VENDREDI 13
Aah, Vendredi 13 ! Toute personne qui me connaît un tant soit peu a déjà eu vent de la fascination quasi idolâtre que j’ai pour le légendaire boogeyman au masque de hockey. Il était donc inévitable que dans une tribune consacrée à l’horreur j’en profite pour revenir sur le monstrueux tueur de Crystal Lake, Jason Voorhees ! Car comme beaucoup de grandes figures du cinéma d’horreur, Jason a eu droit aux honneurs des comics, il avait donc parfaitement sa place ici (et en plus ça me permet d’en parler).
Tout d’abord même si Jason est une figure de l’horreur reconnaissable (au pire si on ne sait pas comment il s’appelle, on sait juste que « c’est le gars des films d’horreur »), je vais le présenter lui et les films dans lesquels il évolue en quelques mots.
Jason est le « héros » de la série de film d’horreur Vendredi 13 (Friday the 13th), les films Vendredi 13 sont des slashers (genre inventé par John Carpenter et son Halloween, La Nuit des Masques (1) ), un type de film d’horreur de série B/Z reposant sur un concept simple, à savoir une bande de jeunes qui va se faire tuer par un gros balaise masqué avec des armes blanches. Les slashers sont des films qui ne reposent sur pas grand chose, principalement sur le coté spectaculaire et gore des meurtres, et le charisme du tueur. Le premier Vendredi 13 sort en 1980 est et un succès phénoménal (il rapporte 72 fois sont budget initial rien qu’aux États Unis !) et devient très vite culte pour son aspect rural, transposant le concept initié par Halloween dans des sous-bois humides et surtout détonne par la brutalité de ses meurtres, dont les effets spéciaux seront signés Tom Savini, génie du gore dans les années 70/80 (on lui doit aussi ceux du génial Dawn of the Dead/Zombie de George Romero), la violence des meurtres est explicite et d’une crudité extrême (elle fut même qualifiée de pornographique lors de la sortie du film, qui fut largement censuré), rajouté à cela une bande son glaçante et mystérieuse composée par Harry Manfedini (spécialiste des bandes originales de films d’horreur) dont le thème principal et ses fameux chuchotements incompréhensibles sur des violons déchaînés, restera aussi indissociable des films que son protagoniste et vous obtenez une formule gagnante, le public ne s’y trompera d’ailleurs pas : Vendredi 13 devient instantanément un classique parmi les amateurs d’horreur et propulse Jason comme figure emblématique du genre (2).
Néanmoins Jason n’apparaît réellement que dans le second film, et n’obtiendra son immense popularité qu’à partir du troisième dans lequel il obtiendra son masque de hockey et sa machette, accessoires depuis indissociables du personnage.
Bande annonce (Version originale) du premier Vendredi 13
Jason c’est donc le malabar avec un masque qui trucide des gens dans les bois, mais qui est-il vraiment, qui se cache derrière le masque ?
Jason Voorhees donc est né avec une déformation faciale et un gros retard mental. Jason, alors enfant, trouva la mort en se noyant dans le lac à proximité de la colonie de vacances dans laquelle sa mère travaillait en tant que cuisinière. Cette dernière, convaincue que c’était de la faute des moniteurs, en massacra deux à coups de couteau, provoquant la fermeture de la colonie. Quelques années plus tard, alors qu’on tenta de rouvrir la colonie, Madame Voorhees refit surface et massacra la quasi totalité des nouveaux moniteurs. La seule survivante réussi à décapiter la mère vengeresse avec une machette, mettant fin au massacre dit de « La nuit du Vendredi 13 ». Mais une légende parmi les autochtones se répandit peu après parlant d’un homme sauvage hantant les bois aux alentours du lac, cet homme serait en fait Jason qui aurait survécu et se cacherait dans les bois, traumatisé d’avoir assisté à la décapitation de sa mère. La légende finira par devenir réalité lorsque plusieurs fois, des meurtres brutaux furent perpétrés aux alentours du lac et imputés à Jason. La folie meurtrière de Jason prit fin lorsque Tommy Jarvis, un jeune garçon habitant non loin du lac maudit mit Jason hors d’état de nuire une bonne fois pour toute en le frappant mortellement à coups de machette. Mais les légendes ont la dent dure et Jason resta bien présent dans les esprits. Quelques années après sa mort avérée, les meurtres recommencèrent, encore plus brutaux, sans que Jason n’en fut tenu directement responsable car même si les survivants des différents massacres le désignèrent comme le tueur, il ne fut jamais appréhendé et demeura à chaque fois introuvable…
Contrairement à son homologue et modèle des films Halloween, Michael Myers, qui cultivait un certain mystère sur les motivations et le passif de son tueur (3), la série des Vendredi 13 dispense donc une sorte de mythologie plus explicite.
