The Unforgiving, le concept album vu par Julien Lordinator

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Musique et comics sont deux médias assez liés, se renvoyant la balle régulièrement de façon plus ou moins appuyée. Entre les références musicales disséminées par-ci par-là dans divers séries, les jaquettes d’albums dessinées par des artistes de comics et l’incursion de musiciens et artistes dans le monde des comics, les interactions sont nombreuses  : On pense notamment aux multiples comics issus du groupe Kiss, à Rob Zombie et ses comics d’horreur, Gerard Way du groupe My Chemical Romance et son excellent Umbrella Academy et plus récemment le très bon Orchid de Tom Morello, guitariste du groupe Rage Against The Machine (Je pourrais également parler du jouissif Eternal Descent et son lot de caméos de la scène métal américaine, mais qui sait, comme l’héroïne est une fille, j’y reviendrai sûrement plus tard !).

Mais ces incursions se font de façon unilatérale, l’un allant vers l’autre sans jamais empiéter de façon explicite sur le domaine de l’autre.
Donc quand en décembre 2010 le groupe de métal symphonique hollandais Within Temptation annonce que son prochain album sera un projet étalé sur trois médias, musique, courts métrages et comics, mon petit cœur de fan de comics et dudit groupe se mit à battre la chamade !
Aujourd’hui le groupe vient de sortir son nouvel album, le projet The Unforgiving a été mené jusqu’à son terme et j’en ai suivi avec avidité chaque développement, retour donc sur un projet aussi original qu’ambitieux.

I.   Genèse

L’histoire :

« Une puissante médium, Mother Maiden, recrute des âmes perdues pour faire partie d’une force de frappe destinée à combattre le mal sous toute ses formes. Elles portent toutes une culpabilité spécifique venant de quelque chose qu’elles ont fait dans leur vie. Mother Maiden leur offre l’opportunité de « Faire le bien sur ce qui est mal » en leur donnant pour mission de traquer le mal, une pénitence pour leurs péchés passés. »

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Mother Maiden

Comics :

« Cet album concept est basé sur série de comic-books, écrit par Steven O’Connell (Auteur des comics BloodRayne et Dark 48). Le dessinateur Romano Molenaar (Witchblade, The Darkness et X-Men) dessinera le tout. Les comics seront disponibles durant l’année 2011. Le prequel et Pennance, la première partie du comic, sont déjà disponibles.  »

Le préquel publié sur le site

Musique :

« Le cinquième album studio du groupe est basé sur l’histoire du comic The Unforgiving.
Sur cet album, nous avons pris une orientation totalement différente. Chaque chanson de l’album a été écrite par rapport à l’histoire de Steven (O’Connell).
Les personnages principaux du comic reflètent les personnages de nos chansons. Le concept nous a motivé et nous a donné de l’inspiration et une nouvelle approche de notre son. Cela nous a permis de composer certaines de nos meilleures chansons.
Nous sommes de grands fans de comics depuis notre enfance. Avec cet album nous pensons que le temps était venu pour nous de franchir une nouvelle étape dans notre processus créatif, d’aller plus loin et d’élargir notre horizon.
En suivant le concept de l’album, les chansons sont plus diversifiées qu’avant. De plus, la musique des années 80, époque à laquelle nous avons commencé à lire des comics, nous a beaucoup influencé et laissé une marque sur notre nouveau son.
Pour ce nouvel album nous avons travaillé avec un nouveau producteur : Daniel Gibson. Daniel avait aussi travaillé sur les album The Silent Force et The Heart of Everything. »

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 Films :

« En plus des comics et de l’album, trois courts métrages ont été réalisés. Ces films donnent encore plus de profondeur au concept de The Unforgiving et sont basés sur l’histoire du comic, les personnages sont incarnés par des acteurs.
Chaque film est suivi d’une performance du groupe qui, ensemble, forment un conte sombre parlant de la vie, l’amour, la revanche, la haine et les regrets. Le premier film, titré Mother Maiden, accompagne la vidéo de notre premier single, Faster, introduisant les personnages principaux de l’histoire. Le second film, titré Sinéad, raconte l’histoire du personnage évoqué dans le second single du même nom, enfin, le troisième film, Triplets est un complément du single Shot In The Dark.  »

 10 L’un des Triplés

Voici de quelle façon était présentée le concept The Unforgiving sur le site internet du groupe juste avant la sortie du premier single, Faster. De plus, le site publiait également une histoire courte en bande dessinée, servant de préquel au comic.

