Parce qu’il est des œuvres de taille XXL auxquels nous ne pourrions passer à côté Julien et moi, principalement à cause de notre amour commun pour le cinéma de genre, parce que nous avons tous les deux adoré ce film pour des raisons et des sensibilités différentes, et parce qu’on aime avant tout se faire plaisir, nous vous proposons une « critique » à 4 mains du Mad Max : Fury Road de George Miller, l’aboutissement (à l’heure où nous écrivons ces lignes) d’une saga entamée il y a 35 ans, brûlot tout autant humaniste qu’écologiste où son héros autrefois accompli grâce à l’amour de la femme qu’il aimait finira par se transcender grâce à celle qui va s’acquitter de sa propre destiné.
Pour autant, employer le terme de film féministe pour parler de Mad Max : Fury Road est un pas que nous ne franchirons pas (pour une fois qu’on est d’accord, let’s celebrate !), tant nous restons exigeant dans ce domaine (pour résumer, il nous en faut quant même un peu plus) les ficelles étant un peu trop grosses pour pouvoir y adhérer totalement. Ce film n’a d’ailleurs nullement besoin d’être estampillé de la sorte pour se révéler être d’ors et déjà un classique du 7ème art, les quelques arguments ci-dessous finiront peut-être par convaincre les derniers réfractaires.
A l’Ouest, l’Eden (la review de Katchoo)
Il semblerait qu’en quelques jours, tout est déjà été dit sur ce film, comme si plus de la moitié de notre petit pays avait déjà eu l’occasion de le voir… au moins trois fois !
« Claque monumentale », « film de la décennie », ou encore « prends ça dans les dents Michael Bay ! » (non c’est pas vrai, ça c’est moi qui le dit 😉 ), Mad Max : Fury Road est le genre d’épopée, il est vrai, qui ne nous a pas été donné de voir très souvent au cinéma mais qui reste, à l’image de ses prédécesseurs, dans la pure tradition des westerns auxquels il fait indubitablement référence. On ne peut s’empêcher ici de penser à La chevauchée fantastique, et de sa diligence poursuivie par les Apaches menés par le sournois Geronimo, ainsi que Convoi de femmes où un éleveur de bétail traverse les Etats Unis accompagné de femmes qu’il a recruté pour vivre avec ses employés et par se biais peupler son domaine.
Le film de George Miller n’a en effet pas la prétention de révolutionner le genre auquel il s’attaque une nouvelle fois, mais s’applique à le servir de la plus belle des manières grâce un travail colossal de mise en scène et d’effets spéciaux.
Malgré ce fulgurant bon en avant, (30 ans nous séparent de Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre), Fury Road s’amuse une nouvelle fois avec les codes visuels qui collent à l’univers de la franchise, ré-exploitant ses acteurs (Hugh Keays-Byrne, toujours aussi impressionnant) ses plans, (le fameux « eye-popping », la scène où un enfant s’empare d’une mèche de cheveux de Max), ses accessoires et leur utilisation (la boite à musique, la tenaille briseuse de chaîne, l’arme posé sous le véhicule, le coupe moteur…), et bien sûr la continuité du récit (la ressemblance entre les War Boys et le personnage de Scrooloose, la transmission du savoir uniquement par la parole, permettant au langage d’évoluer…). Autant de détails qui permettent de ramener ce film à la portée de ses prédécesseurs, en dépit des décennies qui les séparent.
Comme nous le laissait présager la bande annonce du film, il ne s’agit pas d’un film sur Max, celui-ci est par un concours de circonstances amené à aider la véritable héroïne du récit, Imperator Furiosa, dans sa quête de rédemption. Il ne fait aucun doute qu’en inversant les rôles, Miller a ainsi cherché à faire retrouver la part d’humanité de son héros (au début du film, il réagit littéralement comme un animal), perdue suite au deuil et aux années d’errance, et ce grâce au contact de Furiosa et de ses « furies ». L’effet de miroir en est presque grossier, Furiosa ayant les même attitudes que Max dans les films précédents, jusqu’à son invalidité et la prothèse qui l’accompagne…
Pour le coup, malgré son charisme indéniable le personnage manque cruellement d’originalité tant il est calqué sur sa version masculine. Mais sa présence reste quand bien même des plus salvatrices, rappelant les Ripley et Sarah Connor de notre jeunesse, et démontrant une nouvelle fois que Charlize Theron est une putain d’actrice.
