« Je ne vois aucune différence entre les hommes et les femmes, sinon que ces dernières portent la jupe. »
Général Spaatz
Au delà du fait que le premier volet de Captain America sorti en 2011 soit le film estampillé Marvel que je préfère à ce jour grâce principalement au fait qu’il se déroule dans le passé et qu’il possède ainsi une certaine authenticité vis à vis du matériau de base (ce que les autres adaptations n’ont pas réussi à atteindre), la présence et l’importance de Peggy Carter interprétée par la talentueuse Hayley Atwell n’était évidemment pas étrangère à ma bonne appréciation du film.
L’initiative pour le moins culottée de vouloir développer en premier lieu un court-métrage puis une série autour d’elle fut pendant longtemps un rêve dont je n’osais trop croire et dont je suivais par conséquent d’assez loin la mise en oeuvre.
Comment Marvel allait-il réussir à imposer ce projet si particulier alors que d’autres s’y étaient déjà cassé les dents avec des héroïnes largement plus connues qu’elle ? A vrai dire, cela reste encore pour moi un mystère. Mais le fait est que cette série existe désormais bel et bien, et qu’elle est une franche réussite pour de nombreuses raisons que je vais prendre le temps de développer ici.
Diffusée donc depuis le début de l’année sur ABC et amenant à travers elle un souffle féministe des plus salvateurs compte tenu de l’hégémonie des super héros masculins adaptés au cinéma et à la télévision, la série Marvel’s Agent Carter nous rappelle en premier lieu à quel point le rôle des femmes fut essentiel et déterminant pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Peggy Carter fait en effet partie de toutes ces femmes qui ont participé à l’effort de guerre et remplacé pendant un temps les hommes partis au front en étant employées dans l’agriculture, l’industrie, l’armement ou le commerce, mais en servant également leur pays au sein de l’armée dans des postes d’administration, d’intendance, de communication, de transport, ou de défense anti-aérienne.
L’un des symboles féminins de cette époque est la fameuse Rosie la Riveteuse, mais si Peggy avait réellement existé, elle aurait sans nul doute appartenu au fameux Women’s Army Corps (WAC pour l’armée de terre et ses autres dérivés WAVE pour la marine et WASP pour l’aviation) autrement dit les corps d’auxiliaires féminines de l’armée américaine créés le 14 mai 1942 suite à un vote du Congrès et bon nombre de réticences de voir des femmes obtenir une place déterminante dans le conflit ainsi qu’une possibilité d’émancipation sociale durant et au terme de celui-ci.
Ce sont près de 140.000 femmes qui vont s’engager volontairement dans le WAC (sans compter 86.000 WAVES employées à terre et 19.000 rattachées à la mer) occupant des postes dans les bases navales, états-majors, ministères à Washington et constituant 55% des effectifs.
Mais Peggy Carter est une femme de terrain. Et à l’image de toutes ces aviatrices qui ont dû suivre un véritable parcours du combattant face au sexisme des examinateurs et pairs masculins pour parvenir à piloter un B29 Superfortress, notre héroïne ne peut se contenter d’occuper un poste de standardiste ou de secrétaire, elle sera un agent au sein du Strategic Scientific Reserve, sans doute l’un des meilleurs.
Cette volonté d’être l’égale de l’homme dans un contexte historique des plus difficiles et pourtant source d’opportunité peut être perçue à la fois comme une idéologie progressiste sur le statut des femmes de sa génération qu’une pression constante que Carter n’aura de cesse que de s’infliger à elle-même.
Et c’est sans doute ici que bat le cœur de cette série, que faire lorsque l’on vous fait comprendre que votre rôle est de retourner au bas de l’échelle sociale en tant que femme au foyer alors que vous avez consacré une partie de votre vie (et excellé dans ce domaine) à servir votre pays.
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Peggy Carter est à l’image de toutes ces combattantes de la liberté qui avaient fait la joie des lecteurs (Phantom Lady, Miss America, Liberty Belle, Miss Victory, Spider Widow…), et qui vont rapidement tomber en désuétude au profit d’héroïnes plus conformes aux diktats de l’époque (avant Wonder Woman poutrait du nazi, dorénavant elle sera secrétaire pour la Justice League) et autres poupées et demoiselles en détresse issues des Romance Comics.
Son nouvel ennemi est à l’instar de l’Hydra, à la fois omniprésent, silencieux et aux ramifications tentaculaires : c’est le machisme dégoulinant et condescendant qui va polluer les institutions et les médias de l’époque, jusque dans les Dinner et les foyers de jeunes travailleuses.