Tout ça c’est bien beau, mais quand on est vraiment fan, on aime creuser un peu plus les sujets et au travers de quelques interviews, ont découvrait quelques petites choses intéressantes. Alors certes, le concept est séduisant mais l’intention première du groupe n’était apparemment pas de croiser trois médias. Ainsi dans une interview ultérieure, le groupe confiait avoir eu pour première idée de composer la musique d’un film mais que les impératifs de production du monde du cinéma ne correspondait pas aux attentes du groupe : La sortie de l’album était prévue l’année suivante et si un problème de production survenait et repoussait la sortie du film, le groupe ne pouvait pas se permettre d’attendre (1).
Le seul vestige de cette première idée sera le clip de la chanson Where Is The Edge, qui servira de thème principal au film Me and Mr Jones on Natalee-Island.

Le clip de Where is the Edge, utilisant des extraits du film  Me and Mr Jones on Natalee-Island

L’idée de la bande originale de film écartée, le groupe approche alors Steven O’Connell, qu’ils ont précédemment croisé lors de leur collaboration sur le jeu vidéo The Chronicles of Spellborn. En effet, Steven O’Connell avait développé l’histoire du jeu vidéo et le groupe avait collaboré en signant le thème principal du jeu (The Howling, de l’album The Heart of Everything). Au départ, O’Connell leur suggère une histoire très typée héroïc-fantasy, en rapport avec la musique des précédents albums du groupe. Mais le groupe n’aime pas l’idée et lui suggère une approche plus mature, O’Connell revoit sa copie, et revient avec une idée complètement différente, celle de personnes ayant fait de mauvais choix, pas parce qu’ils sont mauvais, mais parce qu’ils ont pris de mauvaises décisions. Séduit par l’idée, le groupe approuve et O’Connell s’attelle à l’écriture de l’histoire.
L’écriture se fait alors en collaboration entre O’Connell et le groupe, l’un suggérant des idées tout en s’adaptant au choix de l’autre : Par exemple le personnage de Sinéad fut tout d’abord pensé comme étant une sud-américaine nommée Maya, la chanson ayant déjà été partiellement enregistrée, le personnage sera renommé Sinéad et deviendra irlandaise.
Pour la partie dessins, c’est donc l’artiste néerlandais Romano Molenaar qui s’en charge. Molenaar n’est pas un débutant : Il fait ses débuts chez Chaos ! Comics sur la série Lady Death (Et son spin-of, Puragtori), il enchaîne sur une mini série The Tenth chez Image et dessine de nombreux récits pour Top Cow notamment Witchblade, The Darkness et l’intégrale de la mini-série Cursed.
Il dessine actuellement la série Birds of Prey chez DC Comics. Autant dire que c’est un artiste aguerri qui se charge de cette partie du travail, ce qui est plutôt rassurant.

Deux crayonnés réalisés par Molenaar pour The Unforgiving

En ce qui concerne les courts-métrages, tournés en parallèle des clips du groupe par le même réalisateur, le groupe voulu dès le départ tourner des clips en rapport direct avec l’histoire du comic, poussant le concept jusqu’à livrer des versions de leurs clips précédés ou accompagnés de chaque court-métrage : Ainsi, le clip de Faster débute par une présentation de Mother Maiden et ses soldats, Sinéad et les Triplets.
Le second clip, Sinéad, se voit accompagner d’un court-métrage dévoilant le passé de cette mystérieuse jeune femme et le clip la montre durant une de ces missions punitive.
Enfin, le dernier clip Shot In The Dark est diffusé simultanément avec le court-métrage consacré aux origines des Triplets, trois petits garçons aux ordres de Mother Maiden.
Les courts-métrages sont donc de parfaits compléments, livrant les origines des personnages vus dans le comic.