En outre, Miller ne se contente pas d’opposer son héroïne badass seule face au patriarcat du 3ème millénaire (c’est pour bientôt les filles !), mais l’entoure de plusieurs générations de femmes, symbolisant chacune un aspect de la féminité (l’amour, la fécondité, le savoir et l’expérience, la fertilité…) tel un oasis au milieu du désert. Mais là encore, ces personnages secondaires sont tellement peu exploités que l’on reste sur sa faim, je me demande même par quel miracle certaines ont été capable de survivre jusqu’ici…
Alors même si son scénario tient aisément dans un mouchoir de poche, Mad Max : Fury Road reste une vraie leçon de cinéma où chaque scène chorégraphiée au millimètre près, sillonne ces 2 heures de gladiature mécanique aussi librement qu’un V8 sur une piste du désert australien. Il serait d’ailleurs vraiment malhonnête de ne pas considérer tous les véhicules du film comme faisant partie de la distribution, les bolides plus spectaculaires les uns que les autres sont en effet de vrais protagonistes avec leur propre personnalité, et le travail monumental de Colin Gibson sur chacun d’entre eux restera dans les mémoires du 7ème art pendant très, très longtemps. Les voir s’élancer, tournoyer dans les airs pour ensuite s’écraser et se disloquer dans un amas de poussières et de flammes, sont autant de scènes marquantes qui jalonnent le film et font preuve de l’impressionnante technicité d’une telle oeuvre, toute post-apocalyptique qu’elle puisse être.
Le dernier film de George Miller, sans être un sans faute, confirme que le « cinéma de papa » , celui des Carpenter, Cronenberg, De Palma, Scott, et autre Dante, n’est pas mort. Maintes fois repoussé, à tel point qu’on ne l’attendait plus vraiment jusqu’à l’annonce du tournage il y a près de trois ans, Mad Max : Fury Road continue d’explorer l’univers de son héros, Max Rockatansky, où nous découvrons ici un autre prisme du personnage, tout en restant fidèle au territoire bien connu et codifié de la franchise. De quoi donner une salve d’inspiration aux futures générations de réalisateurs à venir.
La Route pour Purgatoire (la review de Julien Lordinator)
Mad Max, c’est une de mes nombreuses madeleines de Proust cinématographiques à moi : Du premier que j’ai vu sur une vieille VHS qui portait en gros caractères blancs les mots « Après 1 an d’interdiction blabla », de mon enregistrement TV de Mad Max 2, toujours en VHS, que j’ai usé jusqu’à ce que la bande reste coincée dans le magnétoscope ou mon souvenir de l’énorme déception que fut Au-Delà du Dôme du Tonnerre, que j’avais pourtant cherché à voir durant des années, cette série est à l’image de beaucoup de sagas du cinéma des années 80 que j’appréciais, chargée de souvenirs d’un magnétoscope qui ronronne des nuits entières dans ma chambre d’adolescent sur ma vieille TV cathodique au son monaural en déversant des images de policier cyborg, de chasseurs de fantômes décontractés ou de tueurs masqués courant après d’ingénues blondes dans les bois.
Mad Max, j’ai découvert la série avec le deuxième, diffusé en troisième partie de soirée sur France 3 il y a quasiment vingt ans, du style post-apocalyptique je ne connaissais que le dessin animé Ken Le Survivant (j’y reviendrais plus bas) diffusé dans une version d’une autre galaxie (censure, dialogues, etc.) dans l’émission que je croyais immortelle le Club Dorothée, je connaissais la référence que de nom, je me disais que ce serait bien de passer à la vitesse supérieure en regardant enfin l’œuvre de référence : Une vieille VHS qui traînait, l’attente du début du film, je presse la touche « Rec » de mon magnétoscope et je vais me coucher… Le lendemain soir je me lance dans le visionnage, et là je tombe des nues devant l’univers qui se présente à moi, plein de bruits de moteurs, de poussière, de malabars musclés bardés de cuir et de véhicules customisés.
Je deviens fan.
