Les jeudis de l’angoisse (des comics) #5

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Grey  : La Vérité est Ailleurs… (Dans les comics en fait)

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Ce qu’il y a de bien avec les extra-terrestres dans les comics, c’est qu’ils sont partout : Après tout, le premier et le plus grand des super-héros n’en est-il pas un ?
Quoi qu’il en soit, le fait que les extra-terrestres soient si exposés dans les comics mainstream en font d’emblée des personnages qui ne sont pas vraiment bien placés pour apparaître dans un comic d’horreur et coller les miquettes…

Si on remonte un peu plus loin dans le temps, des extra-terrestres dans les comics d’horreur on en trouve pas mal dans les publications type EC Comics, principalement d’immenses gus libidineux en scaphandre qui coursent des bimbos blondes aux vêtements déchirés pour les emmener sur leur planète en vue de vagues plans de reproduction (les années cinquante, quelle époque merveilleuse quand même  !).
Là, on va parler d’un type bien précis d’extra-terrestres, ceux-là même qui ont fait et font très certainement encore le bonheur des fans de conspiration gouvernementale dans la série Aux Frontières du Réel (X-Files en version française, la trilogie du samedi, M6, les années quatre-vingt-dix tout ça) à savoir les gris et cela dans un comics qui s’appelle… Grey ! (< Gris en français).

Pour ceux qui ne les connaissent pas ou bien ne s’intéressent tout simplement pas au surnaturel / paranormal, je vais tenter de vous présenter ceux qu’on appelle vulgairement « Les petits gris ».
Une sorte de prototype des petits gris apparaît pour la première fois dans le fameux roman de H.G. Wells, Les Premiers Hommes sur la Lune, dans ce roman, les habitants de la lune sont décrits comme des petits êtres à la peau grise, avec un grand front, des yeux noirs plus grands que la moyenne, un dard et une démarche étrange, visuellement on a donc là une sorte de base de ce qu’ils seront plus tard dans la culture populaire, mais le comportement des Sélénites (leur nom dans le roman de Wells) sont aux antipodes de l’aspect mystérieux dont on va les affubler plusieurs années plus tard. De plus on peut préciser qu’avant les Sélénites, Wells avait déjà affublé d’autres êtres d’une apparence similaire : Dans un article qu’il écrit en 1894, L’Homme dans un Million d’Années, Wells envisageait déjà notre évolution physique future comme similaire de l’apparence des petits gris et dans son roman La Machine à Voyager dans le Temps, les Morlocks sont eux aussi petits, gris et avec des grands yeux noirs, mais poilus. Wells fait également référence à des êtres similaires dans La Guerre des Mondes en les présentant comme des rivaux des martiens.

Ces êtres feront leur entrée dans le panthéon des créatures prisées par les fanas de paranormal en 1965 lorsque le journal américain Boston Traveler publiera un article dans lequel un couple nommé Betty et Barney Hill affirme avoir été enlevé par des extra-terrestres ayant cette apparence, même si à ce moment précis le terme « petits gris » n’est pas encore utilisé, la description faite de leurs ravisseurs par les Hill correspond en tout point à la description des « petits gris ». De plus, Betty Hill avec l’aide d’une institutrice, va cartographier le lieu d’origine de ses ravisseurs comme étant un système d’étoiles appelé Zeta Reticuli, les petits gris ayant depuis parfois le surnom de Zeta réticuliens (1).

La consécration aura lieu en 1977 lorsque Steven Spielberg choisira de donner cette apparence à ses extra-terrestres dans son film Rencontre du Troisième Type.
Mais c’est dans les années 1980 qu’ils obtiendront leur statut de créature de référence de l’ufologie quand on les associera au fameux crash de soucoupe volante de Roswell.
Dans la culture geek, ils seront très prisés et popularisés par le scénariste et créateur de la série X-Files, Chris Carter, si bien qu’il en fera les Némésis attitrés de son héros, l’agent spécial du F.B.I. Fox Mulder.