II.   Within Temptation, un groupe pas comme les autres

Depuis le début, je vous parle d’un groupe appelé Within Temptation, mais je suis quasiment certain que la plupart des gens qui lisent cet article n’en ont jamais entendu parler… En tant que fan hardcore de ce groupe, je vais vous les présenter en essayant de ne pas m’emballer de trop.
Within Temptation est un groupe de métal symphonique originaire de Hollande, pour faire court et simple, le métal symphonique est un mélange de musique métal et de musique classique, généralement avec une femme aux chants, ce qui est le cas ici.
Within Temptation donc est un groupe fondé par un couple dans la vie, Robert Westerholtz et Sharon Den Adel, respectivement le compositeur, guitariste occasionnel et co-parolier du groupe, sa femme Sharon quand à elle est chanteuse et co-écrit les paroles avec son mari. Les autres membres actuels du groupe sont Jeroen Van Veen, bassiste et membre historique du groupe (En plus de Robert et Sharon, c’est le seul à être membre depuis les tout débuts du groupe), Ruud Jolie, premier guitariste, Martijn Spierenburg, claviers, Mike Coolen, batteur et enfin Stefan Helleblad, second guitariste.

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Le groupe au grand complet dans sa formation actuelle

Le groupe commence sa carrière en 1996 et sort son premier album, Enter. Ce premier album (Et le mini-album qui suivra, The Dance) est assez sombre, très gothique et plus proche d’une ambiance doom-métal (Un style de métal sombre aux sonorités « lourdes »). Les deux albums obtiennent un petit succès parmi les amateurs de métal et les critiques sont plutôt encourageantes, ce qui motive leur producteur, DSFA, à produire un nouvel album. C’est donc en 2000 que sort Mother Earth et son premier single, Ice Queen. L’album, clairement orienté métal symphonique, est un énorme succès, principalement au Benelux et en Allemagne. Le single de Ice Queen se classera second des ventes de disques en Hollande et troisième en Belgique. Leur second single, Mother Earth, suivra la même voie, atteignant la quatorzième place des ventes en Allemagne, fait très rare pour un groupe de métal à cette époque (2).

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Jaquette de Mother Earth

En quelques années, Within Temptation devient un des groupes majeurs et emblématiques du genre métal symphonique, avec les finlandais de Nightwish.
Leur succès se confirmera avec la sortie en 2004 de leur second album, The Silent Force, dont le succès planétaire (L’album est même distribué aux États-Unis) confirmera leur talent.
Suivra les albums The Heart of Everything (2007) et donc The Unforgiving en 2011.
L’un des points d’orgue de leur carrière musicale sera  le concert Black Symphony en 2008, un concert gigantesque que le groupe donnera accompagné d’un orchestre philharmonique et d’une chorale, devant plus de 10 000 spectateurs.

III.   Le concept The Unforgiving

Comme expliqué plus haut, The Unforgiving est donc un concept reposant sur trois médias  : Des courts métrages, un album du groupe Within Temptation et une série de comics.
Chaque média est complémentaire des deux autres, apportant chacun des éléments narratifs, voyons donc en détail ce que chaque média apporte à l’histoire et les liens entre eux.

 1.  Les courts-métrages

Au nombre de trois, ces petits films de quelques minutes se situent chronologiquement avant les événements se passant dans le comic et introduisent les personnages, révélant leurs origines et leurs motivations.
Le premier court-métrage est consacré à Mother Maiden, présentant la mystérieuse vieille dame et ses soldats, Sinéad et les Triplets. Dès le début le ton est donné : L’ambiance y est lourde et glauque, on peine d’ailleurs à vraiment se rendre compte si les trois personnages sont réellement bons ou mauvais, leurs exactions violentes pouvant prêter à confusion.