Il serait également dommage de ne pas faire allusion à l’intrigue principale où l’on retrouve un Howard Stark accusé de vente d’armes illicite par le S.S.R. et qui va demander l’aide de notre héroïne, obligée de jouer les agents doubles et assistée pour ce faire par l’impeccable Jarvis interprété par James D’Arcy. Le tandem fonctionne à merveille et les rôles sont inversés, avec une femme de terrain au cœur de l’action secondée par un majordome à la fois précieux et énigmatique.
Les scènes de bagarre sont nombreuses et montrent avec réalisme qu’une femme peut envoyer des marrons avec autant d’efficacité que n’importe quel agent du gouvernement. Hayley Atwell interprète son personnage avec une très grande justesse, tout en demi- teinte entre la détermination et la fragilité. Sans oublier cette atmosphère qui donnait au film Captain America The First Avenger une si belle empreinte.
Pour le moment trois épisodes ont été diffusés, le prochain étant prévu pour le 27 janvier il n’est pas trop tard pour prendre le train en marche, Marvel’s Agent Carter étant pour moi vous l’aurez compris une excellente surprise, il serait vraiment dommage de passer à côté.
La série nous montre en effet la période où les femmes doivent retourner bien gentiment dans leurs cuisines, que ce soit Colleen, la colocataire de Peggy menacée d’être renvoyée de l’usine, Angie la serveuse qui vit dans cet hôtel parmi toutes ces femmes travailleuses, ou Peggy que ses supérieurs aimeraient bien renvoyer au rang de secrétaire. Je ne m’attendais pas à une plongée si poignante dans la condition des femmes après-guerre. Une scène m’a particulièrement touchée: l’interview que Peggy passe afin d’obtenir un appartement, et le fait qu’elle ait due dire que son travail était temporaire, le temps de « trouver un mari ».
Une autre chose que j’ai beaucoup aimé est l’amitié entre Angie et Peggy. Des femmes non rivales, qui s’entraident même, et dont la relation ne tourne pas autour d’un homme, je trouve ça important.
Tu as aussi très bien souligné le renversement des rôles entre Peggy et Jarvis. La scène où Jarvis lui reproche de repousser ceux qui veulent l’aider parce qu’elle a peur de leur faire du mal m’a marqué notamment. (cf cette analyse sur tumblr http://brocanteur.tumblr.com/post/107419620684/there-is-not-a-man-or-woman-no-matter-how-fit-he
Merci pour cette excellente review. ça fait un certain temps que j’attends avec enthousiasme cette série, ayant moi aussi beaucoup apprécié ce personnage dans le premier film Captain America. Il ne me reste plus qu’à regarder à présent 🙂
Je constate aussi avec plaisir que je ne suis pas la seule à avoir apprécié le premier Captain America quand beaucoup d’autres l’ont trouvé ennuyeux ou sans grand intérêt sans que je comprenne trop pourquoi…
Les spectateurs souhaitaient peut être plus d’action et de combats épiques à l’instar de Thor sorti un peu plus tôt la même année… Alors qu’il s’attarde beaucoup sur le personnage de Steve Rogers et prend le temps d’explorer sa transition, autant physique que psychologique. + d’humain – de baston, si l’on rajoute à cela que le film se déroule à une époque quasi inconnue auprès du jeune public et extrêmement peu exploitée dans un blockbuster, en tout cas je n’en ai pas le souvenir depuis Indiana Jones, oui beaucoup sont passés à côté c’est certain.
Ce film m’a plu justement parce qu’il a pris son temps et qu’il traite d’une époque où l’exploitation de l’image du héros est des plus intéressantes.
Tiens, j’en profite pour filer le lien de l’émission Comics Bazar #8 qui a eu la bonne idée d’interviewer lors de la PCE mon copain Vincent Solans qui a tenu une conférence sur les super héros et la Seconde Guerre Mondiale : https://soundcloud.com/radioplusfm/comics-bazar-8-interview-de-vincent-solans
Thor c’est un peu naze quand même XD
Cap’ c’est un perso épique, donc effectivement un peu dommage que certaines scènes ne le soient pas ou alors très courte…
Mais en effet le perso est bien présenté , enfin super review en tout cas comme dit ce matin !
Ce que j’ai aimé également dans le premier film sur Captain America est que l’histoire du personnage ainsi que sa personnalité étaient bien développées. Le contexte, la seconde guerre mondiale, était un plus également car apportait un peu d’originalité et de fraîcheur à l’ensemble. Je trouve que les scènes d’action étaient suffisantes pour ma part mais bon…