Bon alors, puisqu’on m’a demandé de faire une critique sérieuse des deux premiers numéros de Wonder Woman élaborés par le couple Finch (mais je ne peux tout de même rien vous promettre, parce que vraiment, je préfère rire de certaines choses que d’en pleurer. Non mais oh, je ne vais pas passer mon temps à chouiner quand même !), voici mon décorticage de cette nouvelle version de l’Amazone.
Wonder Woman #36
Laissée sous la responsabilité d’un dessinateur que l’on connait pour son talent indéniable… et sa représentation des personnages féminins plus que stéréotypée, et une scénariste (son épouse) dont l’expérience ne se résume qu’à des travaux pour Zenescope (un éditeur qui sait faire dans la dentelle… ah non pardon, c’est vrai que j’ai promis de rester sérieuse, mon dieu que c’est dur), la série décide d’emblée de prendre un tout autre chemin que ses prédécesseurs (le duo Cliff Chiang/Brian Azzarello).
La scène qui nous montre le mieux cet état de fait est celle où l’on voit Diana nettoyer le sang qui recouvre son corps (nu) en prenant une douche au début du numéro, comme pour faire table rase sur le passé et nettoyer la vision souvent gore et horrifique que le précédent scénariste avait pour habitude d’avoir.
Voilà, maintenant que Wonder Woman est toute propre on peut passer aux choses sérieuses.
Dans la scène d’ouverture il est aussi question d’eau, symbole de pureté donc, et ici évoquée comme source de joie et de fertilité mais surtout annonciatrice du Déluge ou des pluies torrentielles viennent inonder des villages entiers sous l’œil d’un mystérieux protagoniste observé de loin par Swamp Thing. Cette scène est efficace, surement parce qu’elle est au final la plus simplement élaborée de tout le numéro.
Vient donc ensuite cette scène de la douche, d’une sobriété qui toutefois étonne quand même un peu lorsque l’on connait la facilité qu’a l’artiste pour représenter certaines héroïnes (bon, je vais pas en remettre une couche, on va essayer d’avance un petit peu), et là justement tout passe à merveille. A ce stade du numéro, et malgré une couverture ou notre fière amazone s’est sûrement fait un tour de rein et ressemble à une gamine de 16 ans, je suis agréablement surprise. Un autre point intéressant qui concerne l’intrigue en elle même, Diana s’attarde sur une photo où elle est accompagnée d’une petite fille, une amazone comme elle (à moins que ce soit elle et sa mère qui sont représentées, c’est très difficile à dire).
Nous sommes ensuite propulsé sur l’île de Themyscira, où les amazones se crêpent le chignon, certaines estimant que Diana n’est pas une bonne souveraine et refusant de cohabiter avec leurs progénitures masculines. Ici encore les amazones sont évoquées comme de vraies morues sans cœur, ça commence à bien faire. Il devrait peut être y avoir une nuance entre la guerrière de la mythologie et la furie emasculatrice limite fasciste. On remarque aussi une vieille femme encapuchonnée et au nez crochu sortie tout droit de Blanche Neige et les Sept nains… deux scénarios écrits pour Zenescope, ça ne laisse pas indemne.
La scène suivante est une splash page avec la Justice League au grand complet et j’ai rarement vu autant de protagonistes aussi figés (qui a dit constipés ?) et inexpressifs sur une seule page. Il n’y a aucune émotion, les regards sont vides et absents et on a vraiment l’impression que Finch s’est amusé à dessiner des figurines en plastique disposées les unes à côté des autres (comme celles que j’ai sur mon bureau, ça saute aux yeux). Ici encore, Wonder Woman ressemble à une poupée que l’on croise à la sortie du lycée. Un autre détail qui m’a choqué, il n’y a aucune interaction en elle et Superman. Il se sont pas censés être en couple ces deux là ? En tout cas dans ce numéro c’est l’hôtel des cul tournés.
Alors oui tout ça manque un peu d’action, heureusement que Swamp Thing débarque (celui-ci au passage est superbement illustré, c’est un régal de voir l’artiste s’exprimer sur ce genre de créatures, et c’est vraiment sur ce genre de personnages que David Finch excelle), car avant de poser toute question Diana décide de lui donner quelques savates, car après tout elle est la déesse de la guerre, donc on cogne d’abord, on discutera après.