Le court-métrage Mother Maiden suivi du clip de Faster

Le second est consacré au personnage de Sinéad, nous relatant ses origines, son décès et sa résurrection aux mains de Mother Maiden. Le clip de la chanson du même nom que le personnage en est une suite, nous montrant Sinéad exécutant une des missions de Mother Maiden.

Le court-métrage Sinéad

Le clip de Sinéad

Enfin, le dernier court-métrage, sobrement intitulé Triplets, nous dévoilent les origines dramatiques de ces trois petits garçons. Des trois films c’est très certainement le plus dur, la thématique en étant quelque peu délicate. La fin est particulièrement surprenante, avec un twist assez inattendu.

Le court-métrage Triplets

 2.  L’album

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La jaquette de l’album, dessinée par Roman Molenaar

L’album sort donc le 25 mars 2011 et compte en tout onze titres (Plus trois titres bonus, répartis sur les singles) ainsi qu’une courte introduction nommée Why Not Me tirée directement du court-métrage Mother Maiden. Dès le début de l’album, le groupe assume et revendique donc son projet. Il en est de même pour les chansons, dès les premières paroles de Shot In The Dark, le premier titre de l’album, la filiation avec l’univers créé et évidente  :

J’ai été laissée seule comme une foutue criminelle
J’ai prié pour de l’aide car je ne peux pas tout supporter
Je ne suis pas finie,
Ce n’est pas terminé.
Maintenant je combats dans cette guerre depuis le premier jour de l’automne
Et je m’accroche désespérément à tout ce que je peux
Mais je suis perdue
Je suis foutrement perdue

Ces paroles font donc bien sûr référence au personnage de Sinéad et à son histoire.

Le clip de A Shot In The Dark

Il en est de même avec la chanson suivante, In The Middle of the Night, dont les paroles ramènent clairement au combat de Mother Maiden  :

Plus de larmes, non, car plus rien d’autre ne compte,
J’ai fermé les yeux trop longtemps.
Seule la vengeance me fera me sentir mieux,
Il n’y aura pas de repos avant que je sache que ce soit fini.
Tu as joué avec mon esprit à travers mes souhaits
Tu peux sentir que nous hantons la vérité.
Je ne sais pas pourquoi, je ne tiens plus, je perds toujours le contrôle.

D’autres passages de certaines chansons sont même des messages de certains personnages issus de l’univers The Unforgiving, ainsi dans le titre Iron, un interlude nous permet d’entendre un avertissement de Mother Maiden  :

Vous n’avez pas besoin de nous craindre,
A moins que vous n’ayez un cœur sombre
Des infâmes qui pourchassent les innocents
Je le promets
Vous ne pouvez vous cacher éternellement dans les ténèbres vides
Et nous vous mettrons dans les véritables entrailles de l’enfer.

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Je ne vais pas m’étendre sur chaque chanson de l’album (Même si l’envie ne m’en manque pas), chaque titre fait plus ou moins référence à un événement ou un personnage vu dans les courts-métrages et la mini série de comics.
La force de l’écriture de ces chansons c’est que même sorties du contexte du projet, ces paroles gardent quand même une signification : Tout en gardant en tête un projet défini, le groupe a su quand même garder une valeur symbolique à ses textes, ainsi une personne qui ne connaît pas l’existence du projet pourra sans problème apprécier les chansons.

