Le disco est un genre musical et une danse apparus aux États-Unis au début des années 1970.
Qu’on le veuille ou non, il y a pratiquement toujours une femme derrière les origines de la plupart des héroïnes de comics.
Et la mise au monde de Dazzler en 1979 sous l’instigation d’Alice Donenfeld, alors avocate et vice-présidente des affaires commerciales chez Marvel, prouve encore une fois que, même si l’on ne retient souvent que les grands noms de l’industrie (en l’occurrence ici Jim Shooter), certains concepts et grandes idées créées ou inspirées par des femmes (Miss Fury est une création de Tarpe Mills, le célèbre costume de Vampirella a été imaginé par Trina Robbins, l’existence même de Wonder Woman provenant d’Elizabeth Holloway et Olive Byrne, de même que pour Catwoman et Big Barda inspirées par les femmes de Bob Kane et Jack Kirby… sans parler de Madame Xanadu, Isis... m’enfin lisez les rétro-billets et vous saurez de quoi je parle) tiennent encore debout aujourd’hui et laissent aux lecteurs un souvenir impérissable.
Dazzler fait ses débuts dans X-Men #130 en 1980, un numéro que les passionnés de la série mutante connaissent particulièrement bien puisqu’il appartient à l’un des meilleurs arcs écrits par Chris Claremont (et dessiné par John Byrne) sur les X-Men appelé la Saga du Phénix Noir et qui prend son envol au numéro précédent, celui-ci va introduire d’ailleurs les personnages d’Emma Frost et Kitty Pryde, mais ça les enfants, c’est une autre histoire.
Alison Blaire, c’est cette jeune mutante qui a la capacité de transformer le son en éclats de lumière aveuglante, créer des illusions holographiques ainsi que des rayons laser intenses, et dont les pouvoirs ont commencé à se manifester comme la plupart des mutants lors de l’adolescence, apparaissant soudainement alors qu’elle est en train de se produire lors d’un spectacle au lycée, fort heureusement pour elle le public qui assiste à la scène pense que cela fait partie du show.
Bien que son père, le juge Carter Blaire, souhaite qu’Alison poursuive tout comme lui une carrière juridique, elle entre dans le monde de la musique et utilise ses pouvoirs sur scène pour améliorer visuellement ses performances vocales.
Ceux-ci vont à la fois attirer l’attention des mercenaires du Club des Damnés ainsi que des X-Men qui vont tenter de la recruter, mais contre toute attente, Dazzler ne rejoindra l’équipe que bien des années plus tard, après s’être consacrée à sa carrière et son public en donnant de nombreux concerts au cours desquels elle utilisera ses pouvoirs pour contrecarrer divers criminels.
Mais revenons si vous le voulez bien un tout petit peu avant cette première apparition.
En 1979 la mode du Disco est déjà en fin de course, et avant qu’il rende son dernier souffle, Marvel (par le biais de Donenfield) va essayer de capitaliser ce phénomène musical et culturel en créant un personnage qui devrait pouvoir être exploité sous différentes formes, de la musique au cinéma en passant par les produits dérivés.
C’est ainsi que l’éditeur va s’associer à la maison de disque Casablanca Records, écurie d’artistes de renom tels que Kiss, Donna Summer ou les Village People (sans parler de l’éminent Patrick Juvet), ainsi que le studio Filmworks pour élaborer une héroïne dont les aventures seraient lisibles dans une série qui lui serait dédiée, ses chansons disponibles en 45 tours, et en vue d’être adaptée dans un film. Ce n’était d’ailleurs pas la première collaboration entre Marvel et Casablanca, le groupe de rock Kiss ayant fait une apparition en 1977 dans Howard the Duck #12 et #13 pour ensuite revenir dans deux numéros de Marvel Comics Super Special.
Mais les choses ne vont pas se passer idéalement comme prévu. En effet les deux compagnies n’arrivent pas à se mettre d’accord sur des points essentiels comme l’éventail de pouvoirs de la mutante ainsi que sa personnalité, provoquant l’annulation de la série à cinq reprises. C’est Jim Shooter alors éditeur en chef qui prend en charge le projet, et conceptualise un personnage nommé The disco Queen. Le scénariste Tom DeFalco finira par modifier ces facultés (suggérées par Casablanca) en développant le fait qu’elle puisse transformer le son en lumière. Roger Stern nomme le personnage Dazzler et John Romita Jr. essaie de lui donner corps, au début très influencé par la chanteuse Grace Jones, concept qui ne sera finalement pas retenu car Filmworks, responsable d’une hypothétique déclinaison au cinéma va s’y opposer préférant la plastique d’une actrice telle que Bo Derek.
