La première fois que j’ai entendu parler de Cet été-là (This One Summer dans sa version originale), le roman graphique de Jillian et Mariko Tamaki, c’était lors de la conférence tenue à la médiathèque de Colomiers par Bill Kartalopoulos retraçant l’histoire de la bande dessinée aux Etats-Unis dans sa plus grande pluralité. Son enthousiasme envers ce titre ainsi que les quelques pages projetées avaient éveillé ma curiosité, et j’étais d’autant plus agréablement surprise d’apprendre que quelques mois plus tard, l’éditeur Rue de Sèvres avait très rapidement acquis les droits de sa version française, comme si ce chef-d’oeuvre ne pouvait attendre plus longtemps d’être découvert par le plus grand nombre.
Cet été-là nous propose un voyage dans le temps situé à l’aube de notre adolescence, vers cette période de la vie où l’on est à la fois plein de certitudes et se posant tout un tas de questions, où l’on brave les interdits en regardant ses premiers films d’horreur par défi même si l’on a peur de se promener seul dans une forêt en pleine nuit, vers un âge où l’on aimerait déjà être plus grand pour pouvoir profiter de tout, sans se douter un seul instant qu’il n’en est rien, et que lorsque l’on a atteint ce stade, la plupart d’entre nous n’a qu’une seule envie, pouvoir revenir à cet âge où tout reste encore à découvrir.
Rose et Windy sont deux amies de 13 et 11 ans et demi, qui comme chaque été se retrouvent à Awago Beach dans l’Ontario au Canada, là où leurs parents ont pour habitude de louer un bungallow et partager de bons moments le temps d’un barbecue. Les deux jeunes filles se connaissent très bien et leurs journées sont rythmées par les baignades, les excursions dans les alentours et les visites à l’épicerie du coin qui fait aussi office de vidéo club, où le personnel n’est d’ailleurs pas très regardant quant à la location des DVD assujettis à une limitation d’âge.
C’est ainsi qu’elles vont s’en donner à cœur joie, de Massacre à la Tronçonneuse à Vendredi 13 en passant par Les griffes de la nuit, autant d’épreuves surmontées ensemble et forgeant entre autre leur belle amitié.
En marge de leur curiosité et de leur analyse candide sur le monde qui les entoure, Rose va s’intéresser de plus près à l’un des salariés de l’épicerie, un adolescent plus âgé surnommé le Dud, expérimentant ainsi ses premiers émois vis à vis d’un jeune homme qui semble être le bourreau des cœurs de ce microcosme estival. Alors que Windy restera détachée vis à vis du psychodrame qui se joue sous leurs yeux, son amie n’aura de cesse que s’intéresser à ce feuilleton de l’été quitte à porter des jugements sans l’ombre d’une objectivité, et du haut de ses 13 ans.
La pré adolescente n’a pas non plus les clés pour comprendre ce qui se trame au sein de sa famille, et de la complexité des relations d’une mère qui semble être marquée par la vie, et qui rejette de plus en plus son père, un homme un peu balourd mais plein de tendresse.
Cet été-là est parsemé d’instants où le temps s’arrête, où les petit bruits surgissent parfois pour peser très lourd dans le quotidien de ses protagonistes. Jillian et Mariko Tamaki, qui sont deux cousines comme leur nom de famille commun l’indique, ont su remarquablement retranscrire la complicité de leur deux héroïnes au même titre que la fragilité de leur amitié, à un moment de leur vie où tout est sur le point de s’accélérer.
Cette oeuvre vient tout juste d’obtenir l’Eisner Award du meilleur roman graphique lors de l’actuelle San Diego Comic Con et c’est à mon avis totalement mérité. L’occasion justement de plonger dans ce récit à la fois réaliste et nostalgique, je conseille aux amateurs de v.o. d’acheter l’édition de First Second Books, dont la colorisation originale est toute autre, sur des tons bleus beaucoup plus nuancés que l’édition française, à l’image de la couverture de l’album.
Dommage que l’édition fr n’ait pas respecté les nuances de l’impression originale… Ca a été une belle lecture quand même 🙂
Pourquoi un tel changement de couleur ?? une explication de l’editeur français ? vraiment dommage