Pour ce qui est du coté purement musical, l’album The Unforgiving marque également un changement radical dans le style de Within Temptation (Changement qui sera confirmé avec l’album suivant, Hydra, sorti début 2014). Le groupe était jusque là resté dans le style métal symphonique, et avec cet album prend un cap radicalement différent : Les sonorités sont plus rock, voir résolument aux accents pop (Le titre Sinéad) et tranche avec le style habituel du groupe. Néanmoins, les racines symphoniques sont toujours présentes, juste moins évidentes, on retrouve quand même des chœurs et des envolées de violons aux détours de certains titres (Les titres Murder et A Demon’s Fate par exemple). Pour beaucoup de vieux fans (Dont je ne fais pas parti), se sera l’album de trop, même si certaines tentatives de s’essayer à d’autres styles pouvaient le laisser présager dans certaines compositions de l’album précédent, The Heart of Everything, le changement de style musical et les thématiques abordées ayant beaucoup de mal à passer.
Cela aura un double impact sur le public du groupe : D’une part, une partie des fans historiques laisseront tomber le groupe (Ce que, personnellement, je trouve dommage) et d’autre part, cela amènera un nouveau public, souvent plus jeune et plus attiré par les sonorités moins « confidentielles » que celles du métal symphonique pur.

 3.  Les comics

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La couverture du premier numéro

En plus des courts-métrages et de l’album, une mini-série de six comics est également créée, elle est donc écrite par Steven O’Connell et dessinée en quasi-intégralité par Romano Moleenar, quasi car le numéro 4 est exceptionnellement dessiné en partie par Martin Montiel, Romano Moleenar n’ayant pas pu fournir les planches dans les temps.

Le comic raconte l’histoire du détective Beecham, une jeune femme flic tiraillée entre sa vie de famille chaotique (Elle est en plein divorce), son coéquipier un peu trop collant et son travail, plus particulièrement une enquête sur laquelle elle travaille, une mystérieuse série de morts barbares à connotation religieuse.

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Alors que l’enquête s’avère difficile, vient se rajouter à cela les soldats de Mother Maiden, plus particulièrement les Triplés, qui semblent beaucoup s’intéresser à la jeune femme. Alors que de prime abord ça ne semble pas être vraiment le cas, tous ces événements semblent être malgré tout plus ou moins liés, mais tout semble tourner autour de la jeune détective…
Je ne peux malheureusement pas en dire plus afin de ne pas trop spoiler.

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Pour ce qui est du comic, on est donc dans le plus pur style gothique-urbain dans la veine d’un Spawn, Witchblade ou The Darkness. Tout ce qui est inhérent à ce genre y est présent : Le coté policier de l’histoire, l’environnement urbain, la violence du récit  (Les dessins de Romano Molenaar y étant pour beaucoup, l’artiste ayant fait ses marques sur ce genre de récit au sein de l’éditeur Top Cow), une grosse dose de surnaturel et les multiples personnages dont on a au début un peu de mal à saisir les véritables motivations.

Heureusement tout se dévoile au fur et à mesure, chaque numéro se concluant par un retournement de situation ou une révélation, maintenant la tension jusqu’au dénouement final.

En ce qui concerne la qualité intrinsèque de la bande dessinée, je pense pouvoir être bien placé pour donner un avis car je suis fan inconditionnel de tout ce qui sort de chez Top Cow depuis la fin des années quatre-vingt dix, Witchblade et The Darkness en tête, je connaissais d’ailleurs Romano Molenaar de là (La mini-série Cursed) et très franchement, c’est assez bon.
La première chose qui frappe ce sont les dessins de Romano Molenaar, le dessinateur démontre sa maîtrise de ce genre de récit urbain, que se soit les décors travaillés, son trait haché à la Marc Silvestri et ces personnages sculpturaux, on est en présence d’un artiste n’ayant plus rien à prouver depuis longtemps dans ce genre d’histoire. Néanmoins, si au début il semble bien soigner son travail, on remarque quand même au fur et à mesure des numéros une légère baisse de la qualité. J’ai pu lui demander en personne lorsque je l’ai rencontré (Au Paris Comics Expo 2012 si je me souviens bien) la raison de cette « baisse de régime », il m’a avoué qu’il ne travaillait sur The Unforgiving qu’entre deux planches de ses autres travaux, à savoir dans un premier temps The Darkness chez Top Cow puis Birds of Prey chez DC Comics, ce qui explique pourquoi les trois quarts du numéro quatre sont dessinés par Martin Montiel, Molenaar ayant accumulé un peu de retard.
Néanmoins, visuellement c’est très réussi, l’ambiance est sombre et pesante, mystérieuse et violente, tout ce que doit être une bande dessinée de ce genre.