Souvent rattachés à des histoires d’enlèvements à but scientifique, supposément de mèche avec le gouvernement américain, réputés insaisissables et aux motivations obscures, les petits gris sont une part importante de la culture populaire, ayant même détrôné les « petits hommes verts » d’antan comme représentation iconique des extra-terrestres. (2)

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 Maintenant que les présentations sont faites, entrons dans le vif du sujet, la mini série Grey, publiée en 2011 chez le petit éditeur Loaded Barrel.
Tout commence lorsque des événements étranges se produisent dans la petite ville de campagne américaine de Bullard Valley : du bétail est retrouvé mort à demi dépecé et plus inquiétant, des habitants disparaissent dans des conditions mystérieuses.

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Bullard Valley est l’archétype de la petite ville de campagne américaine avec ses champs de maïs à perte de vue, ses habitants pittoresques et ses jeunes qui s’emmerdent… C’est dans cet endroit dans lequel le temps semble s’être figé sur un tableau de Norman Rockwell que s’est installé Mack, un ancien flic de Brooklyn, souhaitant se mettre au vert pour offrir à sa famille une vie plus tranquille, loin de l’agitation de New York. Nommé Shérif du patelin, Mack partage ses journées à régler les querelles entre voisins et réprimander les jeunes qui font trop de bruit la nuit. Mais depuis quelque temps, des choses bizarres se passent à Bullard, des vaches sont retrouvées mortes dépecées et de mystérieux cercles apparaissent dans les champs. Pour les locaux, l’origine de ces nuisances ne font aucuns doutes, il s’agit des jeunes du coin qui tuent l’ennui en organisant des soirées à boire et fumer de l’herbe.
2C’est d’ailleurs lors d’une de ces soirées qu’un jeune disparaît dans un champ de maïs sous les yeux de sa petite amie, visiblement happé par un rayon lumineux.
Extra-terrestres ! Le mot arrive rapidement aux lèvres des habitants, le tout renforcé par une vidéo prise par les jeunes sur laquelle on voit effectivement la victime s’élever dans un rayon lumineux… Mais pour le maire il faut tasser l’affaire, la fête de la moisson approche et il ne faut pas que cette affaire de kidnapping extra-terrestre s’ébruite. Mais c’est lors de cette fête qu’un autre jeune trouve la mort, le torse transpercé par une arme inconnue. De plus, la fameuse vidéo du kidnapping arrive sur internet et la ville est bientôt envahie par des fanas d’OVNI, au grand dam du shérif.
La ville envahie par des timbrés, les habitants qui n’osent pas participer à la fête de peur de se faire tuer par un extra-terrestre, le shérif Mack se retrouve débordé, d’autant plus que les événements bizarres et les enlèvements continuent et que son état de santé personnel semble se dégrader…

Largement inspiré par le pitch des Dents de la Mer (le personnage du shérif, la menace sous-jacente, le maire qui refuse d’y croire, etc.), l’histoire de Grey réussi tout de même a marquer sa différence en distillant une ambiance sombre, mystérieuse et franchement inquiétante. Les indices sur les motivations du, ou des « Gris », sont dispensés au compte-goutte et de façon contradictoire, à un moment un événement laisse penser qu’il n’est pas dangereux et quelques pages plus tard un cadavre est retrouvé… Cet enchaînement laisse le lecteur dans l’expectative tout au long du récit et c’est là l’une des forces de Grey, celle de brouiller continuellement les pistes afin de remettre en cause les événements et leur signification : Le ou les « Gris » sont-ils bien ou mal intentionné  ? Pourquoi fait-il/font-ils ça ? Durant toute la lecture, il plane une atmosphère réellement énigmatique et très accrocheuse faisant que l’on suit les péripéties du shérif avec intérêt en étant tout aussi interrogatif que lui.

Le mystère reste entier jusqu’au dénouement, aussi surprenant qu’inattendu, qui personnellement, m’a laissé comme deux ronds de flan, mais bon, vous connaissez la chanson, pour le connaître, il va falloir lire la bande dessinée, sinon tout ce que je viens d’écrire ne servirait pas à grand-chose…

3Pour ce qui est de l’aspect visuel, là encore le bouquin est surprenant puisqu’il ne s’agit pas à proprement parlé d’une bande dessinée, mais plus d’un roman-photo : Point de vignettes dessinées ici, juste des photos prisent par le photographe Alex Goz et retravaillées en numérique par Jared Barrel. Là où ça pourrait être un handicap, ce choix artistique se révèle être un véritable coup de génie, donnant au livre un aspect réaliste particulièrement immersif : on a l’impression de vraiment suivre des personnages «réels» et cela donne une impression très cinématographique à l’ensemble, les attitudes et expressions des personnages, quoique parfois un peu surjouées, les rendent du coup plus crédibles. Ce réalisme a du coup un effet double, d’une part ça rend la bande dessinée plus réaliste et du même coup beaucoup plus effrayante.