Cette scène véhicule aussi le trope qu’une femme se laisse toujours contrôler par ses émotions et n’est pas capable de les contenir. Ensuite, il y a cette expression complètement débile : « Vegetative Injustice » mais qu’est ce que ça veut dire au juste ? Quelques pages plus tard on a droit à un « My problem… is your problem » et là quand même je me dis qu’il va falloir s’armer de patience en attendant un prochain scénariste car précisément ici on est du niveau d’une fan fiction.
Wonder Woman qui est donc comme toutes les femmes à moitié hystériques, va se faire raisonner physiquement par Swamp Thing et ses tentacules lianes, puis psychologiquement par Aquaman, ici dépeint comme un homme plein de sagesse. Pendant cet entretien Wonder Woman est sermonnée et infantilisée à outrance jusqu’à tenir dans ses bras un ours en peluche, ce qui va à ravir avec sa tête de Baby Doll bougonne. Diana exprime ici toute sa confusion face au flot de problèmes qu’elle doit gérer en même temps, et la pénibilité de ses différents statuts…. En gros elle chouine parce qu’elle est débordée et qu’elle a un emploi du temps de malade (non mais sérieusement, heureusement qu’elle n’a pas de gosse, qu’est-ce que ça serait) ! Alors oui bien sur cette scène permet grossièrement aux nouveaux lecteurs de prendre l’avion invisible en marche mais quand même ! De qui parlons-nous ici ? Si ça c’est pas du out of character je ne sais pas ce que c’est…
Le numéro se termine par la découverte de la statue d’Hippolyte complètement détruite, se débarrasser d’un personnage aussi central dans la mythologie de Wonder Woman (et déjà quasi inexistant dans le run précédent) dès le premier numéro, il fallait quand même oser.
Ce 36ème numéro est donc aussi décevant que je me l’étais imaginée, malgré quelques détails assez intéressants au niveau de l’intrigue, et un Swamp Thing parfait.
Wonder Woman #37
Avant de commencer, sachez avant toute chose que ça ne m’amuse pas, mais alors VRAIMENT pas de critiquer de façon négative ce nouveau run initié par le couple Finch le mois dernier, bien au contraire. Je préférerais bien mieux employer mon temps et ce blog à composer de belles phrases très élogieuses pour remercier leur travail sur la valorisation d’un personnage tel que Wonder Woman, en saluant leur respect des bases fondatrices (le féfé – le féffé – le féminisme – Atchoum ! Pardonnez-moi) et l’originalité de leur prise de position artistique. Malheureusement, je me sens encore obligée d’expliquer tout ce qui ne va pas dans ce numéro, malgré encore une fois deux trois choses qui m’ont plu, mais par Hera qu’il est dur d’être une fan de Wondie en ce moment…
Ce qui saute aux yeux à la lecture de ce numéro (outre le fait, comme je le disais dans la preview que c’est littéralement la fête à la carpe, avec des personnages qui passent leur temps à vouloir semble t-il gober des mouches), c’est un énorme problème de rythme et de continuité du récit, tant et si bien que j’ai voulu replacer les pages à ma manière pour gagner en fluidité car sincèrement on ne sait pas trop où Meredith Finch veut en venir, ce dont j’ai été littéralement bouche-bée.
Sans transition, on avance, on recule, comment veux-tu, comment veux-tu. L’autre gros soucis est le décalage grandissant entre le souhait honorable de la part de la scénariste de vouloir humaniser son personnage en lui donnant une palette d’émotions (mais qui s’avère assez limitée puisque là encore nous sommes à la limite de l’hystérie lors d’une interaction avec Superman), et le style complètement inexpressif de son dessinateur de mari. Faire descendre Wondie de son piédestal, c’est à dire de son statut d’héroïne quasi invincible/déesse/icône pourquoi pas, faut-il encore le faire pour les bonnes raisons et non une simple crise d’identité car personne n’y croit une seule seconde.
Je remarque aussi que lorsque Wonder Woman s’entraîne avec Superman, elle est dégoulinante de sueur alors que lui est frais comme un gardon… mais une femme qui transpire, c’est tellement plus sexy.