Je trouve le premier en VHS sur une brocante, je le regarde et j’aime beaucoup également, j’apprends au détour de la lecture d’un vieux numéro de Mad Movies qu’un troisième film existe, je le cherche longtemps, fini par le trouver et la déception est à la hauteur de l’attente : trop gentillet, visuellement trop exagéré et cette Tina Turner qui surjoue, Au-delà du Dôme du Tonnerre, ce fut le film de trop, qui cassa mon affectif avec la série… Jusque 2015 et la vision d’une certaine bande-annonce.
Et là je retrouve mon adolescence : explosions, bruits de moteurs, poussières, tronches badass, ce Dies Irae du Requiem de Verdi hurlant comme un cri de rage et les mots « From Mastermind George Miller » asséné comme un uppercut, n’en jetez plus, en l’espace de deux minutes trente j’ai senti remonter tout mon enthousiasme de gamin et en deux minutes trente Fury Road devenait instantanément ma plus grosse attente au cinéma depuis des années !
Tout ça c’est bien gentil, mais avant de rentrer dans le vif du sujet, le post-apocalyptique concrètement, c’est quoi ?
Je ne vais pas m’étendre sur un long et pompeux historique du post-apocalyptique dans la littérature et la culture en général, pour juste me focaliser sur ce qui est le plus accessible, à savoir les films qui ont rendu ce genre populaire auprès du grand public et devinez quoi ? Dedans il y a Mad Max !
Le post-apocalyptique, c’est un genre de science-fiction d’anticipation dystopique qui dépeint une société futuriste ayant subi une catastrophe (généralement un holocauste nucléaire) qui aurait eu pour conséquence de ravager la terre et de livrer les hommes à eux-mêmes. Il n’y a donc peu ou plus de lois et la seule règle et la loi du plus fort.
Le premier film populaire du genre sera La Planète des Singes de Franklin Schafner (1968) avec Charlton Heston (même si ont ne se rend compte qu’à la fin du film qu’il s’agit en fait d’un monde post-apocalyptique) adapté du roman de l’écrivain français Pierre Boulle publié en 1963. Dans cet univers, les humains ont étés en partie décimés et les survivants réduit en esclavage par les singes, devenue la race dominante.
Bande-annonce VO de La Planète des Singes
Viendra ensuite la trilogie Mad Max de l’australien George Miller (1979, 1981 et 1985) qui va visuellement et de façon durable influencer l’imaginaire collectif jusqu’à devenir l’œuvre de référence lorsque l’on parle de post-apocalyptique : une terre désertique sur laquelle des gangs motorisés font régner la terreur. L’univers de Mad Max est caractérisé par plusieurs codes visuels, notamment des véhicules customisés manuellement pour en faire des engins de mort ou un style très cuir / punk pour les personnages.
Bande-annonce de Mad Max 2 Le Défi
L’autre film souvent cité est Waterworld de Kevin Reynolds avec Kevin Costner (1995), dans ce film, la terre a été entièrement recouverte d’eau et les survivants vivent sur des atolls artificiels. Ce film est tristement célèbre pour avoir été l’un des plus gros budgets de l’époque et d’avoir pâti d’une promotion désastreuse rythmée par les aléas du tournage, les recettes s’en firent durement ressentir et même s’il fut rentabilisé (Il a coûté 172 millions de dollars et en a rapporté au terme de son exploitation 264 millions), celui-ci gagna la réputation de film maudit…
Bande-annonce VO de Waterworld
L’autre média dans lequel le post-apocalyptique va retrouver un écho favorable sera le manga, au travers de deux œuvres devenues depuis des références du genre.
Le premier sera Akira de Katsuhiro Otomo publié à partir de 1982 est adapté en long métrage d’animation en 1988. L’histoire d’Akira se passe 35 ans après une troisième guerre mondiale : la plupart des grandes mégalopoles du monde ont subi des bombardements nucléaires et Tokyo (rebaptisé Néo-Tokyo) est maintenant une cité en ruine, gangrenée par la drogue et dominée par des gangs de jeunes motards. Un de ces motards, Tetsuo, a un accident lors d’une course-poursuite en évitant un enfant au visage de vieillard. Il sera alors enlevé et soumis à des expériences lui donnant des pouvoirs psychiques. Tetsuo va alors se servir de ces pouvoirs pour faire régner la terreur et seul son meilleur ami, Kaneda, aura le courage de l’affronter.