Cet aspect est d’ailleurs parfaitement revendiqué dans la bande-annonce  :

Un petit mot sur les créateurs de cette bande dessinée, les frères Jared et Jordan Barrel, créateurs des studios Loaded Barrel.
Le studio n’est d’ailleurs pas spécialement centré dans ce genre de comics, mélangeant prises de vues réelles et images retravaillées par informatique, on trouve notamment comme autres titres du même type chez eux Brielle and the Horror, une série fantastique, mettant en scène une adolescente possédée par de multiples démons ainsi que God of The Machines, une série de sciences-fiction. En dehors de ça, les deux frères touchent un peu à tout, ils réalisent des court-métrages et des clips vidéos pour des petits groupes, etc. En gros on peut dire que c’est juste deux mecs qui s’éclatent à faire un peu ce qui leur plaît, et remarquez, si c’est pour faire des choses du calibre de ce Grey, ils peuvent continuer à vider leur barillet !

Le site du studio  : http://dev.loadedbarrelstudios.com/

4Grey est une bande dessinée atypique, à mi-chemin entre horreur et surnaturel, comics et roman-photo, c’est une véritable curiosité qui mérite toute attention de la part des amateurs de comics d’horreur, d’amateur de paranormal ou tout simplement de lecteurs curieux et/ou avides de lire quelque chose de vraiment différent, si vous entrez dans une ou plusieurs de ces catégories, laissez-vous tenter, ça en vaut clairement le coup, foi d’amateur de « trucs » dessinés un peu bisseux : car oui avec Grey on peut le dire : la culture bis existe aussi dans les comics !

 

 

Grey est à l’image de son sujet, un véritable OVNI sur la planète comics qui mérite amplement que l’on s’y attarde, donc foncez chez votre revendeur habituel et laissez-vous happer par cette histoire qui n’a qu’une seule nuance de gris et franchement, c’est largement suffisant !

Grey de Jared Barrel, Jordan Barrel et Alex Goz, publié en France le 23 avril 2012 chez l’éditeur French Eyes

(1) C’est aussi dans ce système que Ridley Scott placera la planète sur laquelle se trouve le vaisseau spatial écrasé du film Alien, l’espace est petit décidément…

(2) Alors oui, comme vous pouvez le constater avec ce petit historique, j’ai été passionné de paranormal quand j’étais plus jeune, j’ai eu ma période X-Files et tout ça mais aujourd’hui, je n’en ai strictement plus rien à faire (en restant poli) et je trouve même les passionnés de ce genre de chose totalement stupides. Mais bon c’est comme beaucoup de choses qui m’intéressait avant, j’ai des restes…

Note de l’auteur : J’ai vraiment eu du mal à trouver des illustrations pour cet article, en effet Grey est un comic de tout ce qu’il y a de plus indépendant et les seules illustrations disponibles que j’ai trouvé sont celles de la preview distribuée par l’éditeur… Heureusement, la bande-annonce visible plus haut est un peu plus parlante et donne une meilleure idée du contenu du livre. Ça m’apprendra à vouloir faire découvrir des trucs méconnus tiens  ! La prochaine fois je fais dans l’original : Je parle de Walking Dead  !


Nan, je déconne.

2 commentaires sur “Les jeudis de l’angoisse (des comics) #5

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  1. Je l’ai pris, il y a un petit moment ce Grey, je n’ai toujours pas eu l’occasion de me lancer dedans, mais je t’avoue Julien que tu m’as vraiment donné envie!

    Après j’avoue que visuellement pour moi, c’est un peu un frein quand même, mais si tu dis que cela appuie encore plus l’histoire, alors je me dis qu’il va falloir pousser plus!

  2. Merci pour cet excellent article. Tu m’as donné envie de le lire. Comme la dis ComicsOvore juste avant moi, le style graphique n’est pas trop ma tasse de thé mais si l’histoire est génial, je pourrais passer outre! 🙂

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