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L’histoire quant à elle est assez classique et on y retrouve un peu tout ce qui fait la moelle de ce genre de récit : Une héroïne, un tueur, du surnaturel, de la violence, des monstres et de la baston. Autant être franc, le récit n’est pas ce qui s’est fait de mieux dans le genre mais se laisse néanmoins parcourir avec plaisir et sans lassitude. Les personnages sont bien écrits, le détective Beecham par exemple dans son rôle de femme moderne et assez convaincant et les soldats de Mother Maiden ainsi que la susnommée sont particulièrement charismatiques.

Steven O’Connell a même eu l’intelligence de laisser des pistes et des personnages en suspens (La jeune gothique par exemple) afin de garder un peu de matière pour une éventuelle suite.
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Donc en résumé The Unforgiving version comic est une lecture sympathique, élément essentiel qui se greffe sans problème aux courts métrages et à l’album et les complètent efficacement.

IV.   Un projet ambitieux et inédit

 Vouloir mettre en parallèle trois médias était vraiment très ambitieux de la part d’un groupe comme Within Temptation et malgré les difficultés inhérentes à ce genre de projet, les protestations d’une partie de leurs fans et divers aléas, le groupe a maintenu son optique première et l’a revendiquée jusqu’au bout.

De mémoire, c’est la première fois qu’un tel projet est réalisé et mené à son terme, d’autres projets de ce type ont déjà été fait, on pense immédiatement au fameux et excellent Interstella 5555 des Daft Punk et Leiji Matsumoto ou au Comic Book Tatoo de Tori Amos et David Mack, mais là on a vraiment un projet concret réunissant trois médias différents, cohérent et complet, ce qui je pense est unique dans le domaine.
Bien sûr, Within Temptation n’ont pas les moyens des Daft Punk ni la renommée de Tori Amos mais le fait qu’un groupe méconnu du grand public comme eux prennent l’initiative de la réalisation de ce genre de projet est particulièrement admirable, beaucoup d’autres groupes ayant déjà à de nombreuses reprises déclaré aimer les comics et ayant plus de moyens qu’eux n’ont jamais franchi le pas, un groupe comme Kiss par exemple est souvent intervenu dans le milieu des comics, mais sans jamais y impliquer sa musique (3).
On se retrouve donc dans une situation symptomatique de ce genre de projet : A savoir si les fans d’un ou des médias concernés sont assez ouverts pour accepter de voir un autre milieu se pencher,  participer et apporter quelque chose.
Aux vues des  réactions très confidentielles de ce genre de projet (Qui avait déjà entendu parler du Comic Book Tatoo de Tori Amos avant d’en lire l’allusion ici ?), force est de constater que non…

(Note de la Rédactrice en chef suprême : Chouchou d’amour, oui les lecteurs de notre blog adoré ont eu l’occasion d’entendre parler de l’anthologie Comic Book Tatoo d’après la discographie de Tori Amos, si ils ont eu l’audace de lire la rubrique Who’s Who dont plusieurs artistes féminines ont participé à ce projet, telles que Kelly Sue DeConnick, Dame Darcy, Leah Moore… tiens ça me donne l’idée qu’il faut absolument que l’on parle de cet album ! ) 

Ceux qui lisent souvent mes modestes articles et critiques ici savent que j’aime finir mes modestes contributions en parlant de moi et plus particulièrement de comment j’en suis arrivé à écrire sur le sujet, et bien pour cette fois-ci… Ce sera la même chose  ! Après tout pourquoi changer les bonnes habitudes, ça semble avoir bien fonctionné jusque là.

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Within Temptation, c’est mon groupe favori, tout simplement.