Bande-annonce américaine d’Akira
Le second manga de style post-apocalyptique le plus renommé est Hokuto No Ken (Ken Le Survivant en France). Publié à partir de 1983, Hokuto No Ken raconte l’histoire de Kenshiro, une armoire à glace expert en arts martiaux qui vagabonde au hasard sur Terre, ravagée par une catastrophe nucléaire. Devenue désertique, la Terre est gouvernée par des bandes de punks motorisées faisant régner la terreur auprès des autres survivants, pour la plupart des villageois. Kenshiro cherche d’abord à retrouver sa fiancée enlevée par son rival d’une autre école d’arts martiaux mais au fur et à mesure de son périple, il va également se retrouver confronté à d’autres survivants, la plupart sont des gangs mais aussi des membres d’autres écoles d’arts martiaux ayant eux aussi survécus.
Clairement inspiré par Mad Max, Hokuto No Ken en partage des similitudes flagrantes absolument évidentes : Ken est par exemple habillé quasiment de la même façon que Max, une tenue en cuir avec des épaulettes et que se soit les véhicules ou le style des punks, la filiation est évidente. Les deux auteurs, Buronson au scénario et Tetsuo Hara aux dessins, ne s’en sont d’ailleurs jamais caché, citant les deux premiers Mad Max comme influence majeure.
Là où Hokuto No Ken se révèle être intéressant, c’est par l’ampleur de son univers : visuellement déjà et comme il s’agit d’une œuvre dessinée, les auteurs ne sont pas bloqués par l’obligation de prises de vues réelles et peuvent donc livrer des visions d’apocalypse grandioses, comme des immeubles en ruine à perte de vue éventrés par des trains ou des bateaux. Ensuite, là où on aurait pu croire le mélange post-apocalypse / Arts martiaux indigeste, cela se révèle en fait efficace, les tensions entre les deux écoles d’arts martiaux étant exacerbés par ce monde sans loi, cela donne lieu à des affrontements d’une violence sans pareille.
Mélangeant post-apocalyptique, arts martiaux et violence extrême, Hokuto No Ken, de part son vaste univers et son coté visuel efficace est selon moi l’une des œuvres inspirées de Mad Max les plus réussies.
Hokuto No Ken fut adapté en série animée, en OAV (des films animés destinés à une sortie directement en vidéo) et en long métrage animé, je vous conseille d’ailleurs de voir en priorité le long métrage de 1986, baptisé en France Ken Le Survivant, le Film qui reprend toute la première partie du manga (1).
Bande-annonce japonaise du long métrage animé Hokuto No Ken (1986)
J’aurais pu aussi parler du Gunnm de Yukito Kishiro ou le gerbant Violence Jack de Go Nagaï mais bon, fini de parler des influences et des ersatz, parlons plutôt de la bête !
Mad Max : Fury Road, la claque, le choc !
Ébloui, abasourdi, émerveillé, euphorique, pantois, admiratif, stupéfait, extasié : voici juste un échantillon de ce que je ressentais en sortant de la séance de Mad Max : Fury Road. Un rêve de gosse venait de se dérouler devant mes yeux, j’avais retrouvé cette euphorie, cette impression d’avoir assisté à un spectacle d’exception, du genre de celui qui marque la vie d’un cinéphile. Du grand spectacle éclatant, du blockbuster comme on en fait plus (ou du moins comme on en faisait plus depuis longtemps). Des explications à ça, il y en a, donc autant entrer dans le vif du sujet !
Première chose qui marque dès les premières scènes, c’est l’aspect visuel du film : dans Fury Road, tout est démesuré, que se soit les décors et l’impressionnante citadelle, les véhicules, le look des personnages : tout est plus grand que nature, poussé jusqu’à l’extrême pour finir par devenir son univers à lui tout seul, univers qui flatte l’œil du spectateur pour mieux lui faire approuver ce monde sans foi ni loi à l’exagération sans borne et le rendre crédible.
Une crédibilité qui n’est pas dû au hasard car dans Fury Road, tout marche, tout a été créé pour fonctionner : que se soit les véhicules crachant furieusement leur fumée, du titanesque War Rig de Furiosa en passant par le légendaire V8 Interceptor de Max, le Giga Horse d’Immortan Joe ou l’impressionnant tambour de guerre du guitariste aveugle Doof Warrior, tout est réel, tout fonctionne : Fury Road c’est l’antithèse du fond vert, c’est la réalité la plus explicite qui explose à l’écran, dans Fury Road rien (ou presque) n’est simulé, les images sentent l’essence, l’échappement, la sueur, la poussière et le sang.
