci la trouve parfaitement séduisante.
Dans Jessica Jones, la scène de costume ne fait intervenir aucun homme et permet un début de réflexion sur la notion d’héroïsme. Même en homme sandwich Jessica prend conscience qu’elle peut faire preuve de bravoure et faire le job. Le costume devient un artifice, elle est seule a déterminer son apparence.
Je ne l’ai pas vu comme ça mais ton point de vue est intéressant, il se trouve que le meilleur ami de Kara est un homme, ce n’est pas sa soeur qui pouvait la conseiller dans ce domaine vu qu’elle était contre le fait qu’elle devienne Supergirl