Avant de les connaître je ne savais pas ce que signifiais vraiment « être fan » et avec le temps j’ai compris qu’avoir des frissons en écoutant une chanson, avoir la gorge nouée et les genoux qui tremblent par l’émotion de rencontrer l’une des personnes qu’artistiquement parlant l’on admire le plus au monde, ce n’était pas que des attitudes réservées aux midinettes fans de boys-bands opportunistes et commerciaux.
Je me suis intéressé à la musique et aux comics quasiment à la même période et mes premiers souvenirs de lecture de comics sont accompagnés de souvenirs musicaux, je lisais Witchblade en écoutant Evanescence ou Spawn en écoutant les cris stridents de Cradle of Filth.
C’est donc avec une joie très prononcée que j’ai appris la création de ce projet et que je l’ai suivi avec attention, mes deux passions allaient enfin se rencontrer, Within Temptation participant à un comic ! Un rêve inespéré… Que je fus l’un des seuls à apprécier visiblement.
Très franchement, je fus très surpris que leur initiative et leur projet n’eurent pas plus de répercussions ou de reconnaissances, autant dans la sphère musicale, l’album étant présenté comme le nouvel album de Within Temptation alors que ce n’était pas le cas (L’album a d’ailleurs divisé, certainement dû à une incompréhension de son ton et de son intention), il était surtout le fer de lance d’un projet bien plus ambitieux qui malgré le fait qu’il soit revendiqué par le groupe, était quasiment à chaque fois occulté dans les critiques et articles le concernant.
C’est un peu le même constat dans le milieu comics, dans lequel, à ma connaissance et malgré la présence d’un artiste renommé comme Romano Molenaar (4), le projet passa totalement inaperçu et qu’aucun article ni même la moindre allusion ne fut faite nul part…
On en revient à ce que je dis plus haut, est-ce que les amateurs de musique peuvent accepter qu’un autre média viennent apporter des choses et vice-versa  ?
L’avenir le dira mais j’espère que The Unforgiving ne restera pas une exception… (5)

NOTA BENE : 

(1)   Le principal « rival » musical de Within Temptation, les finlandais de Nightwish, ont de leur coté poussé leur envie de cinéma à fond et ont produit et développé un film sorti en 2012 basé sur un de leur album, Imaginaerum.

(2)   Le groupe sort également en 2003 un single inédit, Running Up That Hill, reprise d’une chanson de Kate Bush.

(3)   Je crois me souvenir aussi que les français du groupe Bérurier Noir avaient fait appel au dessinateur Reed Man pour signer tout le coté visuel de leur DVD Live L’Opéra des Loups.

(4)   Romano Molenaar continue de travailler avec le groupe : Il a dessiné la jaquette du dernier album du groupe, Hydra ainsi que le design des environnements du clip And we Run.

(5)   Visiblement non puisque le groupe américain Stone Sour à sorti récemment deux albums concepts nommés House of Gold & Bones (2012 et 2013) accompagnés d’une série de comics du même nom qui en explore l’univers.
Malheureusement et comme pour The Unforgiving, pas un mot nulle part, mais qui sait à force de multiplier ce genre d’initiative, on arrivera peut être à quelque chose.

Annexe 1 : Discographie de Within Temptation

Enter (1997)

The Dance – EP (1998)

Mother Earth (2001)

The Silent Force (2004)

The Silent Force Tour – Live (2005)

The Heart of Everything (2007)

Black Symphony – Live (2008)

An Accoustic Night at The Theatre – Live acoustique (2009)

The Unforgiving (2011)

The Q-Music Sessions – Album de reprises (2013)

Hydra (2014)

Annexe 2 : Bibliographie (Sélective) de Romano Molenaar

 The Legend of Sage (Chaos  ! Comics – 2001)

 Lady Death (Chaos  ! Comics – Différentes participations)

 The Tenth  : Resurrected(Dark Horse – 2001 / 2002)

 Witchblade (Top Cow – 2003)

 X-Men Unlimited (Marvel – 2003)

 Tomb Raider (Top Cow – 2004)