Et de la sueur il en a sûrement fallu aux cascadeurs et acteurs du film pour assurer ce ballet de violence furieuse et démesurée acrobatique : chaque scène d’action est un véritable spectacle grandiose, ça bondit, surgit, combat et hurle de toutes parts, aucune seconde de répit n’est donné à l’écran et on reste souvent plusieurs secondes à retenir son souffle devant une telle débauche de violence spectaculaire.
Ce monde sans foi ni loi ne pardonne rien, et l’histoire du film s’en ressent durement : dès le début du film, Max est fait prisonnier, tatoué, réduit à l’état de marchandise tout juste bonne à servir de donneur de sang et d’organes à l’armée du tyran Immortan Joe, les agressifs War Boys. Immortan Joe est à l’image de son monde : cruel, grandiloquent, massif et effrayant, le dictateur asservi un peuple assoiffé à grand coup de discours et distribution sporadique d’eau qu’il nomme ironiquement aqua-cola.
Probablement lassée de ce règne de terreur, l’Imperator Furiosa, camionneuse au service de Joe, décide de sauver « les épouses », esclaves sexuelles de Joe juste bonnes à enfanter une descendance à l’immonde dirigeant. Pour cela elles les enlèvent et a pour projet de les ramener à la Terre Verte, lieu de son enfance, recouvert de prairies. C’est sans compter la hargne d’Immortan Joe et ses War Boys, bien décidé à arrêter Furiosa et récupérer les donzelles. Muselé et affiché comme un trophée à l’avant d’un véhicule, Max va malgré lui se retrouver embringué dans cette quête de liberté de Furiosa.
Là encore, l’analogie est extrême, l’histoire est une grossière métaphore de la société dans laquelle le petit peuple est soumis à un dirigeant inaccessible et prétendument immortel, grossier certes, mais comme le reste du film, cette exagération passe sans problème pour le spectateur qui se reconnait immédiatement parmi les infortunés héros : l’idéaliste Furiosa, le solitaire mais courageux Max ou le repenti Nux, la galerie de personnages est un condensé de stéréotypes qui dans un autre film ne seraient pas crédibles, mais dans Fury Road, ça passe, car tout est fait pour ça, les personnages étant le reflet de l’univers exagéré. La prolifération des freaks dans le film en est également un exemple flagrant, ici pas de légère déformation, tout y est énorme, pustuleux et dégoûtant, la maladie n’existe pas, existent juste les déformations aberrantes du corps : on en revient encore à cette logique d’exagération, visiblement et de toute évidence le pivot du film.
Je pense l’avoir suffisamment répété, Mad Max : Fury Road, c’est l’exagération la plus totale : un monde et des personnages exacerbés, caractérisés à l’extrême pour devenir une sorte de vision grossière et cauchemardesque de notre propre monde où chaque détail a été grossi, digéré puis recraché dans un mélange déformé mêlant grotesque et spectaculaire, pour finir en un genre de théâtre survolté, divertissant et dantesque.
Changeons maintenant diamétralement de sujet et abordons une trame actuellement source de polémique.
Là où après visionnage je fus surpris en lisant des critiques (pour la plupart positives) c’est en voyant le film qualifié de « féministe » à plusieurs reprises. Cela m’étonna d’autant plus que je n’ai à aucun moment ressenti le film comme tel. Certes Furiosa est particulièrement badass, mais est-ce que ça signifie pour autant que le film est féministe ? Je ne pense pas.
Le féminisme, c’est un mot un peu galvaudé ces temps-ci : il suffit de mettre une femme un peu forte dans un film (où ailleurs) pour qu’il soit érigé en porte-étendard du girl-power. Pour être franc, je ne pense as que ce soit le cas avec Fury Road.
Pour prendre un exemple concret, pour moi, le type même de l’héroïne badass de film d’action par excellence, c’est Ellen Ripley dans Aliens, Le Retour : elle met son côté sexy au placard pour porter des flingues, elle sue de partout, roule des mécaniques et tient tête à des bidasses qui font dans leur froc, insulte un monstre de cinq mètres de haut en le traitant de sale pute, s’approprie des attributs mâles en portant une immense armure robotisée et gagne à la fin tout en gardant sa sensibilité de femme, voir de mère si on creuse un peu plus sa relation avec la fillette.