Jason est donc un personnage énigmatique, personnification du mythe de l’homme des bois, il a su se tailler à coup de machette une place au panthéon de l’horreur avec douze films (dont un crossover avec un autre boogeyman de l’horreur, Freddy Krueger) et une ribambelle de produits dérivées, dont des comics et ça tombe bien, puisque c’est de cela dont il est justement question dans cette rubrique.
La première apparition en comics de Jason se fera chez l’éphémère éditeur Topps Comics dans l’adaptation du film Jason Goes To Hell, comics d’une piètre qualité d’ailleurs… Heureusement deux ans plus tard, il sera mieux loti lors d’un crossover dans lequel il croisera les texans cannibales de Massacre à la Tronçonneuse. Comics d’horreur particulièrement gore écrit par Nancy Collins, dessiné par Jeff Butler et avec des couvertures de Simon Bisley, Jason Vs Leatherface est une franche réussite, il se peut donc que j’y revienne très certainement un jour dans cette rubrique.
Suite à l’arrêt du label comics de Topps, la licence échoue chez Avatar Press qui fera de Jason le « héros » d’une multitude de mini séries et one-shots à la qualité plus que variable (4). La licence change une nouvelle fois de main et arrive chez Wildstorm en 2007 et c’est à une des mini-séries publiées chez cet éditeur que nous allons nous intéresser aujourd’hui.
Intitulé sobrement Vendredi 13, cette mini-série est confiée à Justin Gray et Jimmy Palmiotti, deux habitués des comics à licence et là où les comics publiés par Avatar ont souvent joué sur la surenchère de gore (spécialité de l’éditeur) et les scénarios un peu extravagant (Jason a même affronté son double d’une autre dimension…), les deux compères vont au contraire décider de revenir à la base du mythe, à savoir le mystérieux homme des bois masqué massacreur d’adolescents fornicateurs et fumeurs de joints. La trame est donc calquée sur celle des premiers films : Un groupe d’amis se rend aux alentours du lac pour une nouvelle fois tenter de rouvrir la fameuse colonie de vacances, grand mal leur en prendra puisque Jason veille au grain et ne supporte pas que l’on empiète sur son territoire. Un jeu de massacre va alors se mettre en place, Jason assassinant un à un les imprudents, rien de très original donc… Et pourtant.
Même si le scénario reprend à la lettre le schéma des premiers films, Gray et Palmiotti vont se permettre quelques originalités assez bienvenus. Alors que les dans les films Jason est montré comme une armoire à glace monolithique, il est ici représenté comme un être presque surnaturel, apparaissant et disparaissant à des endroits très éloignés en une fraction de seconde, le rendant donc encore plus insaisissable et imprévisible.
Certaines scènes et passages bien trouvés et inédits dans les films sont également de la partie, comme cette vision de Crystal Lake hanté par les victimes de Jason ou une série de flash-backs expliquant que le lac est baptisé de sang depuis bien avant la venu de Jason et que ce dernier n’est en fait que l’un des représentants de la malédiction du lac (ce flash-back sera d’ailleurs plus longuement expliqué dans la mini série en deux parties intitulée Friday the 13th :Bad Land).
L’autre différence notable avec ses cousins filmés est que ce comics nous présente des protagonistes / victimes bien moins antipathiques que les sempiternels abrutis tout juste bons à être trucidés que l’on voit dans les films (surtout à partir du cinquième), les personnages y sont bien moins idiots et donc plus attachants. Le fait que ce soit un comic implique également que la plupart des poncifs des films de la série sont soit détournés soit amenés différemment, lui conférant donc un coté imprévisible et donc un certain suspense. L’apothéose sera la course poursuite finale entre Jason et la dernière survivante, éprouvante et aussi bien physiquement que psychologiquement pour la malheureuse face à un Jason impitoyable et invincible.
Aux dessins on a Adam Archer qui offre une prestation honorable, notamment dans la reproduction des lieux (très fidèles à ceux vus dans les films), les détails des meurtres (aucunes viscères n’y échappent) et surtout dans sa représentation de Jason, toujours montré menaçant et baigné dans l’ombre. Rajouté à cela un des passages obligés de la série Vendredi 13 à savoir les boobs, et l’aspect visuel est franchement sympathique, du bon boulot.