 Cursed (Top Cow – 2003 / 2004)

 Blood Rayne (Digital Webbing – 2004)

Entre 2005 et 2010, Molenaar a surtout travaillé pour Zenescope et en tant que cover artist pour de petits éditeurs

 The Unforgiving (2011 / 2012)

 The Darkness (Top Cow – 2011 / 2012)

 Detective Comics Annual (DC Comics – 2012)

 Critter (Big Dog Ink – 2013)

 Birds of Prey (DC Comics – 2012 / En cours)

 Liens utiles :

Le site du groupe : http://www.within-temptation.com/
La chaine Youtube du groupe : https://www.youtube.com/channel/UCiSQf6v-4cNmbEFdind5z2Q

Le site de Romano Molenaar : http://www.artbyromano.com/

4 commentaires sur “The Unforgiving, le concept album vu par Julien Lordinator

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  1. Je profite de cet article pour parler de ma petite histoire avec Within Temptation.
    L’année dernière si je me souviens bien, mes péripéties télévisuelles nocturnes m’amenèrent à tomber devant un concert de ce groupe.
    D’habitude je ne prête pas attention à ces rediffusions de grands festivals (ici le Mainsquare), mais là je reste un peu con devant cette femme à la robe argentée qui possède une voix carrément bien fichue. Et donc je me suis retrouvé à regarder tout le concert, appréciant la voix et la musique de Within Temptation, qui avait réussi à me submerger de sa puissance.
    Quelques jours plus tard je me suis quand même mis en quête d’en savoir plus sur ce groupe qui m’était totalement étranger (et un peu cette musique aussi d’ailleurs), mais je n’ai pas retrouvé les sensations de cette nuit musicale et j’en reste là.
    L’autre jour je vois cet article, et je me dis tiens il parle de ce fameux groupe, tiens ils ont fait un projet transmedia, c’est bien ça.
    Et aujourd’hui que m’arrive t il, je tombe nez à nez avec l’album the Unforgiving en édition collector en soldes à Carrefour, je fais le rapprochement avec l’article et donc je l’achète.
    Je suis donc maintenant dans un vrai phase de découverte, et j’ai hâte de regarder tous le contenu de cet album.
    Au passage il y a un poster dans l’album rempli de noms de fans, peut être es tu dedans Julien 😉

    Pour ce qui des exemples de projets transmedia, on a le tous récent album « The life and times of Scrooge » réalisé par le leader de Nightwish, en gros une BO pour « La jeunesse de Picsou » par Don Rosa qui a réalisé la pochette, et c’est très bon.
    Il y avait eu un projet français sur les vampires « Sable noir », alliant BD-Nouvelles-Moyens métrages, c’était fait par de nombreux auteurs mais il y avait une certaine qualité dans ce projet.
    On peut trouver d’autres collaborations BD-Musique, mais on est plus sur des collaborations plutôt que sur des projets distincts étroitement liés: L’album de Goldman « Chansons pour les pieds » illustré par Zep, Une compilation rock par Baru avec pleins de pochettes dessinées inside…

    Ps: A article long, commentaire long 🙂

    1. Bon commentaire que je n’avais pas lus à l’époque, désolé…
      En tout cas merci pour ce commentaire, ça fait plaisir d’avoir un retour positif comme le tien.
      Within Temptation est un groupe vraiment exceptionnel, méfie toi, ont deviens vite accro, je suis sûr que tu commences une longue histoire avec eux 😉

      Je connais bien évidemment, tu t’en doutes, le « The life and times of Scrooge », ce n’est d’ailleurs pas vraiment un projet transmédia, mais plus un hommage de Tuomas Holopainen à l’oeuvre de Don Rosa, les BD Disney étant très populaire en Finlande. Et oui je plussoie, cet album est un enchantement, à écouter absolument !

      Pour ce qui est des noms dans le poster de l’édition collector de The Unforgiving, j’y suis en effet : Tu n’auras aucun mal à m’y trouver, mon nom se trouve en premier !

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