Ripley pour moi c’est la seule et véritable héroïne badass du cinéma d’action, au charisme inégalé et indétrônable. Est-elle féministe pour autant, je n’en sais rien, mais dès que l’on me parle d’héroïne de films d’action, je pense tout de suite à Sigourney Weaver tenant le M41A en arrosant à tout va, la rage dans les yeux, crasseuse de sueur et de poussière, dents serrées et grognant comme un viking, et ça pour moi, c’est une gonzesse qui en a !
Furiosa n’en est certes pas en reste non plus, entre sa bagarre épique avec Mad Max et quelques punchlines intéressantes, on en est quand même pas au niveau du modèle cité ci-dessus. Le film m’a également fait lever un sourcil dubitatif à certains moments, notamment pour cette image digne des pages de vogue en plein désert de plusieurs top modèles en train de s’oindre les pieds, le tout en vêtement semi-transparent volant dans le vent. Certes Charlize Theron botte des culs avec son bras bot et son crane rasé, mais elle reste indubitablement sexy, ses yeux brillants et son gloss waterproof en tête : on est quand même loin de sa performance dans Monster de Patty Jenkins (2003).
Alors oui, certains aspects du film peuvent laissez paraître un féminisme sous-jacent, notamment la mise en place final d’un supposé matriarcat, une prédominance de personnages féminins multiples et forts mais est-ce que cela suffit à faire du film un pamphlet féministe comme je l’ai beaucoup lu ? Très honnêtement je ne pense pas. Selon moi, une véritable héroïne féministe, c’est une femme qui existe par elle-même, fais ses propres choix quelque soient les conséquences sans l’approbation ni le soutien d’un homme : j’y reviens encore, mais quand Ripley décide contre l’avis de tous de descendre dans le nid Alien, déterminée, elle le fait d’elle-même, en se foutant des conséquences et en sachant pertinemment qu’elle risque d’y rester et personne ne l’en empêche, c’est son choix, elle l’impose par son charisme, comme une vraie femme, forte
On est quand même assez loin de ce constat dans Fury Road : Furiosa n’existe que de part sa haine pour Immortan Joe, sa vie, son combat, tout est lié à sa haine pour cet homme, tout ce qu’elle fait dépend de lui en quelque sorte, coté indépendance, on a déjà vu mieux…
Est-ce que ça fait malgré tout de Furiosa un personnage inintéressant, clairement non, ça reste un personnage fort, bien écrit et extrêmement attachant mais que les petits zizis qui ont peur pour leur ego mâle d’amateur de films d’actions se rassurent, Mad Max : Fury Road n’est pas une révolution féministe et ce n’est pas avec ce film que leur média va brutalement changer d’orientation. Mad Max : Fury Road reste de l’action hard-boiled, calibré pour un public type mais qui contrairement à d’autres films, ose des choses et c’est ça, c’est déjà pas mal.
Comme je l’ai dit au début, Fury Road a fait resurgir en moi cette euphorie et cet émerveillement que je croyais oubliés : les souvenirs de sentiments que je croyais vraiment avoir perdu, comme l’impression d’avoir vu un spectacle exceptionnel, et d’être venu au cinéma pour quelque chose.
Oui, faire du grand spectacle distrayant à Hollywood, c’est encore possible, faire des blockbusters est encore possible, encore faut-il y mettre du cœur et y croire : plus qu’un film d’action basique d’une efficacité digne d’un bulldozer, Mad Max : Fury Road, c’est l’espoir de revoir du vrai cinéma de divertissement sur les écrans, de celui qui fait vraiment rêver, fait avec passion et donne envie de revenir « se faire une toile ».
(1) Hokuto No Ken fut également adapté en film live par le réalisateur américain Tony Randel en 1995 mais il suffit de voir le film pour se rendre compte du désastre… Je vous renvoie d’ailleurs à la page qui lui est consacré sur le site Nanarland : http://www.nanarland.com/Chroniques/chronique-ken-ken-le-survivant.html
Hum, personnellement je préfère le spoiler de l’Odieux Connard ^^ Honnêtement, est-ce que ça vaut vraiment le coup de ressusciter certaines licences ? Je pense que parfois il vaut mieux s’abstenir.