Quand j’étais plus jeune (…), il y a une série animée dont je ne ratais aucune aventure et qui est sans doute passée un peu inaperçue à cause de son nombre restreint d’épisodes (13 au total). Il s’agit de La légende de Calamity Jane, une production franco/américaine diffusée en 1998 sur Canal+, qui racontait pour mon plus grand bonheur l’équipée sauvage d’une héroïne hors du commun, totalement badass et d’un charisme affolant.
Le fait est que dans ma petite vie de cinéphile, il a des genres que j’ai toujours préféré à d’autres, j’ai en effet été bercée par les peplum, films de pirates et autres western durant ma jeunesse, et la frustration (vous pouvez l’imaginer) a d’ailleurs toujours été d’autant plus grande pour moi que la plupart des films dont ils sont issus sont par principe quasiment dénués de personnages féminins de premier plan.
Et pourtant, en y regardant d’un peu plus près les femmes fortes sont bel et bien présentes dans l’ouest, Joan Crawford dans Johnny Guitar, Marlene Dietrich dans Spoilers, ou plus récemment Madeleine Stowe et Drew Barrymore dans Bad Girls ou encore Sharon Stone dans Mort ou vif… Tenez, si le sujet vous intéresse, voici une liste assez complète de toutes ces héroïnes de l’ouest américain dépeintes dans le 7ème art.
Alors évidemment, lorsque j’ai appris que la scénariste Kelly Sue DeConnick et la dessinatrice Emma Rios se retrouvaient (elles avaient déjà travaillé ensemble sur la mini-série Osborn chez Marvel) pour un creator owned publié chez Image (et désormais chez nous grâce à Glénat Comics) avec une histoire de western au féminin, j’étais conquise sans même avoir lu un seul numéro. Que voulez-vous, c’est comme ça.
Mais finalement, Pretty Deadly n’a pas grand chose à voir avec ce qu’on appelle un westen classique, car tout en y empruntant ses codes (surtout au début de l’histoire) il nous entraîne bien au delà, par le biais d’un conte fantastique et mythologique relativement complexe car interprété par trois visions différentes. En effet, DeConnick ne nous ménage absolument pas dans la façon de raconter son récit où se croisent divers personnages tous liés inexorablement avec la Mort en personne.
Oyez le chant de Ginny Face de Mort : “Toi qui exiges réparation, invoque son nom, entonne sa chanson, Sonne le glas qu’elle entendra depuis les enfers. Ginny chevauche le vent pour toi, mon enfant… Le vent souffle pour la Mort !”
Ginny est la fille de la Mort, au visage marqué des stigmates de son père. Elle chevauche son destrier de fumée à travers un Ouest sauvage et sans concessions où magie et poudre ne font pas forcément bon ménage. Dans la cruauté d’une Amérique qui se cherche et se construit dans le sang et la violence, Ginny traque les pêcheurs, les coupables. Mais au terme de sa quête de vengeance, saura-t-elle aller jusqu’au bout pour affronter son propre destin ?
Cette façon d’aborder cette trame permet justement de pouvoir ressentir une certaine empathie avec tous les personnages quels qu’ils soient , même les plus secondaires, à tel point que l’héroïne Ginny Face de Mort, pourtant charismatique en diable, arrive à se faire voler la vedette à plusieurs reprises par sa nemesis Big Alice ou la jeune Sissy. L’univers de Pretty Deadly est donc destiné à un lectorat à la fois exigeant et avide de (bonnes) surprises.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Emma Rios excelle sur ce titre. Son style, ici d’un onirisme fou (et déjà entraperçu sur Amadis de Gaula) explose littéralement, sublimé par les couleurs de Jordie Bellaire qui ajoute grâce à sa palette de tons pourpres et orangers une aridité à la fois dramatique et surréaliste.
Aux frontières du manga et de la BD Franco-belge, le trait de la dessinatrice espagnole est une véritable expérience graphique qu’il ne faut rater sous aucun prétexte.
La principale déception de ce premier volume réside toutefois dans la façon d’expédier certaines trames de la part de la scénariste, il est en effet assez rageant de nous voir être présenté autant de personnages avec un passé que l’on imagine très riche, mais dont le destin est expédié dans les deux derniers numéros de ce TPB. On peut espérer que leurs histoires respectives seront développées dans de futurs numéros, car on ressent vraiment que trop de choses ont été dites, ou du coup pas suffisamment.
Kelly Sue DeConnick ne m’a encore jamais encore convaincu, si ce n’est peut-être sur Osborn justement. Mais comment résister à du Emma Rios colorié par Jordie Bellaire, hein ?
Merci pour cette review. Pour avoir des personnages féminins forts dans des Western, quelques pépites existent en franco-belges : Lune d’Argent sur Providence (Western horrifique superbe d’Eric Herenguel) ou Angela (d’Olivier Vatine).
Merci à toi pour ces précieux conseils de lecture 🙂
Il y a en Western Fantastique en Franco-Belge aussi Badlands avec une héroine avec un sacré (putain) de caractère, c’est signé Eric Corbeyran et Piotr Kowalski que l’on connait bien dans le monde du comics!
J’ai un tout petit goût d’inachevé sur cette série. Ca pourrait être bien, tous les ingrédients sont là… Pourtant, comme pour Sex Criminals, je suis passé à côté.