Même si, et je le répète encore, dans le fond cette bande dessinée ne fait que reprendre le schéma narratif des premiers films, elle le fait de manière respectueuse et originale en y ajoutant des éléments inédits et étoffant ainsi par la même occasion l’histoire et l’univers du tueur au masque de hockey. Une lecture horrifique qui ne révolutionne certes pas le genre mais se laisse agréablement lire, un peu comme on regarde et apprécie un film d’horreur de série B en fait !
Contrairement aux films, les comics Vendredi 13 peuvent se permettre plus de liberté, d’une part pour des raisons évidentes de budget et pour la relative liberté que laisse le format. Même si j’adore les films Vendredi 13, je suis le premier à reconnaître que c’est tout le temps la même chose et que les rares moments où certains réalisateurs on tenté quelque chose d’original (Jason va En Enfer, Jason X ou encore Freddy Vs Jason), le retour de bâton a été cinglant de la part des fans. On se retrouve dans Vendredi 13 avec les mêmes problèmes que certains films « anciens » desquels des suites ou remakes sont sempiternellement réclamés et une fois qu’ils arrivent sont brocardés et attaqués pour avoir changé ou avoir tenté d’innover le concept : Le meilleur exemple en ce qui concerne le sujet qui nous intéresse aujourd’hui est le remake de Vendredi 13 sorti en 2009, pâle copie sans saveur et sans aucune originalité du film original, preuve qu’un concept novateur dans les années 80 ne fonctionne plus forcément aujourd’hui.
Où je veux en venir avec cette réflexion est que personnellement, je fais parti de ces personnes qui pensent qu’un concept doit se renouveler et évoluer et qu’en ce qui concerne les films disons « datés » leur aura est peut être trop ancré dans la mémoire des fans et qu’ils sont devenus en quelque sorte intouchables. J’ai beau adorer Vendredi 13, ça fait longtemps que je n’attends plus rien de cette licence au cinéma (le remake de 2009 ayant confirmé cet état de fait) et heureusement je peux me rabattre sur les comics pour assouvir cette soif d’inédit et d’innovation. Donc si comme moi vous affectionnez une licence, particulièrement si il s’agit d’une licence horrifique, je vous conseille de vous pencher, si ce n’est pas déjà fait, sur l’univers étendu (comics et romans), vous aurez tout à y gagner et cela entretiendra votre fan-attitude de la meilleure des manières.
Vendredi 13 de Justin Gray, Jimmy Palmiotti et Adam Archer, publié en France le 27 mars 2008 chez Panini Comics dans la collection Darkside.
(1) On trouve quand même de nombreux points communs entre Halloween, La Nuit des Masques et Black Christmas de Bob Clark, sorti 4 ans auparavant, en 1974. Cette paternité du slasher à John Carpenter est donc sujette à discussion.
(2) Dans la série des petites anecdotes, c’est aussi le premier film de l’acteur Kevin Bacon.
(3) Dans le cas des films Halloween et son tueur Michael Myers, il faudra attendre 2007 et le remake de Rob Zombie pour enfin avoir une explication aux agissements et motivations du tueur.
(4) Si on exclu un rapide caméo dans la mini série Satan’s Six, toujours chez Topps Comics
Bon, c’est bien, j’ai appris une chose aujourd’hui, je n’achèterais pas de comics Vendredi 13!
Par contre, chapeau bas le rédacteur pour ce dossier sanguinolent à souhait!
En fait il y en a des plus intéressant que celui-ci, mais j’ai choisi celui-ci car il est sorti en VF (C’est d’ailleurs le seul…).
D’autres sont vraiment très bons, notamment Pamela’s Tale, qui brosse un portrait à la fois sensible et cruel de la mère de Jason, de son passé de femme battue, en passant par la naissance de Jason et enfin la longue descente aux enfers qui la mènera jusqu’à sa folie meurtrière lors de la nuit du Vendredi 13.
Bad Land aussi (Cité dans l’article), qui raconte l’histoire du lac et son baptême du sang, à la fois original et d’un dramatisme presque émouvant. Même certains one shots sont très intéressants comme The Abuser and the Abused qui se moque gentiment des « fans » de Jason (Et brocarde gentiment la série Hack/Slash) ou How I Spent My Summer Vacation, portrait acerbe de la violence des enfants envers ceux qui sont « différents ».
Quand j’écris un article, je m’arrange pour que ce dont je parle soit accessible, hors en parlant de VO, je m’exclue d’emblée une partie des lecteurs, c’est pourquoi je préfère parler de ce qui est facilement disponible pour le plus grand monde et comme nous sommes en France, ça passe par la VF, même si le matériel n’est pas ce qu’il y a de plus excitant.