Un autre problème que j’avais soulevé dans l’épisode précédent, c’est la facilité que des Amazones ont à se comporter comme de véritables morues, corruptibles, crédules, et infanticides de surcroît.
Les scènes de combat sont quant à elles impeccables, David Finch est un professionnel de la mise en page dans l’action, mais malheureusement ce n’est pas suffisant pour porter un numéro dans sa totalité.
La meilleure partie de cet opus (quand on a fini de replacer les pages à leur place) est au final tout ce qui ne concerne pas Wonder Woman, ce qui est un peu ballot quand même quand on y pense. Cela comprend la présence de Derinoe, la vieille femme encapuchonnée dont les dessins se dévoilent un peu, et celle qu’elle sert appelée pour le moment « sorcière »… Son look est intéressant et a pour le moment trois fois plus de charisme que l’héroïne qui devra lui botter les fesses.
Enfin pour ce qui est de l’apparition surprise d’un personnage très apprécié par les fans de DC Comics et que l’on avait pas vu depuis l’avènement des NEW 52, cela reste un choc, autant sur le fond que sur la forme. Alors oui, celle-là on ne l’avait pas vu venir et la surprise est d’autant plus belle.
Mais cette joie passée, on est quand même bien obligé de faire le constat qu’il s’agit de la deuxième héroïne à poil que l’on s’enfade en deux numéros. Personnellement je trouve qu’elle aurait mérité meilleure retrouvailles avec sa fanbase.
Le contexte de ce retour me laisse également perplexe, non seulement le personnage sort d’un chaudron bouillonnant et fumant (on avait déjà la sorcière de Blanche Neige, la boucle est bouclée), mais le contenu de ce chaudron laisse penser que Meredith Finch a décidé de se servir en partie des origines classiques de Wonder Woman pour les octroyer à celui-ci (comme si c’était déjà pas assez compliqué comme ça). Ceci dit ce n’est pas une idée inintéressante, mais le « coucou me revoilà ! A poil ! » n’était sans doute pas la meilleure idée du mois.
Et ce come-back mine de rien, c’est quand même une p***** de prise d’otage pour tous ceux qui voulaient abandonner la série.
Je trouve que c’est un problème récurrent chez les scénaristes (tv, films etc…), sous prétexte de les rendre plus humains, les personnages féminins forts sont souvent affublés de réactions excessives ou de comportements dépressifs. Des attitudes qui exacerbent leurs failles alors que l’intention de départ est de les sublimer.
Le problème dans l’approche de Meredith Finch est que Wonder Woman subit des difficultés alors qu’elle devrait faire face à des challenges.
Pour la « photo » de Wonder Woman et d’une petite fille, je pense que le dessinateur a plutôt voulu représenter un dessin d’enfant (les têtes rondes, absence de couleur et d’ombre… et le soleil placé dans le coin en haut à gauche du dessin dans la première case où il apparaît, comme le dessine les enfants). En gros, on nous montre une petite fille fan de WW qui s’identifie à elle (elle se représente avec le même « serre-tête » – je n’ai pas le terme exact-) et qui aurait fait un dessin pour son idole.
Bravo et tellement vrai !
Cela dit, j’adore Brian Azzarello, mais sa Wonder Woman a pris progressivement ces travers déjà dans son run. Par exemple, le tome 4 VF sorti récemment n’est pas du tout centré sur elle, ne la montrant, comme tu dis, que comme une furie qui réagit au quart de tour et s’étonne ensuite.
Azzarello ne s’est jamais vraiment intéressé a WW il était plus centré sur les personnages secondaires comme les différents dieux bien plus charismatiques qu’elle d’ailleurs
Ah oui, clairement. Heureusement que c’était pas trop mal fait car finalement on avait surtout une réinvention de la mythologie grecque de nos jours.
Il se concentrait peut-être surtout sur cette modernisation de la mythologie, mais elle était bien faite et surtout nécessaire à mon sens pour mieux intégrer ces personnages au nouveau DC Universe.
David Finch est pour moi l’une des plus grosses arnaques des comics, je ne sais pas si le problème vient uniquement de ses encreurs ou si c’est lui, mais je trouve que son style régresse au fil des ans alors qu’on nous le vend comme une superstar… Ce qu’il est quand on voit sa popularité, mais celle-ci commence à être sérieusement déméritée pour moi.