Neil Bogart, à la fois patron de Casablanca et Filmworks, et Alice Donenfeld (a qui l’on doit le développement de la série animée Les Maitres de l’Univers, mais ça aussi, c’est une autre histoire !) voyaient effectivement les choses en (très) grand : produire un film se déroulant dans un New York futuriste et féodal où Dazzler accompagnée des Avengers était confrontée à deux reines rivales incarnées par deux grandes diva de la scène disco de l’époque, Cher pour la Witch Queen, et Donna Summer en Queen of Fire. Le reste du cast envoyait également du lourd, les groupes Kiss et Village People étaient de la partie, ainsi que Robin Williams en love interest dénommé Tristan, tout cela dans un script écrit en 4 jours par un Jim Shooter sous acide (ou peut être pas, finalement c’est ça le pire) dont voici un extrait :
Donenfeld fait même le voyage au 33ème Festival de Cannes pour convaincre Bo Derek de jouer dans son film, coïncidant avec la première apparition de Dazzler dans X-Men #130 publié trois mois auparavant. Ayant lu le script, l’actrice semble être intéressée au point de consentir à être attachée au projet. Dès lors la machine s’emballe, et Jim Shooter est évincé dans l’écriture du scénario par Marvel au profit de Leslie Stevens (créateur de la série Au-delà du réel). Selon les dires de Shooter, le scénario de Stevens est d’une médiocrité sans nom, les pouvoirs de l’héroïne sont supprimés, elle n’est désormais capable que de faire dire la vérité aux gens. De plus, la star qu’est Bo Derek à l’époque (Tarzan, the Ape Man réalisé en 1981 fut pour moi une révélation d’un érotisme puissant… ahem, mais je digresse, excusez-moi) exige que son réalisateur de mari, malheureusement célèbre pour ses dépassements de budget, soit aux commandes du film sans quoi elle quitte le navire. Ce caprice lui vaut son départ du projet, Marvel essaiera plus tard d’imposer l’actrice Daryl Hannah toujours sur le scénario de Stevens, sans succès.
Au même moment l’héroïne va faire ses débuts dans une série à son nom qui sera chez Marvel la toute première à être publiée exclusivement pour le marché direct, le premier numéro se vend à 428000 exemplaires. Jusqu’en 1985, Dazzler côtoiera bon nombre de super héros et super villains tels que Spider-Man, Human Torch, Dr. Doom, Galactus, Hulk et les X-Men, afin d’être sûr que le titre reste en haut du classement, ce qui ne sera malheureusement pas le cas puisque la série deviendra bi-mensuelle à partir de 1983 à partir du #25 pour prendre fin au #42.
John Romita Jr est aux dessins jusqu’au #3 puis remplacé par Frank Springer, Tom DeFalco scénarise quant à lui jusqu’au #6 et aidera son successeur Danny Fingeroth sur les numéros suivants jusqu’au #27.
Se réinventant périodiquement au fil des modes musicales qui vont jalonner les années 80 (et Dieu sait qu’il y en a eu…), Dazzler verra son costume être redessiné à plusieurs reprises, influencé autant par Madonna que par l’émergence de courants musicaux tels que la techno-pop.
La série quant à elle, n’est pas exempte de critiques. De nombreux lecteurs rejettent en effet son côté réaliste, où les relations de l’héroïne avec sa famille et sa carrière sont mis en avant au détriment de l’action pure digne d’un comics de super héros, et les somptueuses couvertures de Bill Sienkiewicz à partir du #27 jusqu’au #35 n’y changeront rien.
En 1984 dans le roman graphique Dazzler : The Movie, Jim Shooter envoie Alison Blaire à Hollywood (elle est à ce moment là prof d’aérobic), où un producteur véreux nommé Roman Nekoboh la séduit et la persuade de révéler ses pouvoirs dans un film autobiographique afin de stimuler sa carrière. Mais le contraire se produit, sans que le film soit projeté une Dazzler démasquée (et à moitié nue, celle-ci donnant de sa personne en petite tenue afin de faire la démonstration de ses pouvoirs devant un public médusé) subi dès lors les foudres des mouvements anti-mutants, mettant à mal ses vues dans le show-business. Dans ce numéro nous apprenons deux choses : Alison Blaire est foncièrement naïve, et elle peut accumuler l’énergie qu’elle est capable de produire grâce à ses pouvoirs mutants.
Elle se voit ensuite obligée de reconstruire sa vie sous la tutelle des X-Men, ce qui va lui permettre d’améliorer considérablement ses capacités, c’est à ce moment là qu’elle rencontre et tombe amoureuse de Longshot qu’elle va épouser, notre héroïne tombera enceinte mais perdra l’enfant d’une fausse couche.
Dazzler va côtoyer bon nombre de super héros et d’univers (dont le Mojoverse) tout au long de sa prolifique carrière. A ses débuts, elle est équipée d’un magnétophone muni de haut-parleurs dont les bandes magnétiques pouvaient fournir une musique continuelle, source de ses pouvoirs, et ses fameux patins adhéraient magnétiquement à ses chaussures…
Au même titre que Spider-Woman et She-Hulk, elle doit son existence au sens aigu des affaires et du marketing de la part de Marvel, qui cherchait à capitaliser au mieux un concept ou une mode et de le décliner sur différents médias. Malgré ses différents écueils, Alison Blaire saura rester plus ou moins sur le devant de la scène, jusqu’à se confronter à Dr Doom et Galactus en personne (ce qui n’est pas donné à tout le monde, vous en conviendrez) surfant sur les divers courants musicaux, et changeant de look si nécessaire, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Mais c’est sa période Disco, genèse du personnage, qui reste auprès des fans de loin la